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Critiques de films - Page 45

  • Avec Django, la mort est là (1968)

    Un film de Antonio Margheriti

    5158895888_57a841981b_m.jpgAussi appelé Vengeance, ce titre, signé par Margheriti sous le pseudo de Anthony Dawson, embraye le pas au Django originel de Sergio Corbucci. Sa parenté avec ce dernier doit être levée, fruit de la traduction française ; le héros de Vengeance s'appelant Joko (on voit d'ailleurs ses initiales sur sa valise). Dans d'autres pays, il sera nommé Rocco ou Roko. Il s'agit donc d'un faux Django parmi d'autres, légion après le succès du film de Corbucci. Dans le rôle de Joko, Richard Harrison joue lui aussi un double de Clint Eastwood dans les films de Leone, le modèle entre tous, comme Franco Nero dans Django. Ce dernier avait malgré tout un charisme bien supérieur à Harrison, qui n'a que la barbe naissante, la peau basanée et un costume de cuir pour rivaliser : c'est maigre, mais déjà ça. Un des personnages principaux de l'intrigue n'est autre que Claudio Camaso, le frère de Gian Maria Volonte (il entretient une ressemblance certaines avec son parent). On essaye ici de trousser un double d'un autre film, les éternelles sources d'inspiration étant Corbucci et Sergio Leone.

    Il sera donc question de vengeance ici, oui ma bonne dame. Des mauvais mexicanos ont troué la peau des pote à Django et ce dernier se fait un devoir de leur rendre un dernier hommage par le sang. Ce qui n'est tout de même pas mal, c'est que le héros et ses "copains" décédés -d'après une ligne de dialogue en français, magnifique : "Il a tué mes copains. Et il va le payer de sa vie" sont tout de même déjà des crapules finies, prises aux piège lors d'un casse. Les tueurs que poursuit Django sont donc, encore plus qu'eux, de salauds irrécupérables et sadiques !

    Les décors, loin des espaces colorés (rouges, orangés, ciel bleu azur) des films américains, sont comme délavés (ou alors, autre possibilité, c'est la copie qui l'est, celle proposée par Seven 7 sur le DVD n'étant pas de première jeunesse), terreux, d'ungris uniforme. La mort semble déjà avoir fait son œuvre dans le village où atterrit Django. Comme le disent les autochtones, "les seuls divertissements du coin sont les enterrements". Et Django va leur en donner... Ce dernier, dans sa quête de vengeance, n'hésite pas à revêtir l'étoile de shérif, uniquement dans le but de descendre un chef de bande impliqué dans la mort de ses compagnons. Sitôt le boulot accompli, il rendra son permis de tuer. Rusé, aussi taciturne et laconique que l'Homme sans nom, il traîne sa carcasse à  travers un pays désolé dans lequel il pourrais bien mourir : rien ne semble compter si ce n'est son sombre dessein. Jane, une prostituée qui joue de la guitare, se rapproche de lui mais il n'est pas sensible à ses charmes ; de là à se demander quels liens unissaient vraiment la bande d'amis, il n'y a qu'un pas, d'autant que, dans le flash-back réglementaire (passage obligé du genre expliquant les tenants et aboutissants de l'intrigue), on voit que le jeune Ricky intéresse Mendoza, le troisième larron, de façon autrement qu'amicale. Les liens qui les unissent sont donc forts, ils le seront encore dans la mort.

    Il est amusant de voir cité à tour de bras un côté fantastique dans ce western qui n'en contient … aucun ! Un décor un tant soit peu original (les tréfonds d'une mine de soufre) n'ayant jamais invoqué une atmosphère fantastique à lui tout seul. Ce dernier, tout de même, est bien photographié et propose un final original à la tuerie rédemptrice du héros. En effet, si dans un premier temps, il a l'air autant à la poursuite des tueurs que du trésor qu'il a volé avec ses compères, on s'aperçoit vite qu'il a juste soif de vengeance.

    Le métrage est souligné par une musique fort peu inspirée de Carlo Savina, qui, une foid encore, tente de pomper l'univers de Leone. Avec ses instrumentations minimalistes (dès que la tension survient, un petite suite de notes gratées à la guitare, toujours identique, vient nous prévenir, sans démontrer de talent mélodique, au contraire des chants de Morricone. Lors des scènes plus enlevées (passage de diligence, course dans les grands espaces), l'accompagnement musicale devient une sorte de cavalcade qui crie "vengeance". Tout cela est finalement assez marrant si on l'attaque au second degré. Loin d'être une grande réussite du genre, on ira plutôt revoir un Tire encore si tu peux ou Le dernier face-à-face, réalisés à la même période par Giulio Questi et Sergio Sollima.

  • Phantom of the Paradise (1974)

    Un film de Brian De Palma

    Faust, le fantôme de l’opéra et Oscar Wilde revisités à la sauce De Palma : avec son esthétique datée très seventies et ses multiples débordements (musique punk, orgie, personnages monstrueux), Phantom of the Paradise a été rapidement propulsé œuvre culte par toute une génération de cinéphiles. Qu’en reste t-il aujourd’hui ?

    Séduit par le générique très pop et sa suite façon pré-Grease, on est agréablement surpris par le ton du film. La bande-son y joue un rôle essentiel : décalée, elle aussi très gothique dans ses ambiances (ne serait-ce que par le costume cuir / métal de Winslow Leach, préfigurant le costume de David Carradine dans La course à la mort de l'an 2000 sorti quelques mois plus tard,  et le groupe réuni par Swan, inspiré par Kiss), on assiste à un étonnant brassage des genres. Ce melting-pot donne un résultat fulgurant, inédit, provoquant l’émotion à l’état brut. Ce qui plaît, encore aujourd’hui, c’est cette ambiance si particulière, partagée entre de sublimes numéros de pure comédie musicale, des partitions à faire pleurer, Jessica Harper, l’héroïne de Suspiria (Dario Argento, 1977) dans son premier rôle, Paul Williams, maléfique à souhait manipulant le Fantôme comme le Diable.

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    Les techniques filmiques sont légion, pas forcément inédites mais très bien utilisées -voir les passage à expositions multiples tout au long du métrage-,  et forment dès ce métrage le style De Palma : ample, outré parfois, lyrique souvent.
    Le traitement de l’intrigue surprend aussi à la première vision, et témoigne d’une maîtrise du timing impeccable : c’est ce qui permet à De Palma de trousser un véritable opéra-rock avec toute la décadence, la mélancolie, les instants pathétiques… Tout ça en un peu moins de 85 minutes !

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    Winslow Leach est, en plus d'être un Phantom, un vrai Phoenix (nom de la belle qu'il courtise), renaissant des cendres pour troubler l'ouverture du Paradise. Mais quoi qu'il en soit, il est aussi logique qu'un cygne (Swan) soit attiré par la douce voix d'un Phoenix (la jeune Jessica Harper). Winslow Leach / Phantom va ainsi créer pour sa belle son travail le plus achevé, le film se faisant l'apôtre d'un cliché de l'artiste, qui ne produit son meilleur que lorsqu'il est triste ; voir la scène de la création du Phantom's Theme, excellente.

    Tellement ancré dans son époque par les couleurs utilisées, les costumes, ce film était voué à entrer instantanément et définitivement au panthéon du culte. Cette même année 74 donnait aussi naissance à un autre film pour lequel l’adjectif culte semble avoir été inventé, The Rocky Horror Picture Show, qui partage certaines caractéristiques avec Phantom… : comédie musicale, relents d’horreur grand-guignol, relecture mythologique (Frankenstein). Le maître artisan est présent dans les deux cas au sein du film (Paul Williams / Richard O'Brien), qui se donne chacun le mauvais rôle... Un mélange iconoclaste qui parle à notre instinct de spectateur, qui a soif de sensations nouvelles ; le mélange des genres, des costumes, des décors, au sein d’un même plan, nous en propose une belle !

    La référence à Faust parcourt tout le film: Winslow, anti-héros de son état, devient l’esclave de Swan à cause d’un contrat signé au sang. Mais l’innovation est présente de bout en bout : d’où cette idée diabolique de l’enregistrement qui vieillit à la place de  son sujet (la référence au Portrait de Dorian Gray), et qui permettra le dénouement tragique de cette histoire semblant sortir tout droit d’une mythologie antique aux couleurs sonores anachroniques.

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    La musique du film, parlons-en, est tout bonnement superbe : écrite par Paul Williams (qui est également à l'origine du scénario, auteur de l'ensemble ; à l'origine, il avait d'ailleurs postulé pour le rôle de Winslow), elle est composée de mélodies pop imparables, alternant le très beach-boyesque Goodbye, Eddie, Goodbye, le rock Life at Last, ou l'ultra romantique et mélancolique Old Souls. Et puis, comment ne pas parler The Hell of It : débutant avec des guitares au son déchirant pour continuer comme une bondissante comptine, peut-être le morceau musicalement le plus riche de toute la bande originale, avec ses multiples phrases mélodiques qui se mélangent dans un instrumental final assez irrésistible.

    À choisir,  on préfère le Phantom's Theme of course, contenant toute la douleur rentrée du personnage. La séquence qui le voit composer ce morceau, où les lignes de portées défilent sur l'écran, en même temps que l'aiguille de l'horloge et les piles de partitions qui s'amoncellent, restent aujourd'hui le pinacle émotionnel du film, puissant et fragile, désespéré, ultime supplique du Phantom à la belle Phoenix : Come together with me now...

    Et si Phantom of the Paradise était le meilleur De Palma ?

    Source images : Captures dvd Opening

  • Panorama cinématographique des derniers jours

    5144858281_f1c50e55b2.jpgT'as un lapin dans le tiroir  ou c'est la joie de me revoir ?

    Je suis Dark Vador, extra-terrestre venu de la planète Vulcain!


    Une fois n'est pas coutume, voici mes impressions sur quelques films vus ou revus récemment :

    Trilogie Retour vers le futur (1985-89-90) & Qui veut la peau de Roger Rabbit (1988), 4 films de Robert Zemeckis (& Richard Williams pour Roger...) : La collaboration Spielberg / Zemeckis bat son plein pour ces chef d'oeuvres du cinéma de divertissement : astucieux, drôles, et d'une cohérence à toute épreuve, les Retour vers le futur ne perdent pas de leur pouvoir de fascination, ce malgré de multiples visionnages en vidéo-club, dvd et aujourd'hui blu-ray. Les multiples ponts entre les films, le fabuleux deuxième épisode qui ose revenir à l'intérieur du premier, la galerie d'acteurs (Michael J. Fox pour le(s) rôle(s) de sa vie, Thomas F. Wilson en irrascible et magnifique Biff, Lea Thompson), les excellentes voix françaises (Lucq Hamet, aussi à l'oeuvre pour le personnage principal de Roger..., Richard Darbois)... Nostalgique, ode au matérialisme très 80's, futuriste anti-Blade Runner, Westernien comme un Disneyland, ces films sont immortels. Et, comme en téloignent les scènes biffées du montage final, la mort à l'écran, elle, n'existe pas... Tout au plus est-elle utilisée comme astuce scénaristique pour pallier à l'absence de Crispin Glover (McFly père), trop gourmand pour le deuxième épisode. Et quelle musique d'Alan Silvestri...

    Roger Rabbit témoigne lui de la soif d'expérimentation de Zemeckis, poussant plus loin toute autre tentative passée de confrontation prise de vues réelles / animation, sans que l'ampleur de sa réalisation en soit affectée. Un humour fou qui transforme les humains en cartoons de Tex Avery ou les font succomber aux charmes très suggestifs d'une Jessica Rabbit affolante... mais non moins terriblement zoophile ! Un tour de manège où l'on retrouve des visages connus, plein d'une certaine nostalgie, toujours...

    Les petits mouchoirs (2010), de Guillaume Canet : au contraire de la majorité des blogueurs ciné, j'ai plutôt apprécié ce film, moi qui vais à reculons vers ce genre d'exercice. J'ai surtout très bien marché dans les scènes dites drôles, la tribu d'acteurs réagissant avec un naturel confondant. Ce film de potes m'a fait un grand effet de réel, et rien que pour cela, il mérite d'être salué. Après, le pathos n'est malheureusement pas loin, et l'idée de départ est tout de même foireuse (même si réellement vécu par Canet, ça ne s'excuse pas). Pour Marion Cottillard dans l'eau qui engueule tous les autres.

    In & Out (1997), de Frank Oz : une comédie pour Kevin Kline, assez excellent dans son rôle d'homo refoulé. Pour la séquence de "la cassette", et pour Tom Selleck. La courte durée du film sied bien à la légèreté du traitement.

    Sunshine (1999), de Istvan Szabo : cette fresque historique qui prend comme encrage une famille juive gane sur la durée, conséquente, du film, et l'ampleur des événements montrés. Les ellipses passent beaucoup trop vite dans la première partie et donnent l'impression d'un téléfilm de l'après-midi sur M6 ; n'existerait-t-il pas une version plus longue, permettant de délier les premiers événements ? A priori non, mais le rythme a du mal à se trouver. Au fur et à mesure que l'Histoire progresse, la performance de Ralph Fiennes devient plus évidente, empreinte d'une tragique grandeur ; le reste du casting révèle des choix judicieux (Rachel Weisz, Mark Strong). Une fresque qui ne manque pas d'ambition, et qui arrive presque à nous convaincre.

    As tears go by (1988), de Wong Kar-Wai : Sombre histoire de mafia chinoise, relevée d'une bluette surréaliste, le premier film du réalisateur de In the Moood for love déçoit forcément : l'équilibre entre les deux sensibilité est difficile à trouver, entre scènes poétiques annonciatrice de son grand succès (l'atente à la gare) et scène de bagarre typique du cinéma hong-kongais des années 80-90. D'ailleurs, la romance est bien plus appuyée dans la bande-annonce et la jaquette du titre, que dans le film lui-même.

  • Ciné d'Asie : Memories of murder (2003)

    Un film de Bong Joon-ho

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    Découvrir Memories of murder après The Host, second film de Bong Joon-Ho, n'a pas grande importance : il confirme ou fait découvrir un talent raffiné pour le cinéma. Memories of murder, resitué dans le contexte de sa sortie salles, correspond à un essor du cinéma sud-coréen en France, témoignant de l'intérêt des distributeurs et des spectateurs. D'abord orienté film d'auteurs (on découvre L'île et Printemps, été, automne, hiver... et printemps de Kim Ki-Duk, Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-Tep, le cinéma coréen importé en France montre son visage le plus jouissif, celui du film de genre. Investissant parfois l'horreur ou le fantastique (2 Soeurs, Kim Jee-woon, 2003, 3 extrêmes, 2004), il se fait massivement le héraut d'un polar léché et condensé (Old Boy, Park Chan-wook, 2004, A Bittersweet Life, Kim Jee-woon, 2006, The Chaser, Hong Ji-na, 2009). C'est dans cette deuxième catégorie que rentre Memories of murder, que l'on pourrait prophétiquement rapprocher du grand Zodiac (2007) de David Fincher. Basé comme ce dernier sur les méfaits d'un serial-killer dont one ne retrouvera pas la trace, le film est autant la tragédie d'un petit village de la province de Gyunggi, que le portrait joyeusement délirant d'un petit monde de policiers ratés et de doux illuminés. 

    Le mélange des genres, si cher à Bong Joon-ho, semble être la potion magique de ses films, captivant le spectateur en laissant toutes les portes ouvertes : la comédie se mêle au drame, l'horreur à la chronique des petits maux quotidiens ; comme la vie... en un peu plus fou. 

    Les personnages semblent tout droit sortis d'un manga (Song Kang-ho en tête, vu récemment dans Thirst, ceci est mon sang, et déjà dans The Host) et s'insèrent dans un canevas extrêmement élaboré, où l'oeil du technicien (cadrages extrêmes, très composés) ne quitte pas celui de l'amoureux des personnages, qui, par leurs petites manies et leur naturel très peu professionnel, nous intéresse avant que l'action principale du film ne commence réellement. Celle-ci ne traîne d'ailleurs pas, et l'on prend le train en marche dès les premières minutes. L'enquête et les méthodes employées pour obtenir des résultats, loin d'être orthodoxes, proposent une relecture des films de serial-killers, comme l'anti Se7en (encore un film de David Fincher, 1995). AU cadre glauque de la ville dans Se7en, le réalisateur sud-coréen préfère le calme apparent la sérénité des paysages d'un petit village. Pour entériner ce contrepied, l'inspecteur Seo Tae-yoon quitte Séoul pour venir, attiré par l'affaire. Très méthodique et bien plus professionnel que ses nouveaux collègues, ce sera lui, pourtant, qui basculera dans l'obsession pour ce mystère, voulant à tous prix boucler le coupable, perturbant ainsi son objectivité. Tout comme Paul Avery dans Zodiac, s'exposant alors que des plaies psychologiques le minait déjà de l'intérieur.

    Avant The Host, un très bon film qui ne lâche jamais le spectateur, lui intimant l'ordre de suivre, captivé, le déroulement de son imprévisible intrigue. 

  • Batman contre le fantôme masqué (1993)

    Un film de Eric Radomski & Bruce W. Timm

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    Après la sortie retentissante du premier volet cinématographique de Batman signé Tim Burton, la Warner initie une série télé adaptée de cet univers. Grâce à l’équipe créative dirigée par Bruce Timm, elle restera dans les annales comme une série résolument adulte, très sombre sur le fond comme sur la forme (le concept de départ, abandonné par la suite, étant de dessiner non pas sur des feuilles blanches mais sur un fond noir). S’inspirant de l’univers gothique dépeint dans le film de Burton, elle se révèle très fidèle aux aventures de Batman dans les comics depuis les années 40. Devant le succès de la série, et après le deuxième volet de Tim Burton qui n’a pas plu aux pontes de la Warner, sort Batman contre le fantôme masqué (ou Batman : Mask of the Phantasm, titre aux consonances oniriques plus en phase avec le ton du film).

    Batman se retrouve aux prises avec un mystérieux tueur en série aux apparitions théâtrales, qui ne sont pas sans rappeler les siennes. Les bandits le confondent dans un premier temps avec le Dark Knight, ce qui rapproche les deux figures dès le début ; l’accent est rapidement mis sur la névrose de Batman et la réelle possibilité qu’il ait pu basculer du mauvais côté. Ainsi, après avoir entendu une attaque verbale contre Batman à la télévision ("Batman est aussi dangereux que les criminels qu’il neutralise, c’est un maniaque !") Alfred fait remarquer ironiquement à Bruce "Mais quelle calomnie, vous qui êtes si sain d’esprit ! Au fait, j’ai repassé vos collants et vos petites boules de gaz explosif...". Son attitude lors du premier affrontement du film ne laisse pas de doute sur son état mental : il marche quasi sadiquement un malfrat qui est déjà à terre. Plus tard, Wayne se verra entendre dire que "c’est une chance qu’il n’ait pas versé du mauvais côté : toutes ces années, [Alfred a] redouté que cela n’arrive". Batman / Bruce Wayne est sur la corde raide ; il est d’ailleurs, comme ici, régulièrement confondu avec les bandits qu’il pourchasse (on en a la démonstration dans Batman et Red Hood).

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    Le thème musical de la série, réorchestré, fait intervenir des chœurs accentuant la dimension tragique du personnage. Commençant par un vol plané au dessus de la ville, on se rend compte des apports du cinéma sur la série : l’écran 4 :3, de mise sur la série, fait place à l’écran large, et la finition des décors fait encore un bond en avant, élément déjà très travaillé par ailleurs. Si la charte graphique est respectée sur les visages, les décors se voient effectivement plus détaillés, s’offrant même durant le générique introductif un relief du aux images de synthèse. Cette ouverture fait montre à la fois d’un combat aux résonances mythologiques, à la fois entre le bien et le mal, mais aussi entre les deux faces du personnage principal : empreint de majesté et psychose tout à la fois.

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    L’univers du film est tout à fait en accord avec celui de la série, ancré dans les années 40, avec ces voitures, ces chevelures permanentées, ces gangsters au chapeau mou, cigare en bouche et mitraillette rondelle à la main. L’aspect graphique est, comme pour la série, héritée en droite ligne des travaux de Max Fleischer sur la série animée Superman des années 40, entre simplicité des traits, yeux aux traits fins, esthétique globalement "carrée". Ils sont les éléments clés d’une atmosphère film noir, où l’on retrouve le personnage central de la femme fatale, ici Andrea, une ancienne petite amie de Bruce qui refait brusquement surface. Ses yeux bleus et sa sophistication, associé aux blessures du passé, vont bousculer le héros. Comme tout bon film de super-héros, Batman contre le fantôme masqué fait appel  à des flash-backs qui forment une histoire parallèle complète. La romance du jeune Bruce et d’Andrea trouve des échos dans la période du présent du film. Plus encore, c’est dans la partie "rappel des origines" que le film trouve sa force, exposant pour la première fois les débuts de Bruce Wayne en tant que justicier masqué. L’instant de la mise au noir, le passage du masque, est tout bonnement magnifique, Alfred étant le premier surpris de l’apparence menaçante (et convaincante) de son protégé. Le film évite dans ces origines la redite de la mort des parents Wayne, vu dans quasiment tous les films de la saga cinématographique.  Classicisme et nouveauté, la recette d’un succès qui fait perdurer celui de la série animée. Et que serait Batman sans son éternel ennemi, le Joker ? Il est ici bien présent, bien que son rapport avec l’intrigue soit carrément tiré par les cheveux pour pouvoir l’intégrer à l’histoire. Il exploite les ruines d’un âge d’or dans lequel Bruce n’avait pas encore à être Batman, trouvant son royaume dans le parc d’une exposition aux mécanismes rouillés, mais toujours opérationnels. Il livrera une bataille homérique avec le Détective.

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    Des ingrédients savamment dosés, exploitant tout le potentiel créatif de l’équipe de la série TV : une œuvre d’animation qui vaut bien des films live, aussi bien en terme de dramaturgie que par son ambition esthétique. Le premier succès d’une série de films d’animation de chez DC, qui continue aujourd’hui encore avec la sortie de Batman et Red Hood.

    Source images : captures du dvd Warner Bros. Home Video