Un film de Brandon Vietti
Les inédits dvd de chez DC témoignent d'un niveau tel qu'on est presque surpris de les découvrir directement chez soi, dans la quiétude (rapidement chamboulée) de notre salon, ou bien devant son ordinateur, la tête surmontée d'un casque audio (pour la VO, c'est bien mieux, je vous le conseille !). Superman Doomsday (Laurent Montgomery, 2007) était d'une redoutable efficacité ; Justice League : New Frontier (Dave Bullock, 2008) faisait preuve d'une belle recherche esthétique et constituait une adaptation honnête de la BD de Darwyn Cooke ; Batman et Red Hood vient aujourd'hui jouer sur les terres du superbe Batman contre le fantôme masqué (Batman : Mask of the fantasm, seul long métrage animé issu de la mythologie Batman à avoir franchi les portes de salles de cinéma américaines). Une fois n'est pas coutume : alors que même ce dernier film a mis de longues années à être disponible en vidéo en France, Warner a décidé de sortir Batman et Red Hood quelques mois seulement après les Etats-Unis. Preuve de leur confiance dans la qualité de ce long-métrage?
Le scénariste (Judd Winick, qui adapte sa propre BD) a une parfaite connaissance de la continuité malmenée de l'univers, comme les créateurs nous l'avaient démontré dans l'excellente série animée Batman des années 90, de Paul Dini et Bruce Timm (qui officie ici en tant que producteur). Ils nous emmènent ainsi à la fois dans la filiation des différents Robin, éternelle figure d'allié de Batman qui a pris bien des visages depuis sa première apparition en 1940. Piochant dans le récit célèbre de A death in the Family où l'on voit Le second Robin périr sous les coups du Joker (aussi repris dans le très bon Batman, la relève : Le retour du Joker), jusqu'aux derniers épisodes dessinées des aventures du chevalier Noir (la mini-série Battle for the cowl) pour la réapparition d'un ancien souvenir de Bruce Wayne, Red Hood navigue entre les époques, les personnages, pour fonder la brutalité et la radicalité d'un propos que la violence graphique n'effraie pas. On perçoit à chaque plan une profondeur digne d'un Dark Knight (Christopher Nolan, 2008), entre un Joker psychopathe, un Batman torturé, solitaire et peu amène, et la ville de Gotham comme un personnage en tant que tel, un niveau de l'enfer que sillonnent jours et nuits pillards, bandits et justiciers.
L'identité de Red Hood découverte, c'est la tragédie et la mélancolie qui se fraie un chemin dans les rues sombres et puantes de Gotham : oui, Batman et Red Hood est un véritable film noir en puissance, qui tiendrait tête à plus d'un, par le biais d'une caméra mobile faisant la part belle aux plan-séquences survitaminés, l'action dosée avec un soin rare, motivée par un storytelling d'une folle cohérence où tout découle de ce qui vient de se produire à l'écran, flash-backs à l'appui. La musique, digne d'un grand film live, accompagne la noirceur de l"oeuvre avec brio.
Entre Blackmask, superméchant effrayant et mortel, et Ra's Al Ghul, maître en arts martiaux et occultes, immortel se baignant dans le puits de Lazarus, un Joker taré et le mystérieux Red Hood, aux méthodes punitives extrêmes, la galerie des monstres est bien remplie, mais ne fait pas que du passage, du temps de présence à l'écran pour faire plaisir aux fans : ils sont le coeur d'une dramaturgie poussée où tout fait sens. Les bons films sont où on ne les attend pas, et Batman et Red Hood se hisse dans la liste des meilleures surprises de l'année !