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états-unis - Page 16

  • Quatre étranges cavaliers (1954)

    Un film d'Allan Dwan

    8616132963_7e696bce80_m.jpgCe western d'un réalisateur encore méconnu aujourd'hui est une superbe porte d'entrée dans le cinéma d'Allan Dwan. Réalisateur prolifique (il dirigea près de 400 films), il connu sa première période faste durant le temps du muet, dont il regretta la disparition. Puis, vint une seconde époque charnière : sa collaboration fructueuse avec le producteur Benedict Borgeaus, celle-là même que nous propose de découvrir l'éditeur Carlotta dans un formidable coffret, Allan Dwan : une légende d'Hollywood.

    Quatre étranges cavaliers exerce une véritable fascination, à partir de sa séquence d'ouverture : une banderole annonce la fête du 4 juillet de la petite ville de Silver Lode, et apparaît en même temps comme l'écran-titre du film (Silver Lode est le titre originale de l'oeuvre). Un groupe d'enfants s’amuse en lançant des pétards, lorsqu'ils sont dérangés par l'arrivée silencieuse mais menaçante de quatre cow-boys. La séquence, muette, met en place en un temps record les rapports de force qui vont sous-tendre tout le film. Ces cavaliers patibulaires apparaissent en fait comme un marshall, McCarthy, et ses adjoints, alors même que ces derniers traquent Dan Ballard, un homme respecté de tous. Les positions contradictoires des personnages vont aboutir à une confusion des statuts, Ballard se retrouvant suspecté de meurtre ; dès lors que les soupçons sont émis par des représentants de justice, ils deviennent vérité ou, tout du moins, vont rapidement faire basculer la réputation sans tâche de Ballard. L'expédition des quatre cavaliers, empreintes de gravité, offre un paradoxe saisissant avec les préparatifs de la fête du 4 juillet, et le mariage de Ballard, que l'équipée interrompt sans sourciller. La force des antagonismes est éclatante et vaut mille mots, alors même que la séquence est très peu bavarde. Tout au plus, ce sont quelques mots, toujours les mêmes, qui sont martelés par McCarthy : Où est Ballard ? On soulèvera ici un point d'intérêt dans ce cycle Allan Dwan / Borgeaus : la même équipe et certains acteurs se retrouvent d'un film ; notamment John Payne (Ballard), en héros taciturne.

    L'autre très bon point de ce western est le rôle réservé aux femmes : elles sont deux, Rose Evans et Dolly, à défendre Ballard contre ses accusateurs, de plus en plus nombreux. L'originalité étant la tension sexuelle qui règne dans ce trio amoureux improvisé : en effet, Rose Evans est la future femme de Ballard, la fille d'un des hommes les plus puissants de la ville. De l'autre côté, Dolly est l'ancien amour de Ballard, tout en étant clairement présentée comme une prostituée. La femme légitime et l'illégitime, l'honneur et le déshonneur social, s'allient par delà leurs différends. Les postures de chaque personnage s'imbriquent ainsi dans un tout étonnamment varié et mouvant, les plus fidèles n'étant pas, comme à l'accoutumée, ceux que l'on pense.

    La narration est menée tambour battant durant les 1h17 du métrage ; pas de fioritures, c'est du carré et de l'efficace. On notera la très belle gestion de l'espace par la caméra de Dwan, notamment dans la maison de Rose Evans (l'entrée, le séjour et la cuisine à l'arrière, tout en maintenant un lien constant avec l'extérieur. Le message sur les apparences, et et la facilité avec lesquelles la population se laisse manipuler, se clôt sur un constat plutôt amer et assez osé. Le cinéaste, enfin, nomme McCarthy le personnage négatif qui cherche à sonder, à la façon de son détesté homonyme, les mœurs d'une population dans ses dimensions les plus intimes. Un film assez fabuleux, pour une chronique à suivre du coffret paru chez Carlotta, qui comprend pas moins de sept opus.

    A lire aussi : la chronique d'Eric Maurel sur DVDClassik

  • Freddy 5 : l'enfant du cauchemar (1990) vs. Star Trek V : l'ultime frontière (1989)

    Deux films de Stephen Hopkins et William Shatner

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    Une histoire de suite

    Durant l'été 1989, à deux mois d'intervalle, deux suites de films se télescopent, portant chacune un numéro 5. Le chiffre est déjà conséquent dans l'exercice foisonnant de la séquelle, et aucune des deux franchise ne s'en arrêtera là : Freddy ira fièrement convoquer la mise en abîme dans Freddy sort de la nuit (Wes Craven, 1994), septième du nom (cela fait huit en comptant Freddy contre Jason, bastonnade en règle avec un autre croquemitaine fameux), tandis que Star Trek ira jusqu'à un dixième titre, Star trek : Nemesis (Stuart Baird, 2002) ; tout cela sans compter les récents remakes-redémarrage (en 2009 pour Star Trek, 2010 pour Freddy), pratique so 2010's  incarnant l'aboutissement terminal de la suite, l'univers du film y étant à chaque fois réinventé pour trouver un nouveau départ. 

    La synchronicité de ces deux univers se trouve donc ici, en 1989, alors que Freddy sévit sur les écrans de cinéma depuis 1984 avec la régularité d'un métronome (pratiquement un film par an), et que Star Trek a ressuscité (plusieurs fois) depuis son lancement originel en 1965.

    Freddy, depuis son démarrage en trombe (Les griffes de la nuit reste aujourd'hui l'un des meilleurs films de Wes Craven), a des fortunes diverses selon les années, la priorité étant donnée à la vitesse de sortie du prochain chapitre. Ainsi, après un deuxième épisode dont il ne me reste que peu de souvenirs, j'avais totalement accroché aux Griffes du cauchemar, avec la jeune Patricia Arquette et Laurence Fishburne prenant place dans un hôpital, où comme à l'accoutumée, l'endormissement est fatal. Les transitions rêves / réalités sont de plus en plus travaillées, plus imaginatives aussi : ainsi, dans cet Enfant du cauchemar qui nous intéresse aujourd'hui, un dessinateur, feuilletant des carnet de BD où il découvre la version dessinée des meurtres qui ont précédé, se voit lui-même intégré à une page, et disparaît dans un éclair en image par image. L'eau, élément clé chez Freddy, est encore de la partie avec une classique scène de douche. L'élément est en effet à la base de la mythologie de Freddy, sûrement par la symbolique du miroir, du reflet inversé, et aussi de la frontière. C'est ainsi un lieu de passage privilégié entre le monde du rêve et celui de la réalité. On se souvient du passage culte dans le premier film où la griffe de Freddy surgissait sournoisement du bain de Nancy Thompson, où bien le meurtre de la piscine bouillante dans le deuxième épisode, du waterbed, etc. l'aspect sériel, on le voit, offre aux esprits imaginatifs de multiples possibilités. 

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    Quel beau bébé... Il a les yeux de son père !

    Mais Freddy 5, à trop vouloir en faire, plonge dans un abîme de scènes ridicules. Ici, on aura droit pêle-mêle au récit des origines de Freddy, fruit de l'union d'une nonne et des pensionnaires d'un asile d'aliénés ; on est alors le spectateur désolé de la naissance d'un bébé-Freddy, aussi ridicule que le pitch de cet Enfant du cauchemar : l'héroïne du jour, enceinte, voit Freddy partout car il envahit les rêve de son fœtus -vues intra-utérines comprises.  

    La malédiction de la suite est sa rentabilité : une fois le filon trouvé, elles sont souvent moins bien budgétées, une partie des décors et des recherches (maquillages, costumes) ayant déjà été faits ; de même, les plannings de tournages sont plus serrés. Il n'est pas rare, dans la série des Freddy, que les scènes de rêves soient mise en chantier et tournées avant même d'avoir un scénario complet et approuvé. Le public d'alors pouvait avoir une overdose du personnage, car, outre les films, la série télévisée Freddy, le cauchemar de vos nuits (Freddy's Nightmares, a Nightmare on Elm Street: The Series) trustait les écrans de télévision entre 1988 et 1990.

    En termes de grand-guignol, de recyclage d'exploitation pure et simple, Freddy 5 marque en quelque sorte un sommet du n'importe quoi, un point de non-retour. Ce qui n'empêchera pas la suite de voir le jour...

    La saga Star Trek, elle, ne joue pas totalement sur le même terrain : sa mythologie s'est élaborée depuis le milieu des années 60 avec la série TV originale imaginée par Gene Roddenberry. Si bien que, dès le premier film de cinéma, Star Trek, le film, qui met en vedette le casting original, une part de la matière scénaristique est le vieillissement. On peut y voir, en filigrane, une lecture critique de l'exercice de la suite, éternelle resucée d'un sujet plus tellement original. Spock, Dr. Leonard "Bones" McCoy, et surtout le bouillonnant Kirk sont rattrapés par le temps qui passe. Et, alors que pour d'autres séries le visage du héros change périodiquement (James Bond, Batman), ici les acteurs originaux tiendront la barre jusqu'à Star Trek : Générations, sorti en 1994. 

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    Quelle motivation !

    Star Trek est un bon exemple des économies d'échelle possiblement réalisables : il suffit d'écouter un des commentaires audio d'un des films de la saga pour entendre l'énumération astronomique de décors réutilisés (la passerelle du vaisseau Enterprise, recyclée depuis le premier film), de costumes , ou bien même de certains éléments recyclés d'autres films. Ainsi, un des arrière-plans futuristes de Star Trek V n'est rien de moins que celui créé pour L'âge de cristal (Logan's run, Michael Anderson, 1976). Dans la même logique, les acteurs vont être mis à contribution pour réaliser plusieurs films de la saga : après Leonard Nimoy qui s'attela aux épisodes 3 & 4 (A la recherche de Spock et Retour sur la Terre, qui forment une trilogie avec La colère de Khan), c'est au tour de William Shatner, le capitaine Kirk en personne, d'occuper le poste de réalisateur sur L'ultime frontière. Et, comment dire... Nous avons un gagnant, pour l'épisode le plus mauvais de toute la saga cinématographique ! Pourtant, la combinaison acteur / réalisateur ne s'arrêtera pas là : Jonathan Frakes, Number One du commandant Picard dans Star Trek : The Next Generation, réalisera les épisodes Premier contact et Insurrection, respectivement opus 8 et 9 de la saga. Pour Shatner et l'épisode 5, Ça commence pourtant pas mal sur une planète extra-terrestre désertique, avec la rencontre d'un fanatique et de son gourou. Belle photo, beaux plans, personnages mystérieux et un poil flippant... Puis, patatras : on retrouve Kirk en train d'escalader le Mont Yosemite, assisté par Spock sur des aéro-glisseurs, et Bones qui le surveille de loin, frôlant la crise cardiaque. La réunion des papys prend un tour comique, voulu qu'en partie. Plus loin, on sera le témoin affligé d'un tour chantant au coin du feu, crépitant à la nuit tombée : le cœur du film d'après les spécialistes de Star Trek qui interviennent dans le commentaire audio du blu-ray... Cette réunion des anciens fait surtout peine à voir, quand on se rappelle les épopées cosmiques qui traversaient la première série, (bien qu'handicapées par un certain manque de moyens). 

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    Quelle motivation ! (bis)

    La personnalité de Sybock, un gourou qui envoûte les foules pour les guider vers un objectif pour le moins brumeux -et qui s’avérera être cette Ultime frontière du titre, est néanmoins intéressante : elle préfigure Soran, le scientifique épris d'immortalité joué par Malcolm McDowell dans Star Trek : Générations. Mais l'on peut se demander si l'intrigue, aux forts relents de mysticisme, a sa place dans l'univers de Star Trek. Pareillement, une scène dans un bar de la planète-désert ressemble beaucoup à la Cantina de Star Wars, plutôt qu'aux autres éléments présents dans les films Star Trek. Qui plus est, le film n'est pas aidé par certains effets spéciaux presque pathétiques (ILM, qui s'occupe habituellement de cette partie, n'était pas disponible aux dates de tournage), et certains effets construits en dur ne rendent vraiment pas justice à la mythologie (l'atterrissage catastrophe de la navette Copernicus dans un des sas de l'Enterprise). 

    L'ultime frontière a cela d'ultime qu'à l'instar de Freddy 5, elle constitue le point de non-retour de la saga... qui se portera mieux par la suite. Ainsi, à l'orée des 90's, se sont croisés deux mythologies qui ont traversés ensemble les années 80, et iront certainement encore plus loin. Pour le meilleur et le pire.

  • Classics Confidential : L'invraisemblable vérité (1956)

    Un film de Fritz Lang

    8548510502_6ec5d17530_m.jpgFilm jumeau de La cinquième victime, L'invraisemblable vérité sort la même année, et garde un petit rôle pour les médias, grand thème du précédent film. Ceux-ci vont relater avec moult détails le périple judiciaire que vit Tom Garrettt, ancien journaliste qui, pour faire "un bon papier" sur les dysfonctionnement de l'appareil judiciaire, crée les preuves de son implication dans le meurtre d'une jeune femme. ce point de départ, assez invraisemblable, fait du film non pas un polar, comme cela pourrait être le cas, mais démonte bien le mécanisme de falsification de preuves, comme un modèle inversé du film policier, où l'accent est généralement donné sur la recherche de preuve par une figure de l'autorité judiciaire : flic, détective, inspecteur d'assurances, etc. La cinquième victime partage donc aussi cet aspect faussement policier pour parler d'autre chose. Ici, les longs temps qui voient le complice de Garrett prendre les photos des preuves falsifiées, pour composer son dossier de demande de grâce une fois que Garrett sera inculpé puis condamné, fait montre du mécanisme machiavélique apparemment bien huilé qu'utilisent les deux compères. Ainsi, ils démontreront peut-être que le système d'inculpation de la justice américaine, se satisfaisant de preuves indirectes et que, "beyond a reasonable doubt" - titre original du film, "au-delà de tout doute raisonnable", un accusé peut être condamné injustement.

    Les ponts entre les deux films ne s'arrêtent pas là : on se souvient que le couple amoureux laissait sonner le téléphone dans le dernier plan de La cinquième victime. Dans une de leur première scène commune, Tom Garrett (Dana Andrews) et Susan Spencer (Joan Fontaine) sont face à un téléphone qui sonne, pour cette fois y répondre. Et leur couple va, durant les 1h20 du film, être mis à mal par l'aventure supposée de Garrett avec une jeune femme.

    La volonté de Garrett durant le film est difficilement compréhensible, comme il a l'air de s'embourber lui-même dans une affaire dont, très clairement il ne peut pas sortir indemne ; on sent ici poindre l'ombre du film noir, bien plus que dans La cinquième victime. Même avec ce que le spectateur recueille en matière d'informations, sa volonté ne peut être comprise que comme une pulsion sacrificatrice, et/ou masochiste. De plus, son mariage proche avec Susan devrait en faire un heureux homme : comme on le voit se lancer à corps perdu dans cette aventure, et dans la rédaction d'un livre (fil narratif qui sera cependant rapidement abandonné) qui met une barrière à leurs projets communs, sa passion pour elle a l'air peu aboutie. Mais le film est également sur le jeu des apparences, et comme on le sait, elles sont souvent trompeuses. Alors, même si l'on devine rapidement un des événements majeurs du film (le seul détenteur de la vérité de la falsification des preuves meurt accidentellement en emportant les preuves avec lui), les méandres de l'intrigue -qui, dans le dernier quart, prend la forme d'un film de plaidoirie- nous révèle quelques surprises. 

    Comme le relève justement Bernard Eisenschitz dans le fabuleux livre proposé en complément, toute la valeur du film se situe dans l'écart entre ce qui est dit et montré au spectateur, et ce qu'il ne sait pas. Ainsi, certains révélations faites par l'accusation lors du procès viendront soit conforter le savoir du spectateur, ou alors il se satisfera intégralement des réponses apportées par Garrett. Le cheminement pour arriver à la vérité est tout de même tortueux, pour au final justifier une institution que Lang semble tout de même accuser, étant lui-même totalement opposé à la peine de mort, comme le personnage de l'éditorialiste complice de Garrett.

    Si je ne révélerai pas la fin du film, tout au moins puis-je avancer qu'elle préfigure les films à twist qui étaient fort peu répandus au milieu des années 50 ; dans le même temps, le procédé peut sembler malhonnête, allant à l'encontre de tout ce qui a précédé. Ce serait manquer pas mal d'indices qui sont semés tout au long du film. Mais Lang, en grand maître de la rhétorique cinématographique, démontre aussi, si besoin l'était, de l'immense force de persuasion de l'objet film. Et, rien que pour cela, cette Invraisemblable vérité vaut le coup d'être vue !

  • Classics Confidential : La cinquième victime (1956)

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