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  • Ciné d'Asie : Memories of murder (2003)

    Un film de Bong Joon-ho

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    Découvrir Memories of murder après The Host, second film de Bong Joon-Ho, n'a pas grande importance : il confirme ou fait découvrir un talent raffiné pour le cinéma. Memories of murder, resitué dans le contexte de sa sortie salles, correspond à un essor du cinéma sud-coréen en France, témoignant de l'intérêt des distributeurs et des spectateurs. D'abord orienté film d'auteurs (on découvre L'île et Printemps, été, automne, hiver... et printemps de Kim Ki-Duk, Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-Tep, le cinéma coréen importé en France montre son visage le plus jouissif, celui du film de genre. Investissant parfois l'horreur ou le fantastique (2 Soeurs, Kim Jee-woon, 2003, 3 extrêmes, 2004), il se fait massivement le héraut d'un polar léché et condensé (Old Boy, Park Chan-wook, 2004, A Bittersweet Life, Kim Jee-woon, 2006, The Chaser, Hong Ji-na, 2009). C'est dans cette deuxième catégorie que rentre Memories of murder, que l'on pourrait prophétiquement rapprocher du grand Zodiac (2007) de David Fincher. Basé comme ce dernier sur les méfaits d'un serial-killer dont one ne retrouvera pas la trace, le film est autant la tragédie d'un petit village de la province de Gyunggi, que le portrait joyeusement délirant d'un petit monde de policiers ratés et de doux illuminés. 

    Le mélange des genres, si cher à Bong Joon-ho, semble être la potion magique de ses films, captivant le spectateur en laissant toutes les portes ouvertes : la comédie se mêle au drame, l'horreur à la chronique des petits maux quotidiens ; comme la vie... en un peu plus fou. 

    Les personnages semblent tout droit sortis d'un manga (Song Kang-ho en tête, vu récemment dans Thirst, ceci est mon sang, et déjà dans The Host) et s'insèrent dans un canevas extrêmement élaboré, où l'oeil du technicien (cadrages extrêmes, très composés) ne quitte pas celui de l'amoureux des personnages, qui, par leurs petites manies et leur naturel très peu professionnel, nous intéresse avant que l'action principale du film ne commence réellement. Celle-ci ne traîne d'ailleurs pas, et l'on prend le train en marche dès les premières minutes. L'enquête et les méthodes employées pour obtenir des résultats, loin d'être orthodoxes, proposent une relecture des films de serial-killers, comme l'anti Se7en (encore un film de David Fincher, 1995). AU cadre glauque de la ville dans Se7en, le réalisateur sud-coréen préfère le calme apparent la sérénité des paysages d'un petit village. Pour entériner ce contrepied, l'inspecteur Seo Tae-yoon quitte Séoul pour venir, attiré par l'affaire. Très méthodique et bien plus professionnel que ses nouveaux collègues, ce sera lui, pourtant, qui basculera dans l'obsession pour ce mystère, voulant à tous prix boucler le coupable, perturbant ainsi son objectivité. Tout comme Paul Avery dans Zodiac, s'exposant alors que des plaies psychologiques le minait déjà de l'intérieur.

    Avant The Host, un très bon film qui ne lâche jamais le spectateur, lui intimant l'ordre de suivre, captivé, le déroulement de son imprévisible intrigue. 

  • Batman contre le fantôme masqué (1993)

    Un film de Eric Radomski & Bruce W. Timm

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    Après la sortie retentissante du premier volet cinématographique de Batman signé Tim Burton, la Warner initie une série télé adaptée de cet univers. Grâce à l’équipe créative dirigée par Bruce Timm, elle restera dans les annales comme une série résolument adulte, très sombre sur le fond comme sur la forme (le concept de départ, abandonné par la suite, étant de dessiner non pas sur des feuilles blanches mais sur un fond noir). S’inspirant de l’univers gothique dépeint dans le film de Burton, elle se révèle très fidèle aux aventures de Batman dans les comics depuis les années 40. Devant le succès de la série, et après le deuxième volet de Tim Burton qui n’a pas plu aux pontes de la Warner, sort Batman contre le fantôme masqué (ou Batman : Mask of the Phantasm, titre aux consonances oniriques plus en phase avec le ton du film).

    Batman se retrouve aux prises avec un mystérieux tueur en série aux apparitions théâtrales, qui ne sont pas sans rappeler les siennes. Les bandits le confondent dans un premier temps avec le Dark Knight, ce qui rapproche les deux figures dès le début ; l’accent est rapidement mis sur la névrose de Batman et la réelle possibilité qu’il ait pu basculer du mauvais côté. Ainsi, après avoir entendu une attaque verbale contre Batman à la télévision ("Batman est aussi dangereux que les criminels qu’il neutralise, c’est un maniaque !") Alfred fait remarquer ironiquement à Bruce "Mais quelle calomnie, vous qui êtes si sain d’esprit ! Au fait, j’ai repassé vos collants et vos petites boules de gaz explosif...". Son attitude lors du premier affrontement du film ne laisse pas de doute sur son état mental : il marche quasi sadiquement un malfrat qui est déjà à terre. Plus tard, Wayne se verra entendre dire que "c’est une chance qu’il n’ait pas versé du mauvais côté : toutes ces années, [Alfred a] redouté que cela n’arrive". Batman / Bruce Wayne est sur la corde raide ; il est d’ailleurs, comme ici, régulièrement confondu avec les bandits qu’il pourchasse (on en a la démonstration dans Batman et Red Hood).

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    Le thème musical de la série, réorchestré, fait intervenir des chœurs accentuant la dimension tragique du personnage. Commençant par un vol plané au dessus de la ville, on se rend compte des apports du cinéma sur la série : l’écran 4 :3, de mise sur la série, fait place à l’écran large, et la finition des décors fait encore un bond en avant, élément déjà très travaillé par ailleurs. Si la charte graphique est respectée sur les visages, les décors se voient effectivement plus détaillés, s’offrant même durant le générique introductif un relief du aux images de synthèse. Cette ouverture fait montre à la fois d’un combat aux résonances mythologiques, à la fois entre le bien et le mal, mais aussi entre les deux faces du personnage principal : empreint de majesté et psychose tout à la fois.

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    L’univers du film est tout à fait en accord avec celui de la série, ancré dans les années 40, avec ces voitures, ces chevelures permanentées, ces gangsters au chapeau mou, cigare en bouche et mitraillette rondelle à la main. L’aspect graphique est, comme pour la série, héritée en droite ligne des travaux de Max Fleischer sur la série animée Superman des années 40, entre simplicité des traits, yeux aux traits fins, esthétique globalement "carrée". Ils sont les éléments clés d’une atmosphère film noir, où l’on retrouve le personnage central de la femme fatale, ici Andrea, une ancienne petite amie de Bruce qui refait brusquement surface. Ses yeux bleus et sa sophistication, associé aux blessures du passé, vont bousculer le héros. Comme tout bon film de super-héros, Batman contre le fantôme masqué fait appel  à des flash-backs qui forment une histoire parallèle complète. La romance du jeune Bruce et d’Andrea trouve des échos dans la période du présent du film. Plus encore, c’est dans la partie "rappel des origines" que le film trouve sa force, exposant pour la première fois les débuts de Bruce Wayne en tant que justicier masqué. L’instant de la mise au noir, le passage du masque, est tout bonnement magnifique, Alfred étant le premier surpris de l’apparence menaçante (et convaincante) de son protégé. Le film évite dans ces origines la redite de la mort des parents Wayne, vu dans quasiment tous les films de la saga cinématographique.  Classicisme et nouveauté, la recette d’un succès qui fait perdurer celui de la série animée. Et que serait Batman sans son éternel ennemi, le Joker ? Il est ici bien présent, bien que son rapport avec l’intrigue soit carrément tiré par les cheveux pour pouvoir l’intégrer à l’histoire. Il exploite les ruines d’un âge d’or dans lequel Bruce n’avait pas encore à être Batman, trouvant son royaume dans le parc d’une exposition aux mécanismes rouillés, mais toujours opérationnels. Il livrera une bataille homérique avec le Détective.

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    Des ingrédients savamment dosés, exploitant tout le potentiel créatif de l’équipe de la série TV : une œuvre d’animation qui vaut bien des films live, aussi bien en terme de dramaturgie que par son ambition esthétique. Le premier succès d’une série de films d’animation de chez DC, qui continue aujourd’hui encore avec la sortie de Batman et Red Hood.

    Source images : captures du dvd Warner Bros. Home Video

  • Batman et Red Hood : sous le masque rouge (2010)

    Un film de Brandon Vietti

    5097819918_7a82db07fb_m.jpgLes inédits dvd de chez DC témoignent d'un niveau tel qu'on est presque surpris de les découvrir directement chez soi, dans la quiétude (rapidement chamboulée) de notre salon, ou bien devant son ordinateur, la tête surmontée d'un casque audio (pour la VO, c'est bien mieux, je vous le conseille !). Superman Doomsday (Laurent Montgomery, 2007) était d'une redoutable efficacité ; Justice League : New Frontier (Dave Bullock, 2008) faisait preuve d'une belle recherche esthétique et constituait une adaptation honnête de la BD de Darwyn Cooke ; Batman et Red Hood vient aujourd'hui jouer sur les terres du superbe Batman contre le fantôme masqué (Batman : Mask of the fantasm, seul long métrage animé issu de la mythologie Batman à avoir franchi les portes de salles de cinéma américaines). Une fois n'est pas coutume : alors que même ce dernier film a mis de longues années à être disponible en vidéo en France, Warner a décidé de sortir Batman et Red Hood quelques mois seulement après les Etats-Unis. Preuve de leur confiance dans la qualité de ce long-métrage?

    Le scénariste (Judd Winick, qui adapte sa propre BD) a une parfaite connaissance de la continuité malmenée de l'univers, comme les créateurs nous l'avaient démontré dans l'excellente série animée Batman des années 90, de Paul Dini et Bruce Timm (qui officie ici en tant que producteur). Ils nous emmènent ainsi à la fois dans la filiation des différents Robin, éternelle figure d'allié de Batman qui a pris bien des visages depuis sa première apparition en 1940. Piochant dans le récit célèbre de A death in the Family où l'on voit Le second Robin périr sous les coups du Joker (aussi repris dans le très bon Batman, la relève : Le retour du Joker), jusqu'aux derniers épisodes dessinées des aventures du chevalier Noir (la mini-série Battle for the cowl) pour la réapparition d'un ancien souvenir de Bruce Wayne, Red Hood navigue entre les époques, les personnages, pour fonder la brutalité et la radicalité d'un propos que la violence graphique n'effraie pas. On perçoit à chaque plan une profondeur digne d'un Dark Knight (Christopher Nolan, 2008), entre un Joker psychopathe, un Batman torturé, solitaire et peu amène, et la ville de Gotham comme un personnage en tant que tel, un niveau de l'enfer que sillonnent jours et nuits pillards, bandits et justiciers.

    L'identité de Red Hood découverte, c'est la tragédie et la mélancolie qui se fraie un chemin dans les rues sombres et puantes de Gotham : oui, Batman et Red Hood est un véritable film noir en puissance, qui tiendrait tête à plus d'un, par le biais d'une caméra mobile faisant la part belle aux plan-séquences survitaminés, l'action dosée avec un soin rare, motivée par un storytelling d'une folle cohérence où tout découle de ce qui vient de se produire à l'écran, flash-backs à l'appui. La musique, digne d'un grand film live, accompagne la noirceur de l"oeuvre avec brio.

    Entre Blackmask, superméchant effrayant et mortel, et Ra's Al Ghul, maître en arts martiaux et occultes, immortel se baignant dans le puits de Lazarus, un Joker taré et le mystérieux Red Hood, aux méthodes punitives extrêmes, la galerie des monstres est bien remplie, mais ne fait pas que du passage, du temps de présence à l'écran pour faire plaisir aux fans : ils sont le coeur d'une dramaturgie poussée où tout fait sens. Les bons films sont où on ne les attend pas, et Batman et Red Hood se hisse dans la liste des meilleures surprises de l'année !

  • Ciné d'Asie : Ip Man (2008)

    Un film de Wilson Yip

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    Ip Man a été, comme tant d'autres longs-métrages, privé de sorties salles en France ; ce qui, au vu du film enfin distribué dans nos contrées par l'entremise de Metropolitan / HK, est tout bonnement ahurissant.

    Ip Man est un maître d'arts martiaux ayant réellement existé, sa spécialité étant le Wing-Chun, style de combat de la Chine du Sud. La star du film, si ce n'est Donnie Yen, qui incarne le maître avec beaucoup de retenue et de style, est clairement l'art martial en lui-même : de nombreux affrontements se succèdent, la caméra agile de Wilson Yip captant chaque inflexion de main, chaque mouvement de pied, avec le plus grand impact visuel possible. Le talent martial de l'acteur ne fait aucun doute et jaillit jusqu'aux quatre coins du cadre. Il se dégage de ces séquences une poésie du mouvement totalement jouissive, alliant maîtrise totale et sérénité de l'être qui rapproche le personnage, ainsi que les combats, du légendaire Wong Fei Hung. Ip Man, contrairement à Fei Hung, éprouve cependant moins de scrupules à donner une bonne leçon aux japonais, méchants sans ambiguïté, et ce n'est pas plus mal. De même, les différents personnages sont très bien caractérisés dans leur niveau d'aptitude au combat, et la dynamique qui sous-tend les affrontements : à l'aide d'ellipses ingénieusement placées, on retrouve certaines personnes à d'autres postes, régis par de nouveaux rapports de force. 

    La structure narrative du film laisse apparaître des similitudes étonnantes avec Gladiator (Ridley Scott, 1999) : le général Maximus est déchu de ses fonctions, de la même façon que le maître Ip Man perd tout ce qu'il a lors de la guerre, et se retrouve à charrier du charbon comme un esclave ; Maximus devient peu à peu un gladiateur terriblement efficace, là où Ip Man se sert de ses qualités martiales pour en remontrer à des karatékas japonais dans un arène rappelant les jeux du cirque ; et, quand la renommée de Maximus lui fait rencontrer en combat singulier l'empereur lui-même, Ip Man affrontera lui aussi dans une séquence finale époustouflante le chef de l'armée japonaise ; et, malgré ce parallèle qui saute aux yeux, le film n'en est pas moins passionnant.

    Si les combats sont très réussis, dirigés par le bon Sammo Hung (également acteur et réalisateur), la dramaturgie générale du film l'est tout autant, ce qui est plutôt rare dans ce domaine ; prenez un Ong Bak, doté de chorégraphies de combat absolument démentes, il n'en reste pas moins que l'objet film reste bâclé par sa partie scénaristique, ... absente. Ici, les enjeux du film restent concentrés sur les personnages et le background historique, fondamentale (durant la deuxième guerre mondiale, la Chine étant sous domination japonaise). Dans la même veine, alliant histoire récente et arts martiaux, on avait été grandement impressionné par Fist of Legend (Gordon Chan, 1994), le remake de La fureur du Dragon avec Bruce Lee. Ip Man vient remettre au goût du jour cette qualité narrative, visuelle, psychologique et purement martiale, pour devenir une des meilleurs découverte cinéma de cette année, tous ganres confondus : il était temps !

  • Delirious (2007)

    Un film de Tom DiCillo

    5084242541_2b4fec9dec_m.jpgDelirious fleure bon le film indépendant dans toute sa splendeur, regard doux/amer sur le monde et personnages paumés inclus. Un SDF (Michael Pitt) s'acoquine avec un paparazzi (Steve Buscemi) et s'approche par le plus fou des concours de circonstance d'une star de la pop, Kharma (Alison Lohman). Des mondes si étrangers (survie, misère sociale confronté au luxe et à la célébrité) qu'en se rencontrant, ils font sauter aux yeux leurs similitudes plutôt que leurs différences. Baignant dans un naturel qui semble pratiquement non feint (il y a fort à parier que de nombreuses séquences furent directement improvisées sur le plateau), le personnage de Michael Pitt reste constant malgré son ascension. Le film veut gentiment égratigner au passage l'absurdité des situations, le monde du show-business, la bêtise des programmes télé formatés... Tout cela a l'air bien sympathique dit comme cela (ou pas).

    Mais Tom DiCillo, qui nous avait bien fait marrer avec Box of Moonlight (et la prestation habitée d'un Sam Rockwell faisant corps avec son personnage) paraît peu assuré dans ce  exercice d'équilibriste entre odyssée surréaliste, comédie douce-amère, et regard sur les coulisses du star-system. Au point que le résultat manque d'homogénéité, basculant selon les séquences entre clip de mode, récit tragi-comique quasi documentaire, et love-story contrariée. Soutenue par une bande son très hype (Dandy Warhols, Elvis Costello qui s'offre une prestation clin d'oeil, The Cloud Room...), Delirious applique sûrement trop littéralement son titre pour être pris au sérieux en tant que conte surréaliste, et aborde finalement son sujet avec une fausse décontraction trop poseuse pour convaincre. On ressent en effet devant cette accumulation de clichés un manque de sincérité, et de naturel, aussi paradoxal que cela puisse sembler. Trop prévisible, la trame narrative est loin de passionner, en dehors des numéros d'acteurs toujours excellents de Steve Buscemi et Gina Gershon. Un faux film à la cool, destiné à faire sourire les bobos new-yorkais et autres, qui manque cruellement de point de vue :  comment passe-t-on du SDF à la star des médias ? On ne sent aucun mouvement, aucun regard critique, quand tout se termine en happy end. Essai raté pour le réalisateur du récent documentaire sur The Doors, When You're Strange.