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polar - Page 9

  • Le retour de l'inspecteur Harry (1983)

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    Un film de Clint Eastwood

    Ce quatrième épisode de la saga inspecteur Harry est celui des changements nécessaires, après un The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais) mou du genou et tirant vers la comédie, Eastwood ayant une partenaire féminine rigolote et un peu gauche (Tyne Daly).

    Le retour de l'inspecteur Harry, c’est d’abord l'arrivée derrière la caméra d'Eastwood lui-même qui, 12 ans après ces premiers pas de réalisateur dans le premier Harry, décide de prendre les choses en mains. On retrouve ces plans d'hélicoptère filmés près de la côte qui faisait la beauté ténébreuse de son premier long-métrage, Play Misty for me (Un frisson dans la nuit). Eastwood est véritablement attaché au personnage de Harry, qui vraisemblablement a évolué en même temps que lui. Ainsi, tout en retrouvant certains acteurs avec qui il a déjà tourné par le passé (Sondra Locke et Pat Hingle dans L’épreuve de force, Harry Guardino déjà dans la série des Harry), son inspecteur Harry change. Confronté à une meurtrière en série (dont le visage nous est dévoilé dès la première séquence), il questionne ses propres valeurs. Le film est d’ailleurs moins sur l’inspecteur que sur le personnage complexe de Jennifer Spencer (Sondra Locke), qui dans la grande tradition du rape n' revenge (viol puis vengeance), va exécuter un par un ceux qui ont violenté sa sœur et elle. Les mâles vont perdre ainsi leurs attributs virils, dans la soif de vengeance exprimée avec toujours autant de hargne par l’actrice. Cette dernière incarne une artiste aux peintures torturées, expressions de ses blessures intérieures. Le film questionne donc la problématique de la violence et du meurtre, dans une acception plus complexe qu’auparavant. Jennifer et Harry, dès leur première rencontre, sont représentés comme des êtres assez semblables, les paroles d’Harry correspondant à la vision de la vie de Jennifer ; Harry comprend petit à petit l’optique de la jeune femme. C’est néanmoins une criminelle, et la limite entre les deux ici est floue, thématique qu’utilisera  Tightrope (La corde raide), réalisé par Richard Tuggle l’année suivante, toujours avec Eastwood. L’affiche de ce film, évocatrice, titrait fièrement Flic ou violeur ?, respectant bien la lignée initiée par la série des Harry où la seule différence entre les criminel et l'inspecteur, c’était qu’Harry avait un badge de police.

    On retrouve dans Le retour... l'inspecteur tête brûlée des débuts (une des premières scènes du film, où Harry se rend nonchalamment dans un café, théâtre d’un hold-up, fait écho à une scène analogue dans le premier épisode de la série lorsque Harry mange un sandwich juste en face d'une banque elle aussi en train d'être dévalisée), le côté fétichiste des armes à feu (attention à sa nouvelle arme, un véritable monstre), et donc son rôle de  pistolero moderne qui appartiendrait à l'époque passée où l'on appliquait la justice en faisant parler la poudre. Harry n'est d'ailleurs à 100% lui-même que lorsqu’il sort son arme (et il la sort souvent), lui qui, alors qu'il est mis à pied par ses supérieurs, passe son après midi au soleil à s'entraîner... au tir.

    Une fois encore, la série des Harry s’inspire des meurtriers en série (le premier épisode décalquant consciemment son modèle sur le véritable Zodiaque, qui avait terrorisé San Francisco dans les années 70) et constitue une évolution du film noir, avec ces atmosphères nocturnes et urbaines, cette odeur de crime omniprésente qui jaillit à chaque coin de rue, et un personnage central solitaire, à cheval entre la justice et l'illégalité. A ce titre, la saga inspecteur Harry reste inégalée par la présence solaire de Clint Eastwood, dont le visage crispé est telle une cartographie mouvante des canyons du Far West : dans un monde mis sans dessus-dessous par le crime, sa conception individuelle de la justice ne s’embarrasse pas de détails.

  • L'épreuve de force (1977)

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    Un film de Clint Eastwood

    Clint Eastwood réalise L'épreuve de force (The Gauntlet) en 1977 ; L’inspecteur Harry en est alors à un troisième épisode qui n’a plus grand chose à voir avec le concept de base (le personnage devient limite comique), et Ben Shockley - Eastwood, personnage principal de L'épreuve de force, symbolise un peu le nouveau Harry. Dans cette histoire de transfert de prisonnière qui tourne à la mission-suicide, nombreuses sont les similitudes entre l'inspecteur Harry et Shockley, policier alcoolo et négligé ; au début du film, son collègue lui demande de faire attention à sa tenue et au moins, de se raser. On se souvent d'une réplique similaire dans le premier Inspecteur Harry, où c'était sa coupe de cheveux qui était pointée du doigt. Ici, toujours aidé d’une petite fiole de whisky, il est utilisé par ses supérieurs pour faire capoter un procès, ces derniers pensant qu'il n’arrivera jamais à mener à bien sa mission. C’est vrai qu'il n’est pas aidé par la prisonnière, une jeune femme irascible qui le met en garde contre les dangers du transfert ; les policiers, pourris, ne l'aident guère, allant même jusqu'à lui tendre une embuscade dans la maison isolée de la prisonnière. Première scène over the top : une armada de policiers fait un véritable carton en prenant pour cible l'habitation, qui finira, criblée de balles, par s’effondrer. On est dans la surenchère la plus totale en ce qui concerne les fusillades, qui s’offriront un bouquet final lors d'une ultime séquence surréaliste.

    Enchaînement non-stop de course-poursuites (en voiture, à moto, en bus !), de rencontres louches et d’une violence sèche digne du film noir lors de la narration que Gus, la prisonnière, fait de son viol, le film s'inscrit également dans la veine d'un western moderne, avec ces étendues désertiques à perte de vue. La façon dont le couple doit affronter les épreuves, se préparant un véritable char d'assaut pour la séquence finale (2ème séquence énorme) rappelle les duels au six-coups chers à la mythologie de l’Ouest, avec en prime un éloge à la détermination et au dépassement de soi. Shockley, tête brûlée, est un personnage que la vie a perdu en route, et qu'il va retrouver grâce à la prisonnière. Sondra Locke, qui avait déjà tourné pour Eastwood dans Josey Wales et qu'il retrouvera aussi pour Le retour de l'inspecteur Harry, est intéressante dans l’expression de sa nervosité et de son regard halluciné ; elle exprime bien toute l’urgence et la démesure, voire l'absurdité de la situation.  L'association des deux tempéraments, assez antinomiques, donne certaines scènes de disputes assez réalistes. A l'époque, ensemble dans la vie, le couple se doit ici de finir par bien s'entendre... Doté d'une réalisation classique qui met vraiment en valeur les lieux désolés comme les atmosphères plus urbaines, L'épreuve de force fait figure de road-movie déjanté en même temps qu'actioner bourrin, témoin d’une époque où les films d’actions assumaient au premier degré leur côté too much.

  • Morts suspectes (1978)

    Un film de Michael Crichton

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    A la suite d'opérations bénignes sous anésthésie générale, de jeunes patients sombrent dans un état de mort cérébrale. Une chirurgienne va alors essayer d’en savoir plus…

    Michael Crichton, auteur de romans de science-fiction qui nous a quitté récemment, s'est démarqué par quelques tentatives dans la réalisation. Diplômé de la Harvard Medical School et producteur historique de la série Urgences, la médecine est clairement son domaine de prédilection. Pour preuve, le très honnête thriller médical Morts suspectes (Coma), sorti en 1978 avec l’appui d'un casting sympathique ; Michael Douglas, Geneviève Bujold, Richard Widmark et des apparitions d’Ed Harris -encore avec des cheveux- et de Tom Selleck -déjà avec sa moustache.

    Adapté d’un roman de Robin Cook, lui aussi spécialiste du domaine médical, le film nous entraîne, avec le personnage de Susan (Geneviève Bujold), dans les méandres du monde médical. Crichton emploie toutes les ressources nécessaires pour faire de l'hôpital hautement anxiogène un enfer, dans lequel la confiance nécessaire du patient vers le médecin est mise à mal par les plans démoniaques de l’autorité en place. Devant la pauvreté du décor hospitalier, peu photogénique, Crichton arrive à créer un réseau labyrinthique de couloirs et de salles toutes semblables (à l'image des chirurgiens et de leur uniforme réglementaire), participant à la claustrophobie et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du spectateur. Les individus y sont tels des souris de laboratoire, essayant de trouver la sortie, ou la résolution des comas inexpliqués. Une sorte de fil d’Ariane inversé (Thésée s’en sert pour sortir du labyrinthe et ainsi échapper au Minotaure, ici son utilisation vise à pénétrer le système, mais dans la même optique salvatrice) va alors guider Susan, de salles d'amphis jusque dans les tuyauteries et autres réseaux électriques, au cœur d’un secret inavouable. De même, la salle 8 symbolise le centre névralgique de l'hôpital, concentrant toutes peurs, tous dangers. On retrouvera une configuration analogue avec la chambre 237, centre maléfique d’un Overlook Hotel tout aussi tortueux dans Shining (Stanley Kubrick, 1980).

    Certaines séquences parviennent à s'ancrer durablement sur la rétine : on pense à une poursuite dans une salle frigorifique où des corps congelés sont pendus comme des morceaux de viande dans une boucherie, ou la visite d’un centre de soins high-tech, dans lequel les patients sont maintenus horizontalement à un mètre du sol, dans un ambiance assez futuriste. On aime donc que Morts suspectes atteigne son objectif, ne laissant pas de répit au spectateur, délivrant un spectacle haletant secondé par des acteurs bien présents et un score efficace du grand Jerry Goldsmith : mission accomplie.