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Critiques de films - Page 38

  • Chico et Rita (2011)

    Un film de Fernando Trueba & Javier Mariscal

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    Flashback. Le 11 juin dernier se clôturait le 51ème Festival International du Film d'Animation d'Annecy. Et, si le Cristal du long-métrage officiel a été remporté par Joann Sfar et Antoine Delesvaux pour Le chat du rabbin, une poignée de cinéphiles (dont votre serviteur) ont honoré Chico et Rita comme le premier Prix Fnac pour un long-métrage. C'est que, comme nous allons le dessiner, le film a de très belles qualités...

    Novice en animation, Trueba est néanmoins un véritable routard du cinéma, lauréat de plusieurs Goyas (El sueño del mono loco, 1990, Belle Époque, 1993, et La niña de tus ojos, 1999) et même auteur d'un dictionnaire du cinéma. Il s'est associé à Javier Mariscal, graphiste et auteur de bande dessinées, pour conter une histoire d'amour passionnée sur fond de musique cubaine.

    La musique est la composante essentielle de ce film ; elle est composée par Bebo Valdès, qui avait déjà accompagné Trueba sur un de ses précédents long-métrage documentaires, Calle 54 (2000), son Buena Vista Social Club à lui (Club auquel il adressera un joli clin d'oeil dans la dernière partie du film). Et sa musique habite littéralement Chico et Rita. C'est elle qui nous emmène dans cette histoire d'amour au long cours, nous fair ressentir la chaleur, la sensualité des comportements, nous fait passer d'une époque à une autre, ... nous transporte.

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    Ce qui frappe dans Chico et Rita, hormis sa fabuleuse sensibilité musicale, c'est sa construction et ses personnages, tous droits issus d'une grammaire (parfois trop ?) classique de film de prises de vues réelles. On ne se refait pas, Trueba entend user des mêmes cordes -efficaces- pour nous immerger dans son récit. Histoire en flach-backs, où un Chico vieillard se remémore ses jeunes années de pianiste émérite au son grésillant d'une radio qui rediffuse ses vieux titres. Dès les premières minutes, l'on revit sa rencontre enfiévrée avec la chanteuse Rita, tout en affrontements. Ceux-là même qui deviendront plus tendres, le temps d'une séquence charnelle très réussie. La sensualité des corps, les lignes s'entremêlant, les tons chauds et la musique cool, transpirent du dessin, forcément animé. 

    Commence alors une véritable odyssée, peuplée de stars de cinéma (Rita croise la route de Bogart et Brando), de musiciens (Charlie Parker), de dealers, de règlements de compte, d'atermoiements amoureux, de déceptions, de succès. l'histoire fait constamment s'éloigner les deux personnages principaux, pourtant évidemment liés. Là où Trueba réussit son film, c'est lorsqu'il n'hésite pas faire de Chico et Rita des personnages prisonniers de leurs obsessions (la célébrité pour Rita, le contact charnel pour Chico), en même temps qu'il dessine des trajectoires totalement romantiques qui peuvent souffrir une certaine naïveté (prenons comme exemple le final, le seul moment vraiment mal amené, même si logique dans le progression narrative).

    Combinant les forces de l'animation et de la prise de vues réelles, le résultat pourra décevoir les partisans de l'animation, pour lesquels le film est certainement trop classique. Mais, vous savez quoi ? Ce qu'il y a de bien avec le classique, c'est que ça ne se démode pas. Et je vous fiche mon billet que celui-là, avec ces décors fins et colorés, et ses incrustations réussies de quelques images de synthèse, va bien supporter le poids des ans. Et l'on peut être satisfait, toute notre petite troupe, d'avoir donné à ce film le prix qu'il méritait.

  • Le chat noir (1934)

     

    Retrouvez la chronique du Chat noir en cliquant sur l'image ci-dessous :

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  • Triangle (2011)

    Un film de Christopher Smith

    5959082058_dc0453c204_m.jpgAprès l'horreur à l'italienne d'Argento et ses mouches bien mystérieuses, faisons un saut dans le temps jusqu'à nos jours, où l'on découvre une toute autre conception du genre horreur / fantastique, où les sensations ne sont pas générées par des visions cauchemardesques, mais plutôt sur la construction même de la narration. Ainsi, à l'instar d'un Inception, et encore plus de TimeCrimes ou d'un épisode de la séminale Quatrième Dimension, Triangle est attendu sur le terrain de sa structure même. 

    Difficile de parler de Triangle sans éventer son principe : celui d'un récit qui tourne sur lui-même, se répète, à chaque fois avec un changement de point de vue. Ce qui n'est effectivement pas sans rappeler le vertigineux TimeCrimes, que Smith confesse pourtant ne pas connaître. A cette structure en emboîtements, qui voit un groupe d'amis prendre la mer pour une ballade ensoleillée et anodine, se superpose un véritable film d'horreur. Surpris par le manque de vent et un phénomène météorologique anormal (ils tombent tout à coup en pleine tempête, faisant chavirer leur voilier), ils trouvent refuge dans un bateau désert. Le groupe d'amis se faisant rapidement tuer par un mystérieux individu. 

    La déambulation dans les couloirs rappelle irrémédiablement Shining de Kubrick (comme le souligne le clin d'oeil de la cabine 237), et la trajectoire du personnage principal est comme encadré par un fond de mythologie (celui de l'éternel recommencement), ce qui assoit bien le film, mais n'efface jamais vraiment deux ou trois erreurs de construction dramatique. D'abord, il est difficile de croire une seconde que Jess (Melissa George, bien meilleure que dans 30 jours de nuit) s'engage de son plein gré dans cet engrenage infernal, pas plus qu'elle tue accidentellement un de ses compagnons, en n'arrêtant pas de le seriner qu'elle ne lui veut pas de mal. Le déroulé d'une structure narrative aussi complexe a deux écueils : ceux d'oublier les personnages, ce qui n'est heureusement pas le cas ici, et d'autre part, d'enfermer les destinées des personnages dans des schémas préconstruits qui devront rester immuables. Là-dessus, Triangle accuse un milieu carrément flottant, les événements se répétant à trois reprises, et, bien que beaucoup d'éléments changent, l'on est que peu surpris... tant qu'on est sur ce fameux bateau.

    Ce qui fait finalement la réussite de Triangle, c'est de pousser dans ses derniers retranchements sa terrible logique. En effet, loin d'arrêter la boucle temporelle à la répétition de la première image du film, Smith laisse filer et développe encore plus le personnage de Jess, donnant à voir un des univers les plus pessimistes qui soient, où les humains ne sont que pantins, jouets d'un destin réglé pour l'éternité. Smith nous aura prévenu avec ces premiers long-métrages, et a continué avec le très bon Black Death : ses histoires sont noires, très noires. Et ça lui réussit ! Black Death et Triangle n'ont, malgré tout, pas connu de sortie en salles dans nos contrées. Nous ne souhaitons qu'une chose à l'avenir : que l'histoire ne se répète pas et que les prochains films de Christopher Smith sortent bien... au cinéma !

  • Quatre mouches de velours gris (1971)

    Un film de Dario Argento

    5935903539_466c28f4a6_m.jpgRapidement après son sympathique Oiseau au plumage de cristal et un moyen Chat à neuf queues, Dario Argento alimente sa filmographie d'un troisième giallo, ultime pierre d'une trilogie animale dans laquelle il affine et radicalise son style.

    La séquence d'ouverture nous plonge dans un assourdissant concert de percussions, qui préfigure certains arrangements des Goblins dans Suspiria. Une furie sonore envahit l'espace, entrecoupés de plans d'une opacité d'ébène, qui nous offre la vision d'un coeur qui bat, accompagné en sourdine de son battement. Le coeur, comme la caisse du batteur, résonnent d'un rythme différent, à l'intensité variable, donnant peut-être un indice sur le mélange des genres que veut offrir Argento sur le film. Nous découvrons alors Roberto Tobias (Michael Brandon, ressemblant assez à une version idéalisée d'Argento), batteur d'un groupe de rock, tourmenté par une mouche. Le réalisateur, sûrement soucieux de poser un lien direct entre le contenu du film et son titre pour le moins nébuleux, nous enbobine du même coup comme il adore le faire, multipliant les fausses pistes.

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    La séquence suivante offre un parallèle assez flagrant avec la scène de meurtre dans L'oiseau au plumage de cristal : aux trousses d'un homme qui l'a suivi toute la journée, il se retrouve nez-à-nez avec lui dans un théatre désafecté, et, alors que l'inconnu brandit un couteau, ce dernier s'effondre après une rapide bousculade, mort. Sous la lumière blanche d'un projecteur, Tobias, hébété, un couteau ensanglanté en main, est pris en photo par un étrange indiviu masqué qui assistait à la scène, protégé par l'obscurité. Le montage, malgré sa caractéristique elliptique, ne cache pas vraiment que ce qui semble s'être produit n'est pas la réalité. Tobiais prend pourtant pour argent comptant le fait d'avoir tué accidentellement un inconnu. Cette scène est intéressante car elle démontre la facilité avec laquelle Dario Argento passe d'un effet de réalité tout à fait vraisemblable (éclairage, organisation spatiale, interaction sociale) à un onirisme qui fait exploser cet effet. Tout à coup, l'espace est déconstruit, les éclairages semblent irréels, et le réalisme fait place à une scène théâtrale dont la vie a été escamotée, comme un décor, en coulisse. La scène ne se veut jamais vraisemblable, ni même logique. On retrouve parfois cet vision dans certains films d'exploitations des années 60-70, notamment au Japon avec Yasuzo Masumura, Norifumi Suzuki ou Seijun Suzuki. L'utilisation de ce glissement chez Argento, comme si l'on percevait les sensations du personnage qui vit la scène, offre un résultat non pas maîtrisé mais flottant comme un cauchemar, brouillon, qui force l'immersion dans le film.

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    Au passage, on reconnaîtra la patte de Luigi Cozzi au scénario, plus versé dans la science-fiction, par le biais d'une séquence un peu hors-sujet où des scientifiques réussissent, en examinant au laser l'oeil d'une des victimes, à photographier sa dernière vision... une indication sur le meurtrier. On retrouve d'ailleurs cette intérêt pour la science dans Le chat à neuf queues, où l'on isolait le gène XYY de la violence. L'oeil innervé inspirera d'ailleurs plusieurs affiches lors de la sortie de Quatre mouches de velours gris.

    Le personnage principal, forcément chamboulé intérieurement par l'événement, est en plus persécuté par le "photographe" qui s'ingénue à lui faire comprendre qu'il sait tout, mais sans chantage. Un parfum d'étrangeté fort bien distillé sourd au fil des séquences, qui s'enchaînent avec de vraies trouvailles cinématographiques, et les passages les plus effrayants de la jeune carrière du réalisateur. la séquence de l'assassinat de la bonne reste ainsi comme le meilleur moment du film. Lorsqu'elle se rend dans un parc, de nuit, pour rencontrer le "maître chanteur", son audacieuse aventure se retourne contre elle, alors qu'elle tente d'échapper à un agresseur, dans un dédale devenu totalement surréaliste (un passage très étroit devient au fil des pas trop exiguë). De même, l'accompagnement musical laisse parfois la place à un silence de mort, comme lorsqu'une jeune femme, poursuivie dans une maison, s'aventurant dans une pièce au sous-sol, se cache dans un placard pour échapper au meurtrier.

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    Pour ce troisième film, Dario Argento maîtrise totalement l'art de la peur, tout en instillant pourtant des éléments comiques, alternance qui fait aussi partie de son style. Ici, c'est le personnage fantasque d'un détective (interprété par Jean-Pierre Marielle) qui joue ce rôle. Homosexuel quelque peu maniéré, il s'enorgueillit d'avoir à son actif plus de 80 affaires non élucidées, preuve irréfutable selon lui pour que la prochaine soit celle, enfin de la résolution. Ce qui se révèlera vrai... On croise également Bud Spencer, appelé Dieu (dans la version française comme dans la version américaine), ce qui nous vaut un beau moment où Tobias l'appelle au téléphone et l'implore : "Allô ? Dieu ?!". La variété des ambiance, la maîtrise technique et les terribles séquences de meurtres, font de Quatre mouches de velours gris (méconnu en France pour cause d'invisibilité en DVD) le meilleur Argento de son début de carrière. Alors, même si Michael Brandon ne joue pas très bien la comédie, la majesté visuelle de l'ensemble et les dérapages incontrôlés vers des scènes convoquant nos plus grandes peurs irrationnelles (peur du noir, du silence, des masques, ...) font de Quatre mouches de velours gris un moment tout à fait recommandable.

    A lire aussi : le Hors-Série Argento sorti chez Mad Movies en novembre 2010.

    La bande annonce américaine (la voix-off semble être celle de Vincent Price) :