
Liu Chia-Liang dans Lady Kung-fu
Le 25 juin dernier disparaissait dans une indifférence quasi-générale un des plus grands homme du cinéma kung-fu, en la personne de Liu Chia-Liang. D'abord cascadeur puis directeur des combats chez le prolifique Chang Cheh, sa popularité explosera en tant que réalisateur à la Shaw Brothers, notamment pour sa trilogie de la 36ème chambre ; il est également acteur : on le voit beaucoup dans ses fameuses kung-fu comedies fin 70's - début 80's, comme dans l'excellent Mad Monkey Kung-fu (1979), ou encore Lady Kung-fu (My Young Auntie, 1981).
Sifu (maître), comme l'appellent ses collaborateurs, est un adepte de la boxe du sud, un style de combat ramassé, reposant sur un jeu de jambes stable et un gros travail de mains. Ce style de combat fera tout le sel de sa filmographie, dans laquelle il s'applique à la montrer particulièrement lisible (les meilleurs pour filmer des scènes de combat restent les directeurs de combat eux-mêmes, qui comprennent mieux que tout autre la dynamique spatiale des corps). Si certains taxent sa mise en scène d'académique, elle demeure surtout maîtrisée, saisissant les mouvement dans toute leur grâce.
Au contraire d'un Chang Cheh, tout entier dévoué à la sauvagerie des combats et à la célébration d'amitiés viriles, Liu Chia-Liang entend donner avec le kung-fu des leçons de vies, notamment en appuyant les arcs narratifs de ses films sur la relation maître-élève. Le respect dû à la figure du père, élément-clé de la philosophie confucianiste, est au cœur de l’œuvre de Liu-Chia Liang. La mante religieuse (Shaolin Mantis, 1978) est un exemple typique de cet aspect, tout comme le cultissime 36ème chambre de Shaolin, sorti la même année.
Passionné par l'art des combats, Liu Chia-Liang est, de fait, un des descendants de la lignée du légendaire Wong Fei-Hung, le fameux docteur et expert en arts martiaux incarné dans les années 90 par Jet Li dans les films de Tsui Hark. Plus précisément, son père était l'un des disciples d'un élève du célèbre maître. Le combats des maîtres (Challenge of the Masters, 1976), ainsi que Martial Club (1981), ont pour héros Fei-Hung, interprété dans les deux cas par Gordon Liu (Liu-Chia Hui), frère adoptif du Sifu. L'histoire a continué de s'écrire quand, à son tour, Liu-Chia Liang prend pour disciples certains de ces acteurs favoris, avec lesquelq il tournera quelques films marquants : Chen Kwan-Tai, Jimmy Wong-Yu, Ti Lung, ou encore Alexander Fu-Sheng. Liu Chia-Liang aura marqué de son empreinte l'histoire du cinéma mondiale : il resera dans nos mémoires.
Lecture conseillée :
Ciné Kung-Fu, François & Max Armanet, 1988
Tigres et dragons, les arts martiaux au cinéma : chevaliers et samouraïs, Christophe Champclaux, 2008
Source image : Lady Kung-fu (My Young Auntie) © Celestial Pictures

Film culte s’il en est, La 36ème chambre de Shaolin peut être considéré comme le mètre-étalon du film de kung-fu. La parution du Blu-ray de la trilogie du même nom, au début du mois de janvier 2010, mérite amplement qu'on y revienne. Grand succès international de la Shaw Brothers, même aux Etats-Unis malgré un remontage sévère (30 minutes en moins) et un titre pas très fidèle à l’esprit du film -Shaolin Master Killer-, La 36ème chambre est un grand film initiatique, qui conte l’apprentissage aux arts martiaux d’un jeune homme au sein du temple de Shaolin. Le contexte historique du film, l’oppression du peuple Chinois par les Mandchous aux alentours du XVIIème siècle, offre l’arrière plan narratif nécessaire qui justifie la quête de San De (Gordon Liu), guidé d’abord par la vengeance : sa famille a été décimée. Au bout d’une demi-heure de film développant la dimension historique (sûrement le grand coup de ciseau de la version allégée du film), donnant chair aux enjeux importants pour la suite du film, le jeune homme arrive donc aux portes du temple, et l’initiation peut commencer. Longue et laborieuse, elle est ponctuée de rares mais significatifs ellipses qui donnent un relief temporel très fort au récit ; pour voir défiler les années, rien de mieux que de se faire succéder deux séquences pendant lesquelles le héros a de grandes difficultés à accomplir les épreuves qui lui sont proposées, puis dans un second temps donner à voir la maîtrise totale du corps. A ce jeu-là, Gordon Liu, véritable athlète martial, est tout à fait crédible (à tel point qu’aux Etats-Unis justement, d’aucun crurent qu’il était un véritable moine Shaolin - dixit le livret que le spécialiste Frédéric Ambroisine a réalisé pour l’édition DVD du film), alternant les séquences de travail acharné, d’hésitations et de regards naïfs et enfantins, à la maîtrise pleine de sérénité. Le film offre ainsi un moment d’une beauté et de démonstration de persévérance fascinante lorsqu’on voit les pieds de San De continuer à répéter la même routine alors que le personnage est endormi ; puis, l’éveil, et l’entraînement de nuit qui va lui permettre de passer au niveau supérieur.
Martial Club est la deuxième participation de Liu Chia-Liang à l’édifice cinématographique créé pour le médecin expert en arts martiaux Wong Fei Hung, figure historique chinoise du 19e siècle. Il est incarné dans le film par le frère adoptif du réalisateur, Liu Chia-Hui, alias Gordon Liu déjà au même poste sur