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Le film était presque parfait - Page 84

  • Business is business (1971)

    Un film de Paul Verhoeven

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    Pour son tout premier long métrage, le hollandais violent réalise un drôle de film, et ce dans tous les sens du terme : l’odyssée de deux prostituées dans cette bonne ville d’Amsterdam, aux allure de cirque des comportements déviants-mais-rigolo. Fières d’exercer leur métier, les deux femmes s’évertuent à satisfaire tous les caprices de grands malades, à coup de méchante maîtresse qui punit le mauvais élève (classique), de basse-cour emplumée (plus rare) ou (summum) d’une séance de vraie frousse visiblement très stimulante pour certains -avec un bonus financier si cris de terreur supplémentaires. Au cas où notre énumération semblerait obscure, visionnez le film, ce n’est pas du temps perdu malgré qu’il s’agisse là d’un travail mineur de Verhoeven.

    Comme on le verra plus tard, dans Katie Tippel (1975) ou bien Showgirls 20 années après, le thème de la prostitution et du corps-objet a toujours habité le cinéaste, qui nous le rappelle aussi via le personnage principal de son dernier Black book, où la belle Carice Van Houten doit jouer de tous ces atouts pour trouver une issue dans la période du 2e conflit mondial. A la différence qu’ici, et ce même si business is business justement, tout se fait dans une légèreté qui rappelle les comédies italiennes jouant sur le côté gentiment polisson de leurs intrigues - j’en veux pour preuve un Parlons femmes (Ettore Scola, 1967) ou bien un Boccace 70 (1962, Fellini, Visconti, Monicelli, rien moins que ça), tous deux films à sketches où de plantureuses jeunes femmes font tourner la tête à des hommes rapidement perdus. La fête s’accompagne dans Business is business d’une bande son ad hoc, aux intentions, sinon comiques, clairement pleine d’entrain naïf. Les couleurs très saturées et les personnalités pour le moins extravagantes des jeunes femmes préfigure les personnages des films d'Almodovar.

    Bien sûr, c’est la figure typique de la pute au grand cœur qui nous est servi sur un plateau, avec histoire d’amour à la clé. Comme quoi Verhoeven nous prouve à chaque fois que, malgré la crudité de certaines images ou l’horreur réelle de ses situations, se cache en lui un grand romantique, ceci dit un peu schizo sur les bords.

    Première collaboration Verhoeven - De Bont, alors directeur photo, Business is business, même s’il est traversé de bonnes idées de mise en scène, n’a pas la maîtrise d’un Katie Tippel, ou d’un La chair et le sang (1985), pour ne citer que des travaux antérieurs à ses plus grandes réussites que sont RoboCop (1988) ou Starship Troopers (1997). La photo très réaliste du film qui nous intéresse alimente le fond de l’histoire, il est donc normal qu’elle ne soit pas très sophistiquée.

    Coup d’essai, loin d’être un coup de maître, le film fait néanmoins preuve d’une cohérence à  toute épreuve avec les films suivants du réalisateur. Une pierre de fondation mineure mais intéressante dans la construction de son parcours.

    Source image : capture dvd Metropolitan

  • Bonnie & Clyde (1967)

    Un film d'Arthur Penn

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    La sortie de Public Enemies (Michael Mann) m’a décidé à enfin découvrir le Bonnie & Clyde d’Arthur Penn, tant certains aspects me semblaient similaires entre les deux films (j’espérais ainsi voir un film très réussi, au contraire de celui de Mann, surévalué comme à l’accoutumée).

    Film choc, film du changement (une des amorces du Nouvel Hollywood), Bonnie & Clyde marque dans plusieurs camps : film de gangsters (et film noir), road movie, romance ; de ces trois dimensions, présentes quasi à égalité dans le film, on ressent surtout la dernière, pleine de contrariétés (malgré des "préliminaires" suggestifs, Clyde reste prostré et semble impuissant) et d’un élan romanesque significatif. Clyde a déjà de la prison au compteur quand il rencontre Bonnie Parker, fille de riche qui s’ennuie. C’est l’amour fou en un instant, en même temps qu’une pulsion de mort, destructrice.

    Au rayon film de gangsters, le film offre des fusillades tonitruantes (ils ne comptent pas leurs balles), mais surprend à plusieurs reprises par les coups manqués du duo. En effet, certains plans de Clyde se soldent par une banque en faillite, et jamais il ne s’en sort avec de gros butins. La philosophie de Clyde n’est d’ailleurs pas celle du gros-coup-qui-pourra-le-mettre-à-l’abris-du-besoin, comme on pourrait le croire quand l’alliance commence. Ainsi, quand Bonnie en a assez et voudrait tout arrêter, elle demande à Clyde ce qu’il ferait si toute l’ardoise était effacée. Et Clyde de mettre au point une nouvelle stratégie... toujours pour braquer des banques. C’est un véritable mode de vie pour Barrow. Il a néanmoins bon fond (notez que Public Enemies reprend in extenso un échange de paroles entre Clyde et un épargnant à la banque, quand il lui dit "Range ton argent, c’est la banque qu’on vole, [pas toi]." L’hommage va un peu loin, et Mann pousse le vice à l’intégrer dans sa bande-annonce ! Bref. Mais le parcours de Bonnie & Clyde se voit aussi comme une fuite en avant.

    Car le film est également un road-movie dans sa plus pure expression. Traversant les états pour ne plus être poursuivis, le gang Barrow, désormais enrichi d’un pompiste, du frère et de la belle-sœur de Barrow, fait les 400 coups. La réalisation épouse cette cavalcade effrénée, Penn filmant souvent les acteurs cheveux au vent, libres mais toujours dans l’urgence. De même, l’enivrante course contre le temps des bandits est accompagnée d’une multitude de cris (de joie, de peur) assourdissants et d’une musique country, totalement inhabituelle dans le genre, qui souligne cette folle danse d’amour et de mort. Public enemies reprend également cette musique à son compte, mais d’une façon beaucoup moins naturelle : la répétition inlassable du même morceau, calé sur les images sans (a)ménagenent, brute, souligne un côté fabriqué.

    Enfin, malgré qu’il s’agisse d’un film d’époque, le film ne peut faire abstraction d’une peinture mentale de la fin des années 60 : l’assassinat de JFK, qui a traumatisé toute l’Amérique, occupe les moments les plus violents du film :on y voit un homme recevoir une balle dans la tête en gros plan, plutôt rare à cette époque, l’hémoglobine coule de ses gros flots rouges, et le frère de Clyde (joué par Gene Hackman) connaîtra une fin qui ressemble à s’y méprendre à celle du président américain. La séquence finale, clôturant le film dans une apothéose de violence, symbolise l’éclatement d’un système qui est conscient de sa fin, tel celui des studios de cinéma américain. En effet, Bonnie & Clyde marque aussi un point de non-retour, ouvrant la voie aux jeunes réalisateurs inspirés par le cinéma européen : pour une nouvelle façon de faire des films.

    Source image : capture dvd Warner Bros.

  • L'enfer du dimanche (2000)

    Un film de Oliver Stone

    Oliver Stone sait faire très fort. Il l’a prouvé par de véritables uppercuts cinématographiques dont j’estime l’apogée avec JFK (1991), magnifique film-enquête passionné et passionnant qui se débat avec l’Histoire, les complot et une vraie dimension paranoïaque. Avec L’enfer du dimanche, c'était loin d'être gagné, le football n’étant pas, pour le dire simplement, un très grand intérêt personnel.

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  • L'extravagant Mr Deeds (1936)

    Un film de Frank Capra

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    Mr Deeds goes to town sort sur les écrans en 1936, avec Gary Cooper et Jean Arthur. Le film est typique du cinéma de Capra, un chef-d’œuvre d’humanité. On cerne particulièrement trois dimensions intéressantes dans le film, que l’on retrouve dans d’autres films de Capra, comme Mr Smith au Sénat.

    Deeds est un homme de la campagne. Le titre original insiste bien sur cette opposition entre la ruralité qu’il quitte et la town qu’il va trouver. Pourquoi ? Car Deeds a hérité de 20 millions, d’un oncle qu’il ne connaissait que peu. Dès lors, Deeds doit aller à New-York. On y croise des laissés pour compte dont la pauvreté n’est que plus visible, eux qui font partie de la mégalopole américaine dont les richesses s’étalent à tous coins de rue. Le réalisateur érige son personnage principal en symbole d’une pureté, d’une naïveté et d’une invention que n’ont déjà plus les hommes de son temps, obsédés par la quête de la fortune. L’homme ordinaire et simple brille par une sagesse extra-ordinaire car il est hors du monde des suffisants qu’il doit côtoyer par obligation. Même au sein d’un univers autrement plus riche, il garde ses habitudes -voir comment il remet en place son majordome à chaque fois qu’il lui noue sa cravate ou lui met ses chaussures-, qui ne sont finalement qu’une façon de rester homme, responsable de ses actions.

    Le film est ensuite une critique sans détour du capitalisme forcené et de la culture matérialiste : a l’annonce de son héritage, Deeds va voir tourner autour de lui toute une collection d’escrocs ; L’homme, auparavant bienveillant envers les autres, se met progressivement à se méfier de tout le monde. Capra fustige L’accumulation des richesses de toutes parts , notamment  lorsque la colère des aristos gronde à l’annonce du don de l’héritage de Deeds à la population. Mieux vaudrait, à la limite, que cette fortune n’ait jamais existée ou qu’elle atterrisse dans les mains de ceux qui sont déjà riches. Deux choix qui, soyons clairs, sont très restreints...

    Enfin, la troisième dimension du film de Capra est la justice : occupant la dernière demi-heure, le procès de Deeds aboutira par un dénouement attendu, eût égards aux autres films du réalisateur ; en effet, même si on décèle sans mal, comme on l’a dit précédemment, une charge contre l’argent et le pouvoir, Capra aime inconditionnellement son pays et croit en sa justice, nous offrant un happy-end comme lui seul peut en réaliser. Une belle dose de bons sentiments très bien amenés ; l'Oscar du meilleur réalisateur gagné par Capra cette année-là ne fut pas volé, et éclate de toute sa force aujourd'hui encore !

    Source image : Wikipedia.fr

  • Ciné d'Asie : Martial Club (1981)

    Un film de Liu Chia-Liang

    3775650036_22680a0c90_m.jpgMartial Club est la deuxième participation de Liu Chia-Liang à l’édifice cinématographique créé pour le médecin expert en arts martiaux Wong Fei Hung, figure historique chinoise du 19e siècle. Il est incarné dans le film par le frère adoptif du réalisateur, Liu Chia-Hui, alias Gordon Liu déjà au même poste sur Le combat des maîtres (1976).

    Ce que j’adore chez Liu Chia-Liang, et qui me le fera toujours préférer à un Chang Cheh, c’est la totale beauté de ses images et la recherche souvent payante du meilleur angle, du meilleur cadre, pour filmer les arts martiaux. Auparavant chorégraphe des combats, on sent à chaque instant une recherche graphique de l’enchaînement le plus fluide possible, tout en étant visuellement très stimulant. De plus, les qualités martiales de Liu Chia-Hui ainsi qu’un charisme à toute épreuve ne sont plus à démontrer.

    Martial Club n’est malheureusement pas le meilleur film de Liu Chia-Liang, et semble d’abord se mélanger les pinceaux ; débutant par un mode d’emploi de la danse du Lion par Liu Chia-Liang himself, on assiste ensuite à une démonstration brillante de l’exercice (mais qui traîne en longueur). S’en suit des passages comiques qui rappellent le penchant du réalisateur pour la kung-fu comedy, mais ces passages sont loin de l’efficacité d’un Lady Kung-fu, réalisé la même année. Bruitages de dessins animés, expressions forcées du visage... Tout ceci se calme heureusement très rapidement.

    Force est de constater ensuite que le scénario ne brille pas par sa complexité : deux écoles de kung-fu s’affrontent pour imposer leur suprématie, pendant que deux jeunes élèves (dont le jeune Wong Fei Hung) pensent ne plus rien avoir à apprendre. A l’image de la séquence d’introduction du film par le réalisateur, on sent bien que ce dernier s’attache plus à la pédagogie et à la restitution de la morale des arts martiaux qu’à un scénario correct. La leçon de savoir vivre et la maîtrise technique de l’art martial dominent le récit. Les affrontements s’enchaînent alors de façon ininterrompue, chaque action étant prétexte à un combat. On voit là la notion d’art martial comme intégrant la vie tout entière, une philosophie qui guide le chemin de vie. Ceci étant dit, on se rapproche ici plus de la comédie musicale où les chorégraphies et passages chantés sont remplacés par des combats soignés. Deux moments sont particulièrement marquants : la danse du Lion du début, très dense, alternant des plans aux cadrages souvent différents et exploitant l’énergie des personnages ; la caméra suit, accompagne le mouvement, l’anticipe parfois. La dernière séquence lui répond comme un écho inversé, là où deux personnages seulement (contre des dizaines lors de la première scène) s’affrontent dans un long couloir qui rétrécit au fur et à mesure ; chaque coup porté est minutieusement préparé, exécuté : c’est du grand art.
    Entre ces deux grands moments, nous n’assistons pas à un Liu Chia-Liang majeur, qui a néanmoins toutes les qualités formelles des meilleures réalisations du bonhomme (La 36ème chambre de Shaolin, Shaolin contre ninja).