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espionnage

  • 007 Spectre (2015)

    Un film de Sam Mendes

    220px-Spectre_poster.jpgLe nouveau Bond était comme il se doit, attendu au tournant. Tournant qu'il n'a, pour une fois depuis le début de l'ère Craig, pas très bien négocié...

    Soyons clairs : sur certains passages obligés, Spectre fait le job : scène pré-générique impressionnante en pleine fête des Morts, générique dans la moyenne (mais pourquoi cette chanson ? Quand on sait que Lana Del Rey s'est -peut-être- vu refusé son morceau 24 autrement plus bondien, c'est à n'y rien comprendre), dépaysement assuré autour du monde, jolie voiture... Mais si tout cela n'était pas le contraire de ce qu'il fallait faire ? Expliquons-nous.

    La période Craig s'est toujours différencié par une nouvelle identité : un Bond plus jeune qui a l'air de n'en faire qu'à sa tête, mais avec tellement de classe. Ici, entre tradition et modernité, le réalisateur Sam Mendes n'a pas su trouver la juste mesure. Pourquoi ? Tout en continuant dans une veine sombre, il réinjecte des ingrédients des Bond d'antan : une armoire à glace qui rappelle Oddjob (Goldfinger), un grand méchant trop familier, l'humour - alors que Craig est jusque là dans le registre décalé du sarcasme ; tout cela ne sonne pas juste. L'expliquer autrement serait inutile : le ton ne fonctionne pas. La faute ne vient pas des acteurs, mais des éléments choisis de l'intrigue, ainsi que de leur présentation.

    Le jeune Bond a désormais des rides, et il rentre dans les bottes de ses incarnations passées... ce retour en arrière semble trop nostalgique pour être honnête. Alors que le coup de la vieille Aston Martin, apparue comme un éclat du temps passé dans Skyfall, clin d’œil  charmant à la mythologie qui illustrait le voyage dans le passé effectué par le personnage, Spectre figure une régression ; toute magie s'est évaporée.

    Où est la nouveauté ici, si ce n'est par les modèles de voitures, les girls ? A, si : la nouveauté, c'est que le film est le plus long de la franchise. Bien trop long en vérité, Car Mendes trousse des scènes d'une longueur, d'une langueur impossible, incompatible avec l'actioner exotique et sexy que Casino Royale avait su si bien incarner. Elle est où l'évasion, là ? Franchement.

    Disponibilité vidéo : DVD/Blu-ray - éditeur : Fox Pathé Europa

  • Vivre et laisser mourir (1973)

    Un film de Guy Hamilton

    14074183090_1be17079d2_m.jpgAprès Sean Connery et George Lanzenby, qui pour jouer le plus célèbre des agents secrets ? Ian Fleming, le créateur de James Bond, avait pensé à Roger Moore dès 1962, mais le tournage de la série Le Saint empêcha son recrutement. Amicalement Vôtre est ensuite passée par là, et enfin, Moore peut reprendre le rôle après une dernière apparition de Sean Connery dans le canon officiel, Les diamants sont éternels (Guy Hamilton, 1971).

    Plusieurs questions se posent pour le film, qui deviendra simplement l'un des pires de toutes la saga. D'abord, le cadre de l'intrigue, avec la Nouvelle-Orléans, Mardi-Gras et la parade musicale ont déjà été mis en scène dans un précédent Bond, Opération Tonnerre. La redite n'étant visiblement pas un problème pour les producteurs (la multitude de poursuites à skis dans les Bond en est un exemple flagrant), la séquence est gardé. Le folklore noir, en plein période Blacksploitation, sent la formule, et tout paraît très calculé, de même que les passages dans le bayou, et l'interminable poursuite en bateau hors-bord.

    Vient ensuite, la performance de Moore lui-même, et des autres membres du casting. En voulant se démarquer des interprètes précédents, Moore accentue le machisme à un degré stratosphérique, qui met Bond en position de mâle ultime, alors même que c'est avec Moore qu'il est le plus maniéré. La panoplie jean délavé, débardeur blanc et bronzage caramel est totalement décalée par rapport à la virilité du personnage. Moore joue la partition Bond à la coule, sans s'en faire le moins du monde, toujours flanqué d'un demi-sourire satisfait. Si Jane Seymour, pour son premier rôle au cinéma, s'en sort bien (son costume étincelant de nombreuses pierres précieuses est sublime), ce n'est pas le cas de la pauvre Rosie Carver, interprétée par Gloria Hendry, qui a du mal à paraître crédible (et, accessoirement, à bien jouer). Sa mort, rapide et efficace, est presque un soulagement...

    Quelques clins d’œil à la mythologie sont tout de même bien sentis (Quarrel Jr., le fils du pêcheur dans Dr. No, accompagne Bond), mais l'humour forcé empêtre le film dans la parodie, comme cette Mme Bell qui vient prendre des cours d'aviation et tombe sur l'instructeur Bond, qui décanille l'appareil en quelques minutes, ou encore le shérif Pepper, un nigaud qui chique son tabac pendant toute sa prestation.

    Terminons sur une question : mais que vient faire le vaudou dans un James Bond ? La touche d'étrangeté fantastique qui saupoudre le récit n'apparaît pas avoir sa place dans ce film, totalement décalée, participant au melting-pot ambiant. Vivre et laisser mourir peut également prétendre à la mort du méchant la plus ridicule, et ce n'est pas un cadeau...

  • Tueur d'élite (1975)

    Un film de Sam Peckinpah

    8659088372_6b2a827d59_n.jpgIl faut bien se dire la vérité : de tous les Peckinpah déjà visionnés par votre serviteur, Tueur d'élite (The Killer Elite) est bien le moins bon. Le documentaire sur le film, en bonus de l'édition DVD et blu-ray sorti chez Wild Side, est assez éloquent à ce sujet : personne ne parle du film, mais plutôt de la déchéance de Peckinpah à l'époque (cocaïne & co), de la détestable ambiance de tournage -la jeune Tiana Alexandra est imposée par son mari, le scénariste Sterling Silliphant (Nightfall) méprise toute l'équipe-, ou de la (réelle) difficulté de Peckinpah à faire financer ses projets, alors que sa filmographie est émaillée de chef-d’œuvres définitifs (La horde sauvage, 1969 ; Les chiens de paille, 1971 ; Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia, 1974). Pour autant, ils n'ont jamais rapporté beaucoup d'argent aux studios.

    Ça ne commençait pourtant pas si mal : une première mission réussie par un duo d'agents de la CIA, James Caan (Mike Locken) et Robert Duvall (George Hansen). La complicité est évidente entre les deux frères du Parrain (Francis Ford Coppola, 1972) ; la meilleure séquence du film est là, dans le fou rire qu'ils entretiennent lors d'une virée en voiture : on y voit à la fois les liens forts qui les unissent, mais aussi les prémisses d'un désespoir commun qui semble les condamner... Puis Hansen trahit son camp et passe à l'ennemi, en blessant notamment Locken au genou et au coude.

    La suite, si elle n'est pas inintéressante, montre la reconstruction physique de Locken, et sa reprise de service pour contrer son ancien pote. L'enjeu ? Protéger un activiste politique jusqu'à son départ pour le Japon. Les pions mis en place, de façon efficaces, laissent présager un pétaradant face à face (Peckinpah style) entre Mike et Hansen. Mais... ce n'est pas l'option retenue. Rappelons ici que Peckinpah a eu des déboires avec le scénario, qu'il a rafistolé au jour le jour sur le tournage... et c'est très visible. Un exemple : la scène, mélangeant comédie, suspense et action (fantôme), de la découverte d'une bombe dissimulée sous la voiture qu'empruntent Locken et sa bande. Le danger de la bombe est évacué en quelques secondes par un officier de police benêt, et la grande explosion est entendue hors-champ, d'une façon étonnement anti-dramatique. Et ça, lorsqu'on est  en face d'un Peckinpah, ça embête aux entournures.

    Une fois le film pris dans un épilogue (plus qu'un dernier acte) un brin longuet, mais plutôt joli (le port de San Francisco et tous les navires de guerre sont bien exploités), arrivent les ninjas. Et là, même si on pouvait se douter que de toutes façons, ça allait nous tomber dessus, ça ne casse pas des briques ; et, alors que Peckinpah voulait le meilleur résultat possible, ce n'est pas à la hauteur des espérances. En termes d'enjeux, la scène a peu d'intérêt ; alors, même si les ralentis à la Peckinpah sont de rigueur, on n'a qu'un échantillon de sa maestria, pas le plat complet. Si la grammaire visuelle du film est restée très classe, la débandade a lieu sur la partie scénaristique, et malheureusement pour Peckinpah c'est à mon sens le plus important. Sur le papier, le casting est bon (avec notamment Mako, et la bonne trogne de Burt Young qu'on a vu à peu près partout), mais la sauce ne prend pas : quand ça veut pas...

    Source image : affiche du film © Exeter Associates

    Disponibilité vidéo : en Blu-ray et DVD zone 2 - éditeur : Wild Side Video.

  • Skyfall (2012)

    Un film de Sam Mendes

    "Plus les choses changent, plus elles restent les mêmes"


    8145973633_fd1f3cc9dd_m.jpgLe James Bond de l'an 2012 est différent. Après la paire Casino Royale / Quantum of Solace, de nouvelles aventures attendent l'agent secret le plus connu de la planète. Trop influencé par le style heurté de Jason Bourne dans l'opus précédent, la franchise revient plus posée, plus torturée (comme le veut la mode des séries aujourd'hui), plus profonde aussi. Ancienne recette, nouveau goût. Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle saga : James Bond reste James Bond.

    Les films James Bond ont rapidement créé un ensemble d'aspects indissociables de la mythologie, balisant le cours de leur intrigue avec un certain nombre de passages obligés : la séquence pré-générique, qui montre la fin d'une mission réussie, le plus souvent sans rapport avec le reste du métrage ; le générique, véritable film dans le film, immortalisé par les trucages optiques de Maurice Binder, dont les héritiers suivent aujourd'hui les pas. Viennent ensuite l'entrée en scène des James Bond Girls, de la nemesis en titre, la présentation des gadgets par Q, l'arrivée du fameux "Bond ; James Bond", présentation héritée du tout premier film, Dr. No (Terence Young, 1962).

    Cinquante ans plus tard, tout est encore là, ou presque. Les films, tout en s'inscrivant clairement dans la tradition bondienne, posent également un regard post-moderne sur ces passages obligés. Si certains sont dans la droite ligne des précédents, d'autres s'en démarquent allègrement. Pour les premiers, notons dans Skyfall la séquence pré-générique, qui se conclue par la mort supposée de Bond, que vient confirmer la note nécrologique rédigée par M en personne. Ces images rappellent tout à la fois celles de Bons baisers de Russie (Terence Young, 1963), où un tueur s'entraîne sur un faux James Bond, ou encore d'On ne vit que deux fois (Lewis Gilbert, 1967), et son enterrement maritime en bonne et due forme pour l'agent préféré de sa Majesté. Mais elles s'inscrivent elles-mêmes dans la tradition des serials, dont chaque scène se clôturait par un cliffhanger, misant tout sur le suspense. Le générique de Skyfall ne déroge pas non plus à la règle, sublime, cauchemar de mort épaulé par la voix suave de la chanteuse Adele.

    La rupture viendra d'abord dès la fin du générique, où James Bond est amoché, presque vieilli par une barbe de trois jours qu'il garde un moment. L'élégance britannique n'est plus ce qu'elle était, mais James reste cool et est toujours amateur de top-models. Pour l'intronisation du nouveau Q ("Q" désignant désormais un corps de spécialistes en espionnage informatiques, et accessoirement en gadgets), on passe du côté réinvention. Grâce à l'excellent Ben Wishaw, la rencontre entre Bond et Q brille d'un force de comédie toute en retenue, faite de petites piques gentilles ; puis pour la présentation des gadgets proprement dits, on sert à nouveau (comme c'est le cas depuis le redémarrage de la franchise avec Daniel Craig et Casino Royale) la carte du minimalisme, Bond utilisant une radio portative -minimalisme rappelé avec ironie par les deux camps à deux reprises.

    Oscillant constamment entre modernité et tradition, le film fait également le grand écart entre blockbuster et film d'auteur ; entre l'art et le commerce, les limites ne sont plus juste brouillées : elles n'existent plus. Sam Mendes, réalisateur reconnu au cinéma, metteur en scène également au théâtre, ose des séquences qui n'auraient pas trouvé leur place dans un Bond il y a dix ans ; notamment la première apparition de Silva (Javier Bardem), qui suit en un long plan fixe la première confrontation entre Bond et son ennemi. Là où d'autres auraient entrecoupé la scène d'inserts sur les mains du personnage, pour accentuer sa gestuallle particulière, ou sur ses pas, afin de dynamiser l'ensemble, on reste ici témoin sur la durée de la folie du personnage. Un personnage dont les tics névrotiques rappellent ceux du Joker dans The Dark Knight ; assurément une référence pour le James Bond nouveau genre. L'autre séquence qui plane au-dessus du reste du film est le passage à Shanghaï où, sous des néons à la dominante bleutée, Bond observe et rampe telle une ombre, se confondant constamment avec le décor, donnant un côté à la fois technoïde et planant à cette aventure. 

    Les personnages ainsi que certaines scènes exotiques sont mémorables ; Mendes semble ne pas vouloir reproduire les erreurs de Quantum of Solace, en posant davantage sa caméra, et en développant un arc narratif étonnant dans le troisième tiers du film, mettant au centre le personnage de M, puis donnant quelques informations sur le passé de Bond. Cependant, pour autant que le choix soit osé, il n'est pas payant (pas en tous cas, à hauteur de l'enjeu) ; le film bifurque en effet dans sa dernière partie, enfermant les personnages et leurs destinées dans un petit coin de campagne perdue, où se déroulera certes un sauvage affrontement. Cette bifurcation est un retour au passé, comme Bond le fait bien comprendre à M en empruntant une Aston Martin, clone de celle de Sean Connery dans Goldfinger.

    Les James Bond Girls sont malheureusement peu exploitées, peu présentes, nouant une relation des plus basiques avec Bond ; ainsi, si l'on a gardé en mémoire l’extraordinaire changement qu'a incarné Vesper (Eva Green) dans Casino Royale, on retrouve là un canevas bien connu, commun à beaucoup de films de la franchise. La belle fille est là, qui n'attend que son tour pour succomber à l'étreinte dépassionné d'un Bond en pleine mission. L'humour a par contre disparu de ces scènes, pourtant coutumier à l'ère Roger Moore, et même Connery. Entre tradition et modernité, toujours.

    Là où l'on attendait vraiment pas Skyfall, c'est donc dans son dernier mouvement, très low profile (on ne se croit plus du tout dans un Bond, mais un film de vengeance lambda) ; et là, surprise du chef que personne n'avait vu venir : une fin savoureuse (que je vous laisse découvrir) en forme d'hommage au début de la saga, avec des clins d’œil extrêmement appuyés au décorum, aux personnages et à l'ambiance qui a fait toute la réussite de cette collection de films  depuis cinquante ans. Donc, Bond a changé... pour redevenir exactement celui qu'il a toujours été. En ce sens, et malgré la qualité fluctuante de ce Skyfall un brin dépressif, il incarne une des icônes les plus éclatantes du septième art.

  • Les enchaînés (1946)

    Un film de Alfred Hitchcock

    6206878894_0f85524862_m.jpgHitchcock ne disait-il pas, à propos du meilleur thème du cinéma, "Boy meets girl" ?

    Il applique ici sa formule maîtresse à la lettre, Ingrid Bergman tombant instantanément amoureuse d'un Cary Grant apparemment imperturbable. Ah, Bergman qui vous dit en face, ne vous connaissant alors même pas, "You know what ? I like you." Ça aurait de quoi faire réagir n'importe quel homme (être humain?) d'une façon électrique. Cary, lui, est sous les ordres. FBI, ça ne rigole pas. Il n'est pas payé pour tomber amoureux fou d'une fille d'espion nazi, que le Bureau veut recruter par son entremise.

    La belle histoire est ainsi contrariée par une mission, dont sera chargée l’héroïne : découvrir le fin mot dans une affaire de trafic de minerais… Pour cela, elle devra faire tous les sacrifices : renouer avec un ancien ami, se marier avec lui ( ! ), avec le consentement expéditif mais étrange de son amoureux, qui au fond de lui, n’aime pas du tout cette affaire. Son problème ? Il n’ose jamais s’avouer la vérité : oui, il est dingue de cette fille. Mais s'en apercevra-t-il assez tôt ?

    Comme souvent chez Hitch, la caméra est la véritable star du film. Contre-plongées, déformations optiques, caméra subjective, … Hitchcock sort toute sa panoplie pour nous servir un bon suspense, raffiné et cruel. Voir la séquence des bouteilles de champagnes, où un même plan incessant vient compter les bouteilles restantes lors d'une soirée chez le nouveau mari de Ingrid Bergman -l'infâme mais si courtois Claude Rains. Ou encore, ce plan où tout change pour l'héroïne, lorsqu'elle découvre la vérité de sa condition : pas de musique, juste un zoom rapide sur son visage décomposé, contrastant avec le contre-champs de ces bourreaux insouciants. La mécanique du suspense est déjà totalement acquise, comme Hitchcock le démontrera à de nombreuses reprises ; on se rappelle de la partie de tennis dans L'inconnu du Nord-Express (Strangers on a train, 1951), où les coups sont montés en parallèle avec la tentative désespérée de Bruno pour récupérer une montre bien compromettante. Hitchcock, ou la solution (une des …) à la question cruciale : comment passer un bonne soirée ?