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états-unis - Page 17

  • Django Unchained (2012)

    Un film de Quentin Tarantino

    8522239378_685868f03f_m.jpgUn film de Tarantino, aujourd'hui, c'est un peu un genre en soi ; quand on va voir "un Tarantino", peu importe de quoi ça parle, ni de quel genre il s'agit. On sait qu'on va retrouver un monde bien particulier, peuplé de personnages truculents, débitant du dialogue intelligent à tour de bras, sur une musique furieusement in ; sans oublier la maîtrise du cadre, toute cinéphile, du jeune Quentin (qui a pris un peu depuis, question âge et tour de taille).

    Pour autant, on perçoit une mutation sensible dans le cinéma du bonhomme. Axé sur le brutal, les images-chocs (Reservoir Dogs, Pulp Fiction), ses histoires étaient ramassées autour d'éléments micro-historiques. La petite histoire de gangsters (Pulp Fiction), une quête de vengeance toute personnelle (Kill Bill vol.1&2), la vie chaotique d'une hôtesse de l'air (Jackie Brown). Depuis Inglorious Basterds, ces destinées individuelles croisent la grande histoire : la seconde guerre mondiale et la lutte contre les nazis, puis aujourd'hui l'esclavagisme ; grande histoire dans laquelle les personnages principaux cherchent (et obtiennent) une revanche toute uchronique. Cette uchronie donne un ton inédit au cinéma de Tarantino : celui d'une tordante comédie, qui s'accommode de séquences humoristiques presque sitcosmesques. Brad Pitt qui baragouine de l'allemand dans Inglorious Basterds, ici une chevauchée de membres du Ku Klux Klan ou Django, "lhomme trop bien sapé", sans parler des effets dévastateurs des armes du duo de chasseurs de primes : les victimes sont projetées comme si elles étaient percutées par un train. Enfin, pas toutes, les vrais méchants ne meurent qu'avec un miniscule trou rouge qui s'agrandit fort peu, et en silence. Tarantino, réalisateur de comédies ?

    A la violence viscérale des débuts, les excès d'aujourd'hui accompagne cette comédie. Auparavant douloureuses, les exécutions revêtent des atours séduisants, repeignant les murs à la façon d'un Pollock. Le cinéma de Tarantino apparaît aujourd'hui comme plus rangé, plus plaisant, plus grand public. Rien d'étonnant à ce que son dernier opus soit également son plus grand succès : Tarantino, parti de la périphérie, a rendu ses excès mainstream. Ou bien, c'est le cinéma mainstream qui s'est emparé des codes de violences made in Tarantino.

    Django est donc un jouissif mélange des genres, habité par ses personnages (excellent Christoph Waltz, qui n'a pas volé son oscar, mais n'oublions pas Jamie Foxx, très bon en esclave vengeur). L'ampleur est véritable, et la touche Tarantino toujours présente. Existe-t-il pour autant une recette miracle, une formule clé en main ? La réussite de ses films recoupe un ensemble de choix pertinents, en plus du talent indéniable du cinéaste. Le casting, la musique, la maîtrise de la narration, importe ici plus que la simple originalité de l'histoire. Mais, plus que tout, c'est la personnalité de Tarantino qui se détache de l'ensemble. La séance de cinéma devient une rencontre privilégiée avec son auteur. Correspondant en tous points à la fameuse politique des auteurs développée par Truffaut dans les années 50, on ne s'étonne pas non plus du grand succès de Tarantino dans l'hexagone : il plaît, autant au public qu'aux élites (aux dernières nouvelles, son Pulp Fiction est toujours la Palme d'or la plus vue au cinéma) : cette rare alchimie ne peut pas être formulée, reproduite. C'est ça aussi, le talent de Tarantino.

    Ah, une dernière chose : Django Unchained est un western, dont le personnage est repris d'un film fondateur du western italien, Django (Sergio Corbucci, 1966). Tout de même...

    Autres chroniques (de points de vues assez différents), lues sur Inisfree, Nightswiming et Sur la route du cinéma.

  • Hôtel Transylvanie (2013)

    Un film de Genndy Tartakovsky

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    Premier long d'un génie du (très) court -Samourai Jack ou la première série Clone Wars-, Hôtel Transylvanie suscitait une certaine attente ; cette aventure fantastique, revisitant les monstres mythique du cycle Universal des années 30-40, déçoit pourtant de bout en bout.

    La technique d'animation sans conteste le point fort du film ; en image de synthèse 3D, elle permet à Tartakowsky de tester un rendu cartoonesque, dont l'aspect le plus flagrant est la déformation / déstructuration de l'anatomie des personnages, qui leur donnent des expressions exagérées. Pour autant, le character design est très sage et ressemble beaucoup à celui de Moi, moche et méchant ou Le Lorax. Mention spéciale tout de même à la cape de Dracula, à la texture soyeuse palpable, et bien animée. Ce parti-pris graphique va de pair avec un rythme mené au pas de charge, enchaînant les mini-gags, plus visuels que de situation. Et ce qui fonctionne très bien dans un format court montre ici ses limites tant le long-métrage demande un minimum de construction narrative. 

    Les monstres sont hébergés chez l'ami Dracula et sa fille Mavis, dans un château qui fait office de rempart contre les humains, dépeints par le maître des lieux comme intolérants. Pour le prouver à sa fille, il n'hésite pas à créer un village de toute pièce, peuplés par ses amies zombies qui portent des masques d'humains dégénérés... Là dessus, un jeune homme va réussir à s'introduire dans l'Hôtel Transylvanie, et devoir se faire passer pour l'un d'entre eux. Le semblant d'histoire ne va pas plus loin, et la sous-intrigue en forme de love-story n'arrange rien : tout y est extrêmement convenu. Le décalage voulu sur la notion de normalité n'est pas vraiment exploité ; quant à la drôlerie de l'ensemble, on restera circonspect : les crises de fureur de Dracula, maintes fois répétées, laissent froids. L'histoire se veut fantastique, mais n'émerveille pas. alors oui, le réalisateur s'amuse avec son univers modélisé en 3D, certaines séquences sont dynamisantes (les tables volantes dans la salle de banquet), mais rien fait : on s'ennuie ferme devant ce défilé stromboscopique de gags en kit, d'histoire à monter soi-même. Et ce n'est pas le final, d'une facilité et d'un conformisme exaspérant, qui nous fera revoir notre copie. 

  • Classics Confidential : Le rôdeur (1951)

    Un film de Joseph Losey

    8453062747_bb66fc391e_m.jpgContinuons aujourd'hui l'exploration de l'excellente collection créée par Wild Side Video, qui, on le rappelle, ajoute judicieusement un livre bourré de photos et d'anecdotes de tournages au film en DVD. On pourra sans mal rapprocher cette publication de celle, antérieure, de He ran all the way (Menaces dans la nuit), sorti la même année que Le rôdeur

    Les deux films ont souffert de la chasse aux sorcières, c'est-à-dire la traque des affinités communistes chez les gens de cinéma par la HUAC (House of Un-American Activities Committee). Le plus célèbres de ceux qu'on appellera rapidement les Hollywood Ten, ceux qui furent convoqués pour balancer leur collègues, fut le scénariste Dalton Trumbo, officiellement blacklisté de toute production cinématographique. Pour autant, il ne cessera pas de travailler, enchaînant même le plus grand nombres de contrats possibles, acceptant des salaires ridicules n'ayant qu'un lointain rapport avec sa notoriété. Il n’apparaît alors pas au générique, laissant la place à des prête-noms.

    D'autre part, le producteur Sam Spiegel (qui montera plus tard Sur les quais, Le Pont de la rivière Kwaï ou Lawrence d'Arabie) était à l'époque en délicatesse de paiement, avec sa société Horizon Pictures, créé avec le réalisateur et scénariste John Huston. Le producteur adopta lui aussi un faux nom transparent pour la circonstance, S.P. Eagle, et signa le film de Eagle Productions.

    Le rôdeur est à l'arrivée un pur film noir, avec notamment un personnage de flic assez pervers joué avec un malin plaisir par Van Heflin. Représentant de l'autorité, il n'en est pas moins toujours sur le fil, tant il se confond avec le rôdeur du titre. La relation qu'il entretient avec Susan Gilvray, une femme mariée qui a l'air de tout faire pour le repousser, est très complexe, faite d'un mélange amour/haine qu'on peut aisément rapprocher du sado-masoschisme le plus total ; tout cela dans les limites de ce que permettait le Production Code de l'époque. Susan, le visage comme perlé de sueur, est cette femme qui "a toujours chaud". Pour sa première apparition, elle n'est vêtue que d'une serviette de bain, qu'elle conservera pendant son entretien avec deux policiers venus pister un rôdeur qu'elle avait signalée.

    La subversion transpire, telles les gouttes de sueur de Susan sur son front ; Le personnage de Van Heflin s'appelle Webb (la toile), et va, telle une araignée, tisser son réseau d'influence sur elle pour parvenir à ses fins. C'est un voyeur pervers, et Susan une femme privée de sexe qui n'attend qu'une occasion pour que sa passion déborde. 

    Le décor alterne entre espaces clos et restreints (la salle de bains de Susan, l'appartement de Webb), puis fait exploser les limites des lieux dans la dernière partie du film, dans une ville fantôme secouée par des rafales de vents qui s'insinuent dans tous les coins. Accompagnant ce mouvement, Van Eflin devient de plus en plus incontrôlable ; si, dans une séquence de la première partie, il prend sur lui et écoute attentivement son ami collectionneur de vieilles pierres, c'est à peine s'il le reconnaîtra lorsqu'il recroisera sa route dans le dernier acte.

    C'est une histoire passionnelle, une histoire de meurtre, une narration en cercles concentriques qui précipitent ses protagonistes vers une fin certaine, dans la plus grande tradition du genre : réalisée dans l'urgence et la quasi-clandestinité, Le rôdeur est un excellent film à découvrir de toute urgence.

    Vous retrouverez plus d'informations dans l'excellent livre joint à l'édition DVD, Clandestine Grandeur, écrit par Eddie Muller, un spécialiste du film noir.

  • Les lois de l'attraction (2002)

    Un film de Roger Avary

    8439799417_8f7100afce_m.jpgLes destinées d’une galerie de personnages, des jeunes riches désabusés ne jurant que par le sexe, l’alcool et les drogues. 

    Cette adaptation d’un bouquin tendancieux de Bret Easton Ellis paraissait irréalisable, tout comme l’était American Psycho (qui a enfanté d’un film bancal, très loin de la folie schizophrénique que distillait l’œuvre originale). Cependant, la surprise est agréable, à la mesure de l’enjeu : les thèmes chers à Ellis (les récits croisés, la peinture d’une société pourrie de l’intérieur que rien ne peut guérir) sont bien présents, secondée par une caméra virevoltante et gourmande de trouvailles visuelles assez impressionnantes. 

    Le tour de force de ce film, en même temps que son défi, est qu’il fustige constamment son propre public ; la génération dont il se fait l'écho, ces étudiants américains des années 80 n’ayant pour seule valeur la recherche du plaisir immédiat et la provocation, c’est ce public qui est attiré par ce type de film. Il suscite une interrogation légitime quant à cette fallen generation, mais plus globalement sur l'évolution des sociétés contemporaines, et sur la façon dont elle se consomme (et se consume) elle-même. Bien que datant maintenant d'une vingtaine d'année, le constat n'en est que plus criant d'actualité aujourd'hui.

    L’ironie jubilatoire du film réside également dans l’usage paradoxal des vedettes du petit écran américain, James Van Der Beek, transfuge de Dawson, Jessica Biel de Sept à la Maison (qui ne s'en est pas trop mal tirée depuis), ou encore Ian Somerhalder qu'on a pu croiser depuis dans Lost ou Vampire  Diaries, font un casting très orienté. Voir ces symboles d’une Amérique stéréotypée dans des rôles de déjantés rajoute à la force du propos. A guetter absolument : l'apparition délirante de Paul Williams, le Swan du très culte Phantom of the Paradise (Brian De Palma, 1974), en médecin manquant singulièrement de professionnalisme.

    Pour conforter le spectateur dans cette ambiance des années 80, la BO est New Wave en diable, The Cure et Blondie en tête. C’est à la fois terrifiant, nauséeux, acide, caustique, cruel, mais au final novateur et juste, avec un petit côté Tarantino (le dealer surexcité joué par Clifton Collins Jr.). Ce n’est pas un hasard quand on connaît la carrière de son réalisateur, Roger Avary : collaborateur de Tarantino sur Reservoir Dogs et surtout Pulp Fiction, il crée un sacré phénomène avec son premier film, Killing Zoe, un grand moment de trash déjanté. Les lois de l'attraction nous jette à la figure, encore aujourd'hui, sa noirceur terrifiante, en même temps qu'une ambiance survoltée parsemée de séquences mémorables. Hautement recommandable !