Un film de Wilson Yip
Ip Man a été, comme tant d'autres longs-métrages, privé de sorties salles en France ; ce qui, au vu du film enfin distribué dans nos contrées par l'entremise de Metropolitan / HK, est tout bonnement ahurissant.
Ip Man est un maître d'arts martiaux ayant réellement existé, sa spécialité étant le Wing-Chun, style de combat de la Chine du Sud. La star du film, si ce n'est Donnie Yen, qui incarne le maître avec beaucoup de retenue et de style, est clairement l'art martial en lui-même : de nombreux affrontements se succèdent, la caméra agile de Wilson Yip captant chaque inflexion de main, chaque mouvement de pied, avec le plus grand impact visuel possible. Le talent martial de l'acteur ne fait aucun doute et jaillit jusqu'aux quatre coins du cadre. Il se dégage de ces séquences une poésie du mouvement totalement jouissive, alliant maîtrise totale et sérénité de l'être qui rapproche le personnage, ainsi que les combats, du légendaire Wong Fei Hung. Ip Man, contrairement à Fei Hung, éprouve cependant moins de scrupules à donner une bonne leçon aux japonais, méchants sans ambiguïté, et ce n'est pas plus mal. De même, les différents personnages sont très bien caractérisés dans leur niveau d'aptitude au combat, et la dynamique qui sous-tend les affrontements : à l'aide d'ellipses ingénieusement placées, on retrouve certaines personnes à d'autres postes, régis par de nouveaux rapports de force.
La structure narrative du film laisse apparaître des similitudes étonnantes avec Gladiator (Ridley Scott, 1999) : le général Maximus est déchu de ses fonctions, de la même façon que le maître Ip Man perd tout ce qu'il a lors de la guerre, et se retrouve à charrier du charbon comme un esclave ; Maximus devient peu à peu un gladiateur terriblement efficace, là où Ip Man se sert de ses qualités martiales pour en remontrer à des karatékas japonais dans un arène rappelant les jeux du cirque ; et, quand la renommée de Maximus lui fait rencontrer en combat singulier l'empereur lui-même, Ip Man affrontera lui aussi dans une séquence finale époustouflante le chef de l'armée japonaise ; et, malgré ce parallèle qui saute aux yeux, le film n'en est pas moins passionnant.
Si les combats sont très réussis, dirigés par le bon Sammo Hung (également acteur et réalisateur), la dramaturgie générale du film l'est tout autant, ce qui est plutôt rare dans ce domaine ; prenez un Ong Bak, doté de chorégraphies de combat absolument démentes, il n'en reste pas moins que l'objet film reste bâclé par sa partie scénaristique, ... absente. Ici, les enjeux du film restent concentrés sur les personnages et le background historique, fondamentale (durant la deuxième guerre mondiale, la Chine étant sous domination japonaise). Dans la même veine, alliant histoire récente et arts martiaux, on avait été grandement impressionné par Fist of Legend (Gordon Chan, 1994), le remake de La fureur du Dragon avec Bruce Lee. Ip Man vient remettre au goût du jour cette qualité narrative, visuelle, psychologique et purement martiale, pour devenir une des meilleurs découverte cinéma de cette année, tous ganres confondus : il était temps !