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états-unis - Page 42

  • Le Chien des Baskerville (1/2) : du livre... au(x) film(s)

    4493663235_0cacb54fe2_m.jpgInaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique, consacrée à l'analyse comparée d’un livre et de son adaptation cinématographique. Et, comme on ne fait pas les choses à moitié, autant confronter deux adaptations du Chien des Baskerville de Conan Doyle : la première aventure cinématographique jouée par le duo Basil Rathbone / Nigel Bruce en 1939, et celle réalisée au sein de la Hammer Film par Terence Fisher quelque vingt ans plus tard. Démarre donc du même la chronique de l’intégrale Sherlock Holmes incarnée par Basil Rathbone, soit 14 films de 1939 à 1946.

    Survient au 221 b Baker Street une affaire tout à fait fantastique : la perpétuation d’une ancienne légende sur la famille des Baskerville, qui s’est allégée de beaucoup de membres de façon bien étrange. Le dernier en date, Sir Charles Baskerville, porteur d’une grande fortune, meurt littéralement de peur, le visage figé dans une grimace inhumaine. Au cœur de cette malédiction, une bête monstrueuse qui terrorise le territoire de Dartmoor, dans le Devonshire, au sud-ouest de l’Angleterre.

    Opposition entre légende, superstition, croyance populaire pour l’aspect fantastique du chien et science du détail, rigueur de l’observation pratique en la personne de Sherlock Holmes. La confrontation des deux idéologies prend corps, dans le livre, entre les deux personnages de Holmes et Mortimer. Mortimer est, tout comme Watson, médecin, donc enclin à la rationalité. Cependant, à l’intérieur du seul Mortimer, se battent les deux conceptions, lui qui croit pourtant à la légende. Les films exploiteront d’ailleurs cette dualité, la version de 1939 lui inventant un intérêt particulier dans le spiritisme. Le livre organise aussi cette confrontation entre deux mondes, en opposant l’univers citadin de Londres et la lande ténébreuse de Dartmoor, à laquelle sera attribuée plusieurs qualificatifs ayant trait à l’étrange, la faisant constamment vibrer d’un souffle presque humain. La lande est un vrai personnage, ô combien important, qui façonne à lui seul l’ambiance du récit.

    Le chien des Baskerville est le troisième roman sur Sherlock Holmes écrite par Conan Doyle. Il est, pour grande partie, mené par Watson qui, sur l’injonction de Holmes, accompagne Henry Baskerville, le dernier descendant de la lignée, au manoir familial. Véritable disciple de Holmes, il applique les infaillibles méthodes de déduction de son ami pour démêler le vrai du faux, la superstition des faits. Le livre fait d’ailleurs partie des récits que Watson retranscrit pour le public : c’est donc lui le "je" du livre. Or, dans la version de 1939, qui marque aussi le premier épisode de la série interprété par Basil Rathbone et Nigel Bruce, ce dernier apporte uniquement la dimension comique du film. Watson ne joue, là encore, que son équipier, gouailleur et l’air constamment ahuri ; il n’est d’ailleurs cité qu’en quatrième rang au générique, et Rathbone au second, alors que le duo occupera par la suite le haut de l’affiche. L’acteur restera principalement fameux pour cette interprétation, en décalage total avec le personnage littéraire, et incarnera plus tard le même type de sensibilité, expansif et enfantin, dans Soupçons d’Alfred Hitchcock.

    C’est en fait  Henry Baskerville (Richard Greene) le véritable premier rôle du film, qui s’approprie plusieurs des actions de Watson dans le livre. Le scénario déplace quelques enjeux, saucissonnant Watson dans son rôle de pitre, faisant la part belle au séducteur qu’est Henry Baskerville. La 20th Century Fox ne comptait pas, au départ, faire une série de films sur Sherlock Holmes ; après deux films, c’est d’ailleurs Universal qui reprendra le flambeau pour douze épisodes, réalisés entre 1942 et 1946.

    La suite par -> ici !

  • Indiana Jones et le Temple Maudit (1984)

    Un film de Steven Spielberg

    4453048583_93b44c122c_m.jpgAprès le succès populaire des Aventuriers de l’Arche perdue, Spielberg remet le couvert en mettant son héros en avant dès le titre, dans la pure tradition du serial, à la Flash Gordon ou Buck Rogers. Sur l’affiche française, un avant-titre précède son intronisation : Depuis Les aventuriers de l’Arche perdue, l’aventure a un nom : Indiana Jones ! Un serial qui n’en est pas vraiment un, ne serait-ce que par le budget pharaonique dont Spielberg a pu jouir pour l’occasion. Malgré tout, l’amour du genre est prégnant à chaque instant.

    La séquence d’introduction nous emmène dans un Shanghai rétro de 1935 au coeur d'un club sélect, où l’entrée d’Harrison Ford est très soignée : le personnage apparaît de trois quart dos, vêtu d’un costume blanc, sa main glissant sur la rambarde d’escalier alors qu’il le descend. On est loin du look d’aventurier du premier opus, avec chapeau, fouet et torse luisant découvert, Indiana Jones dévoilant ici le rêve inassouvi de Spielberg : faire un James Bond. Il le dira souvent lui-même en interviews, George Lucas l’a persuadé de faire Indiana Jones en lui promettant que c’était encore mieux qu’un James Bond, en créant son propre aventurier. L’élégance d’Harrison fera le reste dans cette séquence rappelant les scènes de casino, fréquentes dans les aventures de l’espion britannique. De même, la façon de retarder l’apparition de son visage plein cadre, asseyant son statut de star -acteur et personnage confondus-, est fidèle aux premières apparitions cinématographiques de James Bond. Il y a quelque chose de magique dans cette séquence d’introduction, comme l’impression de pénétrer, par une porte dérobée, dans un monde de cinéma total, classique et intemporel. George Lucas apportera l’idée de la séquence musicale, voyant Kate Capshaw danseuse vedette dans un show démesuré à la Busby Berkeley, toute de paillette couverte. Lucas, scénariste de la trilogie, apporte également à cette scène le clin d’œil starwarsien de circonstance, nommant le lieu de l’action Club Obi Wan. Ainsi plusieurs imaginaires s’entrechoquent dans cette seule introduction, entre l’espionnage, la comédie musicale, Star Wars et le décorum chinois, faste et coloré : le film commence très fort.

    De l’avis de tous les intervenants sur le film, Le temple maudit est plus sombre, beaucoup plus que Les aventuriers de l’Arche perdue ; D’une part, parce que Lucas sortait d’un divorce, et aussi car c’était la direction qu’il voulait prendre pour cette suite. Mais, pour autant, ils ne s’attendaient pas à un film si noir. La succession de scènes assez horribles, des multiples bestioles, insectes, serpents, le banquet spécial, et l’inénarrable sacrifice orchestré par les adorateurs de Kali, en fait vraiment un film particulier, paradoxal, pas vraiment pour les enfants (la classification PG-13, avis parental pour public de moins de treize ans, fut d’ailleurs créé pour l’occasion). Les enfants, justement, prisonniers de la secte Kali, seront sauvés mais dans un néant scénaristique final : on perçoit, là encore, un élément rajouté dont l’absence aurait sûrement aidé le film. Le tout est évidemment rempli d’humour, mais souvent mêlé à une impression de dégoût (le banquet, les cris ininterrompus de Kate Capshaw sur des images de têtes de mort, de piques acérées, ... Spielberg avoue d’ailleurs ouvertement que c’est l’épisode qu’il aime le moins.

    La conception du film témoigne elle-même de ce côté équilibriste bancal, le duo Spielberg-Lucas reprenant des scènes qu’ils n’avaient pas pu inclure dans le premier film, pour les coller dans celui-ci. Si la scène du bateau pneumatique (qu’ils ne se priveront pas de reprendre pour un résultat bien moins probant dans Indiana Jones et le royaume du Crâne de Cristal) est tout à fait bien intégrée, on ne saurait en dire autant de celle dite des montagnes russe vers la fin, brillante mais interminable, révélant sans même qu’on le sache a priori son caractère rajouté : le film n’avait pas besoin de ça, et l’on peut dire qu’à partir de la séquence -ô combien traumatique !- du sacrifice humain, les péripéties s’enchaînent mécaniquement. Tout juste pourra-t-on sauver la scène du pont suspendue, bien gérée, amenant jusqu’au point de rupture dans une beauté cinématographique implacable. Pas aidant, la musique de Williams bat et rebat le thème du héros dans un trop plein dont on a du mal à se dépêtrer. Et si, à la fin, Harrison embrasse bien l’héroïne, le happy-end ne sonne que telle une façade, un vernis sur un cœur moins reluisant.

  • The Wiz (1978)

    Un film de Sidney Lumet

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    A l’heure de la sortie de This is it en vidéo, revenons quelques instants sur le premier rôle ciné de Michael Jackson.

    Pourquoi a-t-on envie de voir The Wiz ? Pour tenter le décalage de cette version noire du Magicien d’Oz (en fait transposition cinématographique du spectacle musical créé en 1975), pour la vitrine maison qu’en fait Motown -Berry Gordy en avait acquis les droits d’adaptation, et Quincy Jones a contribué à enrichir l’orchestration, interprété par la star Diana Ross-, ou pour la prestation de Michael, Jackson, fondatrice dans sa passion pour le cinéma ? Un peu pour tout ça en même temps, mais le déclic qui nous fait mettre la galette dans le lecteur pourrait bien être cette découverte d’une facette inédite de l’artiste le plus médiatique du XXème siècle.

    C’est d’un gros projet qu’hérite le réalisateur de Serpico et d’Un après-midi de chien (après que John Badham, réalisateur demandé par Berry Gordy, ne soit viré... pour avoir critiqué le choix de Diana Ross pour interpréter Dorothy, 16 ans dans le bouquin et 24 dans le musical). Pour rappel, la chanteuse de Supremes avait 34 ans à l’époque du tournage. Le show de Broadway ayant bien marché, les moyens sont mis sur la table. De grands décors, une belle figuration, beaucoup de danseurs, un travail musical de qualité... Le four n’en sera que plus dur : le budget sera à peine remboursé de moitié.

    Comment peut-on expliquer ce désamour ? Tout d’abord, la naïveté du message ne seyait pas forcément à la dureté générale et la dimension désabusée des années 70 aux Etats-Unis. Sûrement peut-on aussi avancer qu’un film composé d’un casting uniquement noir ne devait pas plaire à tout le monde, Le magicien d’Oz étant rentré dans le cœur des américains comme un véritable mythe fondateur de leur identité WASP ; alors qu’en fait, il s’agit exactement du même créneau en plus claustrophobique encore, qui est ici défendu (rappelez-vous de "On est jamais mieux que chez soi", leitmotiv aventurier s’il en est). Diana Ross surjoue en effet constamment les côtés dramatiques de son personnage, qui n’est jamais sortie de chez elle, faisant des yeux ronds et apeurés à tout bout de champs, avec la larme très facile. Seule la couleur change.

    Artistiquement, les partis pris de mise en scène de Sidney Lumet sont pour le moins étranges, cantonnant le plus souvent dans la position du spectateur qui regarde une pièce. Très statique, n’usant pour la plupart des cadres que d’une échelle de plan (le plan d’ensemble), la mise en scène pêche par une trop grande transparence. De plus, elle est vraiment mise à mal lors des séquences chorégraphiées, qui, si les mouvements dont elles sont constituées sont agréables et intéressant, ne sont aucunement mises en valeur par cette mise en scène.

    A la féerie du Magicien d’Oz de Fleming et les autres, est confronté un réalisme urbain qui frappe à chaque coin du cadre (parkings, métros, fêtes foraines sont les lieux clés de l’action). Cette distance, énoncée dans le musical puis reprise, ne joue pas non plus pleinement son rôle, trouvant ces limites dans des passages qui fleurent bon le Z (les piliers du métro qui s’en prennent au quatuor, les singes motards). Que dire des danseurs en strings dorés...

    Enfin, pouvons-nous parler de Michael Jackson, qui s’est visiblement amusé comme un petit fou sur ce tournage : sensible, le rôle de l’épouvantail dégingandé lui va comme un gant, citant à la volée des vers de Shakespeare, ou des leçons de vie sorti du panthéon littéraire dont il est lui-même constitué ; son cerveau fait de papier mâché. A 20 ans à peine, il délivre une très interprétation tellement évidente de charisme qu’il vole les scène dans lesquelles il apparaît, évidemment dominé par ses prestations dansées dans lesquelles il était déjà stratosphériquement supérieur. S’il est clair que le maquillage ne le met pas en valeur -ajoutant une pierre encore à l’édifice de ses multiples transformations-, cela semblait l’aider à se défaire d’un rôle qu’il avait à jouer, et ce 24h/24. Comme lorsqu’il était sur scène, s’acharnant à reconstituer un Barnum gigantesque, ce film constitue une belle cour de récré pour l’éternel enfant qu’il semblait être, et dans laquelle il ne fait aucun doute qu’il s’y sentait dans son élément, comme chez lui.