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romance

  • Her (2014)

    Un film de Spike Jonze

    14196504986_c91aa0c0c0_m.jpgUn film romantique de science-fiction par le cinéaste de Dans la peau de John Malkovitch, avec le rare Joaquin Phoenix et la voix de Scarlett Johansonn, ça interpelle ; tous les éléments sont là pour attiser la curiosité. Mais en vrai, c'était bien ?

    Le film propose une toile de fond temporelle assez irrésistible : dans un futur proche, tout le monde vit rivé sur son portable, la moustache est à la mode (pour tout ça, c'est déjà le cas aujourd'hui), et l'hologramme a remplacé le tactile, so 2010's. Une firme informatique lance le système d'exploitation intelligent ; cet ensemble de programmes devient une personne, qui réagit, apprend, surprend, se comporte naturellement. C'est le coup de foudre entre Samantha, la voix dans la machine, et Theodore, qui vit une histoire compliquée, entre son ex et sa meilleure amie.

    Il y a quelque chose d'assez exceptionnel dans le début de ce film, qui se trouve dans l'équilibre ténu entre ce qui nous est familier (en terme de technologie et de psychologie) et ce qui l'est moins ; le fait que cette science-fiction soit déjà là. Le film de croule pas sous les artefatcs futuristes, et pourtant les rares éléments que l'on aperçoit sont marquants : un jeu vidéo auquel on a tout de suite envie de jouer, des ordinateurs qui comprennent tout ce qu'on dit. Cet univers nous parle et donne envie d'en savoir plus.

    La science-fiction est un peu plus qu'un prétexte, mais le cœur du film est ce besoin de rencontrer l'autre, d'être toujours à la recherche de celui ou celle qui partagera notre vie ; et l'histoire de donner une résolution très moderne (et pas du tout invraisemblable, compte-tenu de l'avancée des technologies et de l'addiction terrible que produisent les ordinateurs et internet) à cette quête universelle. Le film, qui baigne dans une une douce mélancolie, évoque le cinéma de Sofia Coppola et plus particulièrement Lost in Translation. Scarlett Johansson, qui joue aussi dans ce film, pourrait occuper le même appartement que Joaquin Phoenix, mais les ressemblances ne s'arrêtent pas là : les teintes légèrement passées de la photo du film, par ailleurs sublime, affichent une correspondance évidente avec le film de Coppola.

    Le film coince tout de même sur la longueur ; deux heures, pour un film romantique, même un peu spécial, c'est long. Il a une différence entre prendre le temps et faire ressentir le temps long. Les péripéties de la dernière demi-heure sont poussives, alors même qu'elles sont attendues, le mérite du réalisateur étant au moins d'aller au bout de l'idée, et d'offrir un message clair sur l'évolution des relations humaines. Je vous le dis, on était à vingt minutes du chef-d’œuvre.

  • Drive (2011)

    Un film de Nicolas Winding Refn

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    Il n'y a pas si longtemps, on s'émerveillait devant la classe sans pareille de Shame, balade nocturne un rien dépressive dans l'esprit d'un accroc au sexe, superbement interprété par Michael Fassbender. On retrouve dans Drive cette mélancolie atmosphérique, une ode musicale à la singularité d'un parcours, d'une puissance sensorielle qui scotche le spectateur dès les premières secondes.

    Remarqué il y a déjà 15 ans (!!!) avec Pusher, film qui deviendra trilogie, coup de poing tétanisant asséné avec une rage de filmer palpable, Nicolas Winding Refn s'est forgé, en quelques films, une personnalité forte, une identité d'auteur à part entière. Il construit ses films autour de personnages solitaires, souvent mutiques, auxquels il réserve un traitement iconique en diable, en occultant aucunement leurs pulsions de mort (Pusher, Vallalah Rising). 

    Avec Drive, le réalisateur continue à dépeindre ses traits fétiches, tout en grimpant une marche supplémentaire dans la maîtrise de la technique cinématographique, comme de la puissance émotionnelle de son récit. En effet, si Pusher (et dans une bien moindre mesure Vallalah Rising) sont de très bons moments de cinéma, ils sont loin d'avoir toutes les qualités de Drive.

    Le réalisateur est un malin, il prend le spectateur par surprise. Ce dernier s'attend à voir un film rempli de testostérone, de chrome et bitume. Refn nous le promet à un moment, le Driver devant conduire en championnats un bolide concocté par son patron. Mais, si l'on aperçoit le fameux bolide à l'arrêt, cette intrigue ne se réalisera jamais. L'affiche du film s'y met aussi, montrant un Ryan Gosling (le personnage principal, jamais nommé autrement que The Driver) au volant de son bolide, avec ses gants en cuir vachette dans une pause très fast and furious. Alors que la véritable affaire criminelle du film, sujet principal, arrivera par petites touches, puis véritablement dans la deuxième partie du film, toute la première partie ressemble plus au début d'une romance compliquée entre le Driver et Irene (Carey Mulligan, aussi vu dans Shame, décidément), sa voisine de palier qui élève seule son enfant en attendant que son mari sorte de prison. Le générique, avec sa police de caractère rose bonbon, en était-il un signe ?

    La séquence d'introduction est hypnotique au possible. Dans un décor urbain ténébreux surgissent, tels des phares dans tempête, les buildings nimbés d'une lumière qui ne s'éteint jamais. Là, dans l'immensité, un conducteur, pressé mais serein, concentré, attend, avec la musique pour seule compagne. composée de nappes de synthés, pulsations sourdes, mélodie entêtante célébrant les eighties, elle est un personnage à part entière, formant avec la ville nocturne un couple fusionnel. On reconnaît, une fois, l'alchimie qui faisait tout le sel du grand Collateral (Michael Mann, 2004). En quelques minutes, Refn nous a eu, embarqué dans cette histoire qu'on veut découvrir plus que tout.

    Après cette séquence sportive, le driver faisant montre de son talent pour semer la police, s'étale une histoire avare en dialogues, pour mieux faire parler l'image et la musique de concert. Le lien qui unit le Driver à Irene est touchant, encore plus comme on perçoit bien qu'il est ténu et risque de casser à tout instant. C'est cette sensation, celle qui nous fait anticiper le fait que tout peut mal tourner d'un moment à l'autre, que Refn arrive à imprimer dans l'esprit du spectateur, et qui fait qu'on reste accroché au siège, cramponné aux personnages, du début à la fin.

    Puis, quelle classe visuelle ! Retenons avant tout le travail sur les lumières, aussi cinégénique de nuit comme de jour (la teinte orangée d'une fin de soirée d'été, par exemple), et ses reflets, dessinant la nuit sur les personnages tel un artiste enfiévré.

    Comme dans Pusher, la dimension criminelle de l'intrigue apporte dans la troisième partie son lot de violence, qui impressionne d'autant plus qu'elle est mise en regard avec l'histoire d'amour sensible des personnages. Celle à qui on fait couler le sang en premier, dans un violent jet rouge filmé au ralenti, marque l'idée qui soutend le film : la violence arrive sans prévenir, jaillissant au sein du cadre sans avoir été annoncée par moult introduction, sonore, visuelle ou par le biais du montage. D'où cette sensation qui arrive finalement peu au cinéma aujourd'hui, de voir l'action se passer pour la première fois devant nos yeux. Nous sommes témoin de la vérité du film, qui dépasse les artifices de la construction cinématographique : la preuve ultime de la réussite incontestable de ce film.

  • Ciné d'Asie : Histoires de fantômes chinois (1987)

    Un film de Ching Siu-Tung

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    Grand succès à sa sortie, localement, puis internationalement, A Chinese Ghost Story a attiré l’attention du monde entier sur le fascinant cinéma de Hong-Kong, alors en plein boum.

    Produit par Tsui Hark, désireux de poursuivre ce qui avait fait le succès de son Zu, les guerriers de la montagne magique (1984), il s’adjoint du chorégraphe de ce dernier film, Ching Siu-Tung, également réalisateur -son premier film, Duel to the Death, est un wu xia-pian, film de sabres assez reconnu. Ching Siu-Tung fait ainsi partie de ces réalisateurs-chorégraphes tels qu’est aujourd’hui un Yuen Woo-Ping (réalisateur moins talentueux que les combats magistraux qu’il chorégraphie dans Tigres et Dragons ou Matrix) ou Liu Chia-Liang, assistant de Chang Cheh à la Shaw Brothers puis réalisateur dans cette même compagnie de certains des meilleurs films d’arts martiaux jamais tournés (La 36e chambre de Shaolin, 1978, Shaolin contre ninja, 1983).

    On retrouve dans la réalisation de HFC un soin constant donné aux couleurs et aux compositions de plans, tantôt classiques dans leur symétrie, tantôt furieux dans leurs mouvements incessants, accompagné d’un montage très rapide qui constitue la marque du cinéma de Tsui Hark, dont la quintessence est visible dans The Blade, 1990 et Time and Tide, réalisé en 1999. HFC est un film d’esthètes, dont tous les plans recèlent une beauté picturale qui s’accorde avec le fond du propos. Dès la première séquence, qui nous montre une jeune fille attirant dans ces filets un simple voyageur, on nous montre l’endroit, un vieux temple, ainsi que la personne responsable du mal qui terrorise le village. Pourtant, il s’en dégage un réel parfum onirique, romantique et érotique (tant de -iques qui ne sont pas néfastes, bien au contraire).

    Après cette introduction où sont déjà intimement mêlés fantastique, érotique et horreur, arrive le personnage principal, un jeune collecteur des impôts naïf qui fait tirer le film vers la comédie. C’est ce qui est fascinant avec le cinéma hong-kongais, où l’on n’hésite pas à mélanger des genres qui paraissent incompatibles. Ici, on ne segmente pas. On retrouvera même des affrontements à l’épée typiques du wu xia-pian, que Ching Sui-Ynug a du bien s’amuser à chorégraphier. Le cinéma est donc une grande marmite où l’on trouve de tout, et avec un bonheur certain, quand la partition est exécutée de main de maître, comme c’est bien le cas ici. La love-story impossible qui va suivre, entre un mortel et un fantôme, est lyrique, touchante, et rappelle le mythe d’Orphée et Eurydice. Le patrimoine chinois recèle lui-même d’autres histoires aux connexions similaires, telle celle des amants papillons, exploitée dans le très beau The Lovers, que Tsui Hark réalisera en 1994, et un autre métrage fantastique dans la même veine qu’Histoires de fantômes chinois, Green Snake, toujours réalisé par Tsui Hark en 1993. On ne sait d’ailleurs pas où s’arrête véritablement la participation de Tsui Hark à Histoires de fantômes chinois, certains allant jusqu’à dire qu’il réalisa lui-même de nombreuses scènes du film. Le mélange prend en tous les cas une très bonne tournure, tant les scènes entre le jeune collecteur, Ning, et le fantôme (jouée par la belle Joey Wong) sont touchantes.

    Les compositions de couleurs, atteignant des sommets, donne au film un cachet impressionniste évident, et l’articulation entre les différentes séquences forme un scénario assez limpide, comme ce n’est le cas qu’assez rarement dans ce type de narration. Quand la force des couleurs vient s’accompagner d’un choc psychologique, on ne peut que saluer la réussite incontestable de ces exotiques Histoires de fantômes.

  • Across the universe (2007)

    Un film de Julie Taymor

    3359461336_d02ab4532e_m.jpgRaconter une histoire (d’amour) en prenant pour matériau les chansons mythiques créées par les non moins mythiques Beatles. Tel est la proposition de ce film, forcément musical. En cela, le début constitue un préambule qui teste le spectateur, qui va recevoir une demi-douzaine de pop songs dans les oreilles pendant le premier quart d’heure, presque sans mot parlé. De fait, ce début fait montre de son concept, et dans le même temps prends le gros risque de désolidariser le spectateur avec le fil (ténu) du récit ; il le paie au prix fort. On a beau être charmé par les réorchestrations parfois ingénieuses de l’œuvre des quatre de Liverpool, on ne peut foncièrement pas accrocher à cette histoire d’amour contrariée, qui paraît d’autant plus artificielle que tout, des décors aux mouvements de caméra, ne semblent être que prétextes à une partie de jukebox géant qui s’éternise rapidement. Les acteurs, sélectionnés en premier lieu pour leur voix (très belles performances de l’ensemble du cast) ne sont pas franchement charismatiques ; le fadasse Jim Sturgess en premier lieu, qui donne cependant le ton de la romance en commençant dès les premières images à chanter Girl : l’objet de son affection, celui du film. Le personnage du jeune homme (Jude) est d’ailleurs plus une caricature qu’autre chose, artiste maudit dont le cœur est sans cesse mis à l’épreuve, comme l’illustre de belle manière la séquence de Strawberry Fields Forever, à coups de fraises épinglées sur une toile blanche.

    Déroulant son semblant de trame narrative à l’époque où les Beatles rendaient fous le monde entier, on passe ainsi de la guerre du Viêt-Nam, à l’assassinat de Martin Luther King, tout ceci composant une toile de fond essayant de capter la sensibilité d’une époque, et n’y parvenant que rarement. Un des dinosaures des années Woodstock est d’ailleurs de la partie, j’ai nommé un Joe Cocker qui se permet de jouer...à la Joe Cocker, mimiques faciales et tremblements de mains à l’appui, qui accompagne la partie psychédélique, phase plus réussie du film, convoquant épisodiquement la noirceur d’un The Wall (Alan Parker, 1982), notamment par l’intermédiaire de l'ami de Jude, parti au Viêt-Nam et revenu salement amoché -la chanson Happiness Is a Warm Gun, excellente. On y croise aussi un impressionnant Bono, méconnaissable sous ses lunettes et son épaisse moustache. Son jeu est d’ailleurs d’un naturel qui fait du bien au sein de cet univers très fabriqué. Enchaînements de véritables petits clips, certains pris à part étant très beaux (le lancinant Because), d’autres faisant preuve d’une exubérance qui, à la longue, insupporte (Being for the benefit of Mr Kite, qui la joue Moulin Rouge! sous acide). On prendra donc ce long, très long (2h dont la raison d’être est l’empilement du plus grand nombre de chansons dans ce temps imparti) morceau de cinéma musical comme une grosse glace, indigeste à la fin mais qui nous aura réservé certains moments graphiquement intéressants, ce qui incite à regarder le film par séquences. Enfin, entendre un best-of des Beatles est toujours bon à prendre...