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Le film était presque parfait - Page 45

  • Dossier : La planète des singes (1968) - première partie

    Un film de Franklin J. Schaffner

    6069008038_188bc19228_m.jpg10 Août 1967. Après trois mois de tournage, une dernière scène est tournée pour le prochain film de la 20th Century Fox, La planète des singes, adapté du roman à succès de Pierre Boulle. Il s'agit du prologue du film. Charlton Heston interprète Taylor, le commandant d'une expédition spatiale. Il aura son mot à dire sur beaucoup d'aspects du film, notamment sur le choix du réalisateur Franklin J. Schaffner, qu'il conseille en remplacement de J. Lee Thompson, initialement prévu ; bonne idée. Lors du tournage de la dernière scène, où Taylor ajuste les paramètres de navigation du vaisseau et enregistre un dernier message ("[…] Une question cependant : est-ce que l'homme, cette merveille de l'univers, ce paradoxe plein de gloire qui m'envoie parmi les étoiles, fait toujours la guerre à son  frère ? Affame les enfants de son voisin ?"), il se rend dans son caisson d'isolation et ne doit être tiré de son sommeil que bien plus tard. Alors que l'équipage se réveille enfin, leur barbe a poussé, témoin de l'écoulement du temps. Une autre idée de Charlton Heston, rapidement adoptée. Sauf que... leurs cheveux n'ont pas poussés ! Une petite incohérence qui ne viendra pas gâcher la magnifique aberration darwinienne qu'incarne La planète des singes : un voyage aux confins de l'espace dans lequel on ne parle malgré tout que de l'humain...

    La planète des singes, future saga parmi les plus rentables de la 20th Century Fox, faillit ne pas voir le jour : il s’avéra difficile de convaincre les exécutifs du studio, ces derniers jugeant le scénario trop fantaisiste, malgré l'implication de Charlton Heston. La science-fiction n'est pas en vogue, tout simplement, en cette deuxième moitié de décennie 60. Le succès du Voyage fantastique, en 1966, accélère les choses et La planète des singes a son feu vert. Le film devint le premier à exploiter ses personnages via un merchandising complet (affiches, t-shirts, jouets, …), bien avant Les dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) ou Star Wars (George Lucas, 1977).

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    Roddy McDowall entre deux plans


    "Les choses ne pouvant être dites par un homme politique peuvent l'être par un martien"

    Rod Serling

    Charles Eastman, puis Michael Wilson, et enfin Rod Serling se succèdent au scénario. C'est à Wilson que l'on doit la plus belle réussite de ce qui en découle, l'aspect politique et social, qui transpire du film et donne sa chair à la narration. Il ne sera pourtant pas crédité au générique, la chasse aux sorcières alors en vigueur ne faisant que peu de cas du talent des personnes qu'elle vise. La planète des singes déroule une allégorie puissante sur les rapports de classe, la dissimulation d'information capitales afin d'asseoir la domination politique, bref, entreprend de mettre au jour les travers les plus universels de l'humain, tout en proposant un spectacle jouissif à l'imagerie visionnaire. Rod Serling est familier des paraboles politiques et des allégories des sociétés civilisées. On retrouve dans La planète des singes les thèmes récurrents de sa série, La Quatrième dimension : la solitude et un paysage désolé dans Le solitaire, les hommes découvrant une autre planète et en deviennent les prisonniers dans Tous les gens sont partout semblables. Le rôle principal de cet épisode estomaquant n'est autre que Roddy McDowall, Cornélius dans La planète des singes ! C'est à Serling que l'on doit la scène finale, qui ancre définitivement le film dans les consciences, comme le sont aussi certains des meilleurs épisodes de sa série.

    Le film commence lentement, installant une atmosphère inédite dès son générique d'ouverture. La musique de Jerry Goldmith, sur fond de galaxies d'étoiles se distordant sous l'effet de la vitesse de l'aéronef, étonne. Une suite de notes sans gradation mélodique, puis des percussions, parfois rapides, parfois laissant des blancs, trace une musique atonale et sérielle, la première dans l'histoire des bandes originales à Hollywood. Belle idée, tant elle donne corps à l'étrangeté, à un ailleurs aux contours flous dissimulés du voile dont sont faits les mystères. Une fois arrivés, tant bien que mal, sur une planète aride (le vaisseau qui s'enfonce dans le lac donne l'occasion à Schaffner d’échafauder de magnifiques plans aériens, comme si des rapaces invisibles cernaient leur proie), trois astronautes progressent à travers des paysages désolés, sous le regard amer de Taylor.

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    La suite : La planète des singes - partie 2

    La planète des singes - partie 3

  • Mars Attacks ! (1996)

    Un film de Tim Burton

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    "Désintégrer des célébrités à l'aide de pistolets à rayon laser me semblait juste une idée judicieuse"

    Tim Burton par Tim Burton, de Mark Salisbury, 1999

    Quand le scénariste Jonathan Gems lui présente les cartes à jouer Mars Attacks pour en tirer un film, Tim Burton, alors mal à l'aise après le bide de Ed Wood (1994), entrevoit la possibilité de tout faire sauter, en même temps qu'adjoindre à son prochain film un humour caustique qui n'épargne pas grand monde. 

    Devant la menace d'une invasion extra-terrestre, un groupe de personnes va devoir réagir. Reporters, scientifique, promoteur immobilier, américains moyens, et bien sûr le président des États-Unis. Et ce qui saute aux yeux... est que la plupart ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Pire, il sont tous d'une crétinerie finie. Enfermés dans des archétypes (le guérillero ultra patriote, le chef des armées qui veut dynamiter tout ce qui bouge, le présentateur télé surtout soucieux de son lustre capillaire, la futile femme du président, le conseiller libidineux, etc.), ils ne sont présents que pour être atomisés en règle par une bande de martiens belliqueux. Un jeu de massacre anar à l'humour féroce. 

    Mars Attacks !, c'est aussi un casting cinq étoiles qui peut vraisemblablement concourir pour le plus prestigieux jamais vu dans un film (Sin City, de Robert Rodriguez et Frank Miller, pourrait y participer aussi). Ce défilé de stars rappelle évidemment les films-catastrophes du producteur Irwin Allen, où se côtoyaient quelques stars du moment et -surtout- d'anciennes gloires d'Hollywood. Le parallèle est amené jusque sur l'affiche du film, où les têtes s'affichent sur une bande sur la partie basse du visuel, comme c'était le cas pour L'aventure du Poséidon (Ronald Neame, 1972), La tour infernale (John Guillermin, 1974) ou encore Tremblement de terre (Mark Robson, 1974).

    De la même façon qu'on pourrait scinder la distribution entre les nouveaux (Pierce Brosnan, Natalie Portman, Jack Black) et les anciens (Nicholson, Glenn Close, Pam Grier, Jim Brown, Rod Steiger), On peut également les diviser entre les ridicules (la plupart) et ceux qui ont les égards du réalisateur -les mis à l'écart, grand cheval de bataille de Tim Burton. Ainsi, la jeune fille du président subit les événements et regarde, du lointain, la guerre que met en marche son père. On rapprochera volontiers son personnage de celui de Lydia, la jeune gothique de Beetlejuice (1988), interprétée par Winona Ryder. Son détachement des choses de la vie normale, et son contact surréaliste avec la société - sentiment partagé par Burton - est patent, comme en témoignent ses déambulations dans la Maison Blanche, interrompues par un agent de sécurité car "une visite est en cours". Elles vivent toutes deux au beau milieu d'un carnaval permanent, plus témoins qu'actrices, composant avec ce monde imposé. 

    Les vignettes s'égrennent, laissant à voir des humains pathétiques, mais avec un humour évident et communicatif. Les séquences de destruction sont jubilatoires, offrant un contrepoint parfait au patriotique Independence Day (Roland Emmerich, 1996) sorti quelques mois plus tôt -qui n'a cependant pas influé sur le film, Tim Burton confessant ne pas l'avoir vu avant. Et, si l'on peut déceler, de ci de là, un certain manque de rythme, c'est que la vocation chorale du film semble échapper à la maîtrise de Burton, signant quelques transitions d'une rare lourdeur (telles ces limousines qui passent dans les quartiers pauvres, avec à leur bord des personnages hétéroclites), il se rattrape bien dans les scènes guerrières, où chaque mouvement de foule (soucoupes volantes, militaires, aliens s'armant), chorégraphié, anime le cadre avec élan. La musique de Danny Elfman (réconcilié avec Burton depuis leur brouille sur L'étrange Noël de Monsieur Jack), martelant des airs martiaux à l'aide d'un thérémine sorti des années 50 (familier de Burton depuis Ed Wood), accompagne ces plans avec puissance et ironie contenue.

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    C'est une toute autre musique qui aura raison des envahisseurs, la country de Slim Withman répondant, encore une fois, à la flottante calypso entonnée par Harry Bellafonte dans Beetljuice. Dans chaque cas, la partition semblant émaner d'un autre monde, d'une voix dont l'origine humaine est difficilement décelable... Burton se moque de ces films de SF qui trouvaient une résolution risible, mais aimait dans le même temps leur imagerie fantastique, avec ces extra-terrestres au crâne sur-dimensionné comme dans Les survivants de l'infini (Joseph M. Newman, 1955), leur petite combinaison verte et leur pistolet laser semblables à des fusils à eau. Et nous rions avec lui devant ce spectacle déchaîné, d'un éclat parfois acide mais incontrôlable ; un film des plus satiriques, un sommet de politiquement incorrect sans pareille dans carrière du réalisateur.

  • Le Masque de Fu Manchu (1965)

    Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder à la chronique :

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  • L'homme qui faisait des miracles (1959)

    Un film de Terence Fisher

    5993329107_3ec1aa0d92_m.jpgEntrer dans un film Hammer, une fois que l'on en a vu un certain nombre, est comparable au fait de retourner dans un bar que l'on aprécie, dans lequel on retrouve les mêmes têtes, la même ambiance. C'est un petit bonheur, surtout quand le tavernier s'appelle Terence Fisher. Après un coup d'éclat l'année précédente nommé Le cauchemar de Dracula, il reprend pour ce méconnu L'homme qui faisait des miracles (ou L'homme qui trompait la mort, titre alternatif qui reprend fidèlement le titre original, The man who could cheat death) son fameux Dracula, alias Christopher Lee, dans un rôle plutôt solaire, opposé à la nature du ténébreux comte.

    Adapté d'une pièce de théâtre de Barré Lyndon déjà adapté au cinéma (Le sérum de longue vie, réalisé par Ralph Murphy en 1945), le film suit les pérégrinations d'un homme entouré de mystère, médecin de son état, s'adonnant à la sculpture avec un rare talent. L'on pourrait d'ailleurs étudier le thème de l'art dans les films Hammer, qui est souvent mis en valeur. Une scène de ce film en annonce une similaire dans La Gorgone, tourné 5 ans plus tard par le même Fisher, cadrant tous deux le modèle posant au premier plan, et l'artiste reproduisant la pose, tantôt en sculpture (L'homme ...), tantôt en peinture (La Gorgone). L'époque change, le mobilier se fait moins foisonnant, l'éclat de la lumière fait place à une scène ténébreuse -annonçant la mort certaine-, mais les personnages sont toujours là, identiques. Deux plans qui montrent bien le talent de Fisher pour la composition de ses propres créations. La lumière du film, si particulière, est due au grand Jack Asher, qui fit les beaux jours du studio, dessinant adroitement un "noir et blanc coloré", comme le qualifiait Fisher. Une tonalité colorée très particulière, comme si l'on avait peint un film noir et blanc, les couleurs de visages notamment devenant pastels. L'année suivante, Fisher et Asher récidiveront avec le magnifique Les maîtresses de Dracula.

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    Anton Diffring et Hazel Court dans L'homme qui faisait des miracles

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    Jeremy Longhurst et Toni Gilpin dans La Gorgone

    La volonté de triompher de ce phénomène biologique qu'est la mort, commune à toute forme de vie, est bien illustrée dans l'attitude froide et calculatrice du docteur, essayant de laisser ses sentiments lui dicter une quelconque remise en question (au lieu de voir mourir les gens qu'il aime et d'en souffrir, le plus simple est effectivement de s'interdire d'aimer). Alors que le bon docteur -Anton Diffring, un peu transparent- est en pleine sculpture avec sa chère et tendre à demi-nue, il lui fausse compagnie sans ménagement, un de ses collègues lui rendant visite. On ne recroisera la jeune femme dans le champs que plusieurs minutes plus tard, partant devant une absence moins temporaire qu'elle en avait l'air. La froideur et le caractère commun de la réaction du sculpteur (ne s'excusant nullement) laisse entendre qu'il se conduit d'ordinaire de cette façon, négligeant ses relations sauf lorsqu'elle lui apporte un bénéfice personnel. Chrisropher Lee, personnage antagoniste, éclabousse de sa classe naturelle ce docteur, en même temps qu'il protègera le rôle féminin -Hazel Court, vu précédemment dans Frankenstein s'est échappé ! (Terence Fisher, 1957) de ses désirs vampiriques -transformer l'altérité en similarité.

    Relativement prévisible, la narration reste néanmoins solide et sa progression nuancée, les dialogues servant la psychologie des personnages comme les actions qui parsèment l'intrigue. Académique, certes, mais d'un classicisme puissant et posé que Fisher maîtrise totalement. Lové dans une certaine perfection esthétique, chaque cadre s'imposant comme un tableau vivant, le film se déguste comme un bon vin, à qui il manque néanmoins un peu de vigueur. Après les mythes des monstres, Fisher réussit son illustration du mythe des dieux : l'immortalité, dans un bel écrin. Mais, même si maître Fisher est aux commandes, ce film ne fait pas partie de ces meilleures livraisons, pêchant par une intrigue trop statique. Les images sont tout de même magnifiques... mais difficiles à voir sur notre territoire, le film n'étant pas sorti en DVD en France et très peu diffusé en télévision. Pour les complétistes de la Hammer, la seule voie reste l'import...

  • Chico et Rita (2011)

    Un film de Fernando Trueba & Javier Mariscal

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    Flashback. Le 11 juin dernier se clôturait le 51ème Festival International du Film d'Animation d'Annecy. Et, si le Cristal du long-métrage officiel a été remporté par Joann Sfar et Antoine Delesvaux pour Le chat du rabbin, une poignée de cinéphiles (dont votre serviteur) ont honoré Chico et Rita comme le premier Prix Fnac pour un long-métrage. C'est que, comme nous allons le dessiner, le film a de très belles qualités...

    Novice en animation, Trueba est néanmoins un véritable routard du cinéma, lauréat de plusieurs Goyas (El sueño del mono loco, 1990, Belle Époque, 1993, et La niña de tus ojos, 1999) et même auteur d'un dictionnaire du cinéma. Il s'est associé à Javier Mariscal, graphiste et auteur de bande dessinées, pour conter une histoire d'amour passionnée sur fond de musique cubaine.

    La musique est la composante essentielle de ce film ; elle est composée par Bebo Valdès, qui avait déjà accompagné Trueba sur un de ses précédents long-métrage documentaires, Calle 54 (2000), son Buena Vista Social Club à lui (Club auquel il adressera un joli clin d'oeil dans la dernière partie du film). Et sa musique habite littéralement Chico et Rita. C'est elle qui nous emmène dans cette histoire d'amour au long cours, nous fair ressentir la chaleur, la sensualité des comportements, nous fait passer d'une époque à une autre, ... nous transporte.

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    Ce qui frappe dans Chico et Rita, hormis sa fabuleuse sensibilité musicale, c'est sa construction et ses personnages, tous droits issus d'une grammaire (parfois trop ?) classique de film de prises de vues réelles. On ne se refait pas, Trueba entend user des mêmes cordes -efficaces- pour nous immerger dans son récit. Histoire en flach-backs, où un Chico vieillard se remémore ses jeunes années de pianiste émérite au son grésillant d'une radio qui rediffuse ses vieux titres. Dès les premières minutes, l'on revit sa rencontre enfiévrée avec la chanteuse Rita, tout en affrontements. Ceux-là même qui deviendront plus tendres, le temps d'une séquence charnelle très réussie. La sensualité des corps, les lignes s'entremêlant, les tons chauds et la musique cool, transpirent du dessin, forcément animé. 

    Commence alors une véritable odyssée, peuplée de stars de cinéma (Rita croise la route de Bogart et Brando), de musiciens (Charlie Parker), de dealers, de règlements de compte, d'atermoiements amoureux, de déceptions, de succès. l'histoire fait constamment s'éloigner les deux personnages principaux, pourtant évidemment liés. Là où Trueba réussit son film, c'est lorsqu'il n'hésite pas faire de Chico et Rita des personnages prisonniers de leurs obsessions (la célébrité pour Rita, le contact charnel pour Chico), en même temps qu'il dessine des trajectoires totalement romantiques qui peuvent souffrir une certaine naïveté (prenons comme exemple le final, le seul moment vraiment mal amené, même si logique dans le progression narrative).

    Combinant les forces de l'animation et de la prise de vues réelles, le résultat pourra décevoir les partisans de l'animation, pour lesquels le film est certainement trop classique. Mais, vous savez quoi ? Ce qu'il y a de bien avec le classique, c'est que ça ne se démode pas. Et je vous fiche mon billet que celui-là, avec ces décors fins et colorés, et ses incrustations réussies de quelques images de synthèse, va bien supporter le poids des ans. Et l'on peut être satisfait, toute notre petite troupe, d'avoir donné à ce film le prix qu'il méritait.