Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le film était presque parfait - Page 55

  • Ciné d'Asie : Ip Man (2008)

    Un film de Wilson Yip

    5087422696_d827340b0d.jpg

    Ip Man a été, comme tant d'autres longs-métrages, privé de sorties salles en France ; ce qui, au vu du film enfin distribué dans nos contrées par l'entremise de Metropolitan / HK, est tout bonnement ahurissant.

    Ip Man est un maître d'arts martiaux ayant réellement existé, sa spécialité étant le Wing-Chun, style de combat de la Chine du Sud. La star du film, si ce n'est Donnie Yen, qui incarne le maître avec beaucoup de retenue et de style, est clairement l'art martial en lui-même : de nombreux affrontements se succèdent, la caméra agile de Wilson Yip captant chaque inflexion de main, chaque mouvement de pied, avec le plus grand impact visuel possible. Le talent martial de l'acteur ne fait aucun doute et jaillit jusqu'aux quatre coins du cadre. Il se dégage de ces séquences une poésie du mouvement totalement jouissive, alliant maîtrise totale et sérénité de l'être qui rapproche le personnage, ainsi que les combats, du légendaire Wong Fei Hung. Ip Man, contrairement à Fei Hung, éprouve cependant moins de scrupules à donner une bonne leçon aux japonais, méchants sans ambiguïté, et ce n'est pas plus mal. De même, les différents personnages sont très bien caractérisés dans leur niveau d'aptitude au combat, et la dynamique qui sous-tend les affrontements : à l'aide d'ellipses ingénieusement placées, on retrouve certaines personnes à d'autres postes, régis par de nouveaux rapports de force. 

    La structure narrative du film laisse apparaître des similitudes étonnantes avec Gladiator (Ridley Scott, 1999) : le général Maximus est déchu de ses fonctions, de la même façon que le maître Ip Man perd tout ce qu'il a lors de la guerre, et se retrouve à charrier du charbon comme un esclave ; Maximus devient peu à peu un gladiateur terriblement efficace, là où Ip Man se sert de ses qualités martiales pour en remontrer à des karatékas japonais dans un arène rappelant les jeux du cirque ; et, quand la renommée de Maximus lui fait rencontrer en combat singulier l'empereur lui-même, Ip Man affrontera lui aussi dans une séquence finale époustouflante le chef de l'armée japonaise ; et, malgré ce parallèle qui saute aux yeux, le film n'en est pas moins passionnant.

    Si les combats sont très réussis, dirigés par le bon Sammo Hung (également acteur et réalisateur), la dramaturgie générale du film l'est tout autant, ce qui est plutôt rare dans ce domaine ; prenez un Ong Bak, doté de chorégraphies de combat absolument démentes, il n'en reste pas moins que l'objet film reste bâclé par sa partie scénaristique, ... absente. Ici, les enjeux du film restent concentrés sur les personnages et le background historique, fondamentale (durant la deuxième guerre mondiale, la Chine étant sous domination japonaise). Dans la même veine, alliant histoire récente et arts martiaux, on avait été grandement impressionné par Fist of Legend (Gordon Chan, 1994), le remake de La fureur du Dragon avec Bruce Lee. Ip Man vient remettre au goût du jour cette qualité narrative, visuelle, psychologique et purement martiale, pour devenir une des meilleurs découverte cinéma de cette année, tous ganres confondus : il était temps !

  • Delirious (2007)

    Un film de Tom DiCillo

    5084242541_2b4fec9dec_m.jpgDelirious fleure bon le film indépendant dans toute sa splendeur, regard doux/amer sur le monde et personnages paumés inclus. Un SDF (Michael Pitt) s'acoquine avec un paparazzi (Steve Buscemi) et s'approche par le plus fou des concours de circonstance d'une star de la pop, Kharma (Alison Lohman). Des mondes si étrangers (survie, misère sociale confronté au luxe et à la célébrité) qu'en se rencontrant, ils font sauter aux yeux leurs similitudes plutôt que leurs différences. Baignant dans un naturel qui semble pratiquement non feint (il y a fort à parier que de nombreuses séquences furent directement improvisées sur le plateau), le personnage de Michael Pitt reste constant malgré son ascension. Le film veut gentiment égratigner au passage l'absurdité des situations, le monde du show-business, la bêtise des programmes télé formatés... Tout cela a l'air bien sympathique dit comme cela (ou pas).

    Mais Tom DiCillo, qui nous avait bien fait marrer avec Box of Moonlight (et la prestation habitée d'un Sam Rockwell faisant corps avec son personnage) paraît peu assuré dans ce  exercice d'équilibriste entre odyssée surréaliste, comédie douce-amère, et regard sur les coulisses du star-system. Au point que le résultat manque d'homogénéité, basculant selon les séquences entre clip de mode, récit tragi-comique quasi documentaire, et love-story contrariée. Soutenue par une bande son très hype (Dandy Warhols, Elvis Costello qui s'offre une prestation clin d'oeil, The Cloud Room...), Delirious applique sûrement trop littéralement son titre pour être pris au sérieux en tant que conte surréaliste, et aborde finalement son sujet avec une fausse décontraction trop poseuse pour convaincre. On ressent en effet devant cette accumulation de clichés un manque de sincérité, et de naturel, aussi paradoxal que cela puisse sembler. Trop prévisible, la trame narrative est loin de passionner, en dehors des numéros d'acteurs toujours excellents de Steve Buscemi et Gina Gershon. Un faux film à la cool, destiné à faire sourire les bobos new-yorkais et autres, qui manque cruellement de point de vue :  comment passe-t-on du SDF à la star des médias ? On ne sent aucun mouvement, aucun regard critique, quand tout se termine en happy end. Essai raté pour le réalisateur du récent documentaire sur The Doors, When You're Strange.

  • Hommage à Roy Ward Baker (1916-2010)

    Sister+Hyde+01.jpg

    Ralph Bates et son double Martine Beswick dans Docteur Jekyll et Sister Hyde

    Le 5 octobre dernier, décédait le réalisateur anglais Roy Ward Baker. Parmi la blogosphère francophone, de nombreux hommages ont été publiés, a contrario des media traditionnels qui, évidemment, n'ont que faire d'un cinéaste artisan dont le mérite aura tout de même été de passer de Marilyn Monroe (dirigée dans Troublez-moi ce soir, 1952) aux horror flicks de la Hammer, en passant par des épisodes de Chapeau Melon et bottes de cuir. Ma première rencontre avec Roy Ward Baker n'avait pourtant pas été concluante, c'est le moins que l'on puisse dire, avec le visonnage afflligeant de The Monster Club (1980), en DVD Mad Movies il y déjà quelques années. Aujourd'hui par Jérôme, et son Forgotten Silver, que j'appris la triste nouvelle. Triste car les souvenirs de quelques uns de ses films sont encore si vivant dans la mémoire : la séquence d'introduction de The Vampire Lovers (1970), première pierre d'une trilogie issue de l'histoire de la Comtesse Bathory adapté sous l'angle du vampirisme : une morte vivante erre dans le jardin d'un château, le voile qui la couvre lui donne l'air et la déambulation d'un spectre. 

    Il réalisa également le troisième et dernier long-métrage de cinéma de la série Quatermass, Quatermass and the PitLes monstres de l'espace (1967). Malgré un flagrant manque de moyens, cette histoire de découverte d'un vaisseau extra-terrestre dans le métro londonien est trépidante et ouvre grand la porte de l'imaginaire, avec ces sauterelles venues de l'espace...

    C'est tout le mérite du bonhomme d'avoir s'immiscer dans différents genres, différents styles de productions (les petits budgets lui sont cependant plus familiers), à l'aide d'un cinéma formellement classique, techniquement tout à fait satisfaisant. Grands films comme péloche d'exploitation, l'étendue de ces différentes production cinématographique a, quoi qu'il en soit, beaucoup de charme ; et ce, même s'il ne fera jamais partie des réalisateurs plus inspirés de la firme, comme Terence Fisher, John Gilling ou encore Val Guest. à bientôt pour vérifier cela en décryptant un de ses films !

  • Stargate (1994) vs. Transformers (2007)

    Deux films de Roland Emmerich et Michael Bay

    5072014202_ac444e8d84.jpg

    Le combat cinématographique du jour oppose deux poids lourds, deux blockbusters qui ont plus de points communs qu’on pourrait le croire. Oeuvrant chacun dans le registre d’une science-ficion spectaculaire, épaulés par des moyens financiers importants (net avantage à la pesée à Transformers, 150 Millions $ contre 55 pour Stargate), les deux films dépeignent un monde, le nôtre, dont l’avancée technologique provient d’une civilisation extra-terrestre.

    Alors que, dans Stargate, la civilisation égyptienne trouve son origine par la venue d’extra-terrestres qui arborent les symboles plus tard connus sous le noms de hiéroglyphes et autres divinités animales, Transformers fait la part belle à un espèce robotique d’où provient en secret toutes les avancées technologiques significatives du XXème siècle. Le déclencheur de l’histoire, pour les deux films, réside dans un objet de la vie courante qui rapproche les spectateurs des personnages ; une simple paire de lunettes cassée pour Transformers, une carte des constellations trouvée dans un journal pour Stargate. Et finalement, un même rapprochement avec les constellations qui gravitent autour de la Terre : force universelle des mythes. Centrés sur objets parents, des volumes géométriques sans connotation (le Cube pour les Transformers, et la pyramide, pour Stargate, tous deux sources du pouvoir des espèces), les narrations se prêtent aux mêmes déploiements de force militaire. Ce thème paraît au premier abord secondaire mais éclaire au contraire une conception de l’histoire très américaine : d’une part, il remet tout à plat et redémarre l’Histoire de zéro (tous les pays, quelque soit leur participation dans les avancées technologiques ou l’histoire religieuse, est concernée), d’où l’aspect "universel" de ces films, et de l’autre, s’arrange tout de même pour que les découvreurs ou les exploitants soit de bons américains. Ainsi, c’est l’armée américaine qui conserve le Cube dans une base qui rappelle fortement la Base 51 dans le Nevada, et le Colonel O’Neil qui encadre la mission de reconnaissance dans le monde qui s’ouvre au passage du Stargate. L'histoire n’est donc plus le fruit du labeur des hommes et de leur ingéniosité, mais leur a été apporté, transmis par d’autres espèces, dont nous sommes réduit à exploiter et comprendre les techniques.

    Transformers_070620102037116_wideweb__300x375.jpg

    Comme souvent, tout ce qui touche aux extra-terrestres étant l’affaire de l’armée, seule force à pouvoir endiguer une potentielle menace : voir Le jour où la Terre s’arrêta (1951 et 2008), Mars Attacks ! (1996), Avatar (2009), Independence Day (1996), ... L’affrontement qui se joue, entre l’armée butée qui a toujours tendance à utiliser un bazooka pour tuer une mouche, et la communauté scientifique et intellectuelle, visant d’abord à comprendre son ennemi, est à l’œuvre. Les démonstrations de force se révèleront inefficaces devant la puissance de feu déployée par les extra-terrestres, technologiquement bien plus avancée que la nôtre ; dans Stargate, Râ ne dit-il pas avoir choisi la Terre pour sa facilité à être dominée, les humains étant à la fois si fragiles, et dans le même temps "si faciles à réparer" ?

    Le sérieux des autorités trouve un contrepoids dans le vrai héros de l’histoire, qui, dans l’un, est un scientifique gaffeur toujours dans la lune, et dans l’autre un gamin comme tous les autres ; alors que celui-ci ne s’attend pas à être soudain poursuivi par une horde de robots dans un combat dont il est totalement étranger, pour Daniel Jackson, c’est la concrétisation de ses rêves : démontrer que la civilisation égyptienne est plus vieille qu’on ne le dit, et que ce ne sont pas les égyptiens eux-mêmes qui sont responsables de la construction des pyramides. Ainsi, il est beaucoup plus dans son élément dans l’autre monde, celui de la science-fiction, que dans celui de tous les jours où il n’est qu’un ahuri que tous discréditent. La fin du parcours du scientifique fera tout à fait sens par rapport à cette transformation. Dans Transformers, par contre, le jeune Sam Witwicky vit sa rencontre avec les Autobots de façon traumatique : il passe son temps à courir, essayant d’échapper à l’appel science-fictionnel, tandis que Daniel ne demande qu’à s’y fondre, apprenant le dialecte des autochtones. Le décalage provoque la drôlerie et imprime un rythme effréné à Transformers, montage cut et shaky cam inclus, tandis que le rythme de Stargate va plutôt vers plutôt l’exploration d’un monde totalement nouveau, laissant le temps à certains plans d’introduction au monde où le spectateur s’émerveille. Le plan de la pyramide et des trois lunes, ou celui de l’arrivée de Râ avec son masque, tel une momie incarnée, sont toujours saisissants.

    5071391449_1751030434.jpg

    Bay et Emmerich sont tous deux des techniciens hors pair ; leur goût pour la démesure les attire toujours vers le films à gros budget qui défouraille à tout va ; et, à partir d’un moment, c’est ce qui se passe pour les deux films. Transformers lâchant au passage un début de film qui ressemble à un final pour tout bon film d’action qui se respecte. On l’a compris, Transformers lâche beaucoup plus de lest que Stargate concernant l’action, mais ce dernier n’est pas en reste : les représailles de Râ ne font pas dans la dentelle et casse d’ailleurs le rythme du film ; il laisse ainsi apparaître un squelette consacré aux cahier des charges classique d’un blockbuster, qui vise à maintenir l’attention de l’auditoire par de grandes scènes d’action qui ponctuent régulièrement le film. C’est peut-être la seule vraie sortie de route de Stargate, qui autrement donne vie à une mythologie dont les ramifications sur notre monde sont intéressantes. Tout comme Transformers, on ne s’étonne pas que la mythologie mise en place soit exploitée à d’autres occasions : films pour Transformers, de nombreuses séries pour Stargate, faisant écho au "On se reverra" final du Colonel O’Neil.

    Le terrain de jeu de Transformers, c’est la mythologie américaine, peuplée de voitures aux carrosseries brillantes et couleurs clinquantes et de jolies filles en débardeur ; il se situe aussi dans une dynamique de jeunisme typique des années 2000, avec son histoire centré sur un groupe d’adolescents : ce sont eux les piliers de l’histoire, certains rivalisant avec les scientifiques et les informaticiens les plus chevronnés. De plus, Transformers restant une série de jouets puis une série d’animation résonnant dans l’enfance des trentenaires d’aujourd’hui, le ton était donné. L’ambiance est donc très branchée et second degré, ce qui n’est pas le cas de Stargate.

    5072039742_0dbf05be8c_m.jpg

    Introduisant rapidement le traumatisme du Colonel O’Neil (son fils a perdu la vie en empruntant une de ses armes) et y revenant assez régulièrement, les bases psychologiques des personnages sont plus graves, même si l’humour ne manque pas. Sans aller jusqu’à abonder dans le sens d’Emmerich qui voyait dans Stargate son "Lawrence d’Arabie dans l’espace" ( ?!), on reconnaîtra sans peine une teneur plus adulte au film (notamment sur les questions de la mort et de la recherche des origines). Attention, cela ne veut pas dire que l’approche de Transformers est moins pertinente : le film est très sympa lorsqu’il s’attarde justement à la vie de Witwicky, plutôt qu’aux combats entre robots : une belle réussite dans le genre, cependant trucidé par un deuxième épisode affligeant.

    Entraînant son long métrage sur les terres du blockbuster épique, il lui adjoint la musique un brin pompière de Steve Jablonsky qui fait du Hans Zimmer. Pas inefficace, mais pour le coup pas vraiment second degré. On aura cependant du mal à ne pas en apprécier l’empreinte épique laissée par des morceaux comme Arrival to Earth ou Autobots. Malgré tout, voici deux films qui remplissent tout à fait leur rôle, adjoignant au plaisir de visionnage immédiat un vrai souffle. Et l’on se surprendra, de temps à autre, à repenser à ces robots trop humains pour être vrais, et à cette grande pyramide qui semble plus haute que le ciel lui-même. De bons exemples de blockbusters réussis, ce qui, on ne le sait que trop bien, deviennent de plus en plus rares.

    5072032772_ab2b9592d9.jpg

  • L'Arrangement (1969)

    Un film de Elia Kazan

    5063329368_a3c564eb55.jpg

    D'Elia Kazan, nous n'avons vu que Baby Doll (1956) et Un tramway nommé Désir (1951). Ces deux films ont pourtant suffi à imposer l'image forte d'un réalisateur sensible, dépeignant sans concessions des univers où l'homme semble comme prisonnier de ses propres aspirations. Devant L'arrangement, l'on est instantanément saisi par la même puissance, les frustrations et l'indécision minant la psychologie d'un homme à qui tout, pourtant, semble réussir... sauf pour l'essentiel, peut-être. Mais quel peut-il être ? 

    Un publicitaire de renom crashe sa voiture dans un tunnel, en s'engouffrant sous un camion. Cette scène inaugurale pose les bases du sentiment d'enfermement dont le personnage (Kirk Douglas) veut se défaire, au péril de sa propre vie. Sa voiture étant cernée  par des camions de part et d'autres lui bouchant toute perspective, il comprend que son rêve de vie, sa véritable aspiration, lui ont échappées, lui qui voulait devenir écrivain et finit par composer des slogans publicitaires pour faire croire qu'une cigarette Zéphyr ne donne pas le cancer.

    Le film, débutant quasiment par cette scène, semble ainsi se dérouler à l'envers. Cette tentative de suicide sonne comme la fin d'un film déjà entamé, dont l'élément perturbateur a eu lieu bien avant. Et cet élément, central dans la dramaturgie ne prend par la forme d'une action, d'un accident, mais prend corps dans une personne : celle que va rencontrer Douglas (Gwen, jouée par Faye Dunaway), qui l'éloigne de sa vie bien ordonnée, aux côtés de sa femme (Deborah Kerr) et d'un boulot bien vu. Le rythme du film, tout en allez-retours temporels parfois dans la même image, illustre le labyrinthe psychologique de Eddie. Comme pour la scène où, alors au lit avec Deborah Kerr, il a des flashs de Faye Dunaway, cette dernière, le rêve, le fantasme de réalité, l'excitant beaucoup plus que celle qu'il est en train de vivre. 

    Kazan est assez proche de la sensibilité du romancier Tennessee Williams, les quatre collaborations artistiques entre les deux hommes en étant la preuve. On retrouve dans ce film la torture psychologique subie par le personnage central, à l'image du prêtre défroqué dans La nuit de l'Iguane (John Huston, 1964), ou le jeune Brick (Paul Newman) dans La chatte sur un toit brûlant (film de Richard Brooks sorti en 1958, d'après la pièce d'abord mise en scène par Kazan). Gratter le vernis de la réussite sociale, qui n'a de réussite que l'image globalement acceptée et valorisée par la société, là est le cheval de bataille de Kazan pour ce film-ci. Eddie n'en peut plus et erre à le recherche de son identité. Car l'arrangement du titre, Deborah Kerr fermant les yeux sur la liaison de son mari, n'était pas la solution.

    Kazan adapte son propre roman, très reconnu ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a mis beaucoup de lui. Le film est à l'identique : un passage de son film autobiographique, America, America (1963) est discrètement inséré pour illustrer le parcours du héros. Voulant Brando pour le rôle qu'il refuse, Kazan ne sera jamais satisfait de la performance de Kirk Douglas. Il jouait là peut-être beaucoup plus qu'il ne le voulait ; rempli d'une maîtrise formelle évidente et signé de la patte d'un vrai cinéaste. Malgré cela, on n'a pas l'impression de regarder un film complet ; fragmenté, ne donnant certes pas toutes les clés et constamment surplombé par une amertume inconfortable, la forme du film épouse la personnalité torturée du personnage, et que dans le même temps le projet cinématographique ne fonctionne pas. Les critiques n'ont pas été tendres avec le film, avec raison pensons-nous. Tout est là sans que l'alchimie fonctionne : acteurs, budget, scénario... Mais Kazan n'est pas là pour donner de solution, et c'est peut-être cela qui est frustrant.