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Le film était presque parfait - Page 66

  • Zoolander (2001)

    Un film de Ben Stiller

    4574088770_2de3ddeb64_m.jpgParmi la vague de comédies ouvertement débiles dont les Etats-Unis nous abreuvent depuis des années, Zoolander a une place à part. On avait parlé il y a quelques temps ici même du plus récent Ron Burgundy, présentateur vedette ; et, à l’instar de ce dernier, Zoolander est toujours aussi délirant visions après visions.

    Initialement créé pour la chaîne VH1 (qui produit le film, et offre le décor réel de sa cérémonie de remise des prix pour de la poilante première séquence), le personnage de Derek Zoolander, top model au QI d’un abricot sec, se retrouve mêlé à un complot visant à assassiner le Premier Ministre malaisien, qui veut revaloriser les salaires des travailleurs des ateliers textiles.

    Les scénettes s’enchaînent dans une succession hystérique, dures à suivrent pour les zygomatiques : la désormais culte bataille d’essence, le défi-défilé (arbitré par David Bowie sur Beat It de Michael Jackson), le complot sur le mannequinat nous ramenant aux heures des assassinats plus marquants (JFK et consorts), en passant par un combat break-dance et même une citation provenant de 2001, l'odyssée de l'espace, le film réussit son objectif 90% du temps ; pour le reste, on note un passage en cure de jour et un retour au source très minier un peu longuet.

    Si les scènes en elles-mêmes sont importantes, telles des mini-sketchs qui tentent d’en faire plus au fur et à mesure que le temps passe, le film ne serait pas grand-chose sans les acteurs, et en premier lieu un immense Owen Wilson dans le rôle du top model Hansel. Le spot de présentation qui lui est consacré aux VH1 Awards donne le "la" pour la suite, dans un narcissisme qui s’ignore, vraiment très drôle. Sa confrontation dans la boîte de nuit (à coup de Who are you tryin' to get crazy with, ese? Don't you know I'm loco?, citation tout droit sorti d’un morceau de Cypress Hill -merci à Nico, au passage, qui me l’a fait découvrir), suivi du défi-défilé, puis de la visite de son antre (des nains, un sherpa, un samoan et un gros tatoué participant à une orgie d’anthologie), c’est à son personnage que l’on doit les meilleures scènes. Mugatu (Will Ferrell) est aussi un énorme personnage, qui parodie à peine l’image que l’on peut avoir des créateur de mode, avec sa Déglingue, inspirée du mode vestimentaire des SDF et des "putes fumeuses de crack", tout cela bien avant Brüno de Sacha Baron Cohen.

    L’impressionnant défilé de guest stars -Winona Ryder, Billy Zane, Paris Hilton, Victoria Beckam, Natalie Portman, Donald Trump, Claudia Schiffer et sûrement beaucoup d’autres restés inconnus sous nos latitudes- participe à cette euphorie renouvelée, autant que le tsunami de marques connues qui fait du film un étonnant décalque psychédélique de la réalité.

    Tout se tient dans un ensemble de séquences très logiquement mises bout à bout, à l’aide d’un découpage parfois très cut dont MTV s’est érigé en modèle -Stiller ayant par le passé animé une émission sur la chaîne ; rappelons que, quelques années auparavant, Ben Stiller réalisateur nous avait aussi donné un Disjoncté bien meilleur que ce que ses critiques laissent à penser. Même si l’on a tendance à voir une sauce un brin trop rallongée, Stiller a la bonne idée de ne pas faire traîner les choses. Sans une ou deux scènes inutiles, on était proche d’un petit chef d’œuvre de comédie.

    A voir aussi :
    La légende de Ron Burgundy, présentateur vedette
    H2G2, le guide du voyageur galactique

  • Buffalo'66 (1999)

    Un film de Vincent Gallo

    4564485863_abc6d82fed_m.jpgPremier long métrage remarquable, Buffalo’66 est une bouffée d’oxygène à répétition, tant de multiples visions n’entachent jamais l’impression euphorique de la prime fois.

    Touchant, le film l’est autant que son interprète principal, Vincent Gallo, chef d’orchestre du projet -scénariste, compositeur, producteur en sus de la réalisation, il renforcera encore son contrôle sur le film avec son dernier en date, Brown Bunny, qu’a édité Potemkine en mars dernier. Il arrive à nous rendre proche et tendre l’itinéraire de ce paumé tout juste sorti de prison, qui kidnappe aussitôt une jeune fille, Layla (Christina Ricci, excellente) visiblement aussi perdue que lui. Malgré la violence psychologique qu’impose Billy (Gallo) à Layla, une connexion s’opère, à la fois entre les deux personnages, et entre le spectateur et les acteurs. Différents, en rupture avec les codes sociaux établis, le duo forcé ainsi formé va rencontrer, avec son regard distancié (que le spectateur épouse), le cercle de connaissance de Billy Brown (Vincent Gallo).

    Gallo a sûrement des comptes à régler avec ses parents, tant la visite de Billy chez eux, en compagnie de Layla, offre un décalage ahurissant. Entre une mère fan de football américain à la limite de l’autisme, et un père psychologiquement absent, chanteur raté et obsédé sexuel sur les bords, la séquence du repas est un monument de comédie décalée et délicieusement effrayante. Du même coup, Billy passe alors d’une brute un brin folklo (les chaussures rouges !) au personnage le plus équilibré de la pièce, après Layla.

    Le coup de fil au pote d’enfance relèvera de la même dynamique, haussant toujours d’un cran la position d’un Billy Brown pas aidé dès le départ. Ce tour d’horizon des connaissances ne saurait être complet sans un passage au bowling d’enfance de Billy, là encore théâtre d’une séquence au décalage consommé. Champion dès son plus jeune âge, Billy enchaîne les strikes en poussant des cris de victoire, bien que peu enthousiastes, jouant avec / contre lui-même. Comme s’il constatait qu’après ces années passées derrière les barreaux -pour quelqu’un d’autre, soit dit en passant-, rien n’avait changé, pas même lui ; la rage intérieure qui le consume se dirige également vers la personne responsable de son emprisonnement, qu’il veut faire payer. La séquence du bowling offre aussi un beau moment à Christina Ricci qui, pour tuer l’ennui, se paye un numéro de claquettes dans son univers mental (les lumières s’éteignent pour la laisser seule dans un halo ouaté), écho au rêve éveillé du père qui lui a précédemment fait écouter un disque de son (unique ?) succès. Des touches de fantaisies parsèment ainsi joyeusement un univers étrangement beau (les banlieues résidentielles, esthétiquement pauvres, sont filmées à l’aide plans fixes très composés), cernant les personnages dans des gros plans d’une puissance naturelle et rare. Gallo a l’œil d’un photographe, inventant un défilé de belles images sans être pour autant artificielles ; le jeu sur le flou notamment, utilisé pour les arrières plans, opposé à une netteté pointue et vibrante, offre un contrepoint visuellement frappant, tout en étant rempli de sens. Il isole les personnages dans une bulle de réalité qui leur est propre, inadaptés au monde qui veulent se protéger du reste.

    Buffalo’66 reste aujourd’hui encore une petite île de bonheur, un des rares films que l’on veut absolument voir se solder par un happy end : ces deux-là le méritent bien. Et l’on dira ce qu’on veut de Vincent Gallo, il a su faire avec ce film une réussite totale et entière, sans aucune fausse note, qu’un parfum d’authenticité parcoure de long en large.

  • Sherlock Holmes à Washington (1943)

    Un film de Roy William Neill

    4558400446_611cbd7159_m.jpgPour le cinquième opus de la série Sherlock Holmes au cinéma, les scénaristes envoient le bon détective au Etats-Unis. Et, si l’on n’évitera le côté voyage touristique, à l’instar d’un Tarzan à New-York (Richard Thorpe, 1942), l’ensemble fait montre d’une très bonne tenue.

    Un document d’importance est confié à un agent des services secrets qui donne l’impression d’être un homme ordinaire, voire un peu maladroit. Craignant d’être attaqué lors de son trajet en train, il se débarrasse du document.

    Le film débute donc par une séquence de voyage, en avion puis en train. La séquence du train et très belle, montrant une belle maîtrise de l’espace ; la caméra détaillant chaque passager, s’arrête sur les discussions toujours spéciales d’amis d’un jour, le temps du trajet. Le subterfuge qui y survient aurait pu trouver bonne place dans un Hitchcock, où il aurait d’ailleurs été autrement mis en valeur ; mais la confusion ici, qui interroge le spectateur en lui faisant murmurer "Ais-je bien vu quelque chose d’important que les (autres) passagers ne semblent pas avoir remarqué ?", est assez fine.

    On retrouve le thème de la dispersion des éléments comme dans Sherlock Holmes et l’arme secrète ; et, comme précédemment, Sherlock Holmes se retrouve mêlé à une affaire qui relève entièrement de l’espionnage, plutôt que les crimes mystérieux auxquels il est confronté dans les récits de Conan Doyle. Ce film-ci, pour entériner la rupture d’avec ces histoires, est le premier du cycle à n’être directement adapté d’aucun texte de Doyle. On ne s’en plaindra pas tellement les dernières adaptations n’avaient d’adaptation que le nom. Et, dans le même temps, Roy William Neill semble plus à l’aise qu’auparavant, dans la dynamique des scènes elles-mêmes (fabuleuse scène du bal de la boîte d’allumettes) comme dans la liaison des différentes séquences. En effet, le tout ne manque pas de suspense, élément clé brillant par son absence jusque là, et la partition comique de Watson semble peu à peu prendre tout son sens. Les Sherlock Holmes dévient peu à peu de l’enquête criminelle vers un cinéma de la comédie policière, Watson offrant un contrepoint naïf et burlesque à un Holmes plus sec.

    Roy William Neill illustre l’aventure avec un beau sens du cadre, joue de la nature serialesque du film (le montage des visites aux antiquaires, typique dans leur cadrage en biais, très graphique). La circulation de la boîte d’allumettes, virevoltant dans un magnifique ballet des hasards, pour retourner dans la poche de son prime propriétaire, préfigure la séquence de la chaussure de Peter Sellers dans l’immense The Party (Blake Edwards, 1962). Le bad guy du jour, qui s’en sert cinq ou six fois pour allumer sa pipe, dans une séquence au timing impeccable, ne saura qu’au final la vraie nature de cet accessoire apparemment banal.

    Une aventure tout à fait recommandable, avec un Basil Rathbone toujours aussi bizarrement coiffé : c’est ça aussi, l’effet Sherlock...

    Précédents films chroniqués :
    Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
    Les aventures de Sherlock Holmes
    Sherlock Holmes et la voix de la terreur
    Sherlock Holmes et l'arme secrète

  • Sherlock Holmes et l'arme secrète (1942)

    Un film de Roy William Neill

    4542770024_fb352cbfeb_m.jpgSherlock Holmes, épisode 4 : Cette Arme secrète marque l’arrivée dans la série du réalisateur américain Roy William Neill, qui tournera l’intégrale de la série à partir de ce film-ci (11 films !). La direction ne change pas franchement, si ce n’est certains plans originaux en oblique dans les fondus enchaînés, sur la forme. Notons que ce réalisateur se sera spécialisé dans le serial, tout en signant notamment l’improbable cross-over Frankenstein rencontre le Loup-Garou (1943).

    Cette direction qui ne change pas, c’est déjà la fausse adaptation d’une nouvelle de Conan Doyle ; pour aujourd’hui, il s’agit de Les hommes dansants (The Dancing Men), récit assez fascinant dont on se doute tout de suite ce qui sera retenu dans le film : de mystérieux petits bonhommes dessinés apparaissent dans une maison, qui commencent à vriller l’esprit d’une jeune femme... On ne retrouvera donc que ces mystérieux symboles... qui se transforment en messages codés autour d’une arme convoitée par les nazis ! Rien à voir donc. Il aurait donc été plus honnête d’écrire "Inspiré par" plutôt que "Adapté de", tellement la situation de l’époque transpire et s’impose sur le matériau d’origine.

    Sherlock Holmes démarre directement dans le déguisement, d’un vieux marchand de livres proposant sa camelote à deux individus assez louches... ah ! Les fameux nazis ! Mais c’est une couverture évidemment, qui force le trait de cette belle mise en abîme en introduction. L’objet de toutes les attentions est le viseur Tobel, du nom de son inventeur, chez lequel se rend d’ailleurs Holmes, sitôt le rendez-vous terminé. Réussissant à contrecarrer les plans des fielleux nazis, ils s’envolent pour une Londres dévasté par la guerre, jusqu’au seuil du 221 B Baker Street. Gravas et briques démantelées plantent un décor de désolation. Une fois le viseur éprouvé par des essais concluants (on y observe toujours les stocks shots de l’armée, qui rapprochent les spectateurs de leur expérience quotidienne, ou en tous les cas rappellent un danger bien réel, donc plus prenant), le scientifique disparaît, laissant Holmes dans l’embarras avec la fameuse note énigmatique griffonnée des petits hommes dansants. Des symboles qu’on a bien trop tôt fait d’identifier comme un code, s’alignant bêtement comme sur le canevas d’une lettre, alors que la nouvelle ne livre pas plus de quelques symboles à la fois, toujours sur une seule ligne, laissant planer le doute beaucoup plus efficacement que dans le film.

    On voit aussi, dans le déroulement de l’intrigue, l’apparition troublante de Moriarty, laissé pour mort à la fin des Aventures de Sherlock Holmes, qui plus est sous l’apparence de l’acteur Lionel Atwill ; c’était George Zucco qui incarnait le nemesis du détective auparavant, alors qu’on avait déjà croisé Atwill dans le premier épisode de la série, Le Chien des Baskerville, dans le rôle du docteur Mortimer. Un chassé croisé qui ne touche pas à sa fin ici, puisque Zucco apparaîtra l’année suivante dans Sherlock Holmes à Washington, dans les habits d’un certain Richard Stanley... Une histoire en série à l’intérieur d’un serial à rebondissement !

    Comme si le premier déguisement de Sherlock Holmes ne suffisait pas, Ce dernier revient à la charge dans le dernier tiers du film, affublé d’une casquette de marin et de cirage pour simuler une peau hâlée par les croisières autour du monde... Au-delà de la performance d’acteur (réelle) de Basil Rathbone, le travestissement devient le running gag de la saga, aux dépens du naïf Watson qui ne reconnaît jamais son bon ami. Pas si éloigné que cela des récits de Doyle, cette transcription fait sens à l’écran et offre les très bons moments d’une saga pour l’instant inégale.

    La (fausse) fin de Holmes, soufflée par lui-même, à un Moriarty finalement loin d’être aussi ingénieux que Holmes (il perd totalement de sa superbe par rapport à sa première apparition, au début des Aventures de Sherlock Holmes), sonne le dernier round d'un épisode plutôt enlevé. Allez, au suivant !

    Précédents films chroniqués :
    Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
    Les aventures de Sherlock Holmes
    Sherlock Holmes et la voix de la terreur