Un film de Massimo Dallamano
Les premiers films de Dario Argento (L'oiseau au plumage de cristal, 1970, Le chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris, 1971) donnent au cinéma italien des années 70 un élan passionnel pour ces récits policiers aux crimes pervers, mâtinés d'onirisme ou de fantastique ; Mais qu'avez-vous fait à Solange est la preuve que la copie peut égaler, voire surpasser, l'original.
Le film de Dallamano cherche son identité italienne : co-production avec la firme allemande Rialto, tournage en anglais à Londres, le résultat fait montre d'un multiculturalisme du crime tout à fait intéressant. Partagé entre une ambiance londonnienne au décorum typique (bureaux de Scotland Yard, London Bridge, véhicules, etc.) et son ascendance italienne, Mais qu'avez-vous fait à Solange en tire simplement le meilleur des parties. La trame policière, appliquée, s'inspire des krimis allemands de Edgar Wallaces. Elle s'allie à une caméra virtuose qui sait nous offrir des fulgurances visuelles choc lors des meurtres, et à une photographie absolument somptueuse -les tons de peau sont chauds, subtilement rendus, la nature est colorée et s'invite volontiers dans le cadre, offrant un contraste évident avec l'atrocité des faits. Loin des images parfois poisseuses et volontairement ternes de certains giallos bas de gamme, nous avons ici à faire à une oeuvre de premier ordre.
Un criminel en série assassine des jeunes filles de la plus horrible des façons, les faisant violemment mourir par là où naît la vie ; Un professeur et sa maîtresse, présents lors d'un des meurtres, se retrouvent au coeur de l'affaire. Le mauvais endroit, au mauvais moment. Alors que les soupçons se font plus pressants sur eux, le professeur Rosseni décide d'agir et d'enquêter par lui-même. Fabio Testi est très bon dans le rôle, un peu perdu, cherchant la vérité, offrant un contrepoint idéal au charismatique Joachim Fuchsberger (vu entre autres dans Le masque de Fu Manchu, Don Sharp, 1965)
Plus que la cruauté des meurtres, c'est le mystère entourant un groupe de jeunes filles proche des victimes qui donne un sentiment de malaise. Quelque chose se passe, hors du cadre, hors de la narration, et ce quelque chose reste flou jusqu'aux toutes dernières minutes du métrage, donnant corps au point d'interrogation du titre, reproduit de nombreuses fois sur les affiches d'époque. Cette sensation, viscérale, infernale, est la grande réussite de Mais qu'avez-vous fait à Solange. Rappelant l'imaginaire collectif des sociétés secrètes, des rites de passage, le film reste, après visionnage, comme nimbé de cette aura de mystère et de tabou. La partition de Ennio Morricone, empreinte de tristesse, est à ranger parmi ses meilleures créations. Elle donne à la sombre histoire qui nous est contée un parfum de romantisme déçu, de drame déchirant. Et c'est le coeur serré que l'on quitte la scène, terrassé par une intrigue tendue comme un rasoir. Mais qu'avez-vous fait à Solange demeure aujourd'hui, presque quarante ans après son tournage, d'une force intacte.