Un film de Adam Elliot

J’assiste à la projection de ce long métrage avec une attente palpable, les antécédents du Monsieur ayant été unanimement salués (Harvie Krumpet, Oscar 2003 du meilleur court d’animation).
Débute alors un film en demi-teintes, narrant la relation épistolaire de deux individus atteints de diverses névroses (comme tout un chacun, en fait). Une jeune fille complexée et aux repères mouvants donnés par son alcoolique de mère ; puis un vieil autiste obèse. Une série d’animation, Les Noblets, les relient indéfectiblement, tous deux étant animés par une même passion pour le show. Petit à petit se développe donc ce lien spécial, à distance, accompagnant chacun dans leur vie de tous les jours. Sur ce canevas pour le moins intéressant, vient malheureusement se greffer une esthétique morne, monochromatique, soutenu par le commentaire atonal d’un narrateur bavard (le casting vocal est d’ailleurs impressionnant, mais seulement sur le papier : Philip Seymour Hoffman, Toni Colette, Eric Bana). L’environnement sonore, clairement opposé entre les deux partis (enjoué pour Mary, désespéré pour Max) est soigné, et certains passages musicaux sont de vraies réussites.
Déroulant certes une histoire touchante, pleine de bizarreries étonnantes -les hot dogs au chocolat du vieux Max, les déambulations et le look de mort-vivant de la mère imbibée de Mary-, le film reste cependant replié sur lui-même, à l’image de l’affection qui touche Max. L’émotion peine à poindre devant tant de morosité. Il est donc permis de s’y ennuyer, voire même d’éprouver une malaise correspondant à l’état d’esprit des deux personnages. Le réalisateur a-t-il réussi son coup ? Etait-ce la réaction escomptée ? Quoi qu’il en soit, ces impressions façonnent la déception qui nous étreint au sortir de la salle.
A quoi bon résider sur Annecy et ne pas assister à leur Festival du film d’animation de dimension internationale ? Cette année encore, le programme est plutôt alléchant : Coraline (Henry Selick, présent sur place) en compétition, Mary et Max (Adam Elliot), Ghost in the Shell 2.0, le film séminal de Mamoru Oshii, agrémenté de nouveaux effets spéciaux, ou Sword of the Stranger, prometteur film de sabre, bref, pour les longs, il y a de quoi faire.
Beau succès en salles en 2008, la sortie en dvd du Premier jour du reste de ta vie permet de tester l’appréciation d’un second visionnage.
Profitons de l'article du jour pour faire état d’une publication remarquable, celle du livre Émile Cohl, l'inventeur du dessin animé. Fruit de nombreuses années de travail, cet ouvrage paru chez Omniscience nous fait découvrir le visage de celui par qui le cinéma d'animation a débuté, et qui fut pendant la plus grande partie de sa vie un caricaturiste de talent. A 50 ans, il décide de remettre à plat tout son savoir afin de donner vie à des dessins. Travaillant seul, il est l’archétype de l’artisan génial, et ce qui peut être qualifié d'expérimentations représente déjà un accomplissement immense. Pour être tout à fait exact, on remarquera tout de même que l'animation de dessins a commencé plus tôt, avant même le cinéma, grâce au Théâtre optique d’Émile Reynaud. Ce qu'il reste aujourd’hui de la production de Colh est, miracle, inclus dans ce livre décidément incontournable via 2 DVD édités par Gaumont, qui constituent le complément de l’édition consacrée au Cinéma premier, sortie en avril 2008. Ces disques ne représentent qu’un cinquième de la production de Reynaud et sont à considérer comme un véritable trésor de patrimoine. Dans le livre, on a également droit à une très belle introduction du grand Isao Takahata (Le tombeau des Lucioles), pleine de finesse et d’un profond respect pour l’œuvre du précurseur. Richement illustré, ce livre est à ne rater sous aucun prétexte, bénéficiant de plus d’un rapport qualité/prix imbattable (vous le trouverez au-dessous des 40 €).