Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Critiques de films - Page 63

  • Comtesse Dracula (1971)

    Un film de Peter Sasdy

    4270428311_d35879e684_m.jpgUtilisant encore une fois un titre trompeur destiné à relier le film à son cycle vampirique, la Hammer conte une histoire inspirée de la comtesse hongroise Elisabeth Bathory, qui fut, avec sa cour, emprisonnée pour plusieurs meurtres de jeunes femmes. De nombreuses légendes se greffèrent à cette sanglante tuerie, parmi lesquelles elle se baignait dans le sang de jeunes vierges pour avoir rester jeune.

    Ingrid Pitt, vue précédemment dans The Vampire Lovers (1970), incarne la comtesse ; d’abord vieille, elle se rendra compte que le contact avec le sang de jeune fille lui fait retrouver la beauté de ses jeunes années. Sans état d’âme, elle décidera rapidement de faire tuer autant que nécessaire les jeunes filles des environs pour rattraper le temps, avec la complicité de ses proches. On comprend bien que son personnage et sa recherche d’une jeunesse éternelle n’a pas grand-chose à voir avec la mythologie vampirique, si ce n’est une immortalité qui, chez les vampires, est plutôt l’effet collatéral d’une malédiction ; rien dans le mode opératoire des meurtres -dont la banalité ne sera jamais montré dans Comtesse Dracula- n’apporte une quelconque filiation avec le fameux comte. A l'inverse, Comtesse Dracula fut bien un surnom donné par la population à son encontre, signifiant tout l’effroi qu’elle leur inspirait ; choisir ce titre pour le film étant tout de même abusif vu le passif de la firme.

    Plusieurs éléments rendent le film réussi, bien que, là encore, il ne fasse pas partie du cercle des œuvres révérés de la Hammer. Ainsi, le métrage va d’abord jouer sur le fait que le rajeunissement de la comtesse ne soit pas éternel : elle va devoir (faire) tuer souvent, le spectateur se demandant si le sort va tenir, et pour combien de temps. On est bien là dans le domaine du conte, dans lequel il est souvent question d’une magie qui ne dure qu’un temps : Cendrillon, par exemple, et sa citrouille qui se transforme en carrosse...  Bien des contes sont macabres et sanglants, en témoigne la sombre relecture qu'est La compagnie des Loups (Neil Jordan, 1984), mélangeant plusieurs histoires connues. Cet axe narratif est rapidement doublé par un deuxième, la love story de la comtesse avec le jeune lieutenent Imre Toth, qui croit sortir avec la fille de la comtesse, Ilona. Cette dernière, devant se rendre au château, est retenue prisonnières par un barbare, à la demande de la comtesse, qui joue ainsi un véritable double rôle. A celui-ci correspondent deux amants, le jeune toth et le mature Capitaine Dobi. Cet axe narratif, épaulé par un décorum qui offre cette fois-ci quelques décalages avec les productions Hammer habituelles - les vêtements, les toques des personnages, dont la chaleur procurée est essentielle dans ces froids pays de l’est- fait toute la valeur transgressive de l’œuvre, la comtesse étant à la fois mère et fille, jeune maîtresse fougueuse et horrible vieille femme. Comtesse Dracula n’hésitera pas à s’aventurer explicitement dans la peinture d’une relation incestueuse, lors de ces plans où la comtesse étreint le jeune Toth en lui murmurant "mon fils...", rendant cette relation déviante à souhait. De plus, la séquence montrant une Ingrid Pitt se passant consciencieusement une éponge sanguinolente sur le corps en rajoute une couche, tout en satisfaisant aux exigences de sexualité plus explicite voulu par le studio, afin d’attirer le chaland.

    Peter Sasdy, humble réalisateur de télé, ne signe pas une réalisation exceptionnelle, mais utilise certains décors de belle façon (la salle de bains, qui verra la première transformation de la comtesse), lui qui réalisa la même année le sympathique Une messe pour Dracula. Un film tout à fait recommandable, qui mérite une bonne place dans les films Hammer réalisés dans la décennie 70, celle qui verra malgré tout la firme sombrer peu à peu.

  • La mort en direct (1980)

    Un film de Bertrand Tavernier

    4265620792_cee49c7061_m.jpgRéalisateur doué, doublé d’un don d’orateur hors pair pour faire partager sa passion du cinéma, Bertrand Tavernier aura touché à une multitude de genres : polar, chronique sociale, film historique, et même science-fiction, comme nous le prouve sa cuvée 1980, adapté d’un roman de l’anglais David Compton.

    Dans un futur proche, Katherine Mortenhoe (Romy Schneider), auteur de romans faits par ordinateur est gravement malade, alors même que toutes les maladies ont été vaincues par la science. Une chaîne de télévision entreprend alors de suivre son agonie et d’en faire un show télé, Death Watch. On pose sur les yeux d’un homme, Roddy, un dispositif permettant de filmer tout ce qu’il voit, la caméra étant intégré dans ses yeux. Si bien qu’alors même que Katherine pense s’être enfuie de l’emprise de la chaîne, Roddy, entreprenant le voyage avec elle, enregistre le moindre de ses gestes.

    Et le film de nous amener sur des terres plutôt familières, celle de la télé-réalité, dont c’est l’une des premières transpositions cinématographiques. Le personnage du producteur, joué par Harry Dean Stanton, préfigure celui de Max Renn (James Woods) dans Videodrome (1984), qui veut exploiter la nouvelle pornographie : assister à une mort à la télévision. Pour Renn, il s’agira de snuff-movies, auquel Death Watch ajoute le direct ; du moins le croira-t-on, les heures de films compilées servant finalement à créer des émissions enregistrées, dont les extraits sont soigneusement choisis pour leur cruauté et leur vérité. Soit exactement ce qui se passera quelques années plus tard, pas plus loin qu’en France. Et, dans les films plus récents (Dark City, The Truman Show, Les fils de l'homme) comme dans les classiques exploitant le thème de l'aliénation (la série Le Prisonnier), la mer, vers laquelle se dirigent inexorablement les personnages, incarne l'espoir d'une échappatoire.

    Roddy (Harvey Keitel, décidément quel casting !) est un personnage captivant, car il personnifie le ciné-œil cher à Dziga Vertov : chacun de ses regards est un plan de film. Il s’instaure donc, dès le début, caméraman dont il est son propre outil. Lorsqu’il s’entretient avec son producteur, Roddy transforme dans l’instant son expérience personnelle de vision en prise de vue : "La scène du lit, elle était bien éclairée ?". La caméra de Tavernier se substitue d’ailleurs, le temps de quelques scènes, à l’œil-caméra de Roddy, le changement intervenant parfois même à l’intérieur d’un même plan, bousculant notre vision des événements (la séquence du dortoir). Cette construction force la conscience, pour le spectateur, d’une mise en abîme constante, le film dans le film se montrant constamment comme tel. Tel un caméraman, Roddy sera dans un premier temps absent, caché du regard de Katherine : l’observant (la filmant) derrière une vitre sans tain, ou d’une partie cachée de la pièce. Si bien que, dès lors que les deux personnages se rencontrent face à face, le spectateur garde bien à l’esprit la nature de Roddy et l’assimile à une caméra vivante. Tavernier nous fait ainsi toucher du doigt le voyeurisme dont nous faisons preuve, et dont fait preuve tout spectateur, à l’image des téléspectateurs du show. Roddy, à l’inverse, va oublier, sans s’en rendre compte lui-même, la cruauté de sa position, et n’en prendra réellement la mesure que trop tard.

    L’intérêt du film vient aussi du fait qu’il n’essaye pas d’éviter son appartenance à la science-fiction : il l’embrasse entièrement, à travers le personnage de Roddy, véritable cyborg qui doit veiller à ce que ces circuits restent éclairés de jour comme de nuit. De même, la profusion des affiches annonçant l’émission Death Watch (titre anglais du film, tourné en Écosse et en anglais), donne un cachet vraiment futuriste au récit, même si l’on reste globalement dans ce que Michel Chion appelle une "science-fiction sans imagerie", dénuée des multiples artefacts caractéristiques du genre. Les seuls que nous verrons suffisent cependant à tracer le sillon futuriste, tel l’ordinateur qui écrit les livres de Katherine après qu’elle lui en ait décrit les principaux événements. Ainsi, à la question de Katherine, "Somme nous si fatigués de t’avoir fabriqué que nous ne pouvons plus rien inventer ?", Harriett (c’est son nom), répondra un froid et cynique : "AFFIRMATIVE". Katherine, attachée à "gagner, juste une fois" contre cette société qui semble s’être perdue à elle-même, restera fidèle à son principe. Comme tous les films de science-fiction réussis, La mort en direct nous met face à nous-même, et ce n’est jamais beau à voir.

  • Tristana (1970)

    Un film de Luis Buñuel

    4259604144_e892b29faa_m.jpgDès le début, Tristana, le film, porte bien son nom : tout y sonne grave, glacé et désespérément triste, à l’image de Catherine Deneuve, interprète du personnage principal qui donne son nom au métrage. Cette dernière, à la mort de sa mère, est recueillie par Don Lope, un aristocrate très attaché aux principes, sauf en ce qui concerne les femmes. De fille adoptive, Tristana va devenir sa maîtresse. Le scénario est d’apparence simple, propre à être résumé en trois phrases. C’est d’ailleurs ce qu’il faudra à StudioCanal vidéo, lors de l’édition DVD du film, pour raconter tout le film et ainsi gâcher la vision de tous ceux qui ont eu le malheur de lire le dos de la jaquette... Mais derrière cette simplicité apparente se cache un des plus beaux films sur la vieillesse et les problématiques du couple, ainsi qu’un film très personnel.

    Don Lope / Fernando Rey apparaît ici comme un double de Bunuel, une version possible de sa vieillesse. D’une part, Buñuel a toujours considéré l’acteur, qu’il a fait jouer dans nombre de ces films, comme son alter-ego. D’autre part, le cinéaste choisit la ville de Tolède, en Espagne, comme théâtre des tourments de Tristana, sa ville de cœur, comme l’indique son scénariste et ami Jean-Claude Carrière dans les bonus du DVD. Mettant en scène un personnage vieillissant, véritable autoportrait anticipé dont les convictions et l’esprit contestataire s’érodent peu à peu avec les années, il dessine les contours de sa vision de la vie. Dans celle-ci, le couple formé par Catherine Deneuve / Tristana et Fernando Rey / Don Lope est tout à la fois mari et femme, père et fille, et mère et fils, selon les scènes. Tantôt, Don Lope fait d’elle sa servante, sa maîtresse, tantôt c’est elle qui, une fois revenue à lui, handicapée, lui intimera des ordres semblant totalement dénué d’amour. L’a-t-elle jamais aimé ? C’est probable, tant le manque de passion est palpable, et le besoin d’une autre vie se fait terriblement sentir (l’épisode étrange et beau où elle dévoile sa poitrine au jeune Saturno, le rêve récurrent qui voit la tête de Don Lope sonner dans une cloche, ou une des dernières scènes, durant laquelle elle croise une mère allaitant son bébé, ne laissant aucun doute sur son ressenti). On sent aussi l’asynchronisme patent des désirs des deux individus, l’une aspirant toujours à ce que l’autre rejette en bloc. Le visage résigné de Catherine Deneuve, aussi noué que sa coiffure toujours tirée à quatre épingles, est à ce titre très évocateur. Sa beauté reste froide et inaccessible, même pour le peintre Horacio (Franco Nero, immortel Django de Sergio Corbucci) avec qui elle aura une aventure.

    Déjà vieux à l’époque du tournage, Buñuel était particulièrement morose durant le tournage, voyant son vieillissement dans celui (en partie simulé) de Fernando Rey. Pour les besoins du film, l’acteur se faisait blanchir les cheveux. La scène où il teint sa barbe grisonnante a ainsi valeur de du refus de vieillir de Don Lope, mais aussi de Bunuel lui-même.

    Le dernier aspect marquant du film est la capacité qu’a Bunuel d’interroger constamment le processus de la narration cinématographique, notamment dans le questionnement du personnage de Tristana sur l’acte du choix. Elle va en effet choisir, sans raison visible, de prendre une rue plutôt qu’une autre, ou de manger tel petit pois plutôt que l’autre. Ses choix vont directement influer sur le cours de sa vie, la ruelle la conduisant vers le peintre et cette autre vie dont nous parlions plus haut. On peut rapprocher les deux personnages de Tristana et Belle de jour sur cette idée de la vie rêvée, un espace mental ne pouvant s’épanouir que dans la brume ouateuse des rêves, laissant la personne comme distante de la réalité : le surréalisme qui abreuve Belle de Jour dans ses décalages de montages est ici peu présent, malgré quelques visions étranges.

  • Capitaine Kronos, tueur de vampires (1974)

    Un film de Brian Clemens

    4248532425_05565f4010_m.jpgProduit par une Hammer Film sur le déclin, Capitaine Kronos fait glorieusement partie des nanards de la firme anglaise. C’est à un scénariste télé reconnu -Brian Clemens, créateur de la série Chapeau Melon et Bottes de cuir, dont ce sera le seul film cinéma-, qu’échut cette réalisation, après avoir convaincu le patron du studio en écrivant le scénario de Docteur Jekyll & Sister Hyde (Roy Ward Baker, 1971). Clemens assure donc tout à la fois le poste de scénariste et de réalisateur sur Kronos.

    Côté scénario, se sent le besoin d’originalité à tous prix, dans lequel un capitaine parcourt la lande désertique et vient en aide à quelques villageois paniqués par la mort subite de plusieurs de leurs voisins. Une mort bien étrange : il deviennent instantanément vieux, carcasses d’os dont la vie semble avoir été comme aspirée. Kronos chasse ainsi plus sur les terres du film d’aventures que du strict vampire flick, les principales figures imposées y étant absentes, ou si peu évoquées. La première chauve-souris apparaît à la 47ème minute, les crocs d’un vampire encore plus loin. Il est clair que le vampire du titre doit plus sa présence à un opportunisme commercial qu’à une volonté d’ancrage dans la mythologie vampirique.

    Melting-pot improbable, le film aligne d’abord des références westerniennes -toutes les scènes de la taverne, incluant le coup classique de la pièce jetée dans le crachoir, vu dans Rio Bravo (Howard Hawks, 1959), ainsi que la bourse d’or qui glisse sur le comptoir comme la bonne bière mousseuse qu’attend le cow-boy éreinté. On y colle des éléments japonisants : Kronos manie le katana, qui lui permet des percées typiques, mais pas vraiment sanglantes... L’hémoglobine, de même que tout le production design (décors, costumes, véhicules, ...), a souffert d’un budget qu’on devine anémique. On découvrira d'ailleurs dans le cours sinueux du récit un personnage affilié aux Karnstein, famille vampirique ayant déjà été porté à l'écran par la Hammer, notamment dans The Vampire Lovers (Roy Ward Baker, 1970). A cette tambouille de genres s’ajoute le film de cape et d’épée, qui occasionne des joutes d’une maîtrise pitoyable -il faut avouer que Horst Janson, acteur télé germanique incarnant le rôle-titre, manque cruellement de crédibilité et de charisme, ce qui rend encore plus risibles ses phrases choc assénées à tout va comme s’il était un dur, un vrai. Lui qui se trimballe toujours torse nu à coup de "il est l’heure de livrer bataille !" nous gratifie ainsi de la désormais scène culte dite "des sangsues", dans laquelle sa seule expression faciale ne bouge pas d’un poil ! Le reste du casting est aussi peu inspiré (Shane Briant, croisé dans le morbide Frankenstein et le monstre de l’enfer), à l’exception notable de Caroline Munro, l’une des plus belle Hammer girl, dont la carrière au sein de la firme est assez limitée, vu qu’on ne l’apercevra que dans Dracula 73 (Alan Gibson) sorti l’année précédente en France. On a néanmoins pu apprécier ses formes généreuses dans le baroque et grand-guignolesque L’abominable docteur Phibes (Robert Fuest, 1971) ou encore le Bondesque L’espion qui m’aimait (Lewis Gilbert, 1977). Son rôle dans Kronos, dans lequel elle ne dit pas grand-chose, se rapproche d’une Nova dans La planète des singes, brune qui fait la moue et qui, ici, est juste bonne à s’accoupler avec le héros, ou encore servir d’appât à ce mystérieux vampire...

    L’intrigue est ainsi construite sous une forme de whodunnit, l’idée étant de laisser planer le suspense sur l’identité de ce vampire. Suspense fort mal géré dans ce film sans rythme, que les frêles épaules de Clemens ont bien du mal a mener à son terme. Cadrages inexistants n’exploitant pas le pourtant beau décor (vide), montage mou, bref rien de très alléchant. On pourra apprécier, au mode second degré enclenché, ce syncrétisme mythologique dont Le pacte des loups (Christophe Gans, 2001) ou Van Helsing (Stephen Sommers, 2004) sont les représentants contemporains. Le film de Clemens est d’ailleurs sûrement le modèle caché de Van Helsing, Kronos ayant été envisagé au tout début comme le premier épisode d’une franchise, qui verrait ensuite notre héros affronter Dracula et Frankenstein. Ramener tout le bestiaire qui a fait la notoriété de la firme, en quelque sorte... Faut-il préciser que cette possibilité fut rapidement abandonnée ?

  • Ciné d'Asie : Tuer (1962)

    Un film de Kenji Misumi

    4243386425_5b56645ab0_m.jpgRéalisateur de studio, Misumi est cependant un des plus révérés de tous à la Daiei. Sa riche carrière est surtout associée à deux figures mythiques du cinéma japonais, Zatoichi et Baby Cart, auxquelles il donne ses plus beaux épisodes. Les deux sagas offrent des similitudes avec Tuer : une peinture du japon féodal par le film de sabre, ou chambara, ainsi qu’un personnage central solitaire qui deviendra ronin, vendant son talent de sabreur émérite au plus offrant.

    L’histoire est faussement simple, tel ce prologue où une jeune femme en tue une autre, au terme d’une grande bousculade, puis va subir la peine capitale pour son crime. Nous sera ensuite dévoilée, quelques vingt minutes plus tard, la version intégrale de l’affaire, lors d’un flash-back magnifique.

    Fils de la meurtrière, recueilli dès son plus jeune âge, le jeune Shingo (Raizo Ichikawa) devient un expert dans le maniement du sabre, grâce à un voyage qu’il entreprend seul. Le tournoi au sabre, voyant un épéiste émérite défaire tous ses opposants successifs, est un grand moment du film. Le plan qui voit s’opposer le champion à Shingo dure une éternité, mais résume bien la tension présente. S’il était renommé pour sa technique, Misumi n’était cependant pas considéré comme un génie du rythme. Ses films sont secs et froids, à l’image du titre laconique de ce film-ci, et psychologiquement arides -bien que, d’autre part, le sang y coule souvent à flots.

    Misumi fige ses acteurs dans des poses iconiques, et les fait ainsi ressembler à des estampes traditionnelles d’une pureté incroyable ; Il a su utiliser à bon escient l’acteur Raizo Ichikawa, ancien acteur de kabuki, aux gestuelle et démarche toujours gracieuse, qu’il retrouvera pour Le sabre, réalisé en 1964.

    Les compositions plastiques de Kenji Misumi sont toujours frappantes, lui qui était surtout reconnu comme technicien accompli, composant ses cadres comme personne. Le plan récurrent du soleil aveuglant qu’un sabre vient trancher, et qui jette ainsi le voile de la mort sur les hommes, est magnifique. A chaque fois, il opère sur la même thématique, et pourtant l’effet rendu par ces transitions est toujours inattendu. Le plan d’une simple goutte de sang, coulant sur une poitrine féminine dénudée, est aussi d’une rare beauté.

    Si sa beauté picturale frappe, Tuer marque également par son pessimisme total, les personnages ne faisant que s’enfoncer dans un abîme sans fond. Lorsque Shingo apprend qu’il a été adopté, il entreprend aussitôt d’aller à la recherche de son père biologique. Il rencontrera, dans une forêt ténébreuse, l’ombre de ce que fût son père autrefois, brisé intérieurement. Toutes les figures paternelles sont ainsi appelées à se rendre, le film finissant dans un déchaînement terrible du fatum. Démonstration de cinéma, Tuer, malgré sa faible durée, fait montre de la dextérité à toute épreuve de Misumi, notamment grâce à un excellent usage du flash-back. On peut cependant sincèrement penser que le meilleur de sa filmographie va se dévoiler plus loin dans les années 60.

    A lire : l'article du film sur Wildgrounds