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  • Dorian Gray (2010)

    Un film de Oliver Parker

    5038328677_9c18c5fd48_m.jpgMais pourquoi donc Dorian Gray nous arrive-t-il directement en DVD et Blu-ray ? En effet, en dehors de son pays d'origine, le film de Oliver Parker passe par la petite porte, pour ne pas dire directement à la trappe. Ce n'est pas faute, ni d'un casting réussi (Ben Prince Capian Barnes et Colin Firth), ni d'un production design soigné, et encore moins d'une narration vraiment entraînante. Cette dernière reprenant le conte moral  de Oscar Wilde plutôt fidèlement, introduisant chaque personnage et presque toutes les péripéties à la lettre. Ce qui ne veut pas dire sans ambition : la peinture d'une époque victorienne est crédible, malgré quelques incrustations numériques voyantes (les extensions de quartiers dans les arrières-plans). Les acteurs sont convaincants, Colin Firth en première ligne, hédoniste cynique critiquant à tout va les moeurs de ses contemporains. Ben Chaplin (La ligne Rouge, Terrence Malick, 1998) donne également une belle force à son rôle de peintre obsédé par la beauté de son modèle. Là où d'autres adaptations ont été timides, en regard de leur conditions de production et de leurs époques respectives (le très beau Le portrait de Dorian Gray par Albert Lewin), le Dorian Gray millésime 2010 nous offre une grande ambiguïté dans les rapports entre les trois hommes, rapports d'admiration réciproque, voire de fascination, connotant une sensibilité homosexuelle tout à fait en phase avec le caractère androgyne de Ben Barnes. Le baiser de Basil (Ben Chaplin), ou le tendre intérêt de Lord Henry pour son protégé, tend une ligne de force sur tout le film.

    Lord Henry attire Dorian vers un monde de plaisirs immédiats qu'on rapproche de l'hédonisme. Les plaisirs de l'amour physique, de la boisson semblent être la seule religion de l'aristocrate, soit. Mais l'ensemble prend un air de corruption qui n'est plus en rapport avec les actes perpétrés. Quand le portrait de Dorian commence à se flétrir, il n'a rien fait qui soit vraiment répréhensible, sinon d'un point de vue judéo-chrétien dépassé. En effet, si on considère la recherche des plaisirs sous toutes ses formes comme mauvaises, alors seulement la transformation du tableau apparaît vraisemblable. Dans le cas contraire, les blessures de son âme visiblement corrompue (un vers luis sortant de l'oeil, impliquant un pourrissement moral) sont tout à fait disproportionnées par rapport aux actes. Le récit semble ainsi mélanger hédonisme et perversion morale ; de plus, le portrait accueille la vieillesse physique à laquelle Dorian échappe. Mais là n'est presque pas le débat, tant son cercle d'amis s'émeut peu de aspect physique inchangé. Non, si le diable est à l'oeuvre, c'est dans sa clémence face aux usages extrêmes, voire contre-nature, de Dorian. On voit à quel point la morale a changé depuis, et heureusement. Car, ce n'est pas en passant sa vie à voyager, donc en profitant de son temps sur Terre, que l'on fait quoi que ce soit de moralement répréhensible ! Tout cela est très moral. Pourtant, le côte fascinant de ce mythe universel est bien la fascination que Dorian entretient pour sa propre personne, fil rouge un peu trop discret de l'oeuvre. L'écueil auquel Dorian l'innocent n'échappe pas est un orgueil mal placé, une trop grande conscience de sa beauté qu'il utilise comme outil de manipulation. Là est la grande force du récit original : mais, à l'aide d'une bonne caractérisation des personnages et d'un univers bien ancré, le film réussit à nous faire passer un moment agréable, bien loin de certaines production blindées d'argent qui ont les honneurs d'une sortie en grande pompe (au hasard, Le Choc des Titans millésime 2010).

  • Festival Lumière à Lyon : une deuxième édition prestigieuse

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    L'expérience de l'an passé ayant été concluante, l'équipe de l'Institut Lumière remet le couvert cette année du 4 au 10 octobre 2010 avec une programmation éclectique, et tout bonnement dantesque. Jugez plutôt : un cycle Argento projeté en HD, une rétrospective Visconti (incluant la projection de Ludwig ou le crépuscule des Dieux restauré et du Guépard), une intégrale Milos Forman, un cycle de rares films des 70's (notamment Point Limite Zéro, qui doit être explosif sur grand écran), French Cancan de Renoir projeté dans sa copie récemment restaurée HD par Gaumont, Un mini-cycle Frank Borzage accompagnant leur sortie en DVD et Blu-Ray chez Carlotta, Psychose restauré, Chasse à l'homme de Fritz Lang en copie neuve,... Et ce ne sont que les films les plus emblématiques, les plus connus que nous citons ici.

    Pour accompagner ces projections, des invités, que dis-je, un tapis rouge de marque : Milos Forman, Dario Argento, Claudia Cardinale, Jean-Louis Trintignant, Volker Schlöndorf... qui participeront aux projections. Il s'agit de la meilleure programmation de cinéma de patrimoine que j'ai vu depuis un bail ! Pour ma part, je ne pourrais pas être présent, mais je tenais tout de même à faire mon programme rêvé, celui auquel j'aurais pu assister ; le voici : 

    L'oiseau au plumage de Cristal (Dario Argento, 1970)
    Le chat à neuf queues (Dario Argento, 1971)
    Ténèbres (Dario Argento, 1982)

    Cisco Pike (Bill L. Norton, 1972)
    Le merdier (Ted Post, 1978)
    Mélodie pour un tueur (James Toback, 1978)

    Senso (Luchino Visconti, 1954)
    Le Guépard (Luchino Visconti, 1963)
    Psychose (Alfred Hitchcock, 1960)

    Elle (Blake Edwards, 1979)

    Confucius (Fei Mu, 1940)

    ...

    Et vous, vous seriez allé voir quoi ?

  • Kick-Ass (2010)

    Un film de Matthew Vaughn

    5011734509_d2dee316f1_m.jpgLa note d'intention de Kick-Ass, le film (adapté du comic book de Mark Millar et John Romita Jr.) le rend instantanément sympathique ; un mélange d'action, de super-héros et de comédie, qu'on peut prendre dans l'ordre que l'on veut selon sa sensibilité. Les geeks verront plus le côté déconstruction du super-héros, d'autres beaucoup plus les passages ouvertement comiques, et les fans d'action seront comblés. Le film est, à ce titre, assez complet, tant  l'alchimie de ces dimensions dépasse leur simple somme mathématique. De ce type de film, Il y en a finalement assez peu, qui savent s'attirer cette forme de sympathie naturelle à un large panel de public ; cela tient, à mon avis, au très bon timing de la bande originale et au choix des morceaux qui la compose, qui collent aux baskets des images et leur impulsent un rythme syncopé, frénétique, tantôt plus calme pour appuyer l'iconisation du personnage principal. Le pool de compositeur (rien moins que quatre) signent chacun une partition exemplaire, entre électro, rock, pop et musique symphonique, John Murphy n'étant présent que pour -légèrement- remanier ses thèmes de 28 semaines plus tard et Sunshine.

    Le côté équilibriste du film est de se vouloir une déconstruction du mythe des super-héros, c'est-à-dire montrer que des personnages en collants incarnant des idéaux vivants, ne peuvent exister au premier degré. Car, dans le même temps, le film est totalement un film de super-héros au premier degré, au sens le plus noble du terme. Ainsi, lorsque l'on voit le premier plan du film, cet iconique homme-oiseau déployant ses ailes de métal au-dessus de New-York, accompagné du thème musical ouvertement John-Williamsien, on est dans le super-héros. La continuité de la scène, dans laquelle on découvre ce faux super-héros écrasé sur une voiture cinquante étages plus bas, on a la déconstruction : tout cela n'est que poudre aux yeux. Et surtout, ce n'est pas un américain comme le voudrait la tradition, mais un arménien un peu fou... Il me faisait surtout penser à Condorman, vous vous rappelez, cette production Disney du début des années 80 ? Ah oui, c'était sans parler de Hit Girl, gamine qui jure comme un charretier et bastonne mieux que dans Matrix. Elle bouffe l'écran à chacune de ses apparitions ; les studios, démarchés pour financer le film, se sont tous défilés à cause de ce personnage, définitivement trop politiquement incorrect. Ceux-là même qui, plus tard, voyant le fil terminé, ont dit : il faudrait plus de Hit Girl ! Et c'est vrai qu'on en redemande. Voir déambuler cette contradiction par essence, un soldat surentraîné dans un corps d'enfant qui demande des couteaux papillons pour son anniversaire, on appelle ça un coup de génie ou je ne m'y connais pas. 

    Mais, dans la scène qui clôture le film, on a bien deux super-héros contemplant le ciel sans nuages de New-York, musique compris, et l'on en restera là : ou comment commencer et finir par deux tableaux graphiquement similaires mais totalement opposés dans leur sens. C'est toute l'intelligence de Matthew Vaughn, réalisateur impliqué, que de faire passer ce grand écart... comme une lettre.

    Relecture colorée d'un point de vue graphique comme langagier, Kick-Ass (littéralement Botter des culs, faut-il le rappeler) dépeint le quotidien de Dave, un ado normal qui passe ses journées à se masturber, à aller au comic-shop et à être invisible à toute créature féminine. Son profil (comme son apparence) rappelle immanquablement Peter Parker, alias Spider-Man, alias Tobey Maguire. Le même Maguire qui, dans le très bon Pleasantville, était lui aussi invisible aux filles, passant la scène d'introduction à parler à une fille qui, elle, ne lui parle pas du tout... Point commun parmi d'autre entre Kick-Ass et Spider-Man, qui décale des scènes clés de l'emblématique film de super-héros, d'ailleurs une des seules réussite absolue sur le média : quitte à prendre un modèle, autant viser le haut du panier. Ainsi, on croisera une relecture du Un grand pouvoir nécessite de grandes responsabilités, le test du vol sur le toit ou encore les essais beaucoup plus comiques du costume. Tout le sel de Kick-Ass est qu'il passe plus de temps à voir son cul botté plutôt que l'inverse. D'autres super-héros passent à la moulinette des autres personnages comme Hit Girl, fillette de 10 ans qui manie les couteaux comme un marine, et qui nous gratifie d'une référence à Batman pas piquée des vers. Nicholas Cage est d'ailleurs très impressionnant dans son exercice de caricature de Batman, le film réunissant les icônes des deux firmes concurrentes, Marvel (pour Spider-Man) et DC pour Batman.  

    Selon la scène, le film oscille donc, dans une balance agile, entre les tons, les couleurs, les péripéties, dont l'énormité croissante offre un mix entre Tarantino et Sin City. Un vrai film comic book, sur les comics et pour les fans de comics. Le premier comic-book movie, serait-on tenté de dire, dans le top 3 des films de 2010. 

    Le blu-ray qui vient de sortir est très réussi, nous faisant entrer dans l'antichambre de la création, que ce soit du comics (très bon doc d'à peine 25 minutes qui arrive à être très pointu) que dans le film (un making-of monstrueux de 2h et une lecture du film commenté par Matthew Vaughn avec d'autres documentaires à la clé). On y découvre un réalisateur attentif aux moindres détails (le mixage son et la musique en premier lieu), perfectionniste au possible, et de fascinantes séquences notamment sur l'étalonnage numérique (cette scène est trop bleue, modifie les couleurs!) et sur les capacités de combat de la jeune Chloé Moretz, bluffants. En deux mots comme en cent, foncez!

  • Mondwest (1973)

    Un film de Michael Crichton

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    Pour nous dernier film à voir  du regretté Michael Crichton, Mondwest (Westworld en version originale) est aussi le premier essai cinématographique de l'auteur de Jurassic Park. Le déroulement du scénario de ce film rare (MAJ d'avril 2012 : enfin édité par Aventi en DVD et blu-ray) préfigure largement celui des dinosaures, dépeignant une sorte de parc d'attraction dans lequel les attractions vont se retourner contre les touristes.

    Le film débute par un journal télévisé où un reporter présente avec fièvre le dispositif de loisirs de Delos, interrogeant des touristes sortant juste de leur escapade. Crichton aime à cibler la télévision comme miroir déformant de la société, comme ce sera le cas pour Looker, dont le premier plan nous gratifie d'un film publicitaire.

    Dès cette introduction, la ligne de démarcation entre réel et/ fiction est ambiguë. On se vante d'avoir tué des cow-boys, d'avoir vécu comme au temps de l'ouest (ou à l'époque médiévale, ou romaine). L'hésitation d'un homme à qualifier son expérience, entre expérience réellement vécue mais dans le fond entièrement fabriquée, est très parlante. 

    Deux hommes, dont l'un a déjà tenté l'expérience par le passé, vont vivre à l'heure de l'ouest dans un environnement entièrement peuplé de machines, reproduisant dans un mimétisme confondant l'être humain. Il n'est donc pas possible de les différencier d'avec des humains véritables. C'est cette idée que j'ai trouvé remarquable dans le film, cette hésitation constante à qualifier ce qu'il se passe à l'écran en fonction de qui est dans le champ de la caméra. Robot ou humain ? Même le serpent, qui mordra vigoureusement un des deux hommes (James Brolin), est synthétique. Montrant les dangers d'un environnement peuplé de machines qu'on ne peut départager des hommes, Mondwest un vrai film cyberpunk avant l'heure, n'exploitant malheureusement que peu les potentialités de son sujet en or. Pour moi, Crichton, c'est un peu ça : un homme qui trouve des concepts géniaux mais qui ne sait pas les sublimer par le processus cinématographique. La progression narrative, notamment, est extrêmement lente, nous montrant plusieurs fois la même procédure sans valeur ajoutée (l'hôpital pour robots, une autre des passions de Crichton, alors futur producteur d'Urgences). Dans un monde fabriqué, peu d'enjeux apparaissent lorsque les robots sont à la botte des humains (ils se battent à chaque fois qu'un touriste a envie de sortir son pistolet), même si le film, finalement un des meilleurs de Crichton, réussit un truc énorme : les hommes couchent avec des robots ! Et, à ce qu'ils en disent, ils ne trouvent ça pas si mal...

    Un fois les décors plantés (les deux autres mondes ne font que de la figuration, le sujet du film étant bien uniquement le Westworld), les robots accusent de plus en plus de pannes : comme une rébellion contre une domestication forcée, ou bien encore la reproduction du processus de dérèglement de la société humaine. Car si l'exercice est factice en apparence, les balles sont bien réelles et peuvent tuer. L'univers du film semble d'abord extrêmement contrôlé, montrant une salle remplie d'informaticiens créant les codes nécessaires à l'application des tâches (ainsi, ils ne disent pas "tel personnage marche dans la rue et interrompt une conversation", mais plutôt "tangente delta à oméga, nouvel indice filaire", bref une interface numérique assez inédite à l'époque dans le panorama cinématographique américain, qui a toujours intéressé Crichton. Le Truman Show de Peter Weir ira même copier une séquence entière, celle où l'on découvre la mise en marche du monde le matin ; les personnages, d'abord immobiles, commencent à marcher et à vaquer à leurs occupations après un compte à rebours : mise en abîme du processus de tournage d'un film, lui-même mise en abîme de la création du monde. Mondwest est donc un film qui ne manque pas d’intérêt, mais cinématographiquement pas très réussi, faute de rythme et d'idées non abouties. Mais rien que pour Yul Brynner en cow-boy indestructible tout droit sorti des Sept mercenaires, ça vaut le coup d'œil...

  • Black Swan : quand Aronofsky s'inspire des Chaussons Rouges

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    On attend toujours assez impatiemment les images d'un nouveau film du cinéaste, qui n'a pour l'instant pas de fausses notes dans sa filmographie ; son soin de l'image et le choix de ces récits visent justes. Aujourd'hui, avec la bande-annonce de son nouveau film, on n'est pas déçu. Narrant la compétition professionnelle entre deux danseuses pour le rôle principal de Black Swan, il conjugue la danse et le thriller psychologique, pour verser dans l'horreur cronenbergienne lors de deux derniers plans tétanisants, souvenirs déjà gravés d'un film qu'on a pas vu. La rigueur de la discipline et la guerre psychologique que se livrent les

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    deux artistes (Natalie Portman et Mila Kunis) occupe les trois quarts de la bande-annonce. En sera-t-il de même pour le film ? Le tout semble prendre la forme d'un conte où l'histoire dépeinte sur scène rejoint la réalité du film, à l'image des Chaussons rouges de Powell et Pressburger. Sauf qu'Aronofky en profite alors pour dépasser les limites de la réalité ordinaire pour proposer une ambiance fantastique dans un dernier acte qu'on espère dantesque. Dans cette histoire d'appropriation du rôle par la danseuse, Portman semble pour le coup être totalement devenu Black Swan ; la blancheur immaculée de son teint est en contraste total avec ses yeux au maquillage de rouge et de noir, à l'instar du maquillage baroque de Moira Shearer lors de la représentation des Chaussons Rouges. A moins que ce ne soit qu'une hallucination, dans un jeu entre réalité et fiction digne d'un Millenium Actress (Satoshi Kon, 2001)?