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L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (2009)

Un film de Serge Bromberg & Ruxandra Medrea

4413432192_6104da54b4_m.jpgL’Enfer est un vrai film maudit, entouré d’une aura tout à fait mythique. Le réalisateur des Diaboliques (1954) et du Salaire de la peur (1953) se retrouvait donc en 1964 avec les pleins pouvoirs, aux rênes d’un budget sans limites. Puis, des essais interminables, une équipe mise à bout, enfin, l’attaque cardiaque de Henri-Georges Clouzot qui met fin à l’aventure. L’objet ? Une exploration terrible de la jalousie vue de l’intérieur, traitée comme une maladie atteignant le plus profond des perceptions humaines ; toutes les perceptions sensorielles de Marcel (Serge Reggiani) s’en retrouvent altérées. Phrases qui se mélangent, couleurs qui virent, objets déformés... Des images hallucinantes, jouant avec les miroirs déformants, les multi-expositions de pellicules, trompant la perception de l’œil.

La redécouverte de ces images perdues, endormies depuis des décennies dans les réserves de la Cinémathèque Française, a quelque chose de tout à fait fascinant, et on comprend que Serge Bromberg, à la vue de celles-ci, décida tout de suite d’en faire un film, le collectionneur qu’il est n’ayant eu au départ que son envie de retrouver ce trésor.

Sa récompense aux Césars est légitime et logique, un film sur le cinéma, parlant d’un mythe dont on a retrouvé des bribes, étant un peu le rêve de toutes les personnes s’intéressant de près au cinéma ; récemment, la projection de Metropolis en version complète à Berlin, en grande pompe, en est la preuve flagrante.

Faire un film sur L’enfer a dû être titanesque : des images en vrac, dépourvues du moindre son, impliquant une réinvention sonore totale -et très réussie-, enfin la reconstitution du film d’après le scénario original. Dominé par un travail de montage assez exceptionnel (le premier monteur ayant d’ailleurs jeté l’éponge), l’enchaînement des plans donne une idée assez précise des scènes tournées. On assiste donc à un miracle comme on en voit peu ; et, il faut l’avouer, Serge Bromberg sait raconter des histoires,  même si sa narration dans le documentaire est un brin scolaire.

Malgré tout, la réussite n’est pas totale : comme si, à l’image du film reconstitué, L’enfer d’Henri-Georges Clouzot était malade. Entre le récit de tournage, les images du tournage lui-même, puis les reconstitutions des dialogues avec Jaques Gamblin / Bérénice Béjo en lieu et place de Serge Reggiani/Romy Schneider, le film conducteur se perd parfois dans des flottements où l’on se surprend à s’ennuyer, faute de rythme. Le kaléidoscope géant que constitue le film éblouit, ravit la pupille, plus que l’histoire du tournage qui est pourtant, elle aussi, digne d’un film. Mais sans histoire, le film ne peut tenir le coup sur la durée, les images, aussi incroyables soient-elles, ne se suffisent pas à elles-mêmes. C’est, peut-être aussi, la direction à donner aux interviews réalisées récemment qu’il aurait fallu imprimer un rythme et un fil conducteur plus intense.

Clouzot semble s’être perdu dans l’abîme de son film, noyé dans l’œil du cyclone. Sa fascination pour les tourments intérieurs ne fait aucun doute en voyant les images, malgré qu’il s’en défende dans une interview d’époque. La plongée dans cette ambiance surréaliste, magnifiée par la musique exceptionnelle composée pour le film, est une expérience à vivre. L’incandescence de Romy Schneider, qui allume chaque bout de pellicule où elle apparaît, vaut à elle seule le déplacement.

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