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Le film était presque parfait - Page 85

  • Tim Burton au Pays des merveilles

    Ces derniers jours, on a vu apparaître sur la toile la première bande annonce d'Alice au pays des merveilles revue et corrigée par Tim Burton. Outre la présence de Johnny Depp, devenue presque obligatoire dans un film du cinéaste californien, on notera le mimétisme parfait qui semble s'opérer entre ces premières images et le film d'animation réalisé par le pool Disney en 1951.

    Le look d'Alice, La chute dans le trou, le voyage à la verticale dans un tourbillon d'ojets hétéroclites, la salle en damier, la potion qui fait rapetisser, tous ces moments sont ancrés dans la mémoire cinématographiqe d'un bon nombre de spectateurs. Ceci dit, pendant que ces images familières défilent à l'écran, une différence notable se fait entendre : la partition musicale tourmentée qui semble créer un suspense, une attente, en apparente contradiction avec des images connues. Musique signée Danny Elfman, comme à l'accoutumée ; elle fait partie intégrante de la patte Burton, qui imprime à la bande annonce sa marque évidente, et indique une première réappropriation du récit. Après cette introduction posant bien les choses (situer un univers connu et indiquer la particularité du style Burton), on a droit  des images plus inhabituelles qui viennent prouver qu'il ne s'agit pas là d'un simple remake, ou de régurgiter une forme universellement connue.

    On aperçoit certains personnages absents de la précédente version de Disney (le premier logo nous dévoile, si l'on ne le savait pas déjà, qu'il s'agit toujours d'une production de la firme aux grandes oreiles), telle la reine blanche, et le look de certains personnages (la reine de coeur) est tout à fait nouveau. Autre nouveauté, et non des moindres, le personnage central, narrateur de la bande annonce, comme certainement du film à venir, n'est autre que le chapelier fou alias Johnny Depp. Il est d'ailleurs le premier au générique et le seul dont le nom est présenté dans les images de la bande annonce, le reste du casting restant isolé dans les crédits finaux. Ainsi, alors que Johnny Depp squatte l'espace et le son de son drôle d'air, Alice n'a pas même une ligne de dialogue. Version Burton oblige, l'acent sera indubitablement mis sur la folie de Johnny (et de son costume). Les autres éléments restent plus communs mais attestent du sens hybride du film, mélangeant vrais acteurs et personnages en images de synthèse dans le même cadre, pourrait-on ajouter, avec une réelle réussite. Le lapin blanc, Twiddle Dee et Twiddle Dum, ainsi que la chat de Chester sont ainsi virtuels. Ce dernier ne fait-il pas un peu penser au chat Potté de Shrek dans une version -un peu- démoniaque ? On a hâte, en tous les cas, que l'univers d'Alice atterrisse dans nos salles. Ceci dit, mars 2010 est encore loin ! Patience... Et ceux qui ont la chance d'avoir une salle projetant en 3D près de chez eux risquent d'en avoir pour leur argent (malgré qu'il leur faudra débourser quelques euros supplémentaires...)

  • Dossier : la cinéphilie et le DVD, partie 4

    Voici l'avant-dernière partie de notre dossier consacré au dvd et la cinéphilie, consacrée ici au caractère profondément obsessionnel de la cinéphilie, et que le dvd, par sa structure et sa conception, reprend à son compte.


    F. L’étude d’un DVD : Invasion Los Angeles (They live, John Carpenter, 1988)

    1. John Carpenter, un auteur à la française

    John Carpenter réalise Invasion Los Angeles en 1988. Il s’agit d’un film fantastique. Le réalisateur s’est illustré dans le genre depuis son premier long, Dark Star, en 1974. Dès ses débuts, il est soutenu par une partie de la presse spécialisée française, au sein notamment des Cahiers du Cinéma, et plus largement à travers toute l’Europe. Il est omniprésent dans la confection de ses films : production, scénario, réalisation, musique, montage, on voit aussi très souvent son nom faire partie intégrante du titre du film, comme pour John Carpenter’s Vampires ou John Carpenter’s The Fog. Aux Etats-Unis, à l’examen du genre qu’il illustre, son rayonnement est bien moins important, au point que l’intéressé déclare : « En France, je suis considéré comme un auteur, en Allemagne, comme un metteur en scène, en Angleterre, comme un réalisateur de films d’horreur, et aux États-Unis, comme un fainéant ». Cela résume bien sa posture. Il a utilisé bien souvent le genre fantastique sous lequel se terre une critique politique acerbe, comme c’est le cas avec Invasion Los Angeles.

    2. Le scénario

    Pour bien comprendre le DVD, il faut se replonger quelques instants dans la trame du film. Invasion Los Angeles prend pour personnage principal un ouvrier au chômage du nom de John Nada (« rien » en espagnol), qui arrive à Los Angeles. Il y découvre un trafic de lunettes bien particulières. Une fois portées, elles dévoilent un monde très différent de celui que nous connaissons. En noir et blanc, dans lequel certaines personnes se révèlent être des extra-terrestres, qui dominent notre monde de l’intérieur depuis bien longtemps. Les panneaux publicitaires, journaux, télévision, projettent en réalité des messages subliminaux qui hypnotisent les Terriens : Dormez, Obéissez, Reproduisez-vous, Consommez, etc. On sent bien sous le prétexte fantastique poindre une dénonciation de l’époque Reaganienne, conspuée par le réalisateur.

    Retrouvez la quatrième partie en texte intégral (pdf, 8 p., 36 ko)

  • La folle journée de Ferris Bueller (1986)

    Un film de John Hughes

    3732900292_7cec883f4f_m.jpgAprès des vacances bien méritées dans les paysages enchanteurs des côtes croates, il paraît opportun d’écrire quelques mots sur cette Folle journée d’école buissonnière vécue par Ferris Bueller ; au même titre que les îles dalmates aux couleurs pratiquement irréelles, qui incarnent une sorte d’idéal rêvé, le film déroule une trame qui relève d’un fantasme ancré à l’identique dans l’imaginaire collectif ; les idéaux défendus -ici liberté, jouissance de l’instant, résistance contre l’autorité parentale, et donc la toute puissance de la jeunesse- sont bien différents.

    Labellisé 80’s en diable, le film montre le côté frondeur et irrévérencieux du jeune Ferris (le jeune Mathew Broderick, investi d’une puissance quasi-cosmique pour enchaîner les péripéties les plus énormes) dans une entreprise du day off idéal. Débutant directement sur la scène classique du mensonge envers les parents, rite de passage obligatoire, le voyage de Ferris a tout du parfait petit manuel. S’adressant de temps en temps à la caméra, il explique au spectateur quelques trucs -comment faire semblant d’avoir de la fièvre- qui, malgré un aplomb imparable, ne cache cependant pas son caractère enfantin ; Voir la scène où Bueller, comme son ami, est persuadé qu’en faisant rouler une voiture en marche arrière, il fera ainsi diminuer les chiffres du compteur kilométrique. C’est ainsi qu’à la fois Ferris exécute un vrai tour de force ; rouler au volant d’une Ferrari, chanter telle une rock star à une parade, amène à un fantasme paroxistique, presque surhumain. Dans le même temps, il reste un enfant, doté d’une imagination géniale pour mettre sur pieds les tours pendables qu’il joue à son entourage. Là aussi, dans la dimension de ses actions, on trouve quelque chose qui dépasse les capacités humaines chez Ferris, où sa blague de potache va finalement atteindre un cercle de personnes beaucoup plus étendu. En témoigne la chaîne de solidarité qui se forme dans la région pour sauver Ferris d’une maladie grave -l’écriteau gigantesque Save Ferris, inscrit sur une tour ; le déploiement de moyens devient fantastique. Devant tant d’exploits, de péripéties, le spectateur se demande si tout cela était bien improvisé, comme est supposément l’école buissonnière ; la petite amie de Ferris n’oubliera pas mettre en doute cet aspect. En effet, rien que le mannequin qui est censé représenter Ferris malade dans son lit, ainsi que la bande sur laquelle le garçon a enregistré des ronflements, a nécessité du travail, rentabilisé ceci dit par les multiples "maladies" précédentes du gamin. Mais ce travail est invisible dans un film où tout est centré sur le loisir, où rien n’est difficile. Carpe Diem est bien la devise de notre héros.

    Il est amusant de constater que la folle journée de Ferris Bueller passe la plupart du temps par une célébration du matérialisme et du monde de consommation à l’américaine ; rappelons-nous, l’année précédente, que Marty McFly ferait tout pour avoir ce joli 4x4 noir qu’il admire dans Retour vers le futur ; ici, de longs travellings nous montre le clinquant des hauts gratte-ciels, les signes extérieurs de richesse ; le plaisir est indissociable de l’argent, voire le moyen le plus certain d’accéder au saint Graal du bonheur.

    Ferris Bueller, déballant sa science, tellement sûr de lui, empêche malheureusement toute identification pour le spectateur ; Son sans gêne électrise par sa réussite incontestable, autant qu’il irrite, testant à chaque minute notre propre sens des limites. Et, rien que pour cela, le film vaut largement d’être vu aujourd’hui encore, témoin d’une époque pas si lointaine et bien différente de nos préoccupations actuelles, entre sauvegarde planétaire et crise financière, ainsi que, espérons-le, une aspiration à un bonheur plus intérieur. Pour un peu de vacances...

  • Timecrimes (2007)

    Un film de Nacho Vigalondo

    3686001603_bd8baee808_m.jpgProfitons de la sortie en DVD il y quelques semaines de Los Cronocrimenes (Timecrimes par chez nous) pour en dire quelques mots. Commençons par avancer qu’il est scandaleux que ce film tout à fait honnête, projeté avec succès de festivals en festivals, n’ait eu finalement droit qu’à une sortie direct en DVD, à l’instar des pires navetons d’un Steven Seagal. Bref, passons.

    Film modeste par les moyens, il n’en développe pas moins, après une introduction qui pourrait faire pencher la balance vers le slasher, une trame typiquement science-fictionnelle sur le voyage dans le temps. Cependant, avec son personnage entouré de bandages, semblant sorti d’une BD (et dont l’apparence ressemble à s’y méprendre au Darkman de Sam Raimi), on restera toujours raccroché à une dimension serial killer / thriller ; le film nous offre là une astucieuse déconstruction des codes du genre, où le mutisme habituel de ce type de personnage est remplacé par ses questionnements incessants ; l’identité du mystérieux individu, source de tant de conjectures et d’interrogations d’autres métrages, nous sera ici dévoilé très rapidement, jouant avec les attentes du spectateur, pour mieux bifurquer dans le sentier SF.

    Le voyage dans le temps ne cesse de fasciner le cinéma, car lui seul peut le rendre tangible, existant ; Retour vers le futur donna le ton contemporain, alliant un immense aspect ludique tout en réussissant à faire éprouver le vertige des paradoxes temporels. Cependant, bien des fois, d’autres films se prennent à leur propre piège et se mordent la queue (Terminator, Minority Report). Ici, c’est la maîtrise et l’emboîtement sans faute qui surprend le plus ; chaque action prend sens une fois le film terminé. Loin de jouer la carte de la facilité, le cinéaste multiplie les strates temporelles, et malgré cela tout est compréhensible.

    Une fois la première surprise passée, celle du changement de genre et du dévoilement de l’identité du personnage mystère, s’organise un jeu de rôles vertigineux dont le spectateur connaît les grandes lignes ; cependant, par petites touches apparemment anodines, l’enchaînement sait surprendre. Ce mélange de prévisible et d’imprévisible a garantit mon intérêt constant pour les personnages et leurs destinées, ainsi qu’une grande envie de le faire découvrir ; un moment de cinéma à la télévision ( ?!) tout à fait respectable.