Un film de Christophe Gans
Premier long de Christophe Gans, Crying Freeman est l'adaptation du manga éponyme, créé par Kazuo Koike, l'auteur de Lady Snowblood et du célèbre Lone Wolf and Cub (chacun de ces titres ayant également connu une adaptation cinéma dans les années 70).
Passionné de tous les cinémas, mais peut-être par-dessus tout du cinéma asiatique, notamment du cinéma Hong-kongais qu'il a participé à faire connaître via HK Vidéo, Christophe Gans signe évidemment avec Crying Freeman un film référentiel. A travers l'aventure de son héros solitaire et mutique, Yo (Mark Dacascos), pris au piège par une secte d'assassins, les Fils du Dragon, c'est tout un pan du cinéma HK des années 80 et 90 qu'on revisite sur les 100 minutes bien remplies de Crying Freeman.
En allant chercher David Wu, le montaeur de John Woo, Gans donne à son métrage une couleur résolument typée, à base de ralentis extrêmement travaillés, de clichés visuels typiquement HK (les colombes qui s'envolent au ralenti, des hommes de mains qui jouent simmultanément du pistolet tout en avançant), faisant même cohabiter plusieurs univers dans son film. En effet, aux triades qui se bagarrent la domination d'un territoire, tout droit sorti des polars made in HK, s'adjoint une sorcière échevelée aux ongles crochus qu'on croirait échappée du monde fantastique de Zu, les guerriers de la montagne magique (Tsui Hark, 1984). Au milieu de ce duel formidablement filmé, se trouvent deux personnages qui échappent un peu à ces règles : le Freeman, un homme sans identité à l'origine géographique sans importance : le Freeman peut insuffler sa vie dans n'importe quelle enveloppe corporelle, et l'inspecteur Netah (Tchéky Karyo), dont l'apparence et le caractère semblé hérité des policiers à la française de Jean-Pierre Melville (voir la séquence de l'enterrement du chef yakuza, à laquelle il se rend en imper et chapeau mou comme Alain Delon dans Le samouraï).
Les influences sont multiples mais très bien digérées, au service d'un scénario musclé. Les temps morts sont très rares (Nita et sa coéquipière qui bavassent à l'hôpital, un interrogatoire un peu mou), car à part ces quelques réserves, Gans s'est démené pour consteller son film de scènes d'anthologie. C'est simple, en le prenant de bout en bout, on savoure chaque séquence jusqu'à ce que le générique de fin apparaîsse : rien qu'une scène relativement anodine comme le assage de Yo par les douanes de l'aéroport est un grand moment de mise en scène, tout en travelling latéral, illuminé par le style racé de Mark Dacascos. La relation amour/haine entre Netah et Lady Hanada, somptueusement masochiste, atteint un sommet lors de la scène d'amour moite dans un placard à persiennes. Crying Freeman est un film qui passe très vite, et qui a la bonne idée de garder son meilleur pour la fin. Le combat mené par Yo contre une horde de yakuzas, maniant consécutivement un arc, des katanas et des fusils d'assaut (oui, oui ! concession faite au producteur Samuel Hadida) est un enchaînement ininterrompu d'images immédiatement cultes. L'on se rappelera avoir bien usé la VHS à cet endroit précis, à causes de multiples visionnages. Il faut ici dire que la prestation martiale de Mark Dacascos est brillante, inondant de son charisme la scène forestière de cet affrontement final. Sa participation à Crying Freeman, même s'il s'agit là d'un de ses premiers films, reste aujourd'hui le point culminant d'une carrière ensuite enterrée par une foule de Direct to Video. Le couple qu'il forme avec sa protégée dans le film (le belle Julie Condra) est tout à fait crédible, d'autant plus que les deux acteurs seront dès lors inséparables à la ville.
Habité par une caméra virtuose et un casting impeccable, Crying Freeman, dans toute son exubérance et sa violence froide, dépasse le simple hommage et ravit pour lui-même ; Gans signera plus tard un Pacte des loups bien plus contestable et Silent Hill, une réussite certaine dans le sous-genre très casse-gueule des adaptations de jeux vidéos.
Source images : photos promotionnelles du film © Metropolitant Filmexport
Disponibilité vidéo : en DVD zone 2 - éditeur : Metropolitan Filmexport