Avec les films en HD visibles sur disques Blu-ray, est arrivé une "nouveauté" dans l’interactivité proposée, appelée par ce curieux raccourci de BD-Live. BD, pour la contraction officielle de Blu-ray, Live pour indiquer l’accès à des suppléments constamment remise à jour... Théoriquement, tout cela. En effet, via une connexion internet, le lecteur Blu-ray reçoit des bonus supplémentaires (pléonasme) stockés dans une clé USB ou la mémoire interne du lecteur. La question est... Que sont ces fameux bonus, comment y accède-t-on et finalement, est-ce que l’idée dépasse le simple argument marketing ? Plusieurs années après la sortie de cette plus-value, uniquement dédiée au nouveau format, on a voulu voir ce que ça valait vraiment... en vrai !
Dans notre collection de Blu-ray, faut-il encore piocher le titre qui possède un de ces fameux accès BD-Live. Quelques Sony dans le lot (Terminator Renaissance, Michael Jackson’s This is it, Dark Crystal, Casino Royale), c’est logique car créateur du standard Blu-Ray, et du BD Live par extension, mais aussi un Studio Canal (Terminator 2) et un Disney (Blanche Neige et les sept nains).
Comme vous le savez peut-être, le Blu-ray a déjà le désavantage de la durée de chargement par rapport à un DVD : certains titres peuvent vous laisser 5 minutes devant un écran noir avant de lancer l’animation du menu ; c’est le cas avec le Terminator 2 de Studio Canal, et ça mérite un vrai carton rouge ! Comment comprendre que l’évolution technologique s’accompagne d’un recul de performance ? Vraisemblablement, il s’agit de l’application Java qu’utilisent certains Blu-ray qui demande ce temps de chargement désagréablement long. Ce n’est pas le cas des disques Warner ; mais, avec eux, un autre pas en arrière est constaté par rapport au DVD : le film se lance directement, sans passer par un menu fixe, obligeant le téléspectateur à manœuvrer sa télécommande à la va-vite pour apposer les options de langues, de sons, de sous-titres qu’il désire.
Bref, après une attente parfois longue, nous essayons d’accéder à ce menu BD-Live, après s’être assuré que le lecteur est bien connecté à Internet. Le bouton BD Live pressé, il nous faudra de la patience... beaucoup de patience ! Souvent après 5 bonnes minutes d’un écran noir au milieu duquel scintille une animation, on arrive enfin sur le menu de l’éditeur. Chez Sony, on a donc droit, selon le disque, à des bandes annonces (faut croire que nous n’avons pas eu de chances, les seules bandes annonces à visionner correspondaient à celles déjà présentes sur le blu-ray !). Si, toutefois, certaines vous intéressent, vous pouvez cliquer sur Télécharger en HD. Et là... c’est encore plus long ! Le téléchargement varie évidemment selon la connexion de l’utilisateur, mais pour notre part, c’était reparti pour dix bonnes minutes d’écran noir ! Si l’on pouvait penser qu’en 2010, la navigation serait plus facile, il n’en est rien.
Les bandes annonces servent le jeu commercial de l’éditeur, donc ça n’a de toutes façon pas grand intérêt. Qu’en est-il de véritables bonus supplémentaires dignes d’intérêt ? Sur This is it, on peut télécharger des démos de la troupe de Michael Jackson qui sont vraiment intéressantes, premier bon point. Vous avez peut-être également entendu parler ou vu ces « prisonniers » qui offraient une performance chorégraphique sur They don’t Care about Us ? Le résultat est, c’est vrai, assez réussi, même si l’on voit surtout les danseurs attitrés de Michael Jackson, et Travis Payne, son chorégraphe depuis de nombreuses années, qui occupent tout le devant de la troupe. A part cela, l’envoi d’une playlist du film sur votre e-mail est vraiment gadget voire honteux, prend énormément de temps (essayer de taper votre adresse mail via une télécommande !). Pour essayer de défricher ces fonctions et arriver à télécharger une seule vidéo en Haute Définition, il nous aura fallu une demi-heure !
Autre supplément intéressant sur le Blu-ray de Terminator 2 : la bande annonce française d’époque ! Avec sa voix caractéristique (on croirait reconnaître l’excellent doubleur Richard Darbois, notamment voix du Génie dans Aladdin et Batman, dans la série animée de Bruce Timm), c’est un supplément qui fait plaisir à entendre, le BD Live étant souvent la vitrine de suppléments en version originale, voix d’une mondialisation sans limites, ici servie pour le particularisme français. De même, un petit reportage, absent des précédentes éditions du film, entre making-of et bêtisier, se trouve sous-titrée en français dans l’interactivité du BD Live. Un très bon point donc. Cependant, des options dans le menu restent grisées, avec la mention Prochainement disponible... le disque étant dans le commerce depuis fin mai 2009 ! Mais il y a mieux (ou pire, c'est selon) : le BD-Live de Disney qui annonce fièrement qu'il n'est "pas disponible pour notre territoire" !
On pourrait donc conclure, sur ce BD-Live en 2010, que : le Blu-ray, pour voir les films en haute définition : oui, mais pour voir des rares suppléments en ligne, la plupart du temps inintéressants, non !
Actus ciné/DVD - Page 23
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Le BD-Live pour les Nuls
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Baby Cart diffusé en télé : le loup à l’enfant chasse sur Arte
La case Trash reprend du service dans la grille de programmation d’Arte, et ça envoie du lourd pour commencer : vendredi 12 mars dernier vers minuit, le premier épisode de la saga barbare et sanguinaire Baby Cart a été diffusé, suivi les semaines prochaines de l’intégrale des épisodes (six au total).
Adapté du manga Lone Wolf and Cub, de Kazuo Koike, qui scénarise d’ailleurs les cinq premiers films, les épisodes nous montre Ogami Itto, l’exécuteur du Shogun, évincé par un sombre complot. Au lieu de se suicider, comme le voudrait le code de conduite des samouraïs, il s’enfuit en emmenant son fils avec lui.Il est désormais ronin, un samouraï sans maître, et offre ses services de tueur, tout au long de sa route, dans les villages qu’il traverse. Cette expédition étrange, s’abîmant dans des abysses de cruauté, n’en est pas moins très graphique, conservant l’impact des mangas. Kenji Misumi, artisan principal de la saga (quatre films réalisés sur les six), est un conteur visuel, maître dans la composition de tableaux vivants. De même, cette route sinueuse que prend Ogami Itto dans le Japon médiéval, représente son chemin mental pour redonner du sens à sa vie, perdu par son éviction. Il continue donc à tuer, n’ayant jamais fait que ça, avec néanmoins une justice personnelle et évolutive. La présence de l’enfant n’est pas pour rien dans la bizarrerie des films, spectateur insensible des tueries, ou participant dans le cadre de ses moyens. Au fil des épisodes, les nombreux opposants rivalisent d’ingéniosité pour prendre le samouraï en traître, spectacle aussi gore que jouissif dans la résolution fatale mais astucieuse. Presque invincible, la fin de Baby Cart s’orientera de plus en plus vers un James Bond gadgetisant (numéro trois, Dans la terre de l’ombre), ou des influences westerniennes (numéro six, Le paradis blanc de l’enfer).
Saga vengeresse à contempler sur Arte, froide de préférence, évidemment. -
L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (2009)
Un film de Serge Bromberg & Ruxandra Medrea
L’Enfer est un vrai film maudit, entouré d’une aura tout à fait mythique. Le réalisateur des Diaboliques (1954) et du Salaire de la peur (1953) se retrouvait donc en 1964 avec les pleins pouvoirs, aux rênes d’un budget sans limites. Puis, des essais interminables, une équipe mise à bout, enfin, l’attaque cardiaque de Henri-Georges Clouzot qui met fin à l’aventure. L’objet ? Une exploration terrible de la jalousie vue de l’intérieur, traitée comme une maladie atteignant le plus profond des perceptions humaines ; toutes les perceptions sensorielles de Marcel (Serge Reggiani) s’en retrouvent altérées. Phrases qui se mélangent, couleurs qui virent, objets déformés... Des images hallucinantes, jouant avec les miroirs déformants, les multi-expositions de pellicules, trompant la perception de l’œil.
La redécouverte de ces images perdues, endormies depuis des décennies dans les réserves de la Cinémathèque Française, a quelque chose de tout à fait fascinant, et on comprend que Serge Bromberg, à la vue de celles-ci, décida tout de suite d’en faire un film, le collectionneur qu’il est n’ayant eu au départ que son envie de retrouver ce trésor.
Sa récompense aux Césars est légitime et logique, un film sur le cinéma, parlant d’un mythe dont on a retrouvé des bribes, étant un peu le rêve de toutes les personnes s’intéressant de près au cinéma ; récemment, la projection de Metropolis en version complète à Berlin, en grande pompe, en est la preuve flagrante.
Faire un film sur L’enfer a dû être titanesque : des images en vrac, dépourvues du moindre son, impliquant une réinvention sonore totale -et très réussie-, enfin la reconstitution du film d’après le scénario original. Dominé par un travail de montage assez exceptionnel (le premier monteur ayant d’ailleurs jeté l’éponge), l’enchaînement des plans donne une idée assez précise des scènes tournées. On assiste donc à un miracle comme on en voit peu ; et, il faut l’avouer, Serge Bromberg sait raconter des histoires, même si sa narration dans le documentaire est un brin scolaire.
Malgré tout, la réussite n’est pas totale : comme si, à l’image du film reconstitué, L’enfer d’Henri-Georges Clouzot était malade. Entre le récit de tournage, les images du tournage lui-même, puis les reconstitutions des dialogues avec Jaques Gamblin / Bérénice Béjo en lieu et place de Serge Reggiani/Romy Schneider, le film conducteur se perd parfois dans des flottements où l’on se surprend à s’ennuyer, faute de rythme. Le kaléidoscope géant que constitue le film éblouit, ravit la pupille, plus que l’histoire du tournage qui est pourtant, elle aussi, digne d’un film. Mais sans histoire, le film ne peut tenir le coup sur la durée, les images, aussi incroyables soient-elles, ne se suffisent pas à elles-mêmes. C’est, peut-être aussi, la direction à donner aux interviews réalisées récemment qu’il aurait fallu imprimer un rythme et un fil conducteur plus intense.
Clouzot semble s’être perdu dans l’abîme de son film, noyé dans l’œil du cyclone. Sa fascination pour les tourments intérieurs ne fait aucun doute en voyant les images, malgré qu’il s’en défende dans une interview d’époque. La plongée dans cette ambiance surréaliste, magnifiée par la musique exceptionnelle composée pour le film, est une expérience à vivre. L’incandescence de Romy Schneider, qui allume chaque bout de pellicule où elle apparaît, vaut à elle seule le déplacement. -
Ciné d'Asie : La 36ème chambre de Shaolin (1978)
Un film de Liu Chia-Liang
Film culte s’il en est, La 36ème chambre de Shaolin peut être considéré comme le mètre-étalon du film de kung-fu. La parution du Blu-ray de la trilogie du même nom, au début du mois de janvier 2010, mérite amplement qu'on y revienne. Grand succès international de la Shaw Brothers, même aux Etats-Unis malgré un remontage sévère (30 minutes en moins) et un titre pas très fidèle à l’esprit du film -Shaolin Master Killer-, La 36ème chambre est un grand film initiatique, qui conte l’apprentissage aux arts martiaux d’un jeune homme au sein du temple de Shaolin. Le contexte historique du film, l’oppression du peuple Chinois par les Mandchous aux alentours du XVIIème siècle, offre l’arrière plan narratif nécessaire qui justifie la quête de San De (Gordon Liu), guidé d’abord par la vengeance : sa famille a été décimée. Au bout d’une demi-heure de film développant la dimension historique (sûrement le grand coup de ciseau de la version allégée du film), donnant chair aux enjeux importants pour la suite du film, le jeune homme arrive donc aux portes du temple, et l’initiation peut commencer. Longue et laborieuse, elle est ponctuée de rares mais significatifs ellipses qui donnent un relief temporel très fort au récit ; pour voir défiler les années, rien de mieux que de se faire succéder deux séquences pendant lesquelles le héros a de grandes difficultés à accomplir les épreuves qui lui sont proposées, puis dans un second temps donner à voir la maîtrise totale du corps. A ce jeu-là, Gordon Liu, véritable athlète martial, est tout à fait crédible (à tel point qu’aux Etats-Unis justement, d’aucun crurent qu’il était un véritable moine Shaolin - dixit le livret que le spécialiste Frédéric Ambroisine a réalisé pour l’édition DVD du film), alternant les séquences de travail acharné, d’hésitations et de regards naïfs et enfantins, à la maîtrise pleine de sérénité. Le film offre ainsi un moment d’une beauté et de démonstration de persévérance fascinante lorsqu’on voit les pieds de San De continuer à répéter la même routine alors que le personnage est endormi ; puis, l’éveil, et l’entraînement de nuit qui va lui permettre de passer au niveau supérieur.
Le temple de Shaolin, théâtre de nombreuses intrigues cinématographiques chez la Shaw Brothers à partir de mi-70’s, est aussi pour beaucoup dans l’attrait et la réussite du film, captant bien les codes, tant culturels, esthétiques et vestimentaires de cette tradition centenaire. Les différentes cours des temples, les costumes éclatants et les armes qui vont avec sont autant de source d’évocation d’un imaginaire puissant et cohérent.
La caméra de Liu Chia-Liang n’est mobile que quand il le faut, dessinant des mouvements mesurés. Auparavant chorégraphe de combats, Liu Chia-Liang n’a pas son pareil pour choisir ses angles, notamment lors des séquences de combat - ici elles sont cependant moins présentes que chez d’autres cinéastes, comme Chang Cheh pour sa trilogie du Sabreur manchot. Les mouvements des combattants visent à l’essentiel et ne tombent jamais dans des arabesques uniquement décoratives, tendance qui sera plus du goût d’un Chu Yuan. Les passes d’armes sont claires et précises, lisibles tout en demeurant fondamentalement impressionnantes, par la réelle maîtrise des acteurs ; Ici, pas de montage cut en gros plans, et place aux plans-séquences cadrant les deux combattants dans leur entier. A ce titre, Liu Chia-Liang peut être considéré comme un réalisateur martial dans tous les sens du terme. Très attaché à l’aspect philosophique, les arts martiaux permettant à l’homme de s’accomplir physiquement et spirituellement, Liu Chia-Liang et ses films, particulièrement La 36ème chambre de Shaolin, respirent la célébration de l’accomplissement personnel par la voie des arts martiaux. Ainsi, le chemin parcouru par le personnage principal est magnifié par la maîtrise -martiale et mentale- dont il fait preuve dans la deuxième partie du métrage ; le plan final achevant cette démonstration dans les règles de l’art.
En Haute Définition, les combats se détachent avec une précision inédite à domicile, sans compter les plans larges bien plus détaillés que dans leur version DVD. Malgré tout, certains plans restent flous, tels qu'ils ont été tournés à l'origine. Aujourd’hui, La 36ème chambre de Shaolin demeure un grand film de la Shaw Brothers, dans lequel la conjugaison des talents en présence donne vie à un univers et à un esprit martial magistral. -
Sherlock Holmes (2010)
Un film de Guy Ritchie
Dire qu’on n’a jamais vu Sherlock Holmes comme ça relève d’un understatement tout british, ce qui est plutôt de circonstance. Revu et corrigé par Guy Ritchie, le réalisateur d’Arnaques, crimes et botanique (1998) et Snatch (2000), le plus fin des détective devient une action star à part entière, secondée par le bon docteur Watson, lui aussi plus hot que sa traditionnelle version vue jusqu’alors.
Sherlock Holmes millésime 2010 est un buddy movie on ne peut plus classique, saupoudrée du style Ritchie : dialogues en forme de partie de ping-pong continue, rythme d’enfer -ici soutenu par une musique gitane au tambour battant signée Hans Zimmer-, mouvement d’appareils amples et rapides. Les déductions vitesse grand V du grand Holmes participent d’ailleurs à cette course contre la montre que semble s’être lancé le réalisateur. Le spectateur n’a alors pour lui que de suivre le tortueux chemin dans l’esprit de Holmes, restant pendu aux lèvres du détective qui lui dévoile ce qui s’est vraiment passé. Cela va tellement vite que, parfois, Ritchie doit revenir à deux fois sur la même séquence pour le spectateur accepte (Holmes en champion de boxe) ou comprenne (Irène sort de l’appartement de Holmes et Watson) la situation. Le film opère alors comme le révélateur des tours de magie de Holmes, ici vénéré comme un prestidigitateur. Héros moderne, invincible, Holmes devient dans le corps de Downey Jr. un vrai Iron Man in London, avec les mêmes particularités anti-héroïque (alcoolique, maladif, ...). Les traits de la personnalité de Holmes semblent ainsi disparaître derrière tout un attirail de bons mots, de vitesse à grands renforts d’action (par ailleurs tout à fait distrayant).
Bon film comme pourrait l’être un Arme Fatale 5, Sherlock Holmes aurait pu prendre un autre héros pour personnage principal que cela n’aurait pas changé grand-chose. Inutile pour autant de bouder notre plaisir, le film se tient et est magnifié par la photo de Philippe Rousselot -La forêt d’Émeraude (John Boorman, 1985), Et au milieu coule une rivière (Robert Redford, 1992), Entretien avec un Vampire (Neil Jordan, 1994), Big Fish (Tim Burton, 2003). Avec une affiche prometteuse et un duo d’acteur qui s’en renvoient de belle (n’omettant pas, au passage, l’inévitable sous-texte homosexuel), le Sherlock Holmes de Ritchie, s’il n’est pas fidèle à son modèle, est un divertissement tout ce qu’il y a de plus plaisant.