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états-unis - Page 45

  • Dossier (2/2) : Entretien avec un vampire (1994)

    Voici la suite de la première note consacrée aux vampires du film de Neil Jordan.

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    Un humour couleur rouge sang

    Scène charnière, la transformation de Louis par Lestat, vampire plusieurs fois centenaire, est positionnée en début de métrage, l'histoire ne perdant pas de temps à enchaîner les séquences signifiantes. Elle laisse cependant la place à une scène magnifique, retranscrivant bien, comme dan le livre, le réveil du nouveau vampire, ses yeux ne voyant pas la même réalité ; en témoigne, une statue qui le suit des yeux... Brad Pitt campe ce vampire à l'élégance glacée, un vampire trop humain. Sa transformation n'a pas été un choix, contrairement à ce que semble lui proposer d'abord ce fourbe et séducteur Lestat ; irrité par sa nature même, le fait de devoir tuer des être vivants pour subsister n'étant pas de son goût. Il s'évertuera à tuer toutes sortes de petits animaux -rats, pigeons, chiens- alors que Lestat se délecte de sang humain -la plupart du temps de jeunes femmes sans défense. Renforçant la caractérisation de son personnage, ce refus d'en attenter à l'humain, pour conserver un semblant d'humanité, offre finalement des moments de comédie très noire (la vieille enfarinée criant de tous ses poumons la perte de ses précieux caniches, exsangues, ou le paradoxe d'un vampire, cette créature invincible pouvant mettre à genoux toute vie, cantonnée à se rabattre sur ce que Lestat appellerait de la viande de second choix), de même la séquence, plus éloignée dans le film, d'éducation de Claudia, petite fille faite vampire par Lestat. Elle tue son professeur de piano -il s'effondre sur le clavier, comme pris d'un soudain endormissement- ou la couturière venue spécialement pour prendre ses mesures. Ces meurtres horribles, perpétrés qui plus est, par un enfant, berceau de l'innocence, sont à la fois d'une perversité absolue (l'usage, par Claudia, de sa nature enfantine, pour attirer les innocents) et décalés, de façon humoristique, par la façon dont le filme et le monte Jordan, épousant en cela le sentiment qu'éprouve la fillette. Elle, qui prend cette mascarade comme un jeu, dont elle serait, à chaque fois, la grande gagnante. Le sourire de la jeune Kirsten Dunst est, à ce titre, extrêmement ambigu.

    L'homo parentalité

    Évoquée dans le film (encore plus dans le livre), présente de façon sous-jacente, la relation incestueuse qu'entretiennent Louis et Claudia, constitue un autre angle d'attaque, donnant une bizarrerie sans nom aux déambulations fantomatiques du trio. La pulsion de meurtre, incarnant le désir, tout autant sexuel que mortifère, participe à cette ambiguïté jamais résolue. A ce premier duo, s'oppose la paire Louis / Lestat, traitée de façon clairement homosexuelle (l'air précieux et maniéré d'un Lestat aux longs cheveux blonds, Louis l'entretenant sans mot dire, les deux éduquant Claudia comme leur fille), apporte une couche signifiante supplémentaire, qui ajoutée à toutes les autres, font bien de Entretien avec un vampire beaucoup plus qu'un simple film fantastique utilisant le motif du vampirisme. Claudia, au fil des années femme prisonnière dans un corps d'enfant, aime réellement Louis, ce qui "justifie" la pulsion incestueuse, mais reste constamment dérangeante. Elle n'aura de cesse de chercher un modèle de féminité dont elle est dépourvue. Pour cela, elle figera cette beauté inatteignable, dans la mort -la servante- ou par le vampirisme -une belle femme au hasard, ici plus pour avoir un référent matriarcal.

    Entretien avec un vampire, le film, exploite bien, sans le dénaturer, les pistes foisonnates du roman, qui offre un fantastique comme on aimerait en voir plus souvent : construction au cordeau, facettes multiples, interprétation incroyable (mention spéciale à Tom Cruise et Kirsten Dunst). Les sombres abysses vers lesquelles nous plongent les vampires sont sans fins...

  • Dossier (1/2) : Entretien avec un vampire (1994)

    Un film de Neil Jordan

    4221832432_879d40940f_m.jpgLe réalisateur a eu le nez fin, au milieu de cette décennie 90, d'accepter de porter à l'écran le roman éponyme d'Anne Rice, qui adapte ici son propre récit ; Entretien avec un vampire reste aujourd'hui dans le cercle fermé des très belles fictions vampiriques du cinéma. Partisan d'une image léchée, Neil Jordan a notamment réalisé la marquante Compagnie des Loups (1984), conte macabre et gothique qui offre certains points d'achoppement avec cet Entretien ; malgré l'évidente réussite d'autres éléments de sa filmographie, on peut avancer sans peine que ce film de vampires reste aujourd'hui le sommet de sa carrière.

    Un fantastique littéraire

    Ainsi, alors que Dracula (F.F. Coppola, 1992) a remporté un franc succès, et que, dans le même temps, Kenneth Brannagh réalise sa version d'un autre grand mythe fantastique, Frankenstein (1994), Jordan se lance, tout autant que Anne Rice, dans l'adaptation du roman culte de l'américaine, qu'elle écrivit en 1976. On remarquera que, de la même manière que les deux films fantastiques pré-cités, Entretien avec un vampire entérine une fidélité à l'oeuvre littéraire jusque dans son titre ; si Coppola met en avant Bram Stoker et Brannagh Mary Shelley -les deux titres originaux se lisant bien Bram Stoker's Dracula et Mary Shelley's Frankenstein, les réalisateurs s'effaçant devant la paternité originelle de chaque récit, Jordan appose un plus discret mais très clair sous-titre à son Interview with a vampire : The vampire chronicles. Cet ajout, reprenant le titre intégral de l'oeuvre d'Anne Rice, induit le récit comme étant la première pierre à l’édifice d'une oeuvre plus grande, appelée à accueillir une suite, ce qui n’est toujours pas le cas jusqu’à présent.

    Mises en abîmes

    Armé de la plume érudite et assurée de la romancière, le film franchit un cap qualitatif et devient par là une adaptation très fidèle au texte d'origine. Utilisant le même procédé de mise en abîme, Louis le vampire narrant, à notre époque, ses aventures au micro d'un journaliste, le film y revient cependant moins que dans le livre. La relation journaliste (Christian Slater) / vampire (Brad Pitt) est cependant extrêmement intéressante en nous amenant sur les terres de la confrontation réalité / fiction, et de son impossible différenciation. A ce titre, une des séquences les plus réussies du film est consacrée à cette dichotomie, à savoir le théâtre grand-guignolesque des vampires parisiens, présidé par Armand (Antonio Banderas).

    Des amateurs assistent à un spectacle très macabre dont tous les acteurs sont des vampires qui jouent ... des vampires -les différentes strates de la mise en abîme deviennent vertigineuses ! Le clou du show est le sacrifice d'une jeune femme, bien réel, appelée à être dévorée par la horde de vampires. La fiction se confond ici avec la réalité, les spectateurs, dégoûtés, hésitant eux aussi quant à la teneur réelle des événements dont ils sont témoins. Les vampires jouent également au magicien, leurs pouvoirs leur permettant d’incarner cette magie (par la lévitation notamment), là où la frontière entre le fantastique et le réel indiscernable. Cette séquence, hautement traumatisante par sa mise en scène macabre, les vampires se jetant littéralement sur la victime innocente en une nuée noire d'insectes assoiffés, illustre le côté sombre et malsain que se permet le film, la fidélité à l’œuvre, là encore, primant sur le véhicule à stars. On y comprend toute l'emprise, la transe, ici plus démoniaque que réellement séductrice, dans laquelle les vampires tiennent leurs victimes. On découvre aussi les vampires en tant que groupe social constitué (le monde des vampires, dans le livre comme dans le film jusque-là, étant réduit aux personnages de Louis -Brad Pitt, Lestat -Tom Cruise et Claudia -Kirsten Dunst), une confrérie hiérarchisée, organisée pour survivre -la tenue même du spectacle garantissant chaque soir leur ration aux suceurs de sang.

    la suite ici

  • Le crime était presque parfait (1954)

    Un film de Alfred Hitchcock

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    Il fallait y passer tôt ou tard, à ce film qui donne son nom à ce blog. C’est, aussi bizarrement, le premier Hitchcock chroniqué en ces lignes. On ne l’avait pas revu depuis un bon moment, je dirais même que cela remonte à notre programmation de ce film au sein d’un ciné-club universitaire, en Avignon, aux alentour de la fin 2003. Notre souvenir en était un film plaisant, mais sans plus.

    Adapté d’une pièce de théâtre de Frederix Knott, auteur déjà utilisé par Hitchcock pour La Corde (1948), Le crime était presque parfait a des similitudes avec ce même film. Il s’agit d’abord de la perpétration d’un crime parfait, mûrement réfléchi ; Tony Wendice (Ray Milland) prépare depuis au moins un an le meurtre de sa femme, tandis que La Corde voit deux hommes tuer un total inconnu, raison même, pensent-ils, de leur innocence. Ressemblance assez frappante aussi, avec L’inconnu du Nord-Express (1951), dans lequel Guy Haines (Farley Granger), tennisman, comme Wendice, se voit proposer un échange de meurtres, poursuivant toujours l’idée de la stratégie soi-disant parfaite de ce crime.

    Histoire de meurtre donc, dont la présentation est un modèle d’économie narrative : un plan nous montre l’adorable couple Ray Milland - Grace Kelly s’embrasser, prendre le petit déjeuner, et le plan suivant nous montre le même baiser... sauf que le partenaire de Kelly a changé. Robert Cummings a pris la place de Ray Milland, et Grace Kelly est vêtue de rouge au lieu du blanc auparavant. L’image du couple idéal est démontée, et l’on sait désormais que sous les sourires de façade se cache un échec, celui du couple. Grace Kelly a l’air de s’ennuyer, tout comme Ray Milland, qui aura consacré un temps non négligeable aux préparatifs de son plan. On s’occupe comme on peut...

    La première demi-heure est extrêmement bavarde, Wendice expliquant à un pauvre gars comment il a réussi à la piéger pour l’obliger à commettre le meurtre de sa femme. On pourrait se croire dans un épisode de Columbo un peu fade, mais la précision de l’explication, les dialogues aux mots si bien choisis, repris de la pièce, garantissent que l’on soit toujours menés vers un objectif clair. Le spectateur découvre ici, au fur et à mesure du premier récit de Wendice, comment il a échafaudé tout son plan. Avec quelle soin il a paramétré chacune des éventualités de l’affaire. C’est là, dans la différence entre l’extrême préparation et l’échec progressif de chaque action, que le film est intéressant. Une montre arrêtée, un meurtrier bien lourdaud, une improvisation continue de Wendice / Milland pour pallier aux ratés du plan, ... Tout s’emboîte finalement avec tant d’intelligence que l’intérêt du spectateur est continuellement renouvelé. Alors, même si Hitchcock ne compte pas ce film parmi ces réussites (voir le livre Hitchcock / Truffaut, à ce propos très éloquent), le public l’aura consacré comme un succès. Premier Hitchcock de Grace Kelly (qui jouera aussi dans Fenêtre sur cour (1954) et La main au collet (1955), il est tout de même honorable.

    Si le film n’a pas la maestria visuelle de certaines réalisations du maître, certaines séquences sont très réussies, notamment celle du meurtre, commençant par cette montre arrêtée, et l’agression en direct au téléphone, un moment très bien géré. Entendre les cris étouffés de la victime, sans pouvoir rien y faire, n’est-ce pas le comble de l’horreur ? Ce ne l’est pas pour Wendice, qui, avec un accent bien sado-masochiste quand même, a attendu ce moment pendant des mois. C’est presque avec délectation qu’il reste pendu au téléphone, ne pipant mot, dans l’attente de la preuve sonore de la réussite du contrat.

    Un film qui assure le minimum syndical, mais un minimum syndical d’Hitchcock ; ce qui reste toujours le haut du panier, question suspense !

    Source image : affiche du film © Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr

  • L'Énigme du Chicago Express (1952)

    Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique du film :

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  • Collateral (2004)

    Un film de Michael Mann

    4177773215_07c8b6cbb2_m.jpgCinéaste talentueux, bien qu’un brin surestimé (Public Enemies n’est pas, à mon sens, ce chef d’œuvre moderne que tant de critiques s’évertuent à porter aux nues), Michael Mann aime le polar, et nous les rend bien. Sous influence thriller (Le sixième sens, 1988), son approche est toujours esthétiquement marquante, et nous vaut une expérience unique. Cela va comme un gant à ce Collateral majestueux, avec ses ambiances de nuits chaudes à LA.

    Le mystérieux Vincent (Tom Cruise) prend un taxi pour une virée nocturne bien particulière ; cinq arrêts, autant de contrats à exécuter. Son conducteur, complice malgré lui, est un rêveur déçu qui va expérimenter une véritable leçon de vie. Ce duo improbable forme un buddy-movie étrange et fascinant, où la ville forme un troisième personnage à part entière. La palette chromatique du film, assez rare, oscille entre les marrons, verts et violets, capté par un prototype de caméra  numérique, la Thomson Viper modifiée. Là se joue l’intérêt majeur de Collateral : on sent Mann en terrain d’expérimentation constant, façonnant des plans qui saisissent, avec la sensibilité particulière de l’objectif, les teintes de la nuit telles que le perçoit l’œil humain. Voir un quasi-désert est aussi en total décalage avec la ruche bourdonnante que devient Los Angeles en plein jour, donnant des allures westerniennes dans la jungle urbaine où se joue le duel entre deux personnalités antagonistes. A ce titre, la séquence qui voit Max (Jamie Foxx), le conducteur de taxi, ne pas stopper sa voiture malgré le dépassement de feux rouges, est symptomatique : il ne percute à aucun moment une autre voiture, bien que la tension soit présente à travers le regard du Vincent passager, perdant son calme pour la première fois.

    Mann signe une balade, très musicale et très tendue, laissant souvent une large place à l’architecture de la ville. Au-delà du visuel, la prouesse de l’enchaînement des plans est une sensation d’espace et de localisation très exacte, tant on a l’impression de savoir à chaque moment où est qui. Les plans aériens, où ceux au sol en contre-plongée, se lient à la perfection ; parfois, Collateral fait penser à cet excellent jeu d’action qu’est Grand Thieth Auto. Si on pousse plus loin les corrélations, les ressemblances sont frappantes : un trajet en voitures, des arrêts fréquents (qui rappellent les stop aux cabines téléphoniques dans les premières versions), des coups de feu, ... Les éléments du décor étant aussi importants que les acteurs qui y évoluent.

    Tom Cruise, y est méconnaissable. Perruque blanche, sourcils grisonnants, barbe... affublé de ce look, il n’a jamais joué comme cela : voix grave et sérieuse, corps monolithique, un prédateurs resserrant ses griffes sur des proies perdues d’avance. Magnétique, philosophe et toujours très concentré, préparé à tout et semblant invincible, il donne l’impression d’un lion. Ses réflexions profondes le font, de même, planer au-dessus du reste de la population. Et pourtant... il n’est qu’un exécutant, tueur à gages tenant ses ordres de plus haut. Tom Cruise donne dans ce film sa plus grande performance, avec La Guerre des Mondes, réalisé la même année, où il était, dans un autre registre, absolument bluffant.

    Dernier point, la musique, omniprésente, donnant le rythme des séquences, éclairant ça et là l’état d’esprit des personnes en présence, semblant sortir de la radio du taxi driver. Mann a toujours donné une importance prédominante à la musique, qu’on peut entendre dès Sixième Sens, jusqu’à Miami Vice et Public Enemies (où il reprend à son compte l’esprit d’un Bonnie & Clyde). Il trouve ici le liant indéniable d’une fable des temps modernes, prédateurs contre proies dans le désert de la civilisation.

    A lire aussi : la critique du film (bien différente) sur Nightswimming et chez Dr Orlof