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  • Maps to the Stars (2014)

    Un film de David Cronenberg

    14405904103_8f035b9620_m.jpgDès les premières minutes du dernier film de Cronenberg, je me suis rappelé Cosmopolis (et les quinze minutes que j'ai tenu avant d'éteindre le poste) : limousine + Robert Pattinson + dialogues abscons = Maps to the stars. Si ce dernier n'est toutefois pas totalement comparable à la purge Cosmopolis, il ne raconte cependant rien de transcendant, les interminables névroses d'acteurs ayant été le sujet de bien des (télé)films. Tout au plus guetterons-nous l'apparition de Carrie Fisher, qui reviendra bientôt rejouer son rôle historique de Princesse Leia pour le bonheur des fans de Star Wars.

    C'est d'autant plus rageant que, pris individuellement, chaque acteur tire son épingle du jeu : Julianne Moore, qui tient là son prix d'interprétation décerné à Cannes 2014, mais aussi John Cusack, Mia Wasikowska (à qui on donne malheureusement toujours le même rôle à jouer), la rare Olivia Williams et même Evan Bird, l'enfant acteur. Le cynisme et les extrêmes ne surprennent plus personne quand on parle de l'usine à rêves, mais l'on sent que Cronenberg s'offre là une croisade toute personnelle, dégoûté qu'il est de l'ambiance mortifère qu'il semble y rencontrer. Ce film sur le cinéma joue un énième jeu de miroirs entre sa forme et son contenu, son contenu et l'objet-même qu'il représente. Certes, le film est cérébral, mais son histoire est cent fois vue. L'emballage pourrait être une raison d'aimer le film, mais là encore, alors qu'on connaît l’œil esthète de Cronenberg et son travail méticuleux sur les costumes et la photo, on est ici pas loin d'un Direct to Video de luxe : photo très banale, direction artistique aux abonné absent.

    Une scène surnage tout de même, par sa cruauté et le jeu incroyable de Julianne Moore : alors que son personnage a raté un rôle qu'elle attendait depuis des lustres, elle apprend que l'actrice choisie ne pourra finalement pas jouer à cause de la mort accidentelle de son petit garçon, qu'on a croisé dans une scène précédente. Entre le rire et les larmes, Julianne Moore se met à entamer une danse de joie horrible face à cet événement qui la remet en selle pour l'obtention du rôle.

    On reviendra à Cronenberg, c'est sûr : celui qui nous a jadis estomaqué avec Videodrome, Chromosome 3 ou encore eXistenZ. Mais ses deux derniers essais ratés ne donnent pas de bons signes pour le futur...

  • Crying Freeman (1995)

    Un film de Christophe Gans

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    Premier long de Christophe Gans, Crying Freeman est l'adaptation du manga éponyme, créé par Kazuo Koike, l'auteur de Lady Snowblood et du célèbre Lone Wolf and Cub (chacun de ces titres ayant également connu une adaptation cinéma dans les années 70).

    Passionné de tous les cinémas, mais peut-être par-dessus tout du cinéma asiatique, notamment du cinéma Hong-kongais qu'il a participé à faire connaître via HK Vidéo, Christophe Gans signe évidemment avec Crying Freeman un film référentiel. A travers l'aventure de son héros solitaire et mutique, Yo (Mark Dacascos), pris au piège par une secte d'assassins, les Fils du Dragon, c'est tout un pan du cinéma HK des années 80 et 90 qu'on revisite sur les 100 minutes bien remplies de Crying Freeman.

    En allant chercher David Wu, le montaeur de John Woo, Gans donne à son métrage une couleur résolument typée, à base de ralentis extrêmement travaillés, de clichés visuels typiquement HK (les colombes qui s'envolent au ralenti, des hommes de mains qui jouent simmultanément du pistolet tout en avançant), faisant même cohabiter plusieurs univers dans son film. En effet, aux triades qui se bagarrent la domination d'un territoire, tout droit sorti des polars made in HK, s'adjoint une sorcière échevelée aux ongles crochus qu'on croirait échappée du monde fantastique de Zu, les guerriers de la montagne magique (Tsui Hark, 1984). Au milieu de ce duel formidablement filmé, se trouvent deux personnages qui échappent un peu à ces règles : le Freeman, un homme sans identité à l'origine géographique sans importance : le Freeman peut insuffler sa vie dans n'importe quelle enveloppe corporelle, et l'inspecteur Netah (Tchéky Karyo), dont l'apparence et le caractère semblé hérité des policiers à la française de Jean-Pierre Melville (voir la séquence de l'enterrement du chef yakuza, à laquelle il se rend en imper et chapeau mou comme Alain Delon dans Le samouraï).

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    Les influences sont multiples mais très bien digérées, au service d'un scénario musclé. Les temps morts sont très rares (Nita et sa coéquipière qui bavassent à l'hôpital, un interrogatoire un peu mou), car à part ces quelques réserves, Gans s'est démené pour consteller son film de scènes d'anthologie. C'est simple, en le prenant de bout en bout, on savoure chaque séquence jusqu'à ce que le générique de fin apparaîsse : rien qu'une scène relativement anodine comme le assage de Yo par les douanes de l'aéroport est un grand moment de mise en scène, tout en travelling latéral, illuminé par le style racé de Mark Dacascos. La relation amour/haine entre Netah et Lady Hanada, somptueusement masochiste, atteint un sommet lors de la scène d'amour moite dans un placard à persiennes.  Crying Freeman est un film qui passe très vite, et qui a la bonne idée de garder son meilleur pour la fin. Le combat mené par Yo contre une horde de yakuzas, maniant consécutivement un arc, des katanas et des fusils d'assaut (oui, oui ! concession faite au producteur Samuel Hadida) est un enchaînement ininterrompu d'images immédiatement cultes. L'on se rappelera avoir bien usé la VHS à cet endroit précis, à causes de multiples visionnages. Il faut ici dire que la prestation martiale de Mark Dacascos est brillante, inondant de son charisme la scène forestière de cet affrontement final. Sa participation à Crying Freeman, même s'il s'agit là d'un de ses premiers films, reste aujourd'hui le point culminant d'une carrière ensuite enterrée par une foule de Direct to Video. Le couple qu'il forme avec sa protégée dans le film (le belle Julie Condra) est tout à fait crédible, d'autant plus que les deux acteurs seront dès lors inséparables à la ville.

    Habité par une caméra virtuose et un casting impeccable, Crying Freeman, dans toute son exubérance et sa violence froide, dépasse le simple hommage et ravit pour lui-même ; Gans signera plus tard un Pacte des loups bien plus contestable et Silent Hill, une réussite certaine dans le sous-genre très casse-gueule des adaptations de jeux vidéos.

    Source images : photos promotionnelles du film © Metropolitant Filmexport

    Disponibilité vidéo : en DVD zone 2 - éditeur : Metropolitan Filmexport

  • The Secret (2012)

    Un film de Pascal Laugier

    8411490113_8ece0b9e15_m.jpgPremière tentative du français Pascal Laugier aux Etats-Unis, The Secret est aussi un bon film, chose assez rare dans ce cas de figure. The Secret (titre original : The Tall Man, décidément les as du marketing sont de sacrés farceurs) est effectivement un film malin, qui joue avec les conventions du thriller pour mieux capturer son spectateur dans une intrigue imprévisible. Film à twist, il est délicat de révéler son scénario ; tout juste peut-on dire que, dans une petite bourgade minière perdue au cœur des Etats-Unis, des enfants disparaissent.

    La patte visuelle et l'ambiance sont prégnantes, dès un générique aux crédits gigantesques plantés dans le décor, les forêts vues d'hélicoptères en mode Shining... sans compter la séquence initiale dans le commissariat de police, déterminante pour tout le déroulement de l'histoire : Laugier joue ici sur les attentes du spectateur, forcément balisées dans un film de genre ; tout ça pour mieux le surprendre. Cette acrobatie sur les conventions cinématographiques est vraiment bien menée, jusque la position du twist (qui intervient en milieu de film plutôt qu'à la fin, ce qu'avait tenté Jim Sheridant pour Dream House, et qui là fonctionnait beaucoup moins bien à mon sens). Il est aujourd'hui extrêmement complexe de véritablement surprendre le spectateur : la recrudescence de film à twist à partir de Sixième sens (M. Night Shyamalan, 1999) le pousse à se méfier de toute situation présentée comme établie, douter des apparences. Et, en effet, il s'agit d'un des ressorts les plus classiques -et efficaces- de toute œuvre de fiction. Ici, le casting, le choix du personnage principal, puis le dévoilement de certaines informations, amènent franchement à une seule conclusion possible... qui n'est cependant pas la bonne. C'est tout le tour de force cinématographique de Pascal Laugier, qui nous mène bien en bateau.

    La perception du passage du temps est tout aussi capitale dans The Secret, qui débute sur un montage d'images concernant les enfants disparus ; on nous donne l'impression que, depuis un temps immémorial, des disparitions de ce type arrivent fréquemment, disparitions à mettre au crédit du "Tall man", une personne énigmatique vêtue de noir. Certains l'auraient vu, d'autres y croient, certains non. Il est ainsi défini par ces contours flous qui font les légendes urbaines, asseyant petit à petit son aura mythologique, héritée de la nuit des temps...

    En cassure de cette présentation des choses, l'on va suivre en temps réel pendant une bonne demi-heure les démêlés de Jessica Biel avec le Tall Man, d'une façon assez inédite : alors qu'on penserait qu'il enlève un enfant et disparaît sans que personne n'en sache rien, Biel s'accroche et et part à la poursuite de ce mystérieux individu, en faisant preuve d'une audace finalement assez étonnante. A ce jeu du "tu va voir, je vais quand même te surprendre", The Secret  fonctionne à plein régime. La question du point de vue est également au centre de l'exercice : point de vue du personnage, du spectateur, sur les actions qui se déroulent devant leurs yeux.

    Une fois le fameux twist passé, la question est alors : la suite du film va-t-elle y survivre, car à ce moment-là l'objectif du film change. Que reste-t-il à découvrir ? Et c'est là, encore une fois, que Laugier est assez fort : il entretient tout de même le doute sur le devenir des enfants disparus et sur le Tall Man, son identité et ses motivations. Pour le coup, le timing des révélations du film est très bien géré, mais prend également une forme inédite.

    Devant tout ce mystère, que peut-on dire de plus ? Laugier nous trousse un film vraiment étonnant, qui fait s'interroger le spectateur sur le pouvoir des images et de la grammaire cinématographique. Mais The Secret n'est pas qu'un exercice de style ; le réalisateur réussit également à nous faire poser des questions sur notre façon de voir les choses, notre point de vue face à une situation bien plus complexe qu'elle n'en a l'air.

  • Pontypool (2008)

    Un film de Bruce McDonald

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    Dans un climat actuel relativement morose en ce qui concerne les films d'horreur réussis (les découvertes récentes de 30 jours de nuit et de Laisse-moi entrer ont eu du mal à faire émerger un quelconque intérêt), la découverte d'un petit film sans prétention, mais à l'efficacité et l'originalité indéniable, est tout à fait agréable. 

    Grant Mazzy, voix d'une radio locale, est pris avec la petite équipe qui l'entoure (sa productrice et la standardiste) dans un déchaînement d'événements horrifiques qu'ils vivent de l'intérieur, enfermés dans le studio d'enregistrement.

    Dès le prologue, l'ambiance a quelque chose de tout à fait unique, Mazzy (excellent Stephen McHattie, vu notamment dans Watchmen - les gardiens) déclamant à son micro une petite histoire banale qui finit dans un maelstrom de mots qui semble effacer à la parole toute signification propre, ne laissant la place qu'à une suite de syllabes incompréhensibles. Pendant ce temps, on suit à l'écran les circonvolutions d'une courbe d'oscilloscope qui frémit à la moindre parole. La séquance donne le ton (et bien plus) du film, hanté par la voix caverneuse de Mazzy, dont l'assurance, déjà quelque peu mise à mal (ancienne gloire de la radio nationale, il doit se contenter de la petite ville de Pontypool), est rapidement émiétée par les violences imcompréhensibles que semble subir la ville, et dont notre groupe est le rapporteur aveugle. 

    La perception des personnages en huis-clos, sur des événements dont ils ne peuvent être q'auditeurs, est non seulement une excelllente idée, mais également une transformation de l'essai en film qui est tout sauf évidente. Un plan fixe sur la courbe de fréquence de voix du reporter, seul personnage à témoigner de l'extérieur, aurait pu tomber à l'eau ; c'étair sans compter sur les rapports de forces savamment dosés, ainsi que l'empathie pour tous les personnages que l'on peut éprouver, tour à tour.

    On perçoit, hors de l'influence capital du livre dont l'histoire est tirée ("Pontypool changes everything" de Tony Burgess), l'idée de reprendre l'idée d'Orson Welles pour adaptation radiophonique de La guerre des mondes : le film, nous offrant un portrait de la réalité défomé par le prisme de la radio, questionne notre crédulité sur les événements qu'on nous décrit. Comme si l'on avançait dans le noir et qu'on cherchait des astuces impossible pour se guider tout de même. Derrière l'économie de moyens (et l'unté de lieu) dont fait preuve le métrage, se rappelle à notre bon souvenir les épisodes mémorables de La Quatrième Dimension de Rod Serling, situations impossibles, paraboles du comportement humain. Un personnage supplémentaire, apparaissant dans un mouvement théâtral, éjecté par une trappe, viendra donner de l'eau au moulin des interrogations de la petite troupe, et confortera la lecture du spectateur. Fort de son idée, le film avance comme une flèche vers son dénouement, non sans accuser le coup ne fois a situation posée.

    Même si le film est moins palpitant dans son deuxième tiers, les indices semés et l'apparente raison de l'épidémie de violence qui sévit (hommes et femmes assaillant des bâtiments comme un seul homme, sans raison, s'entre-tuant en déblatérant un charabia incompréhensible) force l'admiration par sa portée métaphysique, quasi-mystique. Mazzy, tel un prêtre halluciné, finra le film d'une façon bien étrange, qui peut être interprété de bien des façons. 

    McDonald signe un bon là une très bonne surprise, tendue et noire comme l'enfer, tirant le meilleur parti de ces maigres moyens. 

  • Splice (2010)

    Un film de Vincenzo Natali

    4820514870_a8c66769d3_m.jpgOn attendait de pied ferme ce nouveau film du réalisateur de Cube (1997) et Cypher (2003). Nouveau film de genre, entre la science-fiction et l’horreur, il narre l’expérimentation interdite d’un couple de chercheurs spécialisés dans la création d’êtres vivants à partir de combinaisons génétiques. Leur premier objectif est de synthétiser des éléments pouvant autoriser les greffes sur l’homme, et de trouver des nouveaux composés pouvant faire progresser la médecine. Après une expérience réussie, les dirigeants du laboratoire ne leur permettent pas, pourtant, de réaliser leur rêve : un hybride incluant l’ADN humain. C’est en secret qu’ils donnent vie à cette créature…

    S’il y a une chose qu’on ne pourra reprocher à Natali, c’est de s’accrocher bec et ongles à cette histoire ; loin des films-concept dont il l’habitude (ces films précédents s’attachent et se résument à une idée maîtresse aux limites du surréalisme, et à son développement ultra-cérébral : des hommes enfermés dans un dédale de cubes dont ils ne savent rien (Cube), deux hommes font disparaître le monde entier (Nothing), ou encore l’intrigue paranoïaque centré sur un personnage manipulé à la recherche de son identité (Cypher). Ils fonctionnent tous comme des films-univers en circuit fermé, les personnages ne se référant dans leur parcours qu’à des paramètres spécifiques aux films. Avec Splice, le cinéaste canadien réalise a contrario son film le plus classique et le plus posé : ses personnages existent (pour preuve, ils font l’amour, de façon assez maladroite et banale) et leur drame existentiel occupent tout le sous-texte du film. Ils sont réels (le détail de l’écusson qu’arbore Clive-Adrien Brody sur sa blouse, signifiant son altérité -sa supériorité ?- par rapport aux autres membres du labo, révélant une fierté toute humaine), et leur questionnement éthique par rapport à leur création rejoint nos propres interrogations en tant que spectateur. Le film prend ainsi son sens dans l’interstice, et le décalage, entre les actions des personnages, et ce que le spectateur pense qu’il aurait fait dans cette situation précise.

    Le film suit le va-et-vient de décisions, souvent contradictoires, que prennent les personnages par rapport à leur création-work-in-progress, jusqu’au moment où aucun autre choix, sinon celui de la responsabilité de leurs actes, n’est possible. La créature devient un simili-enfant, une monstruosité qui tend à s’humaniser, rappelant que l’homme est fait de chair et de sang. L’ambiguïté du résultat rappelle évidemment les débuts gore de Cronenberg, et plus particulièrement son film le plus éprouvant, Chromosome 3 (The Breed, 1979), dans lequel une femme minée par l’angoisse est enrôlée dans une clinique aux buts bien douteux.

    L’ambiance est là, la lumière aussi, un bleuté technologique très dense, le look de la créature aussi, tour à tour monstrueuse et étrangement désirable. Animale, mais bien femme, la créature (rôle totalement muet à la composition réussie par l’actrice Delphine Chanéac) provoque des réactions 100% humaines. Le hic malgré tout, vient de la bande-annonce du film, qui dévoile tout sans en avoir l’air (pas aidé non plus par la couverture médiatique de Mad Movies, qui parsème son article de photos-spoilers à tous les étages. Décidément…). Le film suit ainsi une trame malsaine mais sans réelle surprise, si ce n’est le désormais traditionnel twist dans la dernière partie du métrage. On le redit, c’est le premier film classique –dans sa forme- réalisé par le canadien. Et c’est aussi, malgré un dernier acte tout entier dédié au sous-genre du creature features, celui qui vieillira sans doute le mieux.