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drame - Page 3

  • Kaboom (2010)

    Un film de Gregg Araki

    8568289018_b20a3aa8a3_m.jpgSmith, sexuellement "undeclared" (comprendre : couche avec des filles comme des mecs), vivote sur le campus en compagnie de sa meilleure copine, une Daria en puissance. Le récit commence comme une comédie surréaliste, avec sa voix-off décalée et son esthétique acidulée. Mais sous cette surface vernie à l'artifice, se terre une chronique douce-amère des errements sentimentaux de ses protagonistes, qui rappelle un peu les BD indé américaines de Daniel Clowes (David Boring en tête). Comme chez Clowes, la tranche de vie vire rapidement à une enquête (qui sont les hommes-animaux qui apparaissent à Smith ?) flirtant avec le film de complot globalisé. Percutant les genres, Araki nous emmène à une terre d'entre-deux jamais évidente, difficile à prendre au sérieux ; comment être fun et étrange, dramatique et onirique ?

    Ainsi, Kaboom se pose un peu comme un gigantesque point d'interrogation narratif, qu'arriverait-il si... ma copine était une adapte de la magie noire, si mon père était membre d'un ordre secret, … Tellement déconnectée de la réalité qu'Araki semble malgré tout vouloir dépeindre, beaucoup de ces propositions bouchonnent l'empathie et l'intérêt du spectateur. 

    A un moment, on pressent que Araki a voulu réaliser un film d'envergure, avec sa galerie de personnages tous trempés dans une intrigue mondiale, une prophétie millénariste et ses grandes questions (jamais résolues). Puis, le film reste coincé par ses limites (budgétaires entre autres) et ses parti-pris (indépendant versus commercial). Il ne ressemble finalement à rien d'autre qu'à un film de Gregg Araki, avec ses obsessions et ses thématiques maîtresses. Un peu comme pour Wes Anderson et La vie aquatique, qui visait le film d'aventures et arrive à ... un film de Wes Anderson, atypique, dépressif et joyeux, dramatique et comique. 

    Kaboom est décevant malgré l'invention, le télescopage des genres et des personnages, car on se désintéresse petit à petit de ce qui se passe à l'écran, jusqu'à un final marquant un certain point de non-retour dans le n'importe quoi intersidéral. C'est dommage tant la première partie (la vie au lycée) est dépeinte avec verve et drôlerie.

  • Black Swan (2011)

    Un film de Darren Aronofsky

    5468339335_b8e695a4dd_m.jpgLe film était attendu, la fièvre entretenue par une bande-annonce promettant beaucoup. Et l’on sait bien que les attentes, les promesses, si elles sont parfois récompensées (Inception, The Fountain) sont souvent déçues.

    Mettons nous bien d’accord, Black Swan est loin d’être un mauvais film. Les thèmes du double négatif, de la passion dévorante pour un art qui finit par nous consumer, de l’aliénation, tressés par le motif du ballet, sont présents, traités et parfois même nous transportent (la courte scène de danse entre le chorégraphe et sa danseuse, celle de la boîte de nuit et de la scène d’amour qui s’en suit). Mais ces rares îlots de pure puissance cinématographique sont noyés dans une représentation très, trop, contrôlée, des tourments de l’héroïne. Le film, à l’image de Natalie Portman, apparaît crispé, et ne libère pas les promesses d’un spectacle potentiellement extrême, esthétiquement et thématiquement. Cadrant Natalie toujours en gros plan, la sensation d’asphyxie se fait rapidement sentir, mais ne joue pas en la faveur du film. On pourrait dire aussi que le film n’arrive jamais à la hauteur de la musique de Tchaïkovski, puissante jusqu’à l’hystérie. Peu de mystère est fait autour de la folie du personnage principal, cadres et musique insistant sur des éléments par trop révélateurs. La danseuse est ainsi littéralement hantée par le Lac des Cygnes, en rêve, et dans la réalité : sonnerie de portable et boîte à musique constituant la part la plus maladroite du lot.

    A trop fonctionner par oppositions claires (blanc/noir, homme/femme, crispée/détendue, frigide/nymphomane, pur/impur), le propos du film se simplifie à outrance, laissant trop bien voir là où il veut nous amener ; alors que dans le même temps, le spectateur est sensé épouser le point de vue désorienté de Natalie Portman. La mise en abîme, reproduisant la trame du Lac des Cygnes dans la vie de la danseuse, ne brille pas par sa nouveauté, ni son pouvoir de fascination, conséquence directe du point précédent. L’ensemble sonne malheureusement comme du déjà-vu, ses inspirations évidentes (Cronenberg, Powell-Pressburger) ayant en plus fait mieux par le passé.

    Le vrai souci du film repose sûrement dans sa bande-annonce, tant la version en salle n’apporte pas beaucoup plus d’éléments. Tout est déjà condensé dans ces quelques secondes mises bout à bout. Le manque de surprises, de folie et donc d’ampleur est forcément décevant. Reste alors la performance évidente de l’actrice principale, un Vincent Cassel également très bien dans le rôle, et la musique. Ce qui n’est pas si mal, mais l’on attendait tellement plus…

  • Lola Montès (1955)

    Un film de Max Ophüls

    5208685048_1cf741ed6d_m.jpgPour son premier film en couleurs, qui se révèlera aussi son dernier, Ophüls choisit d'illustrer la vie tumultueuse de Lola Montès, fameuse courtisane et danseuse provocatrice.

    Depuis que Gaumont avait sorti son coffret Ophüls, ce film me faisait de l'oeil. Les quelques images dévoilées lors de sa ressortie en salle, en septembbre 2009, étaient intrigantes : les teintes de couleurs, éclatantes et oniriques, préfigurent Moulin Rouge ! (Baz Lurhmann, 2001), le vrai format Cinémascope des début (de ratio 2.55 : 1) semble offrir un spectacle total. Et, surprise, il était diffusé par Arte, en HD, à la mi-novembre.

    Le rideau s'ouvre sur une personnalité cassée, comme extérieure à elle-même, dont le principe de vie semble être d'enchaîner les conquêtes en donnant à chacune un temps limité qu'elle décide, au jour le jour. Dans un cirque, où Monsieur Loyal n'est autre que Peter Ustinov (impérial, en français dans le texte), Lola Montès raconte en spectacle sa propre vie, dans laquelle elle n'est plus qu'une attraction ; l'attraction principale certes, mais mue par une curiosité voyeuriste et malsaine, Lola s'exposant tel un animal de foire. La première séquence en flash-back la montre avec Franz Liszt, pour la dernière scène de leur vie commune (qu'on imagnie courte) : les adieux de Lola, sans pleurs ni sentiments survoltés ; tout juste peut-on lire sur le visage de Lola une mélancolie triste, qui semble chronique. Elle donne l'impression de souffrir sa vie, la subir, plutôt que d'en décider chaque mouvement comme on pourrait le croire.

    Comment penser, en effet, qu'elle choisit de se produire dans un cirque, dans une mise en scène superficielle,mais spectaculaire, de sa vie ? Son envie d'être danseuse, alors qu'elle n'était manifestement pas très douée dans ce domaine, pourrait expliquer sa volonté. Elle qui fut la maîtresse du roi de Bavière (Anton Walbrook, le fiévreux imprésario de Vicki Page dans Les chaussons rouges) sombrera plus bas que terre, dans une belle mise en abîme du processus filmique. La pénombre du cirque renvoie à la lumière des flash-backs, leur donnant un air onirique. Les couleurs sont irréelles, Lola déambule dans des décors gigantesques d'un faste indécent ; mais elle est comme le fantôme d'elle-même. Ce manque d'incarnation est tout de même bien embêtant, enlevant la force d'un récit autrement placé sous le signe de la tragédie. Est-ce le tort de Martine Carol (Lola) seule ? Non, le tout manque juste de vie. C'est dommage lorsque c'est justement celle, exceptionnelle, atypique, d'une femme ayant marqué son temps, se comportant comme un homme, décidant et exigeant.

  • Twentynine palms (2003)

    Un film de Bruno Dumont

    5166332950_267c212579_m.jpgLe choc. La crise. Les larmes, la terreur, lors de la découverte de ce film au cinéma il y a queslques années, qui résonne encore aujourd’hui. Ce film, l’histoire d’un couple hors normes (un américain et une russe) est un dépassement, un exploit, une prouesse. Surpassant le clivage si facile des genres, Bruno Dumont réussit à embrasser toutes les ambiances dans ce road-movie indie. Une trame minimaliste, forte, lourde, fabuleusement visuelle. Une histoire régressive entre deux personnes trop proches dans ce désert pour une fois vraiment (désert).

    Bruno Dumont signe un terrible essai sur la communication, cet outil vital pour co-exister. La communication orale n’est plus d’actualité entre les deux tourtereaux quand la langue est trop différente. Dès lors, c’est sur un plan essentiellement sexuel que s’aborde la communication entre les deux individus, seul plan fusionnel ; les autres sont tous source de conflits, légers ou parfois plus durs. L’incompréhension qui régit l’essentiel des rapports entre les deux personnages est aussi culturelle : voir la scène de la cafétéria où Katia reproche à David de regarder une autre fille ; elle lui dit sans sourciller "tu peux aller avec elle si tu veux". Des incompréhensions ce film bizarre, insoutenable, beau de façon si étouffante, en regorge.  Cette relation exclusive, est déséquilibrée dans son rapport excessif à la sexualité, seul terrain d’expression où les deux amants  excellent. David, colérique, impulsif, ne vit pas sur la même planète que Katia, naïve, "étrangère", et pourtant a l’air de vivre une histoire belle et simple. Mais rien n’est vraiment simple quand on parle de passion, d’exclusivité. La communication bancale dont font preuve les deux amoureux est pointée comme un manque vital.

    Extrême, brutale, cette histoire d’un autre temps où les moments les plus significatifs sont des joutes de grognements bestiaux nous montrent tels que nous pourrions être : des animaux (légèrement) civilisés. Mais grattez le vernis social déjà écaillé et vous y verrez peut-être l’ombre de Twentynine Palms…

  • L'Arrangement (1969)

    Un film de Elia Kazan

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    D'Elia Kazan, nous n'avons vu que Baby Doll (1956) et Un tramway nommé Désir (1951). Ces deux films ont pourtant suffi à imposer l'image forte d'un réalisateur sensible, dépeignant sans concessions des univers où l'homme semble comme prisonnier de ses propres aspirations. Devant L'arrangement, l'on est instantanément saisi par la même puissance, les frustrations et l'indécision minant la psychologie d'un homme à qui tout, pourtant, semble réussir... sauf pour l'essentiel, peut-être. Mais quel peut-il être ? 

    Un publicitaire de renom crashe sa voiture dans un tunnel, en s'engouffrant sous un camion. Cette scène inaugurale pose les bases du sentiment d'enfermement dont le personnage (Kirk Douglas) veut se défaire, au péril de sa propre vie. Sa voiture étant cernée  par des camions de part et d'autres lui bouchant toute perspective, il comprend que son rêve de vie, sa véritable aspiration, lui ont échappées, lui qui voulait devenir écrivain et finit par composer des slogans publicitaires pour faire croire qu'une cigarette Zéphyr ne donne pas le cancer.

    Le film, débutant quasiment par cette scène, semble ainsi se dérouler à l'envers. Cette tentative de suicide sonne comme la fin d'un film déjà entamé, dont l'élément perturbateur a eu lieu bien avant. Et cet élément, central dans la dramaturgie ne prend par la forme d'une action, d'un accident, mais prend corps dans une personne : celle que va rencontrer Douglas (Gwen, jouée par Faye Dunaway), qui l'éloigne de sa vie bien ordonnée, aux côtés de sa femme (Deborah Kerr) et d'un boulot bien vu. Le rythme du film, tout en allez-retours temporels parfois dans la même image, illustre le labyrinthe psychologique de Eddie. Comme pour la scène où, alors au lit avec Deborah Kerr, il a des flashs de Faye Dunaway, cette dernière, le rêve, le fantasme de réalité, l'excitant beaucoup plus que celle qu'il est en train de vivre. 

    Kazan est assez proche de la sensibilité du romancier Tennessee Williams, les quatre collaborations artistiques entre les deux hommes en étant la preuve. On retrouve dans ce film la torture psychologique subie par le personnage central, à l'image du prêtre défroqué dans La nuit de l'Iguane (John Huston, 1964), ou le jeune Brick (Paul Newman) dans La chatte sur un toit brûlant (film de Richard Brooks sorti en 1958, d'après la pièce d'abord mise en scène par Kazan). Gratter le vernis de la réussite sociale, qui n'a de réussite que l'image globalement acceptée et valorisée par la société, là est le cheval de bataille de Kazan pour ce film-ci. Eddie n'en peut plus et erre à le recherche de son identité. Car l'arrangement du titre, Deborah Kerr fermant les yeux sur la liaison de son mari, n'était pas la solution.

    Kazan adapte son propre roman, très reconnu ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a mis beaucoup de lui. Le film est à l'identique : un passage de son film autobiographique, America, America (1963) est discrètement inséré pour illustrer le parcours du héros. Voulant Brando pour le rôle qu'il refuse, Kazan ne sera jamais satisfait de la performance de Kirk Douglas. Il jouait là peut-être beaucoup plus qu'il ne le voulait ; rempli d'une maîtrise formelle évidente et signé de la patte d'un vrai cinéaste. Malgré cela, on n'a pas l'impression de regarder un film complet ; fragmenté, ne donnant certes pas toutes les clés et constamment surplombé par une amertume inconfortable, la forme du film épouse la personnalité torturée du personnage, et que dans le même temps le projet cinématographique ne fonctionne pas. Les critiques n'ont pas été tendres avec le film, avec raison pensons-nous. Tout est là sans que l'alchimie fonctionne : acteurs, budget, scénario... Mais Kazan n'est pas là pour donner de solution, et c'est peut-être cela qui est frustrant.