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  • Les sévices de Dracula (1971)

    Un film de John Hough

    4428375527_ff88fe90a7_m.jpgSpécialiste des ambiances fantastiques, voire horrifiques (La maison des damnés, 1973, avec Roddy McDowall, ou Les yeux de la forêt, 1980, unique production Disney lorgnant vers l’épouvante), John Hough  réalise un de ses premiers films avec ces Sévices vampiriques. S’ils n’ont, contrairement à ce que le titre français promet fièrement, aucun rapport avec le célèbre comte Dracula, il a par contre tout à voir avec la famille Karnstein, qui s’est déjà vu transposée au cinéma à deux reprises par la Hammer Film (dans The Vampire Lovers et Lust for a Vampire) la même année. Les sévices de Dracula, alias Twins of Evil, clôt cette trilogie.

    Deux jumelles, Maria et Frieda, sont recueillies par leur oncle Gustave (Peter Cushing, sec comme une trique), un extrémiste religieux qui joue les grands inquisiteurs, comme Vincent Price dans le douloureux film du même nom, réalisé par Michael Reeves en 1968. Le village des jumelles est situé à proximité du château Karnstein, qu’occupe le dernier descendant de la famille, un séduisant jeune homme. Il n’en fallait pas plus à Frieda pour se sentir irrémédiablement attirée par le danger de se rendre au château, bravant du même coup l’interdiction de son oncle. Dans le même temps, on découvre que le comte, sous ces beaux atours, est un adorateur de Satan et qu’il organise des cérémonies païennes pour réveiller le mal véritable, dans une course aux sensations nouvelles et inédites, pour pallier à son ennui. C’est ni plus ni moins que la même thématique explorée au début du film de Peter Sasdy l’année précédente, Une messe pour Dracula. On y voyait de jeunes aristocrates tromper l’ennui en invoquant Dracula, qu’ils réveillent et provoquent leur mort.

    A la suite d’une des séances de satanisme du bon monsieur -qui la joue fine, en plus : il sauve une fille anonyme ramassée par ses sbires, pour ensuite mieux la sacrifier lors de ses rituels-, Mircalla Karnstein, son ancêtre, apparaît. Après une brève scène, on ne la verra plus, elle est donc un prétexte pour raccorder le film aux autres épisodes, Mircalla apparaissant dans chacun des deux premiers, dans un rôle consistant. Malgré ce subterfuge, et le fait de constamment rappeler au spectateur qu’il regarde un film sur les Karnstein (on entend son nom à tous bout de champ, le trio à l’origine des films, Gates, Fine et Styne oeuvrant toujours au scénario et désireux d’être raccord avec les deux précédents), réalisateur et scénaristes réussissent un bon film, bien plus abouti que le catastrophique deuxième épisode : fini, les pauvres prétextes à dévoiler les poitrines des jeunes actrices-pin ups, fini aussi, les acteurs au charisme frelaté : outre un Peter Cushing fidèle à lui-même, Damien Thomas en Comte Karnstein tire bien son épingle du jeu ; et, ô surprise, on retrouve Kathleen Byron, la folle Sœur Ruth du Narcisse Noir de Powell & Pressburger, qui incarne ici la femme soumise de l’oncle Gustave. Rayon casting, c’est du petit lait...

    L’intrigue est bien menée, tirant profit des personnages (les jumelles, qui seront le jouet d’une substitution l’une à l’autre) et des liens tissés entre eux -Gustave va être confronté à un choix bien difficile quand il se rendra compte que sa nièce est possédée, de même qu’un jeune homme, Anton, qui aime Frieda, et dans le même temps combat la folie de Gustave.  Viseullement, on remarque quelques belles idées, dont une, la transformation effective de la fille en vampire : son image disparaît peut à peu dans le reflet d’un miroir, et terrorise la jeune femme...

    Le vampirisme n’est pas non plus là pour faire joli, et l’on retrouve les procédés caractéristiques de sa mise en scène : regard hypnotisant qui fascine les victimes, dents longues, mais qui ne sortent qu’avec parcimonie et à-propos. Loin de démériter, Les sévices de Dracula finit la série en beauté, par un divertissement tout ce qu’il y a de plus honnête.

  • L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (2009)

    Un film de Serge Bromberg & Ruxandra Medrea

    4413432192_6104da54b4_m.jpgL’Enfer est un vrai film maudit, entouré d’une aura tout à fait mythique. Le réalisateur des Diaboliques (1954) et du Salaire de la peur (1953) se retrouvait donc en 1964 avec les pleins pouvoirs, aux rênes d’un budget sans limites. Puis, des essais interminables, une équipe mise à bout, enfin, l’attaque cardiaque de Henri-Georges Clouzot qui met fin à l’aventure. L’objet ? Une exploration terrible de la jalousie vue de l’intérieur, traitée comme une maladie atteignant le plus profond des perceptions humaines ; toutes les perceptions sensorielles de Marcel (Serge Reggiani) s’en retrouvent altérées. Phrases qui se mélangent, couleurs qui virent, objets déformés... Des images hallucinantes, jouant avec les miroirs déformants, les multi-expositions de pellicules, trompant la perception de l’œil.

    La redécouverte de ces images perdues, endormies depuis des décennies dans les réserves de la Cinémathèque Française, a quelque chose de tout à fait fascinant, et on comprend que Serge Bromberg, à la vue de celles-ci, décida tout de suite d’en faire un film, le collectionneur qu’il est n’ayant eu au départ que son envie de retrouver ce trésor.

    Sa récompense aux Césars est légitime et logique, un film sur le cinéma, parlant d’un mythe dont on a retrouvé des bribes, étant un peu le rêve de toutes les personnes s’intéressant de près au cinéma ; récemment, la projection de Metropolis en version complète à Berlin, en grande pompe, en est la preuve flagrante.

    Faire un film sur L’enfer a dû être titanesque : des images en vrac, dépourvues du moindre son, impliquant une réinvention sonore totale -et très réussie-, enfin la reconstitution du film d’après le scénario original. Dominé par un travail de montage assez exceptionnel (le premier monteur ayant d’ailleurs jeté l’éponge), l’enchaînement des plans donne une idée assez précise des scènes tournées. On assiste donc à un miracle comme on en voit peu ; et, il faut l’avouer, Serge Bromberg sait raconter des histoires,  même si sa narration dans le documentaire est un brin scolaire.

    Malgré tout, la réussite n’est pas totale : comme si, à l’image du film reconstitué, L’enfer d’Henri-Georges Clouzot était malade. Entre le récit de tournage, les images du tournage lui-même, puis les reconstitutions des dialogues avec Jaques Gamblin / Bérénice Béjo en lieu et place de Serge Reggiani/Romy Schneider, le film conducteur se perd parfois dans des flottements où l’on se surprend à s’ennuyer, faute de rythme. Le kaléidoscope géant que constitue le film éblouit, ravit la pupille, plus que l’histoire du tournage qui est pourtant, elle aussi, digne d’un film. Mais sans histoire, le film ne peut tenir le coup sur la durée, les images, aussi incroyables soient-elles, ne se suffisent pas à elles-mêmes. C’est, peut-être aussi, la direction à donner aux interviews réalisées récemment qu’il aurait fallu imprimer un rythme et un fil conducteur plus intense.

    Clouzot semble s’être perdu dans l’abîme de son film, noyé dans l’œil du cyclone. Sa fascination pour les tourments intérieurs ne fait aucun doute en voyant les images, malgré qu’il s’en défende dans une interview d’époque. La plongée dans cette ambiance surréaliste, magnifiée par la musique exceptionnelle composée pour le film, est une expérience à vivre. L’incandescence de Romy Schneider, qui allume chaque bout de pellicule où elle apparaît, vaut à elle seule le déplacement.

  • Ciné d'Asie : Le combat des Maîtres (1976)

    Un film de Liu Chia-Liang

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    Le deuxième film de Liu Chia-Liang est consacré au personnage de Wong Fei-Hung, personnage historique, médecin et  maître des arts martiaux ayant vécu au XVIIème siècle. Après avoir inspiré un grand nombreux de films, l’objectif de Liu Chia-Liang est de faire de ce personnage un jeune novice en art martiaux ; une véritable (r)évolution s’opère, qui allait remettre en selle Wong Fei-Hung pour deux décennies.

    C’est Liu Chia-hui, alias Gordon Liu, propre frère adoptif et disciple martial du réalisateur, qui hérite du rôle. Pour un "premier" premier rôle (deux ans avant La 36ème chambre de Shaolin), il fait preuve d’un charisme impétueux ; sa maîtrise martiale ne fait aucun doute, Liu Chia-Liang filmant ses acteurs de pied en cap lors des (rares, mais excellents) combats en plans-séquences. C'est lui qui reprendra le rôle dans Martial Club, toujours pour le même réalisateur.

    Liu Chia-Liang, dont la vie est intimement liée à la pratique et la philosophie des arts martiaux, a légitimité et passion pour raconter sa version du personnage ; Le combat des maîtres, alias Challenge of the masters, est à ne pas confondre avec une autre fantastique excursion dans le monde de Wong Fei-Hung par Liu Chia-Liang, nommée Combats de maîtres (Drunken Master 2), avec Jackie Chan dans le rôle. On trouve, dès Le combat des maîtres, des constantes thématiques et une maîtrise de l’outil dans l’expression d’un style bien particulier : didactique, exaltant la beauté du geste martial et la fidélité et l’obéissance au maître, le tout saupoudré de comédie, lui qui mènera la kung-fu comedy à son paroxysme. Il occupe d’ailleurs souvent plusieurs postes dans ses films, puisqu’il est à la fois réalisateur, acteur et chorégraphe des combats (comme ici), lui permettant ainsi d’imprimer une trace indélébile au métrage.

    Le novice Wong Fei-hung va ainsi apprendre les arts martiaux, son oncle détectant chez lui une aptitude innée. L’entraînement est comme à l’accoutumée exemplaire, tirant cinématographiquement profit de chaque arme utilisée : la lance, le bâton à trois branches... Les mouvements sont comme ressentis et digérés par la caméra, qui, loin des cuts épileptiques qui font aujourd’hui le quotidien des films de combats (qui cachent, souvent bien mal, une inaptitude réelle au combat) se veut ici le prolongement, l’accompagnement.du geste de l’acteur. De plus, l’équilibre des forces entre maître et élève est géré de façon progressive et parfois inattendue, tant la nécessaire soumission se teinte de complicité puis de respect mutuel (grand Chen Kuan Tai, que je guetterai désormais dans les films Shaw !).

    Il est intéressant de noter que, pour ses deux premiers films sur le personnage, Liu Chia-Liang prend à chaque fois comme fil rouge du récit une fête populaire ; la fête des pétards dans Le combat des maîtres et la danse du lion dans Martial Club. Cette dernière, festivité très importante de la culture chinoise généralement réservée à la célébration du Nouvel An, est l’occasion de montrer des joutes entre deux équipes dans le maniement d’un dragon-marionnette à l’intérieur duquel opèrent plusieurs athlètes ; démonstration de maîtrise martiale là encore, doublée de respect mutuel entre les équipe et les hommes. Les deux aspects essentiels cher à Liu Chia-Liang sont ainsi présents de façon égale. Les mouvements de foule permettent également la composition de plans larges toujours impressionnants. Il était de notoriété publique que Wong Fei-Hung était expert dans l’exercice de la danse du lion, ce dont se souviendra Yuen Bun, aux commandes du quatrième épisode de la saga Il était une fois en Chine justement intitulé La danse du Lion (1993).

    Dans Le combat des maîtres, la fête des pétards -il s’agit de rattraper des fusées qui sont allumées et projetées dans le ciel, dans une compétition par équipes- est aussi l’occasion d’un grand rassemblement festif et populaire, même si l’aspect martial est moins présent. Néanmoins, c’est la raison pour laquelle Wong Fei-Hung veut apprendre les arts martiaux, le jeu nécessitant une résistance physique accrue. Là encore, le respect et la bonne conduite est au cœur du débat, une équipe rivale essayant à tout prix de l’emporter par des ruses de bandits, tandis que l’autre essaye, par la voie des arts martiaux, de montrer l’exemple. Les exactions allant jusqu’au meurtre de l’oncle de Wong Fei-Hung, la vengeance sera un autre trait de l’apprentissage du personnage.

    Un bien beau film du Sifu comme l’appelait Gordon Liu, démonstration évidente et pleine de sagesse d’un art martial maîtrisé : du grand art.

  • The Wiz (1978)

    Un film de Sidney Lumet

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    A l’heure de la sortie de This is it en vidéo, revenons quelques instants sur le premier rôle ciné de Michael Jackson.

    Pourquoi a-t-on envie de voir The Wiz ? Pour tenter le décalage de cette version noire du Magicien d’Oz (en fait transposition cinématographique du spectacle musical créé en 1975), pour la vitrine maison qu’en fait Motown -Berry Gordy en avait acquis les droits d’adaptation, et Quincy Jones a contribué à enrichir l’orchestration, interprété par la star Diana Ross-, ou pour la prestation de Michael, Jackson, fondatrice dans sa passion pour le cinéma ? Un peu pour tout ça en même temps, mais le déclic qui nous fait mettre la galette dans le lecteur pourrait bien être cette découverte d’une facette inédite de l’artiste le plus médiatique du XXème siècle.

    C’est d’un gros projet qu’hérite le réalisateur de Serpico et d’Un après-midi de chien (après que John Badham, réalisateur demandé par Berry Gordy, ne soit viré... pour avoir critiqué le choix de Diana Ross pour interpréter Dorothy, 16 ans dans le bouquin et 24 dans le musical). Pour rappel, la chanteuse de Supremes avait 34 ans à l’époque du tournage. Le show de Broadway ayant bien marché, les moyens sont mis sur la table. De grands décors, une belle figuration, beaucoup de danseurs, un travail musical de qualité... Le four n’en sera que plus dur : le budget sera à peine remboursé de moitié.

    Comment peut-on expliquer ce désamour ? Tout d’abord, la naïveté du message ne seyait pas forcément à la dureté générale et la dimension désabusée des années 70 aux Etats-Unis. Sûrement peut-on aussi avancer qu’un film composé d’un casting uniquement noir ne devait pas plaire à tout le monde, Le magicien d’Oz étant rentré dans le cœur des américains comme un véritable mythe fondateur de leur identité WASP ; alors qu’en fait, il s’agit exactement du même créneau en plus claustrophobique encore, qui est ici défendu (rappelez-vous de "On est jamais mieux que chez soi", leitmotiv aventurier s’il en est). Diana Ross surjoue en effet constamment les côtés dramatiques de son personnage, qui n’est jamais sortie de chez elle, faisant des yeux ronds et apeurés à tout bout de champs, avec la larme très facile. Seule la couleur change.

    Artistiquement, les partis pris de mise en scène de Sidney Lumet sont pour le moins étranges, cantonnant le plus souvent dans la position du spectateur qui regarde une pièce. Très statique, n’usant pour la plupart des cadres que d’une échelle de plan (le plan d’ensemble), la mise en scène pêche par une trop grande transparence. De plus, elle est vraiment mise à mal lors des séquences chorégraphiées, qui, si les mouvements dont elles sont constituées sont agréables et intéressant, ne sont aucunement mises en valeur par cette mise en scène.

    A la féerie du Magicien d’Oz de Fleming et les autres, est confronté un réalisme urbain qui frappe à chaque coin du cadre (parkings, métros, fêtes foraines sont les lieux clés de l’action). Cette distance, énoncée dans le musical puis reprise, ne joue pas non plus pleinement son rôle, trouvant ces limites dans des passages qui fleurent bon le Z (les piliers du métro qui s’en prennent au quatuor, les singes motards). Que dire des danseurs en strings dorés...

    Enfin, pouvons-nous parler de Michael Jackson, qui s’est visiblement amusé comme un petit fou sur ce tournage : sensible, le rôle de l’épouvantail dégingandé lui va comme un gant, citant à la volée des vers de Shakespeare, ou des leçons de vie sorti du panthéon littéraire dont il est lui-même constitué ; son cerveau fait de papier mâché. A 20 ans à peine, il délivre une très interprétation tellement évidente de charisme qu’il vole les scène dans lesquelles il apparaît, évidemment dominé par ses prestations dansées dans lesquelles il était déjà stratosphériquement supérieur. S’il est clair que le maquillage ne le met pas en valeur -ajoutant une pierre encore à l’édifice de ses multiples transformations-, cela semblait l’aider à se défaire d’un rôle qu’il avait à jouer, et ce 24h/24. Comme lorsqu’il était sur scène, s’acharnant à reconstituer un Barnum gigantesque, ce film constitue une belle cour de récré pour l’éternel enfant qu’il semblait être, et dans laquelle il ne fait aucun doute qu’il s’y sentait dans son élément, comme chez lui.