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Le film était presque parfait - Page 75

  • Ciné d'Asie : Tuer (1962)

    Un film de Kenji Misumi

    4243386425_5b56645ab0_m.jpgRéalisateur de studio, Misumi est cependant un des plus révérés de tous à la Daiei. Sa riche carrière est surtout associée à deux figures mythiques du cinéma japonais, Zatoichi et Baby Cart, auxquelles il donne ses plus beaux épisodes. Les deux sagas offrent des similitudes avec Tuer : une peinture du japon féodal par le film de sabre, ou chambara, ainsi qu’un personnage central solitaire qui deviendra ronin, vendant son talent de sabreur émérite au plus offrant.

    L’histoire est faussement simple, tel ce prologue où une jeune femme en tue une autre, au terme d’une grande bousculade, puis va subir la peine capitale pour son crime. Nous sera ensuite dévoilée, quelques vingt minutes plus tard, la version intégrale de l’affaire, lors d’un flash-back magnifique.

    Fils de la meurtrière, recueilli dès son plus jeune âge, le jeune Shingo (Raizo Ichikawa) devient un expert dans le maniement du sabre, grâce à un voyage qu’il entreprend seul. Le tournoi au sabre, voyant un épéiste émérite défaire tous ses opposants successifs, est un grand moment du film. Le plan qui voit s’opposer le champion à Shingo dure une éternité, mais résume bien la tension présente. S’il était renommé pour sa technique, Misumi n’était cependant pas considéré comme un génie du rythme. Ses films sont secs et froids, à l’image du titre laconique de ce film-ci, et psychologiquement arides -bien que, d’autre part, le sang y coule souvent à flots.

    Misumi fige ses acteurs dans des poses iconiques, et les fait ainsi ressembler à des estampes traditionnelles d’une pureté incroyable ; Il a su utiliser à bon escient l’acteur Raizo Ichikawa, ancien acteur de kabuki, aux gestuelle et démarche toujours gracieuse, qu’il retrouvera pour Le sabre, réalisé en 1964.

    Les compositions plastiques de Kenji Misumi sont toujours frappantes, lui qui était surtout reconnu comme technicien accompli, composant ses cadres comme personne. Le plan récurrent du soleil aveuglant qu’un sabre vient trancher, et qui jette ainsi le voile de la mort sur les hommes, est magnifique. A chaque fois, il opère sur la même thématique, et pourtant l’effet rendu par ces transitions est toujours inattendu. Le plan d’une simple goutte de sang, coulant sur une poitrine féminine dénudée, est aussi d’une rare beauté.

    Si sa beauté picturale frappe, Tuer marque également par son pessimisme total, les personnages ne faisant que s’enfoncer dans un abîme sans fond. Lorsque Shingo apprend qu’il a été adopté, il entreprend aussitôt d’aller à la recherche de son père biologique. Il rencontrera, dans une forêt ténébreuse, l’ombre de ce que fût son père autrefois, brisé intérieurement. Toutes les figures paternelles sont ainsi appelées à se rendre, le film finissant dans un déchaînement terrible du fatum. Démonstration de cinéma, Tuer, malgré sa faible durée, fait montre de la dextérité à toute épreuve de Misumi, notamment grâce à un excellent usage du flash-back. On peut cependant sincèrement penser que le meilleur de sa filmographie va se dévoiler plus loin dans les années 60.

    A lire : l'article du film sur Wildgrounds

  • Alice au Pays des Merveilles (1951)

    Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique du film :


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  • Bonne année 2010 !

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    Je souhaite à tous une excellente année 2010, meilleure que celle qui vient de se terminer (quand même, Michael Jackson, Stan Winston, Dan O’Bannon, Jocelyn Quivrin, et tant d’autres nous ont quittés...), donc une bonne santé, une année pleine de joies (sachez les reconnaître !) et surtout de... grands moments de cinéma ! Non que 2009 en ait manqués : parmi les 225 films que j'ai pu voir dans l’année, peu l’ont été au cinéma, mais ce peu était souvent marquant : je pense à Watchmen, Coraline, Departures, Terminator Renaissance (n’en déplaise aux méprisants), The Reader ou plus récemment La route. En DVD, ce fut un festival, avec la découverte (tardive) de L’année du Dragon, le coffret Mikio Naruse ou celui consacré à Richard Fleischer, ... Côté séries, je devrais citer l’immense deuxième saison de Ghost In The Shell, et la fin de la géniale série Battlestar Galactica, un peu en-dessous de son potentiel, mais tellement plus puissante que n’importe quelle série actuelle... Une grande année donc, quand vient l’heure des comptes. Je ne fais consciemment pas de top (même si ce petit récap’ en a les atours), ni de flops (trop de films sont malheureusement à jeter sans état d’âme), mais le bilan est globalement très satisfaisant.

    L’année à venir nous réserve certainement de grosses surprises, et chacun y va de ses films attendus : comme beaucoup de monde, je guette Alice au pays des merveilles de Burton (la version Disney se verra chroniquée ici même dans les prochains jours), et je miserais bien sur The Wolfman (Joe Johnston), dont la bande-annonce est vraiment alléchante (avec tout de même une reprise en bonne et due forme du Dracula de Coppola...). J’ai envie que Inception (Christopher Nolan) soit extraordinaire, ainsi que Lovely Bones (Peter Jackson), nous jugerons donc sur pièces. Un beau début d’année, question affiche, tout du moins !

    Notez enfin que Le film était presque parfait a les honneurs de faire désormais partie du club sélect des VIB; VIB, kézako ? Il s'agit d'une valorisation de certains blogs par la plateforme Hautetfort, pour la régularité de leur publication, la qualité de leur publication, entre autres. Je les en remercie mille fois, et ferai tout pour être à la hauteur !

    Très bonne année 2010 !

  • Un jour sans fin (1993)

    Un film de Harold Ramis

    4228751970_c691e9b009_m.jpgVous avez l'estomac lourd, l'impression que tous les repas se succèdent et se ressemblent ? J'ai le film qui va vous donner la banane, tout en ayant un sacré air de déjà-vu... Idéal pour les fêtes, Un jour sans fin illustre bien l’idée qu’on peut se faire d’une comédie parfaite, toute à la fois drôle et profonde.

    Soutenu par l’humour mordant d’un Bill Murray au sommet, le film prend comme principe la règle fondamentale du comique de situation : la répétition. Par le biais d’un argument fantastique accessoire -qui ne sera jamais expliqué, mettant de côté toute appartenance au genre-, le personnage principal, présentateur  météo d’une chaîne locale, vit à l’infini le "jour de la marmotte" (Groundhog day, titre original du film) qu’il était venu couvrir.

    Le principe de recommencer une séquence, potentiellement à l’infini durant tout le film, était quand même sacrément casse-gueule : comment maintenir l’attention, l’envie de voir la suite, si l’essentiel du film se consacre à la répétition inlassable des mêmes scènes ? La parade est ainsi trouvée, en modifiant au fur et à mesure certains détails, par le voyage initiatique que va faire Bill Murray pendant tout ce temps (même si aucun repère temporel n’est donné, et pour cause, on peut imaginer que le personnage reste coincé une bonne quinzaine d’année par sa malédiction). On distingue ainsi plusieurs étapes de son cheminement, qui permette cette progression indispensable du scénario, tout en étant paradoxale par rapport au principe du film.

    Une fois sûr du processus de répétition -au téléphone, hilarant : "Et si y' avait pas de demain ? Y' en a pas eu aujourd'hui !"-, Phil Connors va profiter de ce qu’il considère d’abord comme un don : sexe (en draguant une pimbêche, en ayant pris soin de prendre quelques renseignements qu’elle lui confie elle-même "le jour d’avant"), richesse (double profit : l’excitation du vol, tout calculé ceci dit, et le bénéfice de cet argent, notamment une descente en Rolls), célébrité (affublé du poncho d’Eastwood dans la trilogie des dollars, il accomplit son besoin de reconnaissance et de starification), gourmandise (avec cette phrase-culte : "je me lave même plus les dents !"), tous les désirs sont accomplis, jusqu’à ce que... et bien l’amour, que diable : là, malgré beaucoup de préparations (de son propre aveu !), il ne conclue pas avec Rita / Andie MacDowell : il n’est pas tout-puissant, même si, l’espace d’une "journée", il confessera tout de même être un dieu. Quelle différence effectivement, tout à la fois immortel et omniscient (car connaissant à peu près tout le monde, dans ce bled paumé de Punxutauwney), entre notre bon présentateur un rien imbu de lui-même, et un dieu ? Les multiples gifles qu’il recevra le feront redescendre de son nuage. Plus que cela, il plongera (au sens propre comme au figuré) dans la plus noire des abysses, essayant vainement, après sa déconvenue amoureuse, de mettre fin à ses jours. Là, la répétition apporte un essor comique évident (surtout pour le premier essai dit du "grille-pain") à la mécanique bien huilée du métrage, retournant la tonalité traditionnellement dépressive de ce type d’acte.

    Après cette trajectoire en dents de scie, de l’euphorie de la découverte de ses potentialités aux affres du désespoir d’un condamné, va s’effectuer le troisième mouvement, classique : la rédemption. Il va ainsi s’éveiller à lui-même par les arts (notamment le piano), et faire de cette journée la meilleure pour les autres : là encore, la comédie vient par l’invraisemblable accumulation d’actions et donc de témoignages de gratitude que va recevoir Phil Connors : on va même jusqu’à l’appeler Docteur Connors, montrant toute l’étendue des expériences qu’il a pu suivre durant toute la durée de son étrange odyssée.

    L’enchaînement de certaines scènes voit la répétition aller jusqu’aux mouvements de caméra, identiques, tels qu’on a l’impression d’assister à des essais, de voir des rushes de la journée de tournage : métaphore sur le cinéma, art de la répétition qui a, tout aussi paradoxalement, le besoin que tout soit préparé, et de donner l’illusion que tout se joue devant nos yeux pour la première fois, ce Jour sans fin réussit le prodige qu'on peut le regarder à l'infini...

  • Dossier (2/2) : Entretien avec un vampire (1994)

    Voici la suite de la première note consacrée aux vampires du film de Neil Jordan.

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    Un humour couleur rouge sang

    Scène charnière, la transformation de Louis par Lestat, vampire plusieurs fois centenaire, est positionnée en début de métrage, l'histoire ne perdant pas de temps à enchaîner les séquences signifiantes. Elle laisse cependant la place à une scène magnifique, retranscrivant bien, comme dan le livre, le réveil du nouveau vampire, ses yeux ne voyant pas la même réalité ; en témoigne, une statue qui le suit des yeux... Brad Pitt campe ce vampire à l'élégance glacée, un vampire trop humain. Sa transformation n'a pas été un choix, contrairement à ce que semble lui proposer d'abord ce fourbe et séducteur Lestat ; irrité par sa nature même, le fait de devoir tuer des être vivants pour subsister n'étant pas de son goût. Il s'évertuera à tuer toutes sortes de petits animaux -rats, pigeons, chiens- alors que Lestat se délecte de sang humain -la plupart du temps de jeunes femmes sans défense. Renforçant la caractérisation de son personnage, ce refus d'en attenter à l'humain, pour conserver un semblant d'humanité, offre finalement des moments de comédie très noire (la vieille enfarinée criant de tous ses poumons la perte de ses précieux caniches, exsangues, ou le paradoxe d'un vampire, cette créature invincible pouvant mettre à genoux toute vie, cantonnée à se rabattre sur ce que Lestat appellerait de la viande de second choix), de même la séquence, plus éloignée dans le film, d'éducation de Claudia, petite fille faite vampire par Lestat. Elle tue son professeur de piano -il s'effondre sur le clavier, comme pris d'un soudain endormissement- ou la couturière venue spécialement pour prendre ses mesures. Ces meurtres horribles, perpétrés qui plus est, par un enfant, berceau de l'innocence, sont à la fois d'une perversité absolue (l'usage, par Claudia, de sa nature enfantine, pour attirer les innocents) et décalés, de façon humoristique, par la façon dont le filme et le monte Jordan, épousant en cela le sentiment qu'éprouve la fillette. Elle, qui prend cette mascarade comme un jeu, dont elle serait, à chaque fois, la grande gagnante. Le sourire de la jeune Kirsten Dunst est, à ce titre, extrêmement ambigu.

    L'homo parentalité

    Évoquée dans le film (encore plus dans le livre), présente de façon sous-jacente, la relation incestueuse qu'entretiennent Louis et Claudia, constitue un autre angle d'attaque, donnant une bizarrerie sans nom aux déambulations fantomatiques du trio. La pulsion de meurtre, incarnant le désir, tout autant sexuel que mortifère, participe à cette ambiguïté jamais résolue. A ce premier duo, s'oppose la paire Louis / Lestat, traitée de façon clairement homosexuelle (l'air précieux et maniéré d'un Lestat aux longs cheveux blonds, Louis l'entretenant sans mot dire, les deux éduquant Claudia comme leur fille), apporte une couche signifiante supplémentaire, qui ajoutée à toutes les autres, font bien de Entretien avec un vampire beaucoup plus qu'un simple film fantastique utilisant le motif du vampirisme. Claudia, au fil des années femme prisonnière dans un corps d'enfant, aime réellement Louis, ce qui "justifie" la pulsion incestueuse, mais reste constamment dérangeante. Elle n'aura de cesse de chercher un modèle de féminité dont elle est dépourvue. Pour cela, elle figera cette beauté inatteignable, dans la mort -la servante- ou par le vampirisme -une belle femme au hasard, ici plus pour avoir un référent matriarcal.

    Entretien avec un vampire, le film, exploite bien, sans le dénaturer, les pistes foisonnates du roman, qui offre un fantastique comme on aimerait en voir plus souvent : construction au cordeau, facettes multiples, interprétation incroyable (mention spéciale à Tom Cruise et Kirsten Dunst). Les sombres abysses vers lesquelles nous plongent les vampires sont sans fins...