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warren beatty

  • Bonnie & Clyde (1967)

    Un film d'Arthur Penn

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    La sortie de Public Enemies (Michael Mann) m’a décidé à enfin découvrir le Bonnie & Clyde d’Arthur Penn, tant certains aspects me semblaient similaires entre les deux films (j’espérais ainsi voir un film très réussi, au contraire de celui de Mann, surévalué comme à l’accoutumée).

    Film choc, film du changement (une des amorces du Nouvel Hollywood), Bonnie & Clyde marque dans plusieurs camps : film de gangsters (et film noir), road movie, romance ; de ces trois dimensions, présentes quasi à égalité dans le film, on ressent surtout la dernière, pleine de contrariétés (malgré des "préliminaires" suggestifs, Clyde reste prostré et semble impuissant) et d’un élan romanesque significatif. Clyde a déjà de la prison au compteur quand il rencontre Bonnie Parker, fille de riche qui s’ennuie. C’est l’amour fou en un instant, en même temps qu’une pulsion de mort, destructrice.

    Au rayon film de gangsters, le film offre des fusillades tonitruantes (ils ne comptent pas leurs balles), mais surprend à plusieurs reprises par les coups manqués du duo. En effet, certains plans de Clyde se soldent par une banque en faillite, et jamais il ne s’en sort avec de gros butins. La philosophie de Clyde n’est d’ailleurs pas celle du gros-coup-qui-pourra-le-mettre-à-l’abris-du-besoin, comme on pourrait le croire quand l’alliance commence. Ainsi, quand Bonnie en a assez et voudrait tout arrêter, elle demande à Clyde ce qu’il ferait si toute l’ardoise était effacée. Et Clyde de mettre au point une nouvelle stratégie... toujours pour braquer des banques. C’est un véritable mode de vie pour Barrow. Il a néanmoins bon fond (notez que Public Enemies reprend in extenso un échange de paroles entre Clyde et un épargnant à la banque, quand il lui dit "Range ton argent, c’est la banque qu’on vole, [pas toi]." L’hommage va un peu loin, et Mann pousse le vice à l’intégrer dans sa bande-annonce ! Bref. Mais le parcours de Bonnie & Clyde se voit aussi comme une fuite en avant.

    Car le film est également un road-movie dans sa plus pure expression. Traversant les états pour ne plus être poursuivis, le gang Barrow, désormais enrichi d’un pompiste, du frère et de la belle-sœur de Barrow, fait les 400 coups. La réalisation épouse cette cavalcade effrénée, Penn filmant souvent les acteurs cheveux au vent, libres mais toujours dans l’urgence. De même, l’enivrante course contre le temps des bandits est accompagnée d’une multitude de cris (de joie, de peur) assourdissants et d’une musique country, totalement inhabituelle dans le genre, qui souligne cette folle danse d’amour et de mort. Public enemies reprend également cette musique à son compte, mais d’une façon beaucoup moins naturelle : la répétition inlassable du même morceau, calé sur les images sans (a)ménagenent, brute, souligne un côté fabriqué.

    Enfin, malgré qu’il s’agisse d’un film d’époque, le film ne peut faire abstraction d’une peinture mentale de la fin des années 60 : l’assassinat de JFK, qui a traumatisé toute l’Amérique, occupe les moments les plus violents du film :on y voit un homme recevoir une balle dans la tête en gros plan, plutôt rare à cette époque, l’hémoglobine coule de ses gros flots rouges, et le frère de Clyde (joué par Gene Hackman) connaîtra une fin qui ressemble à s’y méprendre à celle du président américain. La séquence finale, clôturant le film dans une apothéose de violence, symbolise l’éclatement d’un système qui est conscient de sa fin, tel celui des studios de cinéma américain. En effet, Bonnie & Clyde marque aussi un point de non-retour, ouvrant la voie aux jeunes réalisateurs inspirés par le cinéma européen : pour une nouvelle façon de faire des films.

    Source image : capture dvd Warner Bros.

  • Le visage du plaisir (1961)

    Un film de José Quintero

    1939481109.jpgWarren Beatty, dans son deuxième grand rôle au cinéma (après La fureur dans le sang d’Elia Kazan) paraît d’abord assez risible dans le rôle d'un italien roulant les "r" comme personne ; mais l'intelligence du scénario, adapté d'un roman de Tennessee Williams, rattrape le coup.

    Les personnages apparaissent comme des outcast, des marginaux : un gigolo, sa maquerelle, un SDF, tous gravitent autour du personnage principal, une actrice vieillissante (Vivien Leight, excellente, qui aurait pu faire Sunset Boulevard) dont il ne reste de sa gloire passée qu'une immense fortune. Son mari, mort subitement, la laisse dans une solitude que sa richesse ne parvient pas à combler. Elle passe donc un été à Rome pour se changer les idées.

    Les personnages de Tennessee Williams sont souvent des grands malades (La nuit de l’iguane : alcoolisme et obsession sexuelle, La chatte sur un toit brûlant : impuissance, culpabilité, Un tramway nommé désir : maladie mentale). Ici, la maladie est peut-être l’argent, qui gangrène et régit les relations humaines. Plus grande maladie encore, la solitude, qui ronge silencieusement tous les personnages. La galerie des caractères dresse un portrait vérolé de l'humanité, qui contraste avec la beauté classique et intemporelle d’une Rome sous un calme ciel d’été. Dans cet endroit paradisiaque, la détresse des âmes paraît anti-naturelle, mais n'en est que plus évidente. José Quintero, cinéaste panaméen sorti de nulle part qui réalisait ici son premier et unique long-métrage, filme tout ceci malheureusement de façon assez banale. Mais c’est toute l’épaisseur des personnages de Williams, pleins des tourments de l’écrivain, de cette angoisse existentielle, cette  peur de la solitude, qui remplit le film de vérité.