Un film de Clint Eastwood
Ce quatrième épisode de la saga inspecteur Harry est celui des changements nécessaires, après un The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais) mou du genou et tirant vers la comédie, Eastwood ayant une partenaire féminine rigolote et un peu gauche (Tyne Daly).
Le retour de l'inspecteur Harry, c’est d’abord l'arrivée derrière la caméra d'Eastwood lui-même qui, 12 ans après ces premiers pas de réalisateur dans le premier Harry, décide de prendre les choses en mains. On retrouve ces plans d'hélicoptère filmés près de la côte qui faisait la beauté ténébreuse de son premier long-métrage, Play Misty for me (Un frisson dans la nuit). Eastwood est véritablement attaché au personnage de Harry, qui vraisemblablement a évolué en même temps que lui. Ainsi, tout en retrouvant certains acteurs avec qui il a déjà tourné par le passé (Sondra Locke et Pat Hingle dans L’épreuve de force, Harry Guardino déjà dans la série des Harry), son inspecteur Harry change. Confronté à une meurtrière en série (dont le visage nous est dévoilé dès la première séquence), il questionne ses propres valeurs. Le film est d’ailleurs moins sur l’inspecteur que sur le personnage complexe de Jennifer Spencer (Sondra Locke), qui dans la grande tradition du rape n' revenge (viol puis vengeance), va exécuter un par un ceux qui ont violenté sa sœur et elle. Les mâles vont perdre ainsi leurs attributs virils, dans la soif de vengeance exprimée avec toujours autant de hargne par l’actrice. Cette dernière incarne une artiste aux peintures torturées, expressions de ses blessures intérieures. Le film questionne donc la problématique de la violence et du meurtre, dans une acception plus complexe qu’auparavant. Jennifer et Harry, dès leur première rencontre, sont représentés comme des êtres assez semblables, les paroles d’Harry correspondant à la vision de la vie de Jennifer ; Harry comprend petit à petit l’optique de la jeune femme. C’est néanmoins une criminelle, et la limite entre les deux ici est floue, thématique qu’utilisera Tightrope (La corde raide), réalisé par Richard Tuggle l’année suivante, toujours avec Eastwood. L’affiche de ce film, évocatrice, titrait fièrement Flic ou violeur ?, respectant bien la lignée initiée par la série des Harry où la seule différence entre les criminel et l'inspecteur, c’était qu’Harry avait un badge de police.
On retrouve dans Le retour... l'inspecteur tête brûlée des débuts (une des premières scènes du film, où Harry se rend nonchalamment dans un café, théâtre d’un hold-up, fait écho à une scène analogue dans le premier épisode de la série lorsque Harry mange un sandwich juste en face d'une banque elle aussi en train d'être dévalisée), le côté fétichiste des armes à feu (attention à sa nouvelle arme, un véritable monstre), et donc son rôle de pistolero moderne qui appartiendrait à l'époque passée où l'on appliquait la justice en faisant parler la poudre. Harry n'est d'ailleurs à 100% lui-même que lorsqu’il sort son arme (et il la sort souvent), lui qui, alors qu'il est mis à pied par ses supérieurs, passe son après midi au soleil à s'entraîner... au tir.
Une fois encore, la série des Harry s’inspire des meurtriers en série (le premier épisode décalquant consciemment son modèle sur le véritable Zodiaque, qui avait terrorisé San Francisco dans les années 70) et constitue une évolution du film noir, avec ces atmosphères nocturnes et urbaines, cette odeur de crime omniprésente qui jaillit à chaque coin de rue, et un personnage central solitaire, à cheval entre la justice et l'illégalité. A ce titre, la saga inspecteur Harry reste inégalée par la présence solaire de Clint Eastwood, dont le visage crispé est telle une cartographie mouvante des canyons du Far West : dans un monde mis sans dessus-dessous par le crime, sa conception individuelle de la justice ne s’embarrasse pas de détails.