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états-unis - Page 50

  • L'extravagant Mr Deeds (1936)

    Un film de Frank Capra

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    Mr Deeds goes to town sort sur les écrans en 1936, avec Gary Cooper et Jean Arthur. Le film est typique du cinéma de Capra, un chef-d’œuvre d’humanité. On cerne particulièrement trois dimensions intéressantes dans le film, que l’on retrouve dans d’autres films de Capra, comme Mr Smith au Sénat.

    Deeds est un homme de la campagne. Le titre original insiste bien sur cette opposition entre la ruralité qu’il quitte et la town qu’il va trouver. Pourquoi ? Car Deeds a hérité de 20 millions, d’un oncle qu’il ne connaissait que peu. Dès lors, Deeds doit aller à New-York. On y croise des laissés pour compte dont la pauvreté n’est que plus visible, eux qui font partie de la mégalopole américaine dont les richesses s’étalent à tous coins de rue. Le réalisateur érige son personnage principal en symbole d’une pureté, d’une naïveté et d’une invention que n’ont déjà plus les hommes de son temps, obsédés par la quête de la fortune. L’homme ordinaire et simple brille par une sagesse extra-ordinaire car il est hors du monde des suffisants qu’il doit côtoyer par obligation. Même au sein d’un univers autrement plus riche, il garde ses habitudes -voir comment il remet en place son majordome à chaque fois qu’il lui noue sa cravate ou lui met ses chaussures-, qui ne sont finalement qu’une façon de rester homme, responsable de ses actions.

    Le film est ensuite une critique sans détour du capitalisme forcené et de la culture matérialiste : a l’annonce de son héritage, Deeds va voir tourner autour de lui toute une collection d’escrocs ; L’homme, auparavant bienveillant envers les autres, se met progressivement à se méfier de tout le monde. Capra fustige L’accumulation des richesses de toutes parts , notamment  lorsque la colère des aristos gronde à l’annonce du don de l’héritage de Deeds à la population. Mieux vaudrait, à la limite, que cette fortune n’ait jamais existée ou qu’elle atterrisse dans les mains de ceux qui sont déjà riches. Deux choix qui, soyons clairs, sont très restreints...

    Enfin, la troisième dimension du film de Capra est la justice : occupant la dernière demi-heure, le procès de Deeds aboutira par un dénouement attendu, eût égards aux autres films du réalisateur ; en effet, même si on décèle sans mal, comme on l’a dit précédemment, une charge contre l’argent et le pouvoir, Capra aime inconditionnellement son pays et croit en sa justice, nous offrant un happy-end comme lui seul peut en réaliser. Une belle dose de bons sentiments très bien amenés ; l'Oscar du meilleur réalisateur gagné par Capra cette année-là ne fut pas volé, et éclate de toute sa force aujourd'hui encore !

    Source image : Wikipedia.fr

  • Annecy 2009 : Coraline

    Un film de Henry Selick

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    Ex-æquo avec Mary and Max (les jurys- et pas qu'eux- ne partageant pas notre réaction sur ce dernier film), est couronné cette année le magnifique Coraline, fable adaptée d’un récit de Neil Gaiman (décidément dans tous les bons coups : Stardust et Beowulf dernièrement).

    Une petite fille atterrit avec ses parents dans un endroit paumé et bien grisâtre, alors qu’elle trouve dans leur maison un passage vers un autre monde, un dopplegänger opposé, où ses parents sont sympathiques, et où le jardin est le théâtre d’une symphonie de couleurs ininterrompue ; tout y est donc plus attirant, mais quelque chose cloche, et ce pourrait bien avoir à faire avec... le fait qu’ils ont des boutons à la place des yeux !

    Rappelant à nos mémoires les terreurs enfantines, le film tire sa force d’une unité assez exceptionnelle, oscillant entre émerveillement -certaines séquences sont d’ores et déjà à classer dans les plus grands moments de l’histoire de l’animation, tel la danse du cirque des souris de M. Bobinski, la découverte du jardin féerique imaginé par l’Autre Mère- et frissons, lors des débordements finaux de cette fameuse Autre Mère. Il y a dans la façon d’explorer la typologie des décors une grâce évidente, à base de travellings survolants, et de cadres captant toujours au mieux les expressions des personnages, autant que les étrangetés topographiques des lieux. Centré sur un trip à la Alice aux pays des merveilles, le film a la bonne idée de nous intéresser aux deux mondes parallèles avec une même intensité, ce qu’avait échoué à mettre en place les Noce funèbres de Tim Burton, utilisant un dispositif similaire. La raison en est toute simple : durant le film, qui que nous soyons, nous sommes Coraline, nous vivons son aventure. Expliquer cela par A+B me paraît impossible, et pour le coup inutile. Tel est le film, naissant d’une alchimie entre divers éléments tels l’image, la musique, les voix, le fil des actions, les personnages...

    Émerveillement versus (petite) frayeur, le cœur du film est dans l’opposition de deux mondes aussi fantastiques l’un que l’autre, et c’est sûrement là tout le sel de ce beau film. Le monde "ordinaire" de Coraline ne l’est pas le moins du monde. Entre un jeune garçon étrange (sa première apparition en fait un petit monstre), un puits -presque- sans fond, un domaine avec sa maison rosée absolument pas croyable, bref cette inquiétante étrangeté (qui habite assez souvent nos chroniques) est de mise dès le premier plan. Le générique de début est d’ailleurs un petit chef d’œuvre à lui tout seul, et qui, en alignant des images de jolies peluches puis d’une anonyme main crochue, fait déjà de la duplicité thématique sa profession de foi.

    Aller voir Coraline, c’est donc embarquer pour un voyage trouble au pays des songes hantés, et qui, personnellement, constitue ni plus ni moins ma plus belle expérience ciné de l’année (n’oublions quand même pas les Watchmen qui m’ont carrément ensorcelés).

  • Revenge (1991)

    Un film de Tony Scott

    3566748867_8f0d6d9ee0_m.jpgIl est amusant de voir à quel point certains films, pourtant calibrés et vendus tels des produits comme les autres, révèlent malgré tout des constantes chez des réalisateurs ; j’en veux pour preuve ce Revenge qui, mettant en avant un Kevin Costner charismatique en diable (c’était sa grande époque, juste avant son Danse avec les loups, Bodyguard et l'année du puissant JFK), propose par sa séquence d’introduction -un vol d’avions de combat-, une prolongation à Top Gun, réalisé par Scott quelques années auparavant. Le personnage de Cochran (Costner) peut tout à fait personnifier le Maverick de Top Gun, en fin de carrière. Les deux personnages ont d’ailleurs un caractère similaire et une voix française particulièrement proche -il s’agit de Michel Papineschi, doubleur officiel de Robin Williams et par ailleurs de John Shea / Lex Luthor dans la série Loïs et Clark : les nouvelles aventures de Superman.

    Outre cette première remarque, Tony Scott trousse un film étrange, qu’on peut sans mal qualifier de schizophrène. On y voit en effet s’opposer deux parties clairement distinctes.

    Dans la première partie, Kevin Costner s’amourache de la belle Madeleine Stowe, amour interdit car c’est la femme d’une sorte de parrain, autrement bon pote avec Costner. Cette première partie est vraiment à la limite du ridicule aujourd’hui, oscillant entre un esprit Harlequin (pas les bonbons, hein, la série de bouquins), je dis bien esprit car je m’attache juste à leurs couvertures incroyablement kitsch,  et une bluette digne d’un téléfilm érotique qui firent les chaudes soirées de M6. Le summum étant la scène "torride" en voiture décapotable, le Costner faisant presque claquer le string de la jeune femme quand elle lui monte dessus. Notez quel sens de la poésie étreint soudain les lignes de cette chronique ! Érotisme de bas étage donc, souligné au stabilo par une musique d’ascenseur, au synthé, toujours de la même eau. On se dit alors, pourquoi pas, ok, mais le film s’appelle Revenge, alors elle arrive quand cette vengeance ? Elle arrivera, mais il faudra attendre... attendre encore... et là, quand les deux tourtereaux sont pris sur le fait, ça commence !

    La fameuse vengeance du bad guy (Anthony Quinn, toujours vif) fait totalement bifurquer le ton du métrage : violent, viscéral, limite vigilante movie, la deuxième est aussi excessive dans les images chocs que l’était la première dans la guimauve. La jeune femme défigurée et un Kevin Costner tuméfié sont, il faut bien l’avouer, assez marquantes.

    La furie presque barbare de la deuxième partie emporte l’adhésion, mais le souvenir de la première, terriblement datée,  reste l’impression la plus prégnante qui se dégage du film. Mais peut-être que Tony Scott n’est pas ma tasse de thé...

  • Cypher (2003)

    Un film de Vincenzo Natali

    3561573981_20f3d75dde_m.jpgMême si je ne pense pas que ce film soit "indéfendable", il reste tout du moins mésestimé par le plus grand nombre. Il s’agit s’un trip très construit, à cheval entre espionnage, SF et thriller paranoïaque, dans lequel Morgan Sullivan (Jeremy Northam) incarne l’homme ordinaire qui veut changer de vie : il devient alors espion industriel pour la firme Digicorp, mais ses missions sont, comment dire, loin de celles d’un James Bond, jugez plutôt : il se rend à des conférences pour enregistrer des discours sans intérêt... On se doute rapidement qu’il est utilisé.

    Opérant une variation chromatique tout au long du film, passant d’un ensemble désaturé qui s’agrémente peu à peu de couleurs, pour finir dans une apothéose bariolée, Vincenzo Natali construit son film par petites touches impressionnistes. Le moment du premier véritable envahissement de couleurs à l’écran accompagne ainsi la révélation conjointe, pour le personnage principal comme pour le spectateur, d’une première vérité, dans ce monde où l’information semble toujours cachée. De plus, le glissement progressif d’un genre à l’autre suit cette variation chromatique, et la découverte progressive de la vérité par Sullivan. Même si le début du métrage fait invariablement penser à un Matrix du pauvre, il ne faut pas s’y fier. Derrière un budget qu’on n’imagine certes pas à la hauteur des ambitions du cinéaste -les effets spéciaux sont très visibles-, le film déroule sa trame avec une droiture et une absence d’ironie qui le sert bien. Le jeu des doubles, illustré ici jusqu’aux antagonismes des multinationales qui s’affrontent, donne un léger vertige par la richesse des virages scénaristiques, qui s’estompera cependant bien vite, n’ayez crainte. La dernière partie, qui démêle le vrai du faux, est jouissive pour qui y est réceptif (j’en suis, évidemment).

    Lucy Liu est bien castée dans un rôle ambigu, personnage coloré et atypique dans un univers formaté où l’on ne parle que de données échangées, volées, à prendre... Jeremy Northam, quant à lui, a la bonne tête et les manières maladroites de l'homme dépassé par les événements, mais qui jouit en même temps de ce revirement dans sa vie. Northam reste, malheureusement, trop discret dans le paysage cinématographique.

    Ne se prétendant pas autre chose qu’un divertissement, le film surprend par sa foule d’idées, dont certaines sont franchement casse-gueule -la citation de La mort aux trousses, transposée de nuit, et l’apparition qui s’en suit-, mais qui organise tranquillement sa petite réussite, en sachant bien qu’il ne révolutionne pas le genre. Je rapprocherais volontiers Cypher d’un Passé Virtuel (Josef Rusnak, 1999), voire d’un Planète hurlante (Christian Duguay, 1996), deux films qui n’ont pas la réputation qu’ils méritent. Sans être des chefs d’œuvres évidents, ils sont des réussites, tant formelles que scénaristiques, et font du bien pour leur fraîcheur.