Le film était presque parfait - Page 46
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La forêt pétrifiée (1936)
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Le chat noir (1934)
Retrouvez la chronique du Chat noir en cliquant sur l'image ci-dessous :
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Triangle (2011)
Un film de Christopher Smith
Après l'horreur à l'italienne d'Argento et ses mouches bien mystérieuses, faisons un saut dans le temps jusqu'à nos jours, où l'on découvre une toute autre conception du genre horreur / fantastique, où les sensations ne sont pas générées par des visions cauchemardesques, mais plutôt sur la construction même de la narration. Ainsi, à l'instar d'un Inception, et encore plus de TimeCrimes ou d'un épisode de la séminale Quatrième Dimension, Triangle est attendu sur le terrain de sa structure même.
Difficile de parler de Triangle sans éventer son principe : celui d'un récit qui tourne sur lui-même, se répète, à chaque fois avec un changement de point de vue. Ce qui n'est effectivement pas sans rappeler le vertigineux TimeCrimes, que Smith confesse pourtant ne pas connaître. A cette structure en emboîtements, qui voit un groupe d'amis prendre la mer pour une ballade ensoleillée et anodine, se superpose un véritable film d'horreur. Surpris par le manque de vent et un phénomène météorologique anormal (ils tombent tout à coup en pleine tempête, faisant chavirer leur voilier), ils trouvent refuge dans un bateau désert. Le groupe d'amis se faisant rapidement tuer par un mystérieux individu.
La déambulation dans les couloirs rappelle irrémédiablement Shining de Kubrick (comme le souligne le clin d'oeil de la cabine 237), et la trajectoire du personnage principal est comme encadré par un fond de mythologie (celui de l'éternel recommencement), ce qui assoit bien le film, mais n'efface jamais vraiment deux ou trois erreurs de construction dramatique. D'abord, il est difficile de croire une seconde que Jess (Melissa George, bien meilleure que dans 30 jours de nuit) s'engage de son plein gré dans cet engrenage infernal, pas plus qu'elle tue accidentellement un de ses compagnons, en n'arrêtant pas de le seriner qu'elle ne lui veut pas de mal. Le déroulé d'une structure narrative aussi complexe a deux écueils : ceux d'oublier les personnages, ce qui n'est heureusement pas le cas ici, et d'autre part, d'enfermer les destinées des personnages dans des schémas préconstruits qui devront rester immuables. Là-dessus, Triangle accuse un milieu carrément flottant, les événements se répétant à trois reprises, et, bien que beaucoup d'éléments changent, l'on est que peu surpris... tant qu'on est sur ce fameux bateau.
Ce qui fait finalement la réussite de Triangle, c'est de pousser dans ses derniers retranchements sa terrible logique. En effet, loin d'arrêter la boucle temporelle à la répétition de la première image du film, Smith laisse filer et développe encore plus le personnage de Jess, donnant à voir un des univers les plus pessimistes qui soient, où les humains ne sont que pantins, jouets d'un destin réglé pour l'éternité. Smith nous aura prévenu avec ces premiers long-métrages, et a continué avec le très bon Black Death : ses histoires sont noires, très noires. Et ça lui réussit ! Black Death et Triangle n'ont, malgré tout, pas connu de sortie en salles dans nos contrées. Nous ne souhaitons qu'une chose à l'avenir : que l'histoire ne se répète pas et que les prochains films de Christopher Smith sortent bien... au cinéma !
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Quatre mouches de velours gris (1971)
Un film de Dario Argento
Rapidement après son sympathique Oiseau au plumage de cristal et un moyen Chat à neuf queues, Dario Argento alimente sa filmographie d'un troisième giallo, ultime pierre d'une trilogie animale dans laquelle il affine et radicalise son style.
La séquence d'ouverture nous plonge dans un assourdissant concert de percussions, qui préfigure certains arrangements des Goblins dans Suspiria. Une furie sonore envahit l'espace, entrecoupés de plans d'une opacité d'ébène, qui nous offre la vision d'un coeur qui bat, accompagné en sourdine de son battement. Le coeur, comme la caisse du batteur, résonnent d'un rythme différent, à l'intensité variable, donnant peut-être un indice sur le mélange des genres que veut offrir Argento sur le film. Nous découvrons alors Roberto Tobias (Michael Brandon, ressemblant assez à une version idéalisée d'Argento), batteur d'un groupe de rock, tourmenté par une mouche. Le réalisateur, sûrement soucieux de poser un lien direct entre le contenu du film et son titre pour le moins nébuleux, nous enbobine du même coup comme il adore le faire, multipliant les fausses pistes.
La séquence suivante offre un parallèle assez flagrant avec la scène de meurtre dans L'oiseau au plumage de cristal : aux trousses d'un homme qui l'a suivi toute la journée, il se retrouve nez-à-nez avec lui dans un théatre désafecté, et, alors que l'inconnu brandit un couteau, ce dernier s'effondre après une rapide bousculade, mort. Sous la lumière blanche d'un projecteur, Tobias, hébété, un couteau ensanglanté en main, est pris en photo par un étrange indiviu masqué qui assistait à la scène, protégé par l'obscurité. Le montage, malgré sa caractéristique elliptique, ne cache pas vraiment que ce qui semble s'être produit n'est pas la réalité. Tobiais prend pourtant pour argent comptant le fait d'avoir tué accidentellement un inconnu. Cette scène est intéressante car elle démontre la facilité avec laquelle Dario Argento passe d'un effet de réalité tout à fait vraisemblable (éclairage, organisation spatiale, interaction sociale) à un onirisme qui fait exploser cet effet. Tout à coup, l'espace est déconstruit, les éclairages semblent irréels, et le réalisme fait place à une scène théâtrale dont la vie a été escamotée, comme un décor, en coulisse. La scène ne se veut jamais vraisemblable, ni même logique. On retrouve parfois cet vision dans certains films d'exploitations des années 60-70, notamment au Japon avec Yasuzo Masumura, Norifumi Suzuki ou Seijun Suzuki. L'utilisation de ce glissement chez Argento, comme si l'on percevait les sensations du personnage qui vit la scène, offre un résultat non pas maîtrisé mais flottant comme un cauchemar, brouillon, qui force l'immersion dans le film.
Au passage, on reconnaîtra la patte de Luigi Cozzi au scénario, plus versé dans la science-fiction, par le biais d'une séquence un peu hors-sujet où des scientifiques réussissent, en examinant au laser l'oeil d'une des victimes, à photographier sa dernière vision... une indication sur le meurtrier. On retrouve d'ailleurs cette intérêt pour la science dans Le chat à neuf queues, où l'on isolait le gène XYY de la violence. L'oeil innervé inspirera d'ailleurs plusieurs affiches lors de la sortie de Quatre mouches de velours gris.
Le personnage principal, forcément chamboulé intérieurement par l'événement, est en plus persécuté par le "photographe" qui s'ingénue à lui faire comprendre qu'il sait tout, mais sans chantage. Un parfum d'étrangeté fort bien distillé sourd au fil des séquences, qui s'enchaînent avec de vraies trouvailles cinématographiques, et les passages les plus effrayants de la jeune carrière du réalisateur. la séquence de l'assassinat de la bonne reste ainsi comme le meilleur moment du film. Lorsqu'elle se rend dans un parc, de nuit, pour rencontrer le "maître chanteur", son audacieuse aventure se retourne contre elle, alors qu'elle tente d'échapper à un agresseur, dans un dédale devenu totalement surréaliste (un passage très étroit devient au fil des pas trop exiguë). De même, l'accompagnement musical laisse parfois la place à un silence de mort, comme lorsqu'une jeune femme, poursuivie dans une maison, s'aventurant dans une pièce au sous-sol, se cache dans un placard pour échapper au meurtrier.
Pour ce troisième film, Dario Argento maîtrise totalement l'art de la peur, tout en instillant pourtant des éléments comiques, alternance qui fait aussi partie de son style. Ici, c'est le personnage fantasque d'un détective (interprété par Jean-Pierre Marielle) qui joue ce rôle. Homosexuel quelque peu maniéré, il s'enorgueillit d'avoir à son actif plus de 80 affaires non élucidées, preuve irréfutable selon lui pour que la prochaine soit celle, enfin de la résolution. Ce qui se révèlera vrai... On croise également Bud Spencer, appelé Dieu (dans la version française comme dans la version américaine), ce qui nous vaut un beau moment où Tobias l'appelle au téléphone et l'implore : "Allô ? Dieu ?!". La variété des ambiance, la maîtrise technique et les terribles séquences de meurtres, font de Quatre mouches de velours gris (méconnu en France pour cause d'invisibilité en DVD) le meilleur Argento de son début de carrière. Alors, même si Michael Brandon ne joue pas très bien la comédie, la majesté visuelle de l'ensemble et les dérapages incontrôlés vers des scènes convoquant nos plus grandes peurs irrationnelles (peur du noir, du silence, des masques, ...) font de Quatre mouches de velours gris un moment tout à fait recommandable.
A lire aussi : le Hors-Série Argento sorti chez Mad Movies en novembre 2010.
La bande annonce américaine (la voix-off semble être celle de Vincent Price) :
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X-Men : le commencement (2011)
Un film de Matthew Vaughn
Qu'on se le dise : l'anglais Matthew Vaughn est le meilleurs réalisateur de film fantastique en activité ! Déjà derrière la réussite de Stardust, il nous livre avec ses X-Men des origines le plus jouissif film de super-héros depuis... Kick-Ass, qu'il avait réalisé en 2010. Pourtant, l'affaire était loin d'être entendue.
Disposant de 13 mois pour boucler un film titanesque, du casting à la direction artistique jusqu'au tournage et à la post-production maousse (plus de mille plans à effets spéciaux), c'est à un véritable marathon que Vaughn s'est livré. Perfectionniste et attentif à mettre sa griffe sur le projet, il aura tourné et retouché le film jusqu'à la dernière minute. Et son travail passionné est diablement payant, son film s'inscrivant clairement comme le meilleur épisode de la saga... dont il était parti en claquant la porte quelques années plus tôt, lorsqu'il devait réaliser X-Men 3 (mis en boîte par Brett Ratner). Ironie, quand tu nous tiens, c'est Bryan Singer lui-même, réalisateur des deux permiers opus, qui est venu chercher Vaughn.
Deux idées fortes hissent le film plus haut que le tout-venant des films de super-héros : premièrement, la volonté d'en faire un vrai film d'époque (la crise des missiles à Cuba fait office de toile fond, avec costumes, décors et accessoires ad hoc), et ensuite d'orienter le feeling du film vers le film d'espionnage à la James Bond ; la grande histoire croise les destinées particulières, dès la première séquence du camp de concentration. Décorum et péripéties ancrent le film dans des références qui, si elles ne sont pas nouvelles, clament leur originalité lorsque le sujet principal se cantonne aux super-héros.
Comme il l'avait précédemment prouvé avec Kick-Ass, Vaughn sait bien que plus un film se déroule dans un espace-temps fantastique, plus le film doit être à l'écoute de ses personnages. Ces derniers sont le coeur du film et ne sont nullement sacrifiés par l'action, tout de même bien présente. Eric et Xavier évoluent donc parallèment au fil des années, développant chacun une philosophie sur leur état de mutant. Il est clair que l'environnement familial (aisé pour Xavier, marqué par la violence et la mort pour Eric) joue un rôle prépondérant. Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, les postures de chacun, bien qu'antagonistes, trouvent d'abord des points d'achoppement, pour ensuite lentement les éloigner. La progression de leur relation est extrêmement bien pensée, les séquences s'écoulant en désignant subtilement leur différence. La soif de vengeance d'Eric, on le sait bien, ne peut être étancher que par les extrêmes, tandis que Xavier, philosophe, prend du recul.
Le film n'est pas avare de séquences drôles, comme les affectionne Matthew Vaughn, n'hésitant pas à montrer les jeunes mutants pour ce qu'ils sont : des enfants en construction, pour qui le plus important, pour un temps, est de s'amuser. La séquence de la recherche des mutants, notamment, est euphorisante, et l'apparition clin d'oeil de Hugh Jackman est un sommet dont on aime à se le rappeler, longtemps après la projection.
Michael Fassbender, dans le rôle d'Eric / Magnéto, est tout simplement exceptionnel. Chacune de ces apparitions laissent exploser son charisme, animal mais fragile, épaulé par la musique efficace d'Henry Jackman. Pour lui tenir tête, James McAvoy est lui aussi un très bon choix, tant on entre en empathie avec tous ses profils. Ainsi, quasiment tous les personnages s'en sortent sans caricatures, même si l'on peut reprocher à Kevin Bacon / Sebastian Shaw d'en faire un peu trop, dans la veine des méchants extravagants des James Bond avec Sean Connery (et January Jones lui rend bien ça, en blonde volcanique bien éloignée de son rôle dans Man Men).
Si, dans l'ensemble, les effets spéciauix tiennent la route, c'est tout de même dans cette partie que le film paie le tribut de sa chaotique création. Effets numériques par trop voyants, ou maquillages inégaux (l'armure de Magnéto, qui, si elle respecte scrupuleusement le look du comics, donne dans le mauvais goût), c'est là et seulement là, à notre sens, que le bât blesse.
Le voyage est en tous les cas fort plaisant, et l'on ne serait pas contre (pour un fois), revoir ses personnages campés tous admirablement. Et l'on se dit que, tout de même, le "retour aux origines" sied bien à ses super-héros souvent en manque de racines (psychologiques, sociales, ...).