Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique du film de Jean Yarbrough :
40's
-
She-Wolf of London (1946)
-
Le loup-garou (1941)
Consultez la chronique du film de George Waggner
-
Il marchait la nuit (1948)
Un film de Alfred L. Werker et Anthony Mann
Ce film policier, montrant avec force détail le processus d'enquête de la police de Los Angeles suite à l'assassinat d'un de ses agents n'est pas sans rappeler l'excellent La brigade du suicide, réalisé par Anthony Mann en 1947. Tout l'appareil de police est mis à contribution das une affaire particulièrement délicate : de nuit, un homme agresse un policier, puis fait varie son apparence physique comme son mode opératoire (hold-up, agression, de jour comme de nuit). Afin de triompher de cet homme "sans visage", on nous montre avec fierté un dispositif d'avant-garde, l'établissement d'un portrait le plus détaillé possible, avec l'aide des dernière technologies disponibles et des témoins des crimes. Une voix-off vient souvent appuyer le fastidieux processus d'enquête et d'interpellation. Il marchait la nuit marque également par sa tonalité très sombre, notamment lors d'une séquence très dure au cours de laquelle le personnage principal (qui est aussi le criminel, c'est assez rare pour le signaler) s'extrait lui-même la balle qui l'a blessée.
Esthétiquement, le film a une belle patte, notamment grâce au réalisateur Alfred L. Werker, à qui l'on doit un des premiers Sherlock Holmes avec Basil Rathbone, Les Aventures de Sherlock Holmes ; Anthony Mann, bien que non crédité au générique, a au moins dirigé la scène finale dans les égouts, lieu atypique qui n'avait vraisemblablement jamais été utilisé auparavant au cinéma. La très belle qualité visuelle du film peut également compter sur l'apport du directeur photo John Alton, artisan régulier dans les films d'Anthony Mann (Marché de brutes, La brigade du suicide, Incident de frontière ou encore La porte du diable), et d'Allan Dwan ; les séquences nocturnes, qui occupent la quasi-totalité du métrage, en sortent magnifiées, avec des éclairages durs et directs, à l'aune des meilleurs films noirs. A signaler, la copie disponible sur le DVD signé Wild Side Video est de bonne tenue, bien que proposée dans une gamme low-cost, Vintage classics.
Au final, c'est tout le paradoxe entre des crimes terribles, sans réel motif, variant dans leur forme, et l'apparence angélisme de son auteur, qui est soulevé ; et Il marchait la nuit, comme La brigade du suicide, encense comme c'est de bon ton à l'époque la valeur des hommes qui font, parfois au prix de leur vie, respecter la loi dans la jungle urbaine...
Disponibilité vidéo : DVD - éditeur : Wild Side Video
-
Le signe de Zorro (1940)
Un film de Rouben Mamoulian
Inspiré par le succès des Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz, William Keighley, 1938), la Fox utilise "son" Errol Flynn, Tyrone Power, déjà vu dans Le brigand bien-aimé de Henry King l'année précédente, pour illustrer l'histoire de Zorro. Le personnage a déjà été immortalisé par Douglas Fairbanks dans la version muette de 1920, puis plus tard dans les serials sortis par Republic Pictures, entre 1937 et 1949 (bien que la tonalité de ceux-ci s'éloignent fortement du personnage classique).
Tyrone Power joue le bellâtre Don Vega, indifférent en surface aux ignominies infligées à son peuple, et Zorro, le défenseur des opprimés : si la double-vie rappelle les alter-ego des super-héros tout juste nés, l'insolent sourire de Power est calqué sur celui d'Errol Flynn ; et, s'il est fort bon à ce jeu-là, force est de constater qu'il n'égale pas son modèle. La Fox remettra le couvert deux ans plus tard avec Le Cygne noir (Henry King, 1942), pour un film de pirates flamboyant... au moins autant que Capitaine Blood (Michael Curtiz, 1935) et L'aigle des mers (Michael Curtiz, 1940). Au jeu des comparaisons, Le signe de Zorro, s'il est loin d'être indigne, pèche tout de même par une intrigue trop linéaire, peu de péripéties, et une mise en scène assez plate, juste relevée par la joute finale à l'épée. Linda Darnell, si elle est adorable, fait un peu cruche et n'a pas vraiment le temps d'exister - mettons au bénéfice du film la séquence de la chapelle, Vega se fait passer pour un ecclésiastique. Le reste du bon casting n'est qu'une resucée de Robin des Bois : Eugene Palette était Frère Tuck et ici le moine Felipe, et l'excellent Basil Rathbone, auparavant Charles de Guisbourne, le capitaine Esteban. Sa maîtrise de l'escrime est encore une fois utilisée à bon escient, mais on remarque du même coup sa plus grande aisance, et nous demandons comment il fait pour perdre son duel.
La musique d'Alfred Newman est à-propos, brandissant à chaque apparition du cavalier noir le bondissant thème du héros. On remarquera que Zorro est indifféremment muni du loup, le masque sur les yeux, puis à un autre moment, il n'arbore qu'un large foulard noir qui lui cache le bas du visage (rappelant aussi le héros de pulp magazine The Shadow). Le rôle de l'assistant muet de Zorro n'existe pas dans cette version, même si on en retrouve une réminiscence chez le personnage du cocher qui ramène Vega à la demeure familiale.
L'affaire est rapidement menée, Zorro taillant des Z à tout de bras, jusqu'à la confrontation finale, elle aussi expédiée. Le film grade le charme des productions hollywoodiennes de cette époque bénie, mais manque d'un peu de pep's pour rester gravée dans l'éternité. La Bibliothèque du Congrès a été moins sévère que moi sur ce coup, incluant Le signe de Zorro dans le National Film Registry en 2009, consacrant ainsi son importance culturelle et esthétique, et ils ont quand même raison...
-
Classics Confidential : Les forçats de la gloire (1945)
Un film de William A. Wellman
Wild Side nous fait découvrir, dans une très belle édition DVD + livre, le film de guerre de William A. Wellman ; celui-ci, un temps pilote dans l'escadrille LaFayette, s'orientera naturellement vers films d'aviation (Les ailes, 1927, Les pilotes de la mort, 1928) ; pour autant, il entend bien rendre justice à l'infanterie avec The Story of G.I. Joe (titre original du film), adapté des chroniques du correspondant de guerre Ernie Pyle -interprété par Burgess Meredith.
Les forçats de la gloire entretient un rapport étroit avec la réalité de la seconde guerre mondiale : tourné pendant la guerre, le film utilise des plans de La bataille de San Pietro, documentaire réalisé par John Huston sur l'attaque de la ville, survenue en décembre 1943 (présent en bonus sur le DVD). Même si certains plans (d'avions, notamment) font montre de leur altérité par rapport au film The Story of G.I. Joe, bien malin celui qui pourra départager avec précision les plans documentaires des plans de studios filmés par Wellman.
Les soldats des campagnes d'Italie et de Sicile sont également mis à contribution, apparaissant dans le film ; le film sortira sur les écrans américains le 18 juin 1945, soit à peine plus d'un mois après la reddition de l'Allemagne. A cette date, les véritables soldats que l'on voit dans le film auront tous péris sous les balles ennemies ; il en est de même pour le correspondant de guerre Ernie Pyle, tombé le 18 avril 1945. Avant cela, il aura remporté le prix Pullitzer pour son travail. Ces rapprochements fiction/réalité sont bien mis en valeur dans le livre joint au DVD, écrit par Michael Henry Wilson et traduit par Philippe Garnier. Le parcours de Wellman y est détaillé avec beaucoup d'à-propos.Wellman veut un film réaliste sur le quotidien de la guerre : il filme ainsi beaucoup de moments d'attente, d'épuisement de la compagnie C du 18ème régiment d'infanterie. Les combats sont réduits à la portion congrue, mais frapperont avec une force peu commune lors des batailles de San Vittorio et du Monte Cassino. On retient, certes la fatigue, la lassitude de ces hommes sacrifiés, mais aussi les moments de complicité et de gaîté, qui les ont fait tenir ; à l'image du sergent Warnicki (Freddie Steele, un ancien boxeur), qui, après chaque bataille, harassé, essaye systématiquement de faire marcher le vinyle que lui a envoyé sa femme, sur lequel elle a enregistré la voix de son petit garçon... Son abnégation sera finalement récompensée.
Les soldats en route pour la batailleLa concentration du récit sur une petite unité rend ces personnages vivants, attachants ; Pyle, voyageant un peu partout lors des campagnes d'Afrique et surtout d'Italie, revient toujours à la compagnie C, comme il retrouve des amis. La mort, thème évidemment central, n'est jamais traitée avec sentimentalisme ou grandiloquence, mais simplement et humblement, comme un triste passage obligé de la guerre. Le lieutenant Bill Walker, interprété par Robert Mitchum en retenue, en fera les frais.
Poignant par sa rudesse et son refus du traditionnel spectacle hollywoodien, Les forçats de la gloire est un film qui reste ; sa puissance n'est aucunement érodée par les ans, car la technique, si élaborée soit elle, s'efface devant la réalité des choses : grand paradoxe des chefs-d’œuvre de l'histoire du cinéma.
Disponibilité vidéo : DVD + livre - éditeur : Wild Side Video
Sources images : jaquette DVD © Wild Side Video - photogramme du film © Lester Cowan Productions