Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le film était presque parfait - Page 81

  • Doux oiseau de jeunesse (1962)

    Un film de Richard Brooks

    3993653960_54c071e0cd_m.jpgAdaptation du dramaturge Tennessee Williams, le film est représentatif de son oeuvre : tendue, constamment sur la corde, regardant les comportements et les relations humaines là où ça fait mal. Les intrigues font la part belle aux secrets de famille et à l'impossibilité de communiquer, fêlures qui cassent les personnages de l’intérieur. Ici, Paul Newman incarne un homme qui se rêve vedette, tout au au-delà figé, et qui pense pouvoir arriver à se rêve en faisant le gigolo. Son inspiration n'est jamais clairement énoncée ou expliquée, ce qui laisse le personnage dans un flou paralysant.  il veut vraisemblablement être acteur, courant après une audition. Dans ce cas-là, ses supposés talents de jeu ne sont jamais mis en valeur, ni même évoqués. En réalité le personnage n'est rien d'autre qu'un gigolo qui se vend auprès d'actrices qui, espère-t-il, lui permettront d'accéder à la notoriété, par un effet de ricochet extraordinaire.

    Le film tend un miroir peu flatteur à la face du rêve hollywoodien. Le récit connecte ainsi son flagrant désespoir, et sa folie latente, à l'immense Boulevard du crépuscule (1950) de Billy Wilder. Newman et Geraldine Page sont des bouteilles la mer, de pauvres diables à la dérive, perdus par leurs ambitions sans rapport avec leurs possibilités. Geraldine Page, paraissant, tout du long, la plus mal en point, cache en fait un Paul Newman manquant de perspectives, attendant toujours la réalisation d'un rêve qui dépend uniquement de la volonté des autres, non pas de la sienne. L'homme est bien fait, bien mis, au hâle parfait, soulignant par son aspect la toute-puissance de l'apparence, celle-la même qui fait régner les étoiles d'Hollywood Boulevard. Dans La chatte sur un toit brûlant, Paul Newman était faible, hanté par des maux invisibles, dont il joue ici une prolongation évidente. Son physique de jeune premier offre un beau contrepoids à son instabilité émotionnelle permanente. La fin du film, bien que différente et aseptisée comparée à celle de la pièce, et finalement cohérente thématiquement (même si elle aurait gagné à être plus sombre, plus raccord avec l'ambiance générale).

    Il est intéressant de situer la réussite des pièces de Williams (et dont les multiples adaptations pour le cinéma se font l'écho) dans la peinture acerbe d'une psychologie de la chambre. Les scènes les plus terribles, les plus éprouvantes psychologiquement pour les personnages, se situent de façon privilégiée dans ce temple de l'intimité qu'est la chambre. Ainsi, autour du lit, du chevet, voire de la garde-robe, ce nouent les drames les plus violents, les prises de consciences, les discussions les plus importantes. C'est particulièrement flagrant dans La chatte sur un toit brûlant (également réalisé par Richard Brooks en 1958), et ce Doux oiseau de jeunesse, bien que moins évident dans Le visage du plaisir (José Quintero, 1961). Dans La nuit de l'iguane (John Huston, 1964), Richard Burton, agenouillé dans sa chambre, conjure son dieu de le laisser tranquille avec ses addictions, alors que Sue Lyon, toujours dans son trip Lolita, fait son entrée ; la tension sexuelle est à son comble, tout se joue dans ce moment d’intimité, presque violé, presque à demi donné, voire demandé.

    Espace de la crudité des sentiments, l'oeuvre de Tennessee Williams passe bien dans ce cinéma américain des années 60, tant de la restructuration, de la reconstruction d'un système en péril. Le public y reconnaissait également une vérité, peut-être rarement atteinte, si ce n'est avec d'autres adaptations de dramaturges géniaux, tel Elia Kazan et son moite Baby Doll (1956). Un cinéma qui, aujourd'hui, paraît un peu lourd, son absence d'artifices lui faisant paradoxalement accuser le poids des ans. Reste toujours une force, certes peu solaire, mais s'épanouissant dans les craquelures du vernis, qui, si elles ne sont pas belles à voir, sont peut-être nécessaires.

  • La baronne de minuit (1939)

    Cliquer sur l'image pour consulter la chronique du film de Mitchell Leisen :

    3978786205_50bea79360_m.jpg

  • District 9 (2009)

    Un film de Neill Blomkamp

    3977437346_17f0f18f57_m.jpgSorti de nulle part, Neill Blomkamp voit son premier long-métrage produit par Peter Jackson, Monsieur Entertainment des années 2000. Le réalisateur néo-Zélandais voulait en effet produire un premier film et, ayant repéré les travaux de Blomkanp, spécialisé en effets spéciaux (séries télé, pubs), il lui a dans un premier temps proposer de réaliser l’adaptation convoitée du jeu vidéo Halo. Alors que la pré-production était bien engagée (essais de costumes compris), Universal et Fox, qui ont promis 120 millions de dollars de budget, font machine arrière. Le projet ne verra jamais le jour. Mais Peter Jackson, conscient du talent de son protégé, lui assure 30 millions pour réaliser le film qu’il veut. Ce sera District 9, inspiré du court métrage Alive in Joburg, que Blomkamp réalisa quelques années auparavant. Fruit d’une liberté artistique totale, film de science fiction à tendance politique (ou l’inverse), District 9 transforme-t-il l’essai ?

    Un vaisseau alien flotte au dessous de Johannesburg. Les extra-terrestres sont parqués dans des bidonvilles attenants, jusqu’à ce que les autorités décident, pour le confort de leurs administrés de délocaliser les intrus dans une zone... plus lointaine. En réalité, derrière tout ça se cache, entre autre, une société spécialisée dans l’armement, et les armes alien, logiquement surpuissantes comparé aux technologies terrestres, doivent être confisquées et étudiées.

    Le film se caractérise par son appartenance à la science-fiction : le vaisseau alien, les créatures, les technologies sont de tous les plans. Mais le film n’est pas que ça, et, dira-ton, pourrait faire l’impasse sur la science-fiction. En effet, la forme du métrage, sous forme de reportage, réellement filmé à Johannesburg, dans ce qui ressemble à de vrais bidonvilles, brouille les pistes entre ce qui est vrai et ce qui ne l’est, malgré les extra-terrestres et leur caution de fiction. De mêmes, le film se veut une parabole non dissimulée sur le racisme, l’apartheid et les dérives du capitalisme. Un discours solide sur la relation humain / alien positionnent les hommes dans un rôle loin d’être engageant, tellement sûrs d’eux et de leur supériorité qu’ils ne voient pas venir l’inéluctable, et font l’impasse sur la nature de leurs invités. La logique narrative qui veut que le spectateur se place immanquablement du côté de l’opprimé, opère ici, ainsi se verra-t-on compatissants vers ces créatures qui ont pourtant tous les atours de la monstruosité.

    Au centre de l’histoire, un homme, Wikus, va subir une mutation extra-ordinaire, faisant lorgner le film vers le séminal La Mouche (1986) de David Cronenberg. L’accent est plus appuyé sur la relation d’amitié entre Wikus et un alien que sur les effets psychologiques sûrement dévastateur d’une telle mutation. Il serait long de faire la liste de tous les genres que brasse le film, qui, visuellement, demeure un vrai film de genre, entre science-fiction, fantastique et action. Les fusillades, combats, cavalcades, sont ici la norme, et nous font entrer de plain pied dans une zone de guerre. C’est sûrement là où le film manque d’équilibre, trop axé dans sa deuxième partie sur un enchaînement d’action non-stop, qui finit par tuer l’enthousiasme de la découverte d’un mélange nouveau, et sincère. Le réalisateur met en effet beaucoup de lui-même, et reflète la vie et le futur tel qu’il les voit, de façon plutôt sombre. Il met également ses connaissances en avant, à commencer par Shalto Copley, qui tient le rôle de Wikus. Personnel, District 9 révèle la patte d’un auteur, qui fait aussi état d’une trop grande dispersion dans la deuxième partie du film. Comme beaucoup de premiers films, il a voulu caser tout ce qu’il a toujours voulu  voir dans un film ; à l’image de Peter Jackson et de son King Kong (2005), Blomkamp est peut-être trop "généreux" dans ses effets, sans connaître de mesure. Qualité qui peut, comme ici, se transformer en défaut, tant on sortira du film en ayant l’impression d’avoir trop manger. Certains plats du menu, par contre, étaient exquis.

  • The Offence (1972)

    Pour accéder à la chronique, cliquez sur l'image ci-dessous :

    50552777558_4f9ff3b83e_c.jpg

  • Les Indestructibles (2004)

    Un film de Brad Bird

    3951988907_ccaa1b2245_m.jpgNotamment assistant animateur pour Les Simpsons, Brad Bird, déjà réalisateur du Géant de fer (1999), ni plus ni moins qu'un des meilleurs films d'animation américain des années 90, se retrouve aux commandes des Indestructibles chez Pixar ; ce dernier étant à nos yeux le plus à même de représenter la versatilité géniale du talent de ce studio.

    Les Indestructibles n’est pas forcément le film préféré du jeune public, un peu long pour maintenir son attention, utilisant parfois des techniques inhabituelles (le simili-documentaire du début).  Il se veut l'alchimie de trois dimensions bien distinctes, tout à la fois film de super héros, film d'espionnage à la James Bond, et finalement irrésistible comédie.

    L'action et l'expression paroxystique des supers-pouvoirs forme le premier axe, pierre angulaire des autres dimensions. L'élasticité de la mère, que ce soit dans le cercle familial (la bataille des deux enfants autour de la table) ou professionnelle -elle se coince dans trois portes automatique d'un coup, l'action et le comique de répétition se rejoignant- y est pour beaucoup. De même, la super-vitesse de Dash, le fiston, est exploitée à plein potentiel lors de la course sur l'île -rappelant d'ailleurs la poursuite des droïdes à la fin du Retour du jedi. Sa folle fuite l'amènera à marcher sur l'eau ; son grand étonnement l'égard de cette prouesse allant de pair avec la nôtre. On repousse les limites, dans tous les domaines. La vitesse est figurée par un procédé de mise en scène classique, mais diablement efficace : la caméra qui suit le mouvement du jeune garçon allant toujours moins vite que lui, tout reste ainsi en mouvement l'intérieur du cadre, le garçon comme l'arrière-plan ; l'immersion dans l'action marche alors à plein régime. Le volet action s'enrichit d'ailleurs d'un véritable côté vidéo-ludique à la première personne, lors de cette course et des affrontements entre M. Indestructible et les machines infernales, créées par un mystérieux adversaire, ou encore pour cette course sur l'eau ayant des airs de Mario Kart. Ces actes surhumains sont orchestrés de bien belle façon en opérant un décalage entre la vie normale des héros - une loi les a obligés à arrêter leur activité de justicier, évidente influence Watchmenienne - et leurs exploits homériques. Dans la vie quotidienne, ils peuvent utiliser leur pouvoir sans le faire exprès, sans forcer, ce qui provoque déjà des différences flagrantes avec l'humain ordinaire, tel Robert Parr alias Mr. Indestructible, qui, dans un geste de colère, soulève sa voiture à mains nues, en référence à la première apparition de Superman de la revue Action Comics. Le décalage est exactement le même lorsque Dash veut faire du sport : avec sa vitesse, il peut battre n'importe qui, mais il doit maintenir des performances humaines faisables ; ce qui occasionne une séquence justement très décalée, dans laquelle le garçon varie sa vitesse selon les indications de ses parents, dans les tribunes. Lors de leurs vrais exploits là ils sont réellement surhumains, exploitant la pleine puissance de leur pouvoir. La marche sur l'eau justement, ou bien M. indestructible qui arrête un train. Ce décalage permet un vrai discours sur l'altérité et sur l'identité : on est qui on est, on est ce qu'on fait.

    2ème dimension, l’aspect espionnage, influence James Bond, est clairement mis en avant : le repaire secret, digne d’un Dr No, la sophistication des gadgets (mention spéciale à la porte sécurisée d’Edna), les paysages paradisiaques et, bien sûr, la musique ad hoc, inspirée en droite ligne des symphonies de John Barry. Mr Indestructible devient donc un agent en couverture, devant cacher à sa femme ses activités, roulant sur l’or et appréciant les excentricités que lui permet son nouveau train de vie. Le fil rouge du film  reste la mission secrète qui sort M. Indestructible de sa retraite forcée. Les exploits de M. indestructible dans la base sont spectaculaires, mais finalement logiques vu ses capacités. James Bond, lui, est tout autant un super héros indestructible (voir ses incroyables  prouesses dans toute la franchise), mais sa condition d'humain lui donne une connotation too much, qui se transforme dans Les indestructibles en comédie.

    En effet, les indestructibles est une comédie de situation, également comédie de gestes, exploitant ses personnages dans une dynamique familiale, proche de nous. La palme revenant au personnage d'Edna, la styliste ; l'excellent doublage de Amanda Lear fait des merveilles, en injectant au personnage sa patte hautaine. Sa performance est d'ailleurs très second degré ; en en rajoutant des caisses, elle ne fait qu'amplifier sa force comique. En réalité, toutes les autres dimensions du film participent à l'élan comique de l'ensemble. La dynamique familiale, liée à la force des super-pouvoirs de chacun, et à la mission secrète de M. indestructible, construit une architecture du rire tout simplement remarquable.

    Disons enfin deux mots sur les prouesses visuelles du film. Les textures sont extrêmement détaillées, plus que dans aucun autre Pixar auparavant. Les cheveux, l'eau, la glace ont un rendu photo réaliste bluffant. La gamme colorimétrique utilisée est très variée, et sa précision en fait un spectacle total.

    Oscar du meilleur film d'animation, les indestructibles n'ont pas volé leur titre. On les attend de pied ferme en haute définition.