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Actus ciné/DVD - Page 18

  • Dark Shadows (2012)

    Un film de Tim Burton

    7342745610_1ebf84b453_m.jpgA la vision de la dernière fantaisie du plus gothique des réalisateurs, deux constations s'imposent, en apparence contradictoires. 

    Dans ce film, inspiré par une série des années 60, elle-même palimpseste de La famille Addams, on a l'impression de retrouver Tim Burton, ni plus ni moins ; d'autre part, il est étonnant de remarquer que, partant d'un univers atypique marqué par sa personnalité hors-normes, Burton fonde désormais son cinéma sur une culture de l'emprunt et de la référence, s'inscrivant dans une tradition cinématographique dont il s'éloignait jusque-là.

    J'ai découvert Tim Burton à la télévision, avec Batman, Edward aux mains d'argent et L'étrange noël de Monsieur Jack (que l'on peut considérer comme un de ses propres films, même s'il est signé par Henry Selick, le papa de Coraline). Un univers étrange, peuplé de maisons pastels, de personnages loufoques et excentriques, d'architectures très graphiques et d'humour noir. Depuis Mars Attacks ! (1996), Burton se conjugue avec salles de cinéma, et j'ai apprécié à divers niveaux ces productions depuis lors. Sleepy Hollow marque clairement une date dans la carrière du cinéaste, mariant esthétisme parfait, fantastique débridé et horreur. Après l'erreur de La planète des Singes (2001), Big Fish (2003) traduit de façon tout aussi évidente un changement d'état d'esprit chez Burton, passant en quelque sorte à l'âge adulte sans pour autant renier le pouvoir de l'imaginaire. Mias la rupture est bien là, et s'affirmera avec Charlie et la chocolaterie, Les noces funèbres, Sweeney Todd et Alice au pays des merveilles : des films parfois même esthétiquement douteux, sinon recyclant à l'envi la patte visuelle de Burton en faisant la place à un message souvent contraire à son esprit de rebellion.

    Dark Shadows se place ainsi comme le film de la réconciliation ; Barnabas Collins (Johnny Depp) est un vampire hors de son temps en cette bonne année 1972, à la rencontre de ses descendants, tout aussi décalés : la jeune fille rebelle (Chloé Grace Moretz), une mater familias (Michelle Pfeiffer), désabusée, qui essaye tant bien que mal de faire tenir debout un empire familial déclinant - une production de sardines !-, le frère (Jonny Lee Miller), un boulet qui n'a pas du tout envie d'être là, ... Bref, tous solitaires à leur façon, faisant partie d'une famille dont nul, dirait-on, n'a envie d'en faire partie. La galerie de personnages trouve parfaitement sa place dans le microcosme des freaks de Burton.
    Les touches d'humour, plutôt réussies bien que superficielles, rendent le film agréable à suivre, emmenés par le jeu outré d'un Johnny Depp une fois de plus enlaidi (mais néanmoins "beau gosse" dans la réalité du film !).

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    Esthétiquement le film est, là encore, très réussi là où les derniers essais du gars de Burbank (Fleet Street, Alice) étaient soit ratés (effets spéciaux numériques mal intégrés) soit d'un mauvais goût prononcé (le look du chapelier dans Alice !). Ici, le lustre 70's, ajouté au classicisme de certaines apparitions, ou la demeure des Collins qui convoque le souvenir de Edward aux mains d'argent, dessine un film plastiquement cohérent et certes, plus sobre qu'à l'ordinaire ; mais la beauté fulgurante du prologue évince sans mal la totalité d'Alice ou du terrible Barbier... Plus loin, le lien entre passé et présent est tenu par la divine mais dangereuse Angélique Bochard (Eva Green), et la suite de portraits la montrant, posant au fil des siècles, est une belle idée de scène. 

    D'autre part, un élément faisant désormais partie intégrante de l'oeuvre de Tim Burton est le recours très fréquent à la référence : ici, outre le fait que Dark Shadows s'inspire d'un show existant (mais correspondant totalement à la personnalité du cinéaste), le vernis 70's apporte son lot de citations obligatoires, entre ambiance disco et objets culte (docteur maboul, clavier Bontempi, lava lamp, ...). De même, la facture générale du film fait évidemment penser la folle famille Addams, dans laquelle les notions de bien et de mal sont tout simplement inversées.

    Non, décidément, malgré les emprunts, malgré les quelques facilités et les deux vrais faux-pas du film (la "louve-garoute" et le clin d'oeil final), on tient véritablement ce qui, aujourd'hui, fait la preuve que Tim Burton n'est pas mort. On est loin du film parfait, mais soyons clair : Burton ne fait pas (ou très rarement) de films parfaits, et c'est pour ça aussi qu'on l'aime. Il a l'air d'avoir lui-même bien apprécié l'expérience, tant et si bien qu'il signerait peut-être une suite dans quelques années... Quand on sait que Batman, Le défi est peut-être son film le plus beau, il y a de bonnes raisons d'espérer.

    A lire : une autre critique assez proche chez Nightswimming

  • Drive (2011)

    Un film de Nicolas Winding Refn

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    Il n'y a pas si longtemps, on s'émerveillait devant la classe sans pareille de Shame, balade nocturne un rien dépressive dans l'esprit d'un accroc au sexe, superbement interprété par Michael Fassbender. On retrouve dans Drive cette mélancolie atmosphérique, une ode musicale à la singularité d'un parcours, d'une puissance sensorielle qui scotche le spectateur dès les premières secondes.

    Remarqué il y a déjà 15 ans (!!!) avec Pusher, film qui deviendra trilogie, coup de poing tétanisant asséné avec une rage de filmer palpable, Nicolas Winding Refn s'est forgé, en quelques films, une personnalité forte, une identité d'auteur à part entière. Il construit ses films autour de personnages solitaires, souvent mutiques, auxquels il réserve un traitement iconique en diable, en occultant aucunement leurs pulsions de mort (Pusher, Vallalah Rising). 

    Avec Drive, le réalisateur continue à dépeindre ses traits fétiches, tout en grimpant une marche supplémentaire dans la maîtrise de la technique cinématographique, comme de la puissance émotionnelle de son récit. En effet, si Pusher (et dans une bien moindre mesure Vallalah Rising) sont de très bons moments de cinéma, ils sont loin d'avoir toutes les qualités de Drive.

    Le réalisateur est un malin, il prend le spectateur par surprise. Ce dernier s'attend à voir un film rempli de testostérone, de chrome et bitume. Refn nous le promet à un moment, le Driver devant conduire en championnats un bolide concocté par son patron. Mais, si l'on aperçoit le fameux bolide à l'arrêt, cette intrigue ne se réalisera jamais. L'affiche du film s'y met aussi, montrant un Ryan Gosling (le personnage principal, jamais nommé autrement que The Driver) au volant de son bolide, avec ses gants en cuir vachette dans une pause très fast and furious. Alors que la véritable affaire criminelle du film, sujet principal, arrivera par petites touches, puis véritablement dans la deuxième partie du film, toute la première partie ressemble plus au début d'une romance compliquée entre le Driver et Irene (Carey Mulligan, aussi vu dans Shame, décidément), sa voisine de palier qui élève seule son enfant en attendant que son mari sorte de prison. Le générique, avec sa police de caractère rose bonbon, en était-il un signe ?

    La séquence d'introduction est hypnotique au possible. Dans un décor urbain ténébreux surgissent, tels des phares dans tempête, les buildings nimbés d'une lumière qui ne s'éteint jamais. Là, dans l'immensité, un conducteur, pressé mais serein, concentré, attend, avec la musique pour seule compagne. composée de nappes de synthés, pulsations sourdes, mélodie entêtante célébrant les eighties, elle est un personnage à part entière, formant avec la ville nocturne un couple fusionnel. On reconnaît, une fois, l'alchimie qui faisait tout le sel du grand Collateral (Michael Mann, 2004). En quelques minutes, Refn nous a eu, embarqué dans cette histoire qu'on veut découvrir plus que tout.

    Après cette séquence sportive, le driver faisant montre de son talent pour semer la police, s'étale une histoire avare en dialogues, pour mieux faire parler l'image et la musique de concert. Le lien qui unit le Driver à Irene est touchant, encore plus comme on perçoit bien qu'il est ténu et risque de casser à tout instant. C'est cette sensation, celle qui nous fait anticiper le fait que tout peut mal tourner d'un moment à l'autre, que Refn arrive à imprimer dans l'esprit du spectateur, et qui fait qu'on reste accroché au siège, cramponné aux personnages, du début à la fin.

    Puis, quelle classe visuelle ! Retenons avant tout le travail sur les lumières, aussi cinégénique de nuit comme de jour (la teinte orangée d'une fin de soirée d'été, par exemple), et ses reflets, dessinant la nuit sur les personnages tel un artiste enfiévré.

    Comme dans Pusher, la dimension criminelle de l'intrigue apporte dans la troisième partie son lot de violence, qui impressionne d'autant plus qu'elle est mise en regard avec l'histoire d'amour sensible des personnages. Celle à qui on fait couler le sang en premier, dans un violent jet rouge filmé au ralenti, marque l'idée qui soutend le film : la violence arrive sans prévenir, jaillissant au sein du cadre sans avoir été annoncée par moult introduction, sonore, visuelle ou par le biais du montage. D'où cette sensation qui arrive finalement peu au cinéma aujourd'hui, de voir l'action se passer pour la première fois devant nos yeux. Nous sommes témoin de la vérité du film, qui dépasse les artifices de la construction cinématographique : la preuve ultime de la réussite incontestable de ce film.

  • Shame (2011)

    Un film de Steve McQueen

    6536832597_29fca85d97_m.jpgConfirmant tout le bien que l'on pense de l'acteur Michael Fassbender, Shame consacre encore un peu plus son charisme en titane. Il retrouve ici le cinéaste de sa "naissance au grand jour" avec Hunger (2008), et par là même un rôle torturé auquel il donne une consistance unique, comme à sa fantastique habitude. Il est de tous les plans ; et, l'on peut dire que si le rôle avait échu à quelqu'un d'autre, le film en aurait clairement pâti.

    Le réalisateur britannique livre avec Shame une oeuvre atmosphérique : ce sont les images et la musique qui racontent, plus que les dialogues, rares. Ces images, celles d'un New-York clinique, classe et nocturne, défilent harmonieusement, se répétant parfois, pour intimer au spectateur la solitude de Brandon (Michael Fassbender) et l'infinie répétition qui semble constituer sa vie. Boulot (cadre dans une société de cols blancs), sexe (avec prostituées ou en "solo"), essais avortés ou ratés de lien social plus profond avec les femmes... L'anomalie de ce système bien rôdé vient avec l'apparition de Sissy (Carey Mulligan), la soeur de Brandon. Sans le sou, avec une vie beaucoup moins bien réglée que celle de son frère, elle met le bazar dans l'appartement et dans la tête de Brandon. Voilà peu ou prou ce qui se passe dans ce film, qui gagne énormément à ne pas verbaliser son contenu, qui s'il peut paraît polémique (un sex-addict trompe mal sa solitude dans une ville où chacun erre, anonyme), repose sur des ressorts assez classiques. 

    Impudique et beau gars, Brandon vit pour le sexe. Violence extériorisée. Jouissance de l'immédiateté qui remplace un avenir sans but. Pour autant, Steve McQueen ne charge pas trop son personnage. Les scènes de sexe sont sensuelles, pas glauques. Lors d'une scène de nuit, Brandon, à l'extérieur, observe des couples faire l'amour, dans les mêmes tours transparentes que lui, tout aussi impudiques qu'il peut l'être. Le spectateur est avec lui, extérieur au cours de la vie du reste du monde, déconnecté. C'est sur ce feeling, cette sensation, que le film fonctionne. Comme une balade lounge nocturne qui rappelle le Collateral (2004) de Michael Mann.

    Le tempo lent du film pourra en surprendre certains. Si Shame ne dure sur le papier qu'une heure quarante, son temps subjectif est bien plus long, à l'image d'un autre grand film atmosphérique, In the mood for love (Wong Kar-Wai, 2000). A ce titre, l'interprétation langoureuse de New-York, New-York par Sissy est révélateur, étirant le temps et les mots à l'infini. Les nappes synthétiques du compositeur Harry Escott dessinent aussi les contours mouvants, la vie qui glisse, lentement, d'un instant à l'autre, sans autre conséquence que le passage du temps. 

    Pour se laisser emporter, Shame, outre son thème rare, est un invitation sans pareille. Une déambulation hantée, symphonie des corps, le contenant révélant le contenu. Une oeuvre d'esthète, à l'évidence.

  • Le giallo, une horreur érotique (2011)

    Un film documentaire de Yannick Delhaye

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    Lundi 21 novembre, La chaîne Paris Première a eu la bonne idée de programmer un documentaire récent sur un genre qui nous tient à cœur, le giallo, diffusé au mois de mars dernier sur CinéCinémas ; lui-même précédé d'un de ses chefs-d’œuvres emblématiques, Suspiria (Dario Argento, 1977).  

    Sur une durée plutôt confortable compte-tenu du thème, une multitude d'invités prestigieux prennent la parole pour cerner le genre par ses archétype : les meurtres à l'arme blanche, le tueur fétichiste, les belles jeunes femmes victimes, … Sont ainsi passés en revue les traits principaux d'un genre qui navigue entre plusieurs eaux, comme en témoigne le titre du documentaire. Comme les films d'horreur ou érotique, le giallo est un genre "bis", éloigné des genres principaux dits "légitimes" que sont le drame ou la comédie, mais qui les a contaminés, la périphérie s'invitant ici au centre. 

    Excroissance tout à la fois monstrueuse et magnifique du polar, le giallo va ainsi se positionner à l'extrême, insistant notamment sur les meurtres, les consacrant en véritables morceaux de bravoure cinématographiques, ou encore sur les courbes d'actrices plantureuses, offertes tant au rasoir tranchant du tueur qu'aux yeux du spectateur. Les traumas familiaux, les perversions, et autres comportements déviants sont le lot quotidien de l'amateur de giallo ; Jean-Baptiste Thoret, intarissable sur le cinéma des années 70, restitue habilement ces éléments dans le contexte historique délicat de l'Italie d'alors, en prise à une flambée de violence et de défiance envers les autorités. J'aime particulièrement sa saillie finale sur La baie sanglante (Mario Bava, 1971), qui est, il est vrai, assez unique dans son jusqu'au-boutisme. Luigi Cozzi, réalisateur et collaborateur de longue date de Dario Argento, rappelle l'origine historique du giallo, avec ces fameux livres à couverture jaune (giallo en italien) de l'éditeur Mondadori, qui y publiait des histoires de mystères et de meurtres comme celles de Edgar Wallace.

    De leur côté, Fausto Fasulo (rédac' chef à Mad Movies), ainsi qu'Hélène Cattet et Bruno Forzani,  réalisateurs de Amer (2010), film-hommage au giallo, s'attachent à la stylisation visuelle, et aux implications émotionnelles, et à l'aspect symbolique des clichés du genre. Un style extrêmement codifié, fait d'inserts rapides, d'intérieurs saturés de couleurs, de magnifiques jeunes femmes à la nudité facile, et où l'effroi, la douleur et la jouissance s'entremêlent dans une ambiguïté savamment entretenue. 

    Tel le calme avant la tempête, le giallo pique au thriller des respirations rapidement interrompues par des pics de violence à l'ampleur grand-guignolesque, dont la mise en scène souvent inspirée donne des airs de happening artistique.

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    Nous remémorant les œuvres les plus connues du genre, des films de Mario Bava à ceux de Sergio Martino, en passant par l'inévitable Dario Argento, le doc réussit à dessiner les contours significatifs de ce pur genre de film d'exploitation, cocktail explosif de polar, d'horreur et d'érotisme, saupoudré de sado-masochisme. On peut tout de même tempérer cette impression en donnant au giallo une autre inspiration majeure, qui elle aussi à "infecté" tous les genres principaux : le film noir. En effet, devant la scène de crime, ce n'est pas un policier qui mène son enquête, mais plutôt un homme qui n'est pas une figure de l'autorité assermentée : tantôt journaliste, détective, vendeur d'assurances ou de voitures dans le film noir, il sera musicien, écrivain,  professeur, dans le giallo. Comme le film noir, le giallo est caractérisé par sa dimension urbaine, la froideur des architectures bétonnées rencontrant une folie meurtrière paroxystique à la nuit tombée. Les femmes fatales sont bien là dans le giallo, car sous une apparente fragilité, ce sont souvent elles qui mènent le jeu.

    Dans la dernière partie du documentaire, on nous présente un échantillon du cinéma contemporain qui s'est nourri du giallo, genre désormais exangue ; Blue Velvet (David Lynch, 1986) et Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992) sont bien ceux qu'on appelle aujourd'hui les représentants du néo-noir, peintures d'un univers perclus des machinations les plus tordues, aux meurtres graphiques et au pessimisme rentré. Quoi qu'il en soit, de bien belles références pour un genre qui se joue aux extrémités.

  • Chico et Rita (2011)

    Un film de Fernando Trueba & Javier Mariscal

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    Flashback. Le 11 juin dernier se clôturait le 51ème Festival International du Film d'Animation d'Annecy. Et, si le Cristal du long-métrage officiel a été remporté par Joann Sfar et Antoine Delesvaux pour Le chat du rabbin, une poignée de cinéphiles (dont votre serviteur) ont honoré Chico et Rita comme le premier Prix Fnac pour un long-métrage. C'est que, comme nous allons le dessiner, le film a de très belles qualités...

    Novice en animation, Trueba est néanmoins un véritable routard du cinéma, lauréat de plusieurs Goyas (El sueño del mono loco, 1990, Belle Époque, 1993, et La niña de tus ojos, 1999) et même auteur d'un dictionnaire du cinéma. Il s'est associé à Javier Mariscal, graphiste et auteur de bande dessinées, pour conter une histoire d'amour passionnée sur fond de musique cubaine.

    La musique est la composante essentielle de ce film ; elle est composée par Bebo Valdès, qui avait déjà accompagné Trueba sur un de ses précédents long-métrage documentaires, Calle 54 (2000), son Buena Vista Social Club à lui (Club auquel il adressera un joli clin d'oeil dans la dernière partie du film). Et sa musique habite littéralement Chico et Rita. C'est elle qui nous emmène dans cette histoire d'amour au long cours, nous fair ressentir la chaleur, la sensualité des comportements, nous fait passer d'une époque à une autre, ... nous transporte.

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    Ce qui frappe dans Chico et Rita, hormis sa fabuleuse sensibilité musicale, c'est sa construction et ses personnages, tous droits issus d'une grammaire (parfois trop ?) classique de film de prises de vues réelles. On ne se refait pas, Trueba entend user des mêmes cordes -efficaces- pour nous immerger dans son récit. Histoire en flach-backs, où un Chico vieillard se remémore ses jeunes années de pianiste émérite au son grésillant d'une radio qui rediffuse ses vieux titres. Dès les premières minutes, l'on revit sa rencontre enfiévrée avec la chanteuse Rita, tout en affrontements. Ceux-là même qui deviendront plus tendres, le temps d'une séquence charnelle très réussie. La sensualité des corps, les lignes s'entremêlant, les tons chauds et la musique cool, transpirent du dessin, forcément animé. 

    Commence alors une véritable odyssée, peuplée de stars de cinéma (Rita croise la route de Bogart et Brando), de musiciens (Charlie Parker), de dealers, de règlements de compte, d'atermoiements amoureux, de déceptions, de succès. l'histoire fait constamment s'éloigner les deux personnages principaux, pourtant évidemment liés. Là où Trueba réussit son film, c'est lorsqu'il n'hésite pas faire de Chico et Rita des personnages prisonniers de leurs obsessions (la célébrité pour Rita, le contact charnel pour Chico), en même temps qu'il dessine des trajectoires totalement romantiques qui peuvent souffrir une certaine naïveté (prenons comme exemple le final, le seul moment vraiment mal amené, même si logique dans le progression narrative).

    Combinant les forces de l'animation et de la prise de vues réelles, le résultat pourra décevoir les partisans de l'animation, pour lesquels le film est certainement trop classique. Mais, vous savez quoi ? Ce qu'il y a de bien avec le classique, c'est que ça ne se démode pas. Et je vous fiche mon billet que celui-là, avec ces décors fins et colorés, et ses incrustations réussies de quelques images de synthèse, va bien supporter le poids des ans. Et l'on peut être satisfait, toute notre petite troupe, d'avoir donné à ce film le prix qu'il méritait.