Un film de Tim Burton
On peut adopter deux attitudes en allant voir le Tim Burton de 2010 : soit, on aime les films de Tim Burton et l’on espère le voir toujours au niveau de Edward aux mains d’argent (1990) et Batman, le défi (1992). Ceux-là seront déçus, inévitablement, à plusieurs niveaux selon leurs attentes. Ou l’on peut aller voir le film en ayant, par ailleurs, eu vent du tombereau de critiques négatives qui sont tombés sur le film, et n’ayant désormais plus trop d’espoirs que Tim Burton refasse un très bon film (Sleepy Hollow, c’est loin... 1999 pour être précis). C’est précisément dans cet état d’esprit que j’ai franchi l’entrée de la salle de cinéma le jour de la projection.
Alice au pays des Merveilles se veut la suite du film d’animation Disney des années 50, un projet hybride prise de vue réelles / animation à la sauce d’aujourd’hui, où la motion capture a remplacé le bon vieux celluloid. En 2010, Alice est toujours chez Disney, c’est donc aussi un retour aux sources pour Burton, lui qui avait participé à Rox et Rouky et réalisé Frankenweenie et Vincent chez la firme aux grandes oreilles. Nous ne parlerons par ailleurs pas de 3D ici, projection plate oblige, et à ce qu’il paraît ce n’était pas plus mal.
La première chose qui me vient à l’esprit est simplement que tout ce déballage de mauvaises critiques n’était pas vraiment justifié (dont la critique de la dernière scène, pro-capitaliste uniquement par le petit bout de la lorgnette, si l’on veut). Le film se suit sans ennui aucun, dès le prologue très Jane Austen dans l’âme. Alice détonne dans un paysage sclérosé par les convenances et par le paraître. Une fois de l’autre côté du miroir (dommage, le plongeon dans le trou du lapin n’est pas si réussi, quasi illisible), la bonne idée est de mettre en doute le fait que ce soit bien la même Alice, qui, des années plus tôt, a déjà rendu visite au Pays des Merveilles. Mia Wasikowska correspond tout à fait à l’imaginaire collectif que l’on a du personnage : forte tête, curieuse, mais peu sûre d’elle. Elle offre d'ailleurs la meilleur scène du film lors de son voyage à bord du chapeau du Chapelier Fou.
On déambule alors dans une faune multicolore, animée par un bestiaire connu (la chenille, Tweedledee et Tweedledum, le Chat de Chester...), et, de même que le film de Walt Disney, cette entrée n’a pas de fil narratif très fort. Cependant, l’onirisme visuel nous dit, ainsi que Alice elle-même, qu’on est en train de rêver. Rien de grave donc, si tout ne se raccorde pas très bien. C’est paradoxalement lorsque les fils se mettent en ordre que ça peut déconcerter : Alice est alors entraînée dans une histoire d’élu devant sauver le Pays des Merveilles d’un grand danger, rien de bien original pour tout film de fantasy qui se respecte. Car oui, le film bascule assez rapidement dans un univers et des enjeux typiques de la fantasy, avec dragon, château et prophétie. Déconcertant mais pas désagréable, loin s’en faut. Et, si l’on retrouve plus une patte typique de Disney dans l’histoire, seuls quelques arbres torturés et trouvailles bizarres (le cochon, qu’on voyait déjà dans la bande annonce mais qui m’a bien fait marrer quand même) attestent de la paternité de Tim Burton sur le tout. La logique générale, voulant que les laids soient mauvais et les beaux bons, est tout de même en contradiction totale avec l’œuvre du bonhomme, ce qui laisse songeur pour la suite. On remarque par ailleurs que Tim Burton sait désormais trousser des scènes d’action tout à fait recommancdables, comme le combat final. Quelques fautes de goûts ici et là (la pauvre Anne Hathaway, obligée de prendre une pause ridicule pendant toutes ses scènes), mais tout le monde joue bien, à commencer par Helena Bonham Carter, simplement excellente.
Bien meilleur que ses derniers films, Alice au pays des merveilles n’a donc pas à rougir au regard de la carrière de Burton, même si l’on était en droit d’attendre mieux.
Le film était presque parfait - Page 67
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Alice au Pays des Merveilles (2010)
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Sherlock Holmes et la voix de la terreur (1942)
Un film de John Rawlins
Le troisième opus de la série est tourné en 1942, alors que les premiers films avaient été terminés avant le début de la guerre. Après quelques années de pause, c’est la Universal qui reprend le flambeau, laissé par la 20th Century Fox. Toujours Basil Rathbone, toujours Nigel Bruce pour le duo Holmes / Watson, mais quelque chose a changé...
Sherlock Holmes and the Voice of Terror est le premier film se passant à une époque contemporaine au tournage ; de ce fait, le Sherlock Holmes du jour embrasse son appartenance au serial, devenant le héros qui sauve l’Angleterre d’Hitler. En effet, au même titre que certains super-héros qui vont casser du nazi à longueur de comic strips, Holmes incarne l’ultime rempart contre l’horreur. Exit donc la houppelande, la casquette caractéristique et la pipe, bienvenue au chapeau melon et au costume trois pièces ; son fameux chapeau deerstalker n’étant d’ailleurs pas présent dans les textes, mais dans les illustrations qui accompagnaient les ouvrages. Il porte souvent un haut de forme, ou d’autres couvres chefs lors de ses nombreux déguisements. Hormis cela, le détective reste le même, recevant souvent en simple robe de chambre, et, sur le plan comportemental, toujours adepte de la tirade mitraillette, sa langue suivant assez bien la cadence folle de son esprit.
Adaptation de la nouvelle Son dernier coup d’archet (His Last Bow), paradoxalement une des dernières nouvelles consacrée à Sherlock Holmes par son créateur. Ce début du Sherlock Holmes moderne est adapté d’un récit qui voit une des dernières missions du détective dans la chronologie des récits de Conan Doyle. Ce dernier peint un Sherlock Holmes vieillissant, et joue d’un subterfuge qui renouvelle totalement le procédé de ses romans / nouvelles : on ne découvrira que dans la dernière partie qu’un des personnages principaux, traître apparent à la nation britannique, est en fait le célèbre détective. Dans le livre, Sherlock sort de sa retraite pour venir à la rescousse du gouvernement ; pendant plusieurs années, il emprunte le déguisement d’un espion en renseignements, en réalité pour piéger le plus dangereux informateur des Allemands (sachant que le roman se déroule pendant la première guerre mondiale, le film pendant la seconde). D’une trame extrêmement originale, le film ne garde malheureusement que des détails insignifiants (le nom d’un des protagonistes), pour nous raconter finalement tout à fait autre chose : un appel radio qui semble commander à distance une armée invisible mais bien réelle, disséminée dans le Londres de 1943 : sur fonds de stock-shots (explosions, scènes de foule), cette fameuse voix de la terreur provoque des catastrophes impossible à endiguer pour le gouvernement. Holmes va donc mener l’enquête, et suit une trame somme toute basique ; ses déductions restent classiques et peu inventives. Notons tout de même, en traître nazi, les débuts de Thomas Gomez, tronche de méchant vue dans quelques bons films noirs, dans Les mains qui tuent (Robert Siodmak, 1944) ou Key Largo (John Huston, 1948).
De façon tout à fait étonnante, le film conclut sur la tirade de la nouvelle, mais qui prend un sens différent ; voici ce que déclame Holmes dans les deux cas :
- Mon bon vieux Watson ! Vous êtes l’unique point intangible d’une époque changeante. Un vent d’est se lève néanmoins, un vent comme jamais il n’en a soufflé sur l’Angleterre. Il sera froid et cruel, Watson, et un bon nombre d’entre nous disparaîtrons avant qu’il ne retombe. [...]
In Son dernier coup d’archet, Trad. D’Eric Wittersheim, Ed. Omnibus, 2006 (édition originale 1917)
Alors que dans le livre, la tirade sonne comme un adieu entre Holmes et Watson, à l’aube d’un changement de société, il résonne dans le film comme la mainmise du nazisme sur l’Angleterre que peut-être, Holmes seul peut enrayer. Tout cela n’a donc vocation qu’à soulever le patriotisme des foules pour une issue favorable de la guerre, ce qui en soit n’est pas condamnable. Ce qui l’est plus, c’est de faire le choix de ne pas adapter la nouvelle qu’on prend pour socle scénaristique ; une déception donc, pour ce troisième épisode bien vide.
Films de la série déjà chroniqués :
Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
Les aventures de Sherlock Holmes -
The Last Man on Earth (1964)
Cliquez sur l’image pour consulter la chronique du film :
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Les aventures de Sherlock Holmes (1939)
Un film de Alfred Werker
Second film du duo Basil Rathbone / Nigel Bruce, produit par la 20th Century Fox après Le Chien des Baskerville, Les aventures de Sherlock n’est pas adapté d’une nouvelle ou d’un roman de Conan Doyle, mais d’une pièce de théâtre éponyme de William Gillette.
Le film nous dévoile dès ses premiers instants l’ennemi juré de Sherlock Holmes, Moriarty. Petite barbe, l’air d’un notable, il déjoue le fonctionnement de la justice et se voit acquitté au procès d’un crime qu’il a, de toute évidence, perpétré. Sherlock Holmes arrive trop tard à la cour pour prouver sa culpabilité. L’invincible Sherlock Holmes est ainsi mis en échec dès le début, asseyant le caractère machiavélique de Moriarty, mais tout autant génial dans le registre du crime, que notre détective privé dans la résolution d’énigmes. On suit d’ailleurs dans un premier temps le fameux Moriarty dans son spacieux bureau, où l’on découvre un original obsessionnel, passionné de fleurs : ses locaux en sont envahis, et seront d’ailleurs cause d’infortune pour Watson, toujours très bonhomme. Ce dernier continue dans sa lancée de personnage comique, voire burlesque, tel un Oliver Hardy échappé de son duo, dans l’exercice d’un comique de gestes très réussi. La séquence pendant laquelle il prend la pose à plat-ventre sur la chaussée, sur les ordres de Holmes, est réjouissante au possible, de ce sens de la comédie aujourd’hui rare, jouant sur la répétition et un timing très élaboré. Les puristes crient au blasphème, Watson étant d’une consistance intellectuelle sans comparaison dans les récits de Conan Doyle. Ici, sa verve et son air ahuri donne du relief à la brillante mais néanmoins un brin monotone, du bon Holmes.
Sherlock Holmes, de son côté, est aux prises avec deux affaires : un vol de bijoux, et une sordide histoire de meurtre. Un leitmotiv languissant et morbide se fait entendre, une musique de mort à la flûte, jouée en mineur par un mystérieux individu dont on ne voit d’abord que l’ombre ; plus mystérieux encore, il accompagne invariablement la mort de la personne qui l’entend. Cette même personne aura d’ailleurs reçu, quelques jours plus tôt, une lettre qui l’avertissait de son proche destin funeste...
Les deux cas ne seront finalement qu’un écran de fumée créé par Moriarty dissimulant son véritable but. La compétition que se livrent les deux hommes est intéressante : chacun semble avoir trouvé un adversaire à sa (dé)mesure. A l’obsession des fleurs de Moriarty, Holmes répond par une étude tout aussi bizarre du comportement des mouches, auxquelles il fait subir des gammes chromatiques au violon, pour découvrir à quelle fréquence elles sont sensibles (dans les romans, sa fascination va vers le comportement des abeilles). Ainsi Moriarty, à moitié par provocation, se déguise, non pas en rajoutant un quelconque accessoire à son apparence, mais en rasant sa barbe. Il deviendra alors un agent de police à l’air respectable, qui lui permet de perpétrer son crime. Sherlock Holmes, de son côté, joue aussi du déguisement, en se faisant passer pour un comique au sein d'un cabaret, tout cela dans le but de pouvoir parler à un témoin important de l’affaire. Cette sorte de fantaisie, ajoutée au fait qu’on doute véritablement de l’identité de Sherlock et Moriarty une fois déguisés, emmène le spectateur vers un monde étrange, peuplé de faux-semblants où tout est possible.
Les aventures de Sherlock Holmes marque le dernier film d’époque, c'est-à-dire utilisant un décorum fin XIXème. Les opus suivants, produits à partir de 1942 par Universal, utiliseront un décor contemporain à la période de tournage. Si l’époque change, il n’en sera rien pour Sherlock Holmes, roc de déduction logique dont ces aventures cinématographiques ne déçoivent pas !Source image : affiche du film, © 20th Century Fox
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Terminator Renaissance (2009)
Un film de McG
Redonner vie à la création de James Cameron n’est pas aisé : Jonathan Mostow le sait bien, lui qui n’a réussi, malgré un final couillu, qu’à achever le mythe à coup d’interminables scènes d’action, de scènes d’humour ridicule (les lunettes !), et d’un héros au charisme... discutable pour le rôle, dans son Terminator 3 - Le soulèvement des machines. McG, réalisateur des Charlie's Angels, n’est pas forcément le premier que l’on envisagerait pour réaliser un Terminator. Et pourtant, le bougre s’acquitte de sa tâche avec beaucoup (trop ?) de sérieux, mais avec de la réussite.
Dès les premiers instants, on se sent, par la palpitation de nos tympans, aspirés dans l’univers des Terminators. Une symphonie métallique de bruits électro irrigue les oreilles tandis que le générique défile, comme des lignes de programme informatique. Très réussies (bon score de Danny Elfman, taillé pour les gros films), ces sonorités électroniques nous ont furieusement rappelé les Daft Punk, millésime Human after All. Alors, copié/collé ou rien à voir ? Bon point tout de même, tant on entend assez rarement tel assemblage.
Christian Bale prend ici le rôle de John Connor, qui est finalement le véritable héros de la saga, maintenant que Schwarzenneger n’est plus devant la caméra. Ou presque... on pourra croiser le visage de l’Autrichien, tel qu’on l’avait découvert en 1981, lors d’une séquence vraiment réussie, l’un des nombreux clins d’œil du film à la mythologie créée par Cameron.
Et Christian Bale la joue mâchoire serrée, criant sans cesse sur ces troupes, un poil unidimensionnel quand même. Il est cependant à la hauteur, campant un personnage too much (le saut dans la mer déchaînée, le plan séquence de l’hélicoptère), dont le côté rassembleur possède définitivement un parfum très Che Guevara.
L’ambiance du film est clairement définie par son appartenance au genre post-apocalyptique (le Jugement Dernier est passé par là, comme le balance assez lourdement Anton Yelchin / Kyle Reese), et moins par sa filiation à l’univers Terminator ; en effet, la différence majeure entre ce film-ci et les précédents est évidemment le passage d’une catastrophe, qui transforme le paysage, tout l’univers, et les enjeux de l’intrigue. En effet, Terminator Renaissance a tout du film de guerre, tout en tactiques, stratégies, et affrontements guerriers. Il a également l’avantage de présenter l’origine de la société Cyberdine, celle qui va créer l’intelligence artificielle et les premiers cyborgs ; malgré tout, le film abat tout de même une carte glamour en la personne de Moon Bloodgood, charmante métisse qui a un faible pour Marcus / Sam Worthington... Attention, on n’est pas dans Côte Ouest, et la plupart du temps, c’est l’action pure qui est mise en avant... oui, mais de belle façon ! Le film est très bien conçu, conciliant les références chères aux fans et une intrigue forte. Tout juste dira-t-on que le vrai héros du film (de façon non-intentionnelle), c’est Sam Worthington, très fort en cyborg plus humain que machine. Christian Bale, tout en badass attitude, est en vérité la vraie machine du film, là on peut penser que le film se plante. Et pourtant... Tout cela passe très bien, bien que sans réel génie de mise en scène. La seule scène originale à ce niveau-là, celle de l’hélicoptère, bien que bluffante, fait un peu m’a-tu vu.
Un film qui réussit dans son décorum et dans l'architecture de son scénario, simple mais efficace, et qui révèle plein de clins d’œil pour se raccrocher à la saga ; le film pouvant finalement se passer de cette dernière, pour entamer un nouveau cycle. une véritable Renaissance, en quelques sorte.