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états-unis - Page 47

  • The Box (2009)

    Un film de Richard Kelly

    "Any sufficiently advanced technology is indistinguishable from magic"

    "Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie"

    4117370083_b7bd4340f5_m.jpgVoir un nouveau film de Richard Kelly relève personnellement d’une gageure, tant son Donnie Darko (2001) m’avait marqué en salles, il y a maintenant quelques années. Dès les premières minutes, la sensation d’assister à un moment indélébile de ciné, avec ce travelling circulant autour de Jake Gyllenhaal assis sur le bitume, était évidente. Ayant pour l’instant zappé Southland Tales (plus pour sa non-distribution en salles que ses critiques mitigées), j’étais plutôt fébrile en entrant dans la petite salle qui projetait The Box près de chez moi.

    L’incipit pose directement l’histoire en deux minutes (un couple, années 70 ; une boîte avec un bouton ; si tu appuie, gagne 1 million $ et quelqu’un que tu ne connais pas mourra), révélant instantanément son origine (un récit court de Richard Matheson, digne de la mythique Quatrième Dimension, d’ailleurs prise comme base d’un épisode de sa séquelle en couleur des années 80). Niveau ambiance, on est en présence d’un véritable film d’époque aux détails subtils, les seventies s’exprimant dans l’éclairage (un léger voile blanc occasionnant des halos autour des personnages, qui m’a rappelé Carrie (Brian De Palma, 1976), les couleurs -des orange-marrons délavés, surtout au tout début- les costumes et les coiffures. Le décor est bien planté, je retrouve pour le moment le prodige de Donnie Darko.

    Le scénario choisit la piste science-fictionnelle / mystique au lieu de l’interrogation psychologique et éthique induite par le postulat de départ. Le mari (James Marsden) est ingénieur à la NASA, a un rêve déçu, tandis que la femme (Cameron Diaz), professeur, est brisée dans son corps (handicapée à la jambe). La décision qui est prise (uniquement par des femmes : soit, elles seules ont le courage de faire ce qu’il faut, ou alors, ce sont elles qui précipitent le destinée funeste de l’humanité ; le film, sur ces deux possibilités, choisit son camp) amènent à un dérapage fantastique et mystique, à l’image de la fameuse phrase d’Arthur C. Clarke reproduite en exergue. Cette phrase leitmotiv est le paradigme de tout le film, et met en évidence une tension entre sciences (phénomène expliqués par les lois physiques) et sacré (expliqués par le dogme religieux et la foi en celui-ci), plus que fantastique. Les symboles sont nombreux et beaucoup ont remarqué dans The Box une relecture à peine masquée de la genèse. Deux dogmes s’opposent donc, comme souvent dans le cinéma de fantastique ou de science-fiction (rappelons-nous du très bon Prince des ténèbres de John Carpenter).

    Si, dans sa première partie, l’intrigue sait être littéralement captivante par ses étrangetés (personnages qui débitent des phrases qu’ils ne devraient pas être sensés connaître ou même avoir l’audace de balancer, bizarreries visuelles), épaulée par une mise en scène posée, tout cela totalement en adéquation avec un certain cinéma américain de la conspiration des 70’s, la seconde, partant un peu dans tous les sens (à partir de la séquence de la bibliothèque), déconcerte -ce qui reste une très bonne chose-, mais rend diffus un scénario qu’on aurait apprécié plus tendu. Deux films semblent se confronter ici, dans un combat des plus schizophrènes.

    L’explication finale, assez convenue, aurait sûrement gagnée à être plus nébuleuse et amenée moins frontalement. Le dernier acte fait aussi baisser la tension de façon significative,  et on déplore que tout ce mystère soit achevé de façon simpliste.

    Certaines choses sont cependant diablement excitantes, notamment le fait que toutes les personnes appuient sur le bouton, à chaque fois que l’occasion leur est présentée. Tout le monde prend le risque d’un dommage majeur pour un gain qu’ils estiment immanquable.

    Ne pouvant être considérée comme une franche réussite, The Box montre que Richard Kelly peut encore nous épater, mais qu’il doit savoir faire le tri dans le(s) film(s) multiple(s) qu’il nous propose.

     

    Disponibilité vidéo : Blu-ray / DVD - éditeur : Wild Side Video

  • Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe... sans jamais oser le demander (1972)

    Un film de Woody Allen


    4086061963_4bc5962392_m.jpg"Can we please have an erection? What the hell is going on down there?"

    "Cette érection, ça vient ? Bon dieu, mais qu’est-ce que vous foutez, en bas ?!"

    Bien avant la consécration d’un Annie Hall (1977), Woody Allen s’amuse de blagues de potaches, comme redoubler un film japonais en entier pour en faire une toute autre histoire (Quoi de neuf, Pussycat ?, 1965), ou ce délirant film à sketch, dans la lignée des Monthy Python (pour le nonsense, et la structure en sketches justement, héritée de leur Flying Circus).

    Chacun des sketches donne l’occasion à Woody Allen d’endosser un rôle différent, dont il s’acquitte souvent avec brio (mention spéciale à l’italien aux grosses lunettes noires). Précédé de questionnements à haute teneur philosophique ("Qu’est-ce que la sodomie ?", "Que sont les pervers ?") les séquences détournent humoristiquement l’objectif ainsi posé. Gene Wilder est entre autres excellent dans le rôle du docteur, sensé venir en aide à un homme amoureux de sa brebis, qui devient à son tour énamouré de l’animal. Les sous-entendus extrêmes (zoophilie, pour le coup) transforment l’essai et illustrent l’adage : plus c’est gros, mieux ça passe. Le premier sketch, occasion pour Woody Allen de faire son "film en costumes", n’est qu’une mise en bouche pas vraiment réussie car trop répétitive (on est bien d’accord, pourtant un des principes des film comiques) ; ce bouffon qui tente de séduire la reine en passant par la case obligatoire de la ceinture de chasteté, n’est pas du meilleur cru humoristique. La séquence permet pourtant à Allen, comme on l’a dit, de s’essayer au film d’époque, et à toute la reconstitution qui s’en suit. Le sketch "Que sont les pervers ?" reproduit une atmosphère de reportage TV, alors que le dernier sketch (dont la citation en exergue est issue) lorgne vers la science-fiction, avec moult appareils incongrus. Est-ce que la série d’animation pour enfants Il était une fois... la vie a pu s’inspirer de cette séquence mémorable, tant certains dispositifs (salle de contrôle = cerveau, hommes = cellules) sont semblables ? Quoi qu’il en soit, en un film, Allen réunit plusieurs essais, plusieurs ambiances -le Woody aux grosses lunettes noires est intégralement parlé en italien, et a une touche incontestablement intello-Arts et Essais- et, malgré l’handicapant zapping que la structure narrative occasionne, on en s’y ennuie jamais vraiment. Dans le même style, il reste plus réussi qu’un Hamburger Film Sandwich (John Landis, 1977), dont la trop grande importance donnée à la parodie d’Opération Dragon (Robert Clouse, 1973) annihilait l’impact pour beaucoup.

    A l’encontre de son titre ouvertement provocateur et plein de promesses (issu d’un livre éponyme), le film donne au final dans la boutade inégale, constamment sur le fil de l’ennui. L’exercice est de toute façon périlleux, le spectateur sachant d’une part que des séquences disparates vont s’enchaîner, conscient de la rapide efficacité dont doit faire preuve la narration. Défi doublé pour un film comique, qui doit en plus susciter tout aussi rapidement le rire : sans conteste, la chose la plus difficile à réaliser. Mais la faible durée des sketches et l’esprit nonsensique de l’ensemble emporte l’adhésion, seuls les meilleurs moments restant en mémoire après visionnage.

  • La famille Pierrafeu (1994)

    Un film de Brian Levant

    4057912788_b68b7af7ca_m.jpgMais qu’est-ce qui pouvait passer par la tête d’un Spielberg pour produire l’adaptation en prises de vues réelles d’un dessin animé comme The Flintstones (La famille Pierrafeu en France) ? Via Amblin, l’année suivante de la sortie de son Jurassic Park, une famille aux similaires accents préhistoriques montrait ainsi le bout de son nez. Il faut croire que c’était l’époque des projets barges, là où à quelques jours d’intervalle, sortait un autre film ovni (elle était facile) : Coneheads de Steve Barron, avec Dan Aycroyd. Ah, cette fête du cinéma 1994...

    Revenons aux Pierrafeu : cette famille de l’âge de pierre, Fred et Wilma (John Goodman, fidèle à lui-même) vit paisiblement à Caillouville, avec leurs meilleurs amis Betty et Barney Laroche (Rick Moranis, qui, après les SOS Fantômes, avait cartonné avec Chéri, j’ai rétréci les gosses). L’histoire n'a pas grand intérêt -pas plus que le film d’ailleurs-, et pense être une gentille critique des détournements de fonds et autres licenciements de masse ; la folie des grandeurs liée à la soudaine richesse est aussi platement amenée en passant par tous les lieux communs (étalage de luxe, amitié rompue, corruption, etc.). Non, le centre du film n’est pas à trouver ici, mais plutôt dans la description loufoque du mode de vie de tout ce petit monde : à la manière d’un Astérix du temps de l’écriture malicieuse d’un Goscinny, tous les usages et objets modernes trouvent un équivalent amusant dans ce temps reculé qui est dépeint dans le film (et dont on voit clairement l’esprit 80’s-90’s, plein d’un consumérisme assumé) : le vide-ordure est une sorte de dino-porc bouffe-tout, la voiture est un véhicule pédestre, le rasoir est une bébête qui arrache vos poils drus un a un, le décapsuleur est également vivant, que sais-je encore. Et puis, comme l’on est dans une production Spieberg 90’s, il y a les inévitables auto-références à son univers : les enfants jouent dans un Jurassic Park, on va voir Tar Wars (la guerre du goudron) de Gorge Lucas au drive-in vintage du coin, enfin, la routine, quoi.

    Filmé on ne peut plus platement, l’univers est intéressant mais ressemble plus à un gigantesque parc d’attraction qu’à un monde palpable. C’était d’ailleurs peut-être la motivation d’un Spielberg qui aurait voulu faire de ce film une franchise, ou en tous les cas pour recycler les décors si succès il y a avait eu. Une suite verra toutefois le jour en 2000, mais le casting n’est pas repris. On restera dans une posture à peine amusée durant le temps de la diffusion. Tout cela est en effet bien vain, et les décalages mis en valeur par rapport à notre environnement contemporain sont superficiels. Le réalisateur, issu de la télé (et du pourtant grinçant Mariés deux enfants) saura gratifier les familles américaines des mielleux Beethoven (il y en a eu six !), et d’un Scooby-doo : on ne peut nier sa continuité dans le cinéma de divertissement pour enfants -et ce, même s’il n’atteint pas son but et vieillit terriblement mal.

    Le film étale tout de même un casting carrément improbable, d’un Kyle MacLachlan tout en cheveux bien loin des délires psychotiques de David Lynch, à une Halle Berry Miss Monde qui joue de ses indéniables charmes, en passant par Elizabeth Taylor en belle-mère caricaturale qui juge son entourage à l’aune de leur porte-monnaie.

    Ce carrefour de stars n’est pas au rendez-vous de la réussite, et le film n’en est presque pas un : absence totale de surprises, point de vue inexistant, bref une comédie bien inutile, mais qui montre l’intérêt déjà palpable de Spielberg pour l’adaptation d’un matériel populaire chez le jeune public (comme il le fait par exemple avec ses Tintin en 3D).

  • SOS Fantômes 2 (1989)

    Un film de Ivan Reitman

    4025560250_8fb0b2af44_m.jpgThey're back.

    SOS Fantômes se devait d'avoir une suite. Film de vidéo club par excellence, Ghostbusters représente quelque chose comme l'ultime film pop-corn, amusant, fantastique, effrayant (un peu), ... bref. Une certaine idée du cinéma de divertissement qui se fait rare. 5 ans plus tard (comme l'affirme le sobre carton d'introduction de SOS Fantômes 2), on prend les mêmes et on recommence. Jamais peut-être a-t-on suivi ce principe à la lettre, autant que pour cette suite ; car, au-delà des acteurs, c'est toute la structure narrative du premier qui est recyclée, tel un remake du Ghostbusters originel. Le réalisateur Sam Raimi aura fait de même, mais sans se le cacher, avec un Evil Dead 2 (1987) exceptionnel. Ainsi donc, on découvre les membres de la fine équipe en train d'animer une fête d'anniversaire, en chantant eux-même la chanson-titre du film! (que l'on ré-entendra à foison d'ailleurs). Comme si, d’ailleurs, le récit fictionnel et la réalité à l’intérieur de celui-ci fusionnaient. On avait d’ailleurs la même impression à la fin du premier opus, lorsque les casseurs de fantômes débarquaient avec l’armée au pied du building maléfique : la foule semble acclamer autant les acteurs que les personnages qu’ils incarnent.

    De véritables super-stars à la fin du premier film, ils tombent dans un quasi-anonymat au début du 2, caractéristique des aléas de la célébrité : un coup au sommet, un coup oubliés ; le premier film démarrant aussi par notre équipe à laquelle personne ne croit (on leur enlève leur bourse de recherche et ils sont mis à la porte manu militari). Vient alors le premier cas avéré de fantôme, qui les propulse au rang de groupe vedette (groupe musical ? Le morceau pop de Ray Parker Jr. confirmerait cette hypothèse, et le leitmotiv de leur publicité, dans le 1 et le 2, est bien "Who you gonna call ? Ghostbusters !", reprenant le refrain de ladite chanson). Ayant occasionné toute une série de produits dérivés tous aussi variés que profondément inutiles, le premier film trouve sa prolongation ici dans une attitude étonnamment réflexive. Ainsi, à un portier qui lui demande s’il ne pourrait pas récupérer un pack protons pour son fils, Egon (Harold Ramis, également co-auteur du script) lui répond "Le pack proton n’est pas un jouet", alors que, dans un grand élan contradictoire, le même Egon nous vante les mérites des nouveaux produits dérivés Ghostbusters (une tasse, un t-shirt) dans une publicité, plus avant dans le film.

    Dans SOS fantômes 2, on assiste de la même façon que dans le premier à une nouvelle apparition fantomatique confirmée par les hautes instances de la justice (deux condamnés à la chaise électrique apparaissent alors que les Ghostbusters sont sous le coup d’une injonction judiciaire). De même, le personnage tantôt amusant puis effrayant, joué par Rick Moranis dans le premier film, trouve son calque en la personne de Peter MacNicol (excellent en John Cage dans Ally McBeal), conservateur d’un musée, possédé par une force démoniaque ; tout comme Louis Tully (Moranis) dans le premier film. Ensuite, internés pour empêcher de nuire à l’image du maire, les Ghostbusters seront repêchés à la demande expresse de ce dernier, exactement comme dans le film d’origine. Le maléfique bibendum chamallow du film d’origine, déambulant dans les rues de New-York comme la femme de 50 pieds dans le film éponyme, est ici remplacé par un double positif, la statue de la Liberté, marchant de la même façon dans la ville pour exalter le sentiment de bonheur chez les New-Yorkais. Hum... Résumer comme cela, le ridicule semble l’emporter. Pourtant, malgré cet évident décalque, le film provoque un plaisir non dissimulé, emprunt de vrais moments de comédie (principalement imputable à la performance de Bill Murray, comme d’habitude très à l’aise). Tordante, la relation Janine - Louis est aussi à mettre au crédit des bonnes idées du métrage.

    La dimension effrayante voire horrifique, présente dans le premier film avec les gros chiens cornus, trouve ici une bonne incarnation dans le personnage de Vigo, prince des Carpathe et accessoirement symbole du mal absolu, même si, de lui ou de Peter MacNicol, on se demande qui fait le plus peur...

    A partir d’un moment, on ne maîtrise plus la portée de ce genre de films. Le deuxième film est objectivement moins réussi que son aîné, mais est-il pour autant moins apprécié ? Celui-là, comme d’autres (on pense inévitablement aux Retour vers le Futur) auront fait les beaux jours des vidéo-clubs un peu partout dans le monde.  Une époque qui paraît bien lointaine aujourd’hui, faisant tomber le film sous le coup de cette bonne vieille nostalgie...

  • Doux oiseau de jeunesse (1962)

    Un film de Richard Brooks

    3993653960_54c071e0cd_m.jpgAdaptation du dramaturge Tennessee Williams, le film est représentatif de son oeuvre : tendue, constamment sur la corde, regardant les comportements et les relations humaines là où ça fait mal. Les intrigues font la part belle aux secrets de famille et à l'impossibilité de communiquer, fêlures qui cassent les personnages de l’intérieur. Ici, Paul Newman incarne un homme qui se rêve vedette, tout au au-delà figé, et qui pense pouvoir arriver à se rêve en faisant le gigolo. Son inspiration n'est jamais clairement énoncée ou expliquée, ce qui laisse le personnage dans un flou paralysant.  il veut vraisemblablement être acteur, courant après une audition. Dans ce cas-là, ses supposés talents de jeu ne sont jamais mis en valeur, ni même évoqués. En réalité le personnage n'est rien d'autre qu'un gigolo qui se vend auprès d'actrices qui, espère-t-il, lui permettront d'accéder à la notoriété, par un effet de ricochet extraordinaire.

    Le film tend un miroir peu flatteur à la face du rêve hollywoodien. Le récit connecte ainsi son flagrant désespoir, et sa folie latente, à l'immense Boulevard du crépuscule (1950) de Billy Wilder. Newman et Geraldine Page sont des bouteilles la mer, de pauvres diables à la dérive, perdus par leurs ambitions sans rapport avec leurs possibilités. Geraldine Page, paraissant, tout du long, la plus mal en point, cache en fait un Paul Newman manquant de perspectives, attendant toujours la réalisation d'un rêve qui dépend uniquement de la volonté des autres, non pas de la sienne. L'homme est bien fait, bien mis, au hâle parfait, soulignant par son aspect la toute-puissance de l'apparence, celle-la même qui fait régner les étoiles d'Hollywood Boulevard. Dans La chatte sur un toit brûlant, Paul Newman était faible, hanté par des maux invisibles, dont il joue ici une prolongation évidente. Son physique de jeune premier offre un beau contrepoids à son instabilité émotionnelle permanente. La fin du film, bien que différente et aseptisée comparée à celle de la pièce, et finalement cohérente thématiquement (même si elle aurait gagné à être plus sombre, plus raccord avec l'ambiance générale).

    Il est intéressant de situer la réussite des pièces de Williams (et dont les multiples adaptations pour le cinéma se font l'écho) dans la peinture acerbe d'une psychologie de la chambre. Les scènes les plus terribles, les plus éprouvantes psychologiquement pour les personnages, se situent de façon privilégiée dans ce temple de l'intimité qu'est la chambre. Ainsi, autour du lit, du chevet, voire de la garde-robe, ce nouent les drames les plus violents, les prises de consciences, les discussions les plus importantes. C'est particulièrement flagrant dans La chatte sur un toit brûlant (également réalisé par Richard Brooks en 1958), et ce Doux oiseau de jeunesse, bien que moins évident dans Le visage du plaisir (José Quintero, 1961). Dans La nuit de l'iguane (John Huston, 1964), Richard Burton, agenouillé dans sa chambre, conjure son dieu de le laisser tranquille avec ses addictions, alors que Sue Lyon, toujours dans son trip Lolita, fait son entrée ; la tension sexuelle est à son comble, tout se joue dans ce moment d’intimité, presque violé, presque à demi donné, voire demandé.

    Espace de la crudité des sentiments, l'oeuvre de Tennessee Williams passe bien dans ce cinéma américain des années 60, tant de la restructuration, de la reconstruction d'un système en péril. Le public y reconnaissait également une vérité, peut-être rarement atteinte, si ce n'est avec d'autres adaptations de dramaturges géniaux, tel Elia Kazan et son moite Baby Doll (1956). Un cinéma qui, aujourd'hui, paraît un peu lourd, son absence d'artifices lui faisant paradoxalement accuser le poids des ans. Reste toujours une force, certes peu solaire, mais s'épanouissant dans les craquelures du vernis, qui, si elles ne sont pas belles à voir, sont peut-être nécessaires.