Un film d'animation de Gil Kenan
Séquence Je me souviens : Festival du film d'animation d'Annecy 2006, je fais partie des chanceux qui peuvent voir en avant-première le film de Gil Kenan, jeune réalisateur récemment remarqué pour son court-métrage The Lark. Salle bondée, lunettes 3D chaussées, l'unviers disparaît dans la pénombre et deux figures bien connues se fendent d'une introduction filmée : Steven Spielberg et Robert Zemeckis. Après un compliment élogieux pour le festival ("greatest animation film festival in the world", quand même !), ils disparaissent et le film commence, non sans être marqué d'un cartouche explicite (AFF pour Annecy Film Festival) au cas où un facétieux pirate se trouve dans la salle et filme ladite projection.
Spielberg et Zemeckis ne sont pas là par hasard, l'un par le biais d'Amblin, société de production cèlèbre pour ses films à succès typiquement 80's où une bande de gamins mis face à un événement ou un objet qui sort de l'ordinaire (Les Goonies, les Retour vers le futur, le Secret de la Pyramide, Bigfoot et les Henderson, Gremlins, ...), et l'autre par le biais de sa société d'effets spéciaux, Image Movers, qui expérimente depuis le Pôle express la symbiose entre animation et prise de vues réelles avec la Performance Capture.
Gil Kenan retrouve le feeling propre aux années 80 et à ses fameuses productions Spielberg en nous intéressant au parcours de 3 jeunes, D.J, Jenny et "Chewing Gum", confrontés à une maison vivante, sinon hantée. La dynamque de drague inhérente au trio est également typique des premiers émois amoureux, et bien croquée. Moins insouciants que les plus âgés (et moins débiles, répondant à l'image quasi-délinquante de la baby-sitter et de son copain Squelette), ils attachent de l'importance à des faits étranges que semblent perpétrer la maison d'en face de son propre chef. Leur secret ? leur propension à croire à l'impossible, du moment qu'ils en sont témoins. ici, les adultes mettent un moment avant de s'apercevoir que la maison bouge, alors même que des mouvements perceptibles ont lieu en plein jour. on retrouve la camaraderie des Goonies et le quartier résidentiel impersonnel, en apparence sans histoires, de tous ses films.
La façon de filmer les abords du voisinage est tributaire du style Zemeckis, caméra flottant et virevoltant dans des mouvements impossibles. L'intro, suivant une feuille orangée d'automne juste tombée de l'arbre, rappelle un plan signature de Zemeckis notamment vu en intro de Forrest Gump, la feuille étant là remplacée par une plume, subissant pareillement le souffle du vent. La progression vers la maison, tout en caméra flottante au ras du sol, rappelle aussi les mouvements gracieux et néanmoins anxiogènes de Apparences, un Zemeckis mineur. Aux couleurs chaudes de l'automne, succèdent des teintes fluorescentes une fois franchi le seuil de la maison. Verts, rouges, tranchant dans un noir étouffant, installent une atmosphère réellement effrayante (le squelette de la grosse femme prisonnier d'une cage en sous-sol), comme dans certaines scènes des Goonies ou d'autres production Spielberg qui, malgré leur statut de divertissement tout public, se permettaient des incursion dans l'horreur (le coeur violemment extirpé à la main d'une pauvre victime dans Indiana Jones et le Temple Maudit, les squelettes et les liquides visqueux des Goonies et des Gremlins, ...
Le croquemitaine affiché disparaissant rapidement (le vieux Nebbercraker, propriétaire belliqueux de la maison, interprété par Steve Buscemi), la maison seule parvient à sinsinuer comme une personnage à part entière, mais dont l'humanisation va à contre-courant de la traditionnelle bonté disneyenne : montrant les crocs dès que l'occasion le permet, elle fume abondamment (par la cheminée, m'enfin...) et n'hésite pas à réquisitionner les deux arbres de son jardin pour les transformer en bras gigantesques. Pivot du film, son design, sa transformation et son animatio, sont exemplaires : l'effort des animateurs à l'air de s'être concentrer quasi-uniquement sur ce point, et leurs efforts se voient récompenser tant la vision paraît accomplie, à défaut d'êter réellement novatrice. On reconnaîtra en effet des empruns au Oogie Boogie de l'Etrange Noël de Mr Jack, ainsi qu'au Château ambulant de Miyazaki. Les personnages, à l'instar du Pôle Express, semblent un peu mécanique, sans âme, même si une marche semble avoir été dépassée. leur coupe Playmobil n'est pas non plus du plus bel effet, mais comme on l'a vu, l'essentiel est ailleurs.
Plus que la performance d'exploitation de l'outil Performance Capture, qui permet de transposer plutôt fidèlement la performance d'acteurs en chair et en os sur des modèle en image de synthèse, on retiendra ici une mise en scène qui, par sa maestria, abolit les frontières entre animation et prises de vues réelles. Monster House peut faire partie de ce cercle fermé de films d'animation qui pourrait convertir les réfractaires au cinéma d'animation en général tant le rythme, les cadrages, les mouvements d'appareils, sont semblables à ce qui pourrait se faire en live, tout en le dépassant (de nombreux déplacements, travellings rapides, ou points de vues, s'affranchissant de la densité des objets, étant irréalisables "en dur". Distillant une véritable ambiance, arrivant à s'approcher du spectateur par l'écriture fine des personnages, Monster House montre encore aujourd'hui qu'il tient la distance, et que, malgré un film live (la Cité de l'Ombre) aux échos peu élogieux, Gil Kenan est prometteur.