Un film de Roy William Neill
Sherlock Holmes, épisode 4 : Cette Arme secrète marque l’arrivée dans la série du réalisateur américain Roy William Neill, qui tournera l’intégrale de la série à partir de ce film-ci (11 films !). La direction ne change pas franchement, si ce n’est certains plans originaux en oblique dans les fondus enchaînés, sur la forme. Notons que ce réalisateur se sera spécialisé dans le serial, tout en signant notamment l’improbable cross-over Frankenstein rencontre le Loup-Garou (1943).
Cette direction qui ne change pas, c’est déjà la fausse adaptation d’une nouvelle de Conan Doyle ; pour aujourd’hui, il s’agit de Les hommes dansants (The Dancing Men), récit assez fascinant dont on se doute tout de suite ce qui sera retenu dans le film : de mystérieux petits bonhommes dessinés apparaissent dans une maison, qui commencent à vriller l’esprit d’une jeune femme... On ne retrouvera donc que ces mystérieux symboles... qui se transforment en messages codés autour d’une arme convoitée par les nazis ! Rien à voir donc. Il aurait donc été plus honnête d’écrire "Inspiré par" plutôt que "Adapté de", tellement la situation de l’époque transpire et s’impose sur le matériau d’origine.
Sherlock Holmes démarre directement dans le déguisement, d’un vieux marchand de livres proposant sa camelote à deux individus assez louches... ah ! Les fameux nazis ! Mais c’est une couverture évidemment, qui force le trait de cette belle mise en abîme en introduction. L’objet de toutes les attentions est le viseur Tobel, du nom de son inventeur, chez lequel se rend d’ailleurs Holmes, sitôt le rendez-vous terminé. Réussissant à contrecarrer les plans des fielleux nazis, ils s’envolent pour une Londres dévasté par la guerre, jusqu’au seuil du 221 B Baker Street. Gravas et briques démantelées plantent un décor de désolation. Une fois le viseur éprouvé par des essais concluants (on y observe toujours les stocks shots de l’armée, qui rapprochent les spectateurs de leur expérience quotidienne, ou en tous les cas rappellent un danger bien réel, donc plus prenant), le scientifique disparaît, laissant Holmes dans l’embarras avec la fameuse note énigmatique griffonnée des petits hommes dansants. Des symboles qu’on a bien trop tôt fait d’identifier comme un code, s’alignant bêtement comme sur le canevas d’une lettre, alors que la nouvelle ne livre pas plus de quelques symboles à la fois, toujours sur une seule ligne, laissant planer le doute beaucoup plus efficacement que dans le film.
On voit aussi, dans le déroulement de l’intrigue, l’apparition troublante de Moriarty, laissé pour mort à la fin des Aventures de Sherlock Holmes, qui plus est sous l’apparence de l’acteur Lionel Atwill ; c’était George Zucco qui incarnait le nemesis du détective auparavant, alors qu’on avait déjà croisé Atwill dans le premier épisode de la série, Le Chien des Baskerville, dans le rôle du docteur Mortimer. Un chassé croisé qui ne touche pas à sa fin ici, puisque Zucco apparaîtra l’année suivante dans Sherlock Holmes à Washington, dans les habits d’un certain Richard Stanley... Une histoire en série à l’intérieur d’un serial à rebondissement !
Comme si le premier déguisement de Sherlock Holmes ne suffisait pas, Ce dernier revient à la charge dans le dernier tiers du film, affublé d’une casquette de marin et de cirage pour simuler une peau hâlée par les croisières autour du monde... Au-delà de la performance d’acteur (réelle) de Basil Rathbone, le travestissement devient le running gag de la saga, aux dépens du naïf Watson qui ne reconnaît jamais son bon ami. Pas si éloigné que cela des récits de Doyle, cette transcription fait sens à l’écran et offre les très bons moments d’une saga pour l’instant inégale.
La (fausse) fin de Holmes, soufflée par lui-même, à un Moriarty finalement loin d’être aussi ingénieux que Holmes (il perd totalement de sa superbe par rapport à sa première apparition, au début des Aventures de Sherlock Holmes), sonne le dernier round d'un épisode plutôt enlevé. Allez, au suivant !
Précédents films chroniqués :
Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
Les aventures de Sherlock Holmes
Sherlock Holmes et la voix de la terreur
polar - Page 6
-
Sherlock Holmes et l'arme secrète (1942)
-
Sherlock Holmes et la voix de la terreur (1942)
Un film de John Rawlins
Le troisième opus de la série est tourné en 1942, alors que les premiers films avaient été terminés avant le début de la guerre. Après quelques années de pause, c’est la Universal qui reprend le flambeau, laissé par la 20th Century Fox. Toujours Basil Rathbone, toujours Nigel Bruce pour le duo Holmes / Watson, mais quelque chose a changé...
Sherlock Holmes and the Voice of Terror est le premier film se passant à une époque contemporaine au tournage ; de ce fait, le Sherlock Holmes du jour embrasse son appartenance au serial, devenant le héros qui sauve l’Angleterre d’Hitler. En effet, au même titre que certains super-héros qui vont casser du nazi à longueur de comic strips, Holmes incarne l’ultime rempart contre l’horreur. Exit donc la houppelande, la casquette caractéristique et la pipe, bienvenue au chapeau melon et au costume trois pièces ; son fameux chapeau deerstalker n’étant d’ailleurs pas présent dans les textes, mais dans les illustrations qui accompagnaient les ouvrages. Il porte souvent un haut de forme, ou d’autres couvres chefs lors de ses nombreux déguisements. Hormis cela, le détective reste le même, recevant souvent en simple robe de chambre, et, sur le plan comportemental, toujours adepte de la tirade mitraillette, sa langue suivant assez bien la cadence folle de son esprit.
Adaptation de la nouvelle Son dernier coup d’archet (His Last Bow), paradoxalement une des dernières nouvelles consacrée à Sherlock Holmes par son créateur. Ce début du Sherlock Holmes moderne est adapté d’un récit qui voit une des dernières missions du détective dans la chronologie des récits de Conan Doyle. Ce dernier peint un Sherlock Holmes vieillissant, et joue d’un subterfuge qui renouvelle totalement le procédé de ses romans / nouvelles : on ne découvrira que dans la dernière partie qu’un des personnages principaux, traître apparent à la nation britannique, est en fait le célèbre détective. Dans le livre, Sherlock sort de sa retraite pour venir à la rescousse du gouvernement ; pendant plusieurs années, il emprunte le déguisement d’un espion en renseignements, en réalité pour piéger le plus dangereux informateur des Allemands (sachant que le roman se déroule pendant la première guerre mondiale, le film pendant la seconde). D’une trame extrêmement originale, le film ne garde malheureusement que des détails insignifiants (le nom d’un des protagonistes), pour nous raconter finalement tout à fait autre chose : un appel radio qui semble commander à distance une armée invisible mais bien réelle, disséminée dans le Londres de 1943 : sur fonds de stock-shots (explosions, scènes de foule), cette fameuse voix de la terreur provoque des catastrophes impossible à endiguer pour le gouvernement. Holmes va donc mener l’enquête, et suit une trame somme toute basique ; ses déductions restent classiques et peu inventives. Notons tout de même, en traître nazi, les débuts de Thomas Gomez, tronche de méchant vue dans quelques bons films noirs, dans Les mains qui tuent (Robert Siodmak, 1944) ou Key Largo (John Huston, 1948).
De façon tout à fait étonnante, le film conclut sur la tirade de la nouvelle, mais qui prend un sens différent ; voici ce que déclame Holmes dans les deux cas :
- Mon bon vieux Watson ! Vous êtes l’unique point intangible d’une époque changeante. Un vent d’est se lève néanmoins, un vent comme jamais il n’en a soufflé sur l’Angleterre. Il sera froid et cruel, Watson, et un bon nombre d’entre nous disparaîtrons avant qu’il ne retombe. [...]
In Son dernier coup d’archet, Trad. D’Eric Wittersheim, Ed. Omnibus, 2006 (édition originale 1917)
Alors que dans le livre, la tirade sonne comme un adieu entre Holmes et Watson, à l’aube d’un changement de société, il résonne dans le film comme la mainmise du nazisme sur l’Angleterre que peut-être, Holmes seul peut enrayer. Tout cela n’a donc vocation qu’à soulever le patriotisme des foules pour une issue favorable de la guerre, ce qui en soit n’est pas condamnable. Ce qui l’est plus, c’est de faire le choix de ne pas adapter la nouvelle qu’on prend pour socle scénaristique ; une déception donc, pour ce troisième épisode bien vide.
Films de la série déjà chroniqués :
Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
Les aventures de Sherlock Holmes -
Les aventures de Sherlock Holmes (1939)
Un film de Alfred Werker
Second film du duo Basil Rathbone / Nigel Bruce, produit par la 20th Century Fox après Le Chien des Baskerville, Les aventures de Sherlock n’est pas adapté d’une nouvelle ou d’un roman de Conan Doyle, mais d’une pièce de théâtre éponyme de William Gillette.
Le film nous dévoile dès ses premiers instants l’ennemi juré de Sherlock Holmes, Moriarty. Petite barbe, l’air d’un notable, il déjoue le fonctionnement de la justice et se voit acquitté au procès d’un crime qu’il a, de toute évidence, perpétré. Sherlock Holmes arrive trop tard à la cour pour prouver sa culpabilité. L’invincible Sherlock Holmes est ainsi mis en échec dès le début, asseyant le caractère machiavélique de Moriarty, mais tout autant génial dans le registre du crime, que notre détective privé dans la résolution d’énigmes. On suit d’ailleurs dans un premier temps le fameux Moriarty dans son spacieux bureau, où l’on découvre un original obsessionnel, passionné de fleurs : ses locaux en sont envahis, et seront d’ailleurs cause d’infortune pour Watson, toujours très bonhomme. Ce dernier continue dans sa lancée de personnage comique, voire burlesque, tel un Oliver Hardy échappé de son duo, dans l’exercice d’un comique de gestes très réussi. La séquence pendant laquelle il prend la pose à plat-ventre sur la chaussée, sur les ordres de Holmes, est réjouissante au possible, de ce sens de la comédie aujourd’hui rare, jouant sur la répétition et un timing très élaboré. Les puristes crient au blasphème, Watson étant d’une consistance intellectuelle sans comparaison dans les récits de Conan Doyle. Ici, sa verve et son air ahuri donne du relief à la brillante mais néanmoins un brin monotone, du bon Holmes.
Sherlock Holmes, de son côté, est aux prises avec deux affaires : un vol de bijoux, et une sordide histoire de meurtre. Un leitmotiv languissant et morbide se fait entendre, une musique de mort à la flûte, jouée en mineur par un mystérieux individu dont on ne voit d’abord que l’ombre ; plus mystérieux encore, il accompagne invariablement la mort de la personne qui l’entend. Cette même personne aura d’ailleurs reçu, quelques jours plus tôt, une lettre qui l’avertissait de son proche destin funeste...
Les deux cas ne seront finalement qu’un écran de fumée créé par Moriarty dissimulant son véritable but. La compétition que se livrent les deux hommes est intéressante : chacun semble avoir trouvé un adversaire à sa (dé)mesure. A l’obsession des fleurs de Moriarty, Holmes répond par une étude tout aussi bizarre du comportement des mouches, auxquelles il fait subir des gammes chromatiques au violon, pour découvrir à quelle fréquence elles sont sensibles (dans les romans, sa fascination va vers le comportement des abeilles). Ainsi Moriarty, à moitié par provocation, se déguise, non pas en rajoutant un quelconque accessoire à son apparence, mais en rasant sa barbe. Il deviendra alors un agent de police à l’air respectable, qui lui permet de perpétrer son crime. Sherlock Holmes, de son côté, joue aussi du déguisement, en se faisant passer pour un comique au sein d'un cabaret, tout cela dans le but de pouvoir parler à un témoin important de l’affaire. Cette sorte de fantaisie, ajoutée au fait qu’on doute véritablement de l’identité de Sherlock et Moriarty une fois déguisés, emmène le spectateur vers un monde étrange, peuplé de faux-semblants où tout est possible.
Les aventures de Sherlock Holmes marque le dernier film d’époque, c'est-à-dire utilisant un décorum fin XIXème. Les opus suivants, produits à partir de 1942 par Universal, utiliseront un décor contemporain à la période de tournage. Si l’époque change, il n’en sera rien pour Sherlock Holmes, roc de déduction logique dont ces aventures cinématographiques ne déçoivent pas !Source image : affiche du film, © 20th Century Fox
-
Le Chien des Baskerville (2/2) : du livre... au(x) film(s)
Suite de la première partie consacré à l'adaptation du roman de Conan Doyle.
Le Holmes de Basil Rathbone est très fidèle, dans ses lignes de dialogues comme dans son attitude générale, au génial détective des récits de Conan Doyle. Précis, affûté, il n’en oublie pas moins d’agir en être humain. Cette caractéristique est prise en défaut chez Terence Fisher, où l’inusable Peter Cushing offre son visage à Holmes. Plus dur, plus sec, il met une distance constante entre lui et les personnes qui l’entoure. De même, la relation qu’il entretient avec Watson est bien moins chaleureuse, moins maître/élève et plus maître/domestique.Ainsi, la séquence initiale dans laquelle Holmes se sert de la canne pour faire passer un test de déduction à Watson est tout à la gloire de Holmes, qui devine tout en un clin d’œil, alors que la version de 1939 retranscrit ce passage quasiment mot à mot dans le texte. Les retrouvailles de Watson et Holmes, en mileu de film, seront là aussi empreinte d’une certaine dureté (Holmes reprochant tout de suite à son compagnon de ne pas être auprès de Sir Henry pour veiller sur lui), alors que dans la version de 1939, Holmes montre sa joie de retrouver son ami, par un échange de questions / réponses drôle et raccord avec le personnage, même si le dialogue ne pré-existe pas au film. Holmes n’apparaît pas déguisé dans cette séquence, alors que c’est bien le cas dans le livre et donne lieu à une méprise de plus. Fisher apporte sa contribution à l’histoire, en multipliant les quiproquos, les méprises entre personnages, dont le roman fait déjà état à trois reprises ; mais son scénariste va se permettre d’en rajouter. D’abord la fille Stapleton qui interpelle Watson sur la lande en croyant parler à Sir Baskerville, puis la découverte d’un corps sans vie, identifié une première fois sur la foi de ses vêtements, puis une seconde : ce n’est pas celui qu’on croyait ! De même, la figure longiligne qui arpente les flancs de la lande ne sera pas une tête inconnue... Ensuite, de façon inédite, c’est Sir Henry Baskerville qui va prendre Holmes et Watson pour les responsables de l’hôtel où il est descendu, puis plus tard Frankland qui croit que Holmes est là pour réparer son télescope ; un jeu de dupes où tout le monde n’est pas celui que l’on croit... Grâce à ces changements, le scénariste accentue les faux-semblants et le trouble qui règne quant la résolution de l’affaire.
Si l’on ne s’étonne pas de voir certaines péripéties supprimées par des contraintes budgétaires et de temps de projection (dans les deux films, Laura Lyons, fille du vieux Frankland et maîtresse de Stapleton, disparaît totalement, ainsi que le commissaire Lestrade, qui vient en aide au duo dans la dernière partie du livre), l’ajout d’aspects tout à fait étrangers au livre sont déconcertants : dans le premier film, on note l’apparition d’un nouveau personnage, la femme du docteur Mortimer, médium aux yeux écarquillés et menaçants, qui va nous offrir une séance de spiritisme. Le film montre quand même par ce biais l’ambiance fantastique du récit, et confronte l’idéologie scientifique à celle des croyances occultes de façon encore plus physique que dans le livre. Cependant, ce personnage s’ajoute à la liste déjà longue des mines patibulaires du film (le couple Barrymore, ici renommé Barryman, tout en œillades théâtrales, le professeur Mortimer). Les Stapleton sont ceux qui ont le droit au plus de changement : frère et demi-sœur ou père et fille, alors que le livre nous les peint en frère et sœur ; de même, Frankland, le vieil homme un peu fou (il poursuit n’importe qui en justice pour des aberrations) qui surveille tout sur la lande avec sa longue-vue, devient dans le film de Terence Fisher un pasteur qui se passionne pour les insectes et autres petits animaux. Il prend ici les caractéristiques échues à Stapleton dans le roman. Des contractions (plusieurs personnages deviennent un) à l’éclatement (des répliques dites par une personnes sont redistribuées pour d’autres), en passant par la substitution -l’épisode du fiacre est remplacé par "le coup de l’araignée" dans le film de Fisher-, le travail d’adaptation est visible et parfois étonnant. Il est nécessaire, ne serait-ce que pour distribuer un peu plus largement les cartes pour que Holmes et Watson ne restent pas seuls dans l’action, ce qui est tout de même le cas dans le livre. Le simple fait que Watson soit le narrateur suffit à prendre conscience du caractère très concentré du livre, en terme de personnages, même si la galerie complète est plus étoffée que dans les films. Et si, par ailleurs, des péripéties seront supprimées (contraction de temps, deux nuits devenant une seule), et d’autres ajoutées (Holmes prisonnier dans l’antre de la bête, la séance de spiritisme), cette version réalisée par Sidney Lanfield est bien plus fidèle que celle de Fisher.
Fisher pose clairement sa marque dans sa version de 1959 : le récit de la légende, montrant Si Hugo de Baskerville poursuivre dans la lande une jeune fille qu’il avait préalablement enlevée, commence par des violences commises sur un vieil homme pauvre, entourés par des nobles s’esclaffant et buvant du vin. Si la troupe existe dans le roman, cette persécution en est absente, et préfigure le début de La nuit du Loup-Garou, réalisé deux ans plus tard par le même Fisher : un clochard y est le jouet d’une bande nobles. On retrouve ainsi la connotation sociale chère au réalisateur.
Du côté de l’image, ceux qui connaisse le travail de Terence Fisher chez la Hammer ne seront pas dépaysés : costumes flamboyants, cheveux tirés à quatre épingles, décor de studio et effets spéciaux voyants, donnant à voir un vrai monde de cinéma. Gros plans de personnages enfiévrés s’accompagnent de plans larges sur la lande, moins mystérieuse ceci dit que dans le noir et blanc brumeux du premier film. Là, les techniques de tournage sont certes différentes -on préfère alors des plans américains, voire prenant le personnage de pied en cap, s’adaptant plus facilement au format 1.33-, mais l’aspect quasi mythologique de la lande, avec ces vestiges du néolithique et ses frontières qui s’effacent dans le lointain, sont absolument superbes et indépassables.Livre royal, films tous aussi intéressants, Le Chien des Baskerville est le récit de Doyle le plus souvent porté à l'écran : on en est aujourd'hui à 24 adaptations. Souvenez-vous en : lorsque les ténèbres tombent sur la lande, ne vous aventurez pas sous peine de rencontrer le monstre de l'enfer !
Pour tous ceux qui s'intéressent au personnage de Holmes, visitez l'excellent site de la Société Sherlock Holmes de France
-
Le Chien des Baskerville (1/2) : du livre... au(x) film(s)
Inaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique, consacrée à l'analyse comparée d’un livre et de son adaptation cinématographique. Et, comme on ne fait pas les choses à moitié, autant confronter deux adaptations du Chien des Baskerville de Conan Doyle : la première aventure cinématographique jouée par le duo Basil Rathbone / Nigel Bruce en 1939, et celle réalisée au sein de la Hammer Film par Terence Fisher quelque vingt ans plus tard. Démarre donc du même la chronique de l’intégrale Sherlock Holmes incarnée par Basil Rathbone, soit 14 films de 1939 à 1946.
Survient au 221 b Baker Street une affaire tout à fait fantastique : la perpétuation d’une ancienne légende sur la famille des Baskerville, qui s’est allégée de beaucoup de membres de façon bien étrange. Le dernier en date, Sir Charles Baskerville, porteur d’une grande fortune, meurt littéralement de peur, le visage figé dans une grimace inhumaine. Au cœur de cette malédiction, une bête monstrueuse qui terrorise le territoire de Dartmoor, dans le Devonshire, au sud-ouest de l’Angleterre.
Opposition entre légende, superstition, croyance populaire pour l’aspect fantastique du chien et science du détail, rigueur de l’observation pratique en la personne de Sherlock Holmes. La confrontation des deux idéologies prend corps, dans le livre, entre les deux personnages de Holmes et Mortimer. Mortimer est, tout comme Watson, médecin, donc enclin à la rationalité. Cependant, à l’intérieur du seul Mortimer, se battent les deux conceptions, lui qui croit pourtant à la légende. Les films exploiteront d’ailleurs cette dualité, la version de 1939 lui inventant un intérêt particulier dans le spiritisme. Le livre organise aussi cette confrontation entre deux mondes, en opposant l’univers citadin de Londres et la lande ténébreuse de Dartmoor, à laquelle sera attribuée plusieurs qualificatifs ayant trait à l’étrange, la faisant constamment vibrer d’un souffle presque humain. La lande est un vrai personnage, ô combien important, qui façonne à lui seul l’ambiance du récit.
Le chien des Baskerville est le troisième roman sur Sherlock Holmes écrite par Conan Doyle. Il est, pour grande partie, mené par Watson qui, sur l’injonction de Holmes, accompagne Henry Baskerville, le dernier descendant de la lignée, au manoir familial. Véritable disciple de Holmes, il applique les infaillibles méthodes de déduction de son ami pour démêler le vrai du faux, la superstition des faits. Le livre fait d’ailleurs partie des récits que Watson retranscrit pour le public : c’est donc lui le "je" du livre. Or, dans la version de 1939, qui marque aussi le premier épisode de la série interprété par Basil Rathbone et Nigel Bruce, ce dernier apporte uniquement la dimension comique du film. Watson ne joue, là encore, que son équipier, gouailleur et l’air constamment ahuri ; il n’est d’ailleurs cité qu’en quatrième rang au générique, et Rathbone au second, alors que le duo occupera par la suite le haut de l’affiche. L’acteur restera principalement fameux pour cette interprétation, en décalage total avec le personnage littéraire, et incarnera plus tard le même type de sensibilité, expansif et enfantin, dans Soupçons d’Alfred Hitchcock.
C’est en fait Henry Baskerville (Richard Greene) le véritable premier rôle du film, qui s’approprie plusieurs des actions de Watson dans le livre. Le scénario déplace quelques enjeux, saucissonnant Watson dans son rôle de pitre, faisant la part belle au séducteur qu’est Henry Baskerville. La 20th Century Fox ne comptait pas, au départ, faire une série de films sur Sherlock Holmes ; après deux films, c’est d’ailleurs Universal qui reprendra le flambeau pour douze épisodes, réalisés entre 1942 et 1946.La suite par -> ici !