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thriller - Page 3

  • Prisoners (2013)

    Un film de Denis Villeneuve

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    Le réalisateur canadien, qui s'était fait remarquer en 2009 avec Incendies, réalise avec Prisoners les espoirs que les amateurs avaient fondé en lui.

    Dans cette terrible histoire qui voit deux familles se détériorer autour de la disparition de leurs deux filles, on aime voir les limites de la séparation bons/méchants, chacun étant les prisonniers (prisoners) de leurs propres émotions, objectifs, douleurs. Ainsi, si Keller Dover est dans son droit en cherchant à tout prix à retrouver au plus vite sa fille, ses méthodes questionnent. Choisissant de ne pas se fier au policier (Jake Gyllenhall, excellent), il amène évidemment ses a priori sur le suspect potentiel, Alex Jones, un jeune homme attardé. Aveuglé par sa douleur et le temps qui passe, qui amoindri d'autant les chances de retrouver sa fille en vie, il dépasse la limite, en entrainant avec lui son ami Franklin Birch (Terence Howard). Leur vie à tous bascule terriblement, et ce qui aurait pu être totalement bateau et, disons-le, casse-gueule cinématographiquement (quelle empathie espérer pour un personnage -relativement- bon qui bascule ?) est gérée de façon très forte par Denis Villeneuve, en restant scotché à ses personnages.De même, le film, qui repose sur des grandes questions qui appellent une réponse claire (qui a enlevé les filles, et pourquoi), nous livrera sa réponse sans en faire des caisses, ni dans la façon d'annoncer ou dans le contenu de l'annonce.

    La caméra, élégante, ne les quitte pas d'une semelle et oublie les effets grandiloquents. Résultat ? On est accroché au siège, de bout en bout. Guidé par plusieurs pistes et plusieurs fils d'enquête différents, on est happés par ce fait divers anxiogène, que l'on a souvent comparé à Se7en, qui en a presque l'étoffe. Les acteurs, très impliqués, nous font croire par leur seul visage à la vérité de ce qui se produit à l'écran. Ainsi, lorsque le policier, blessé, doit conduire le plus vite possible jusqu'à l'hôpital le plus proche en n'y voyant quasiment rien, la séquence est d'une force implacable. Malgré l'impact certain de l'histoire pour elle-même, le film ne serait rien sans ses acteurs ; et si Gyllenhall est excellent, Paul Dano, dans le rôle d'Alex Jones, est tout bonnement ahurissant, dans une des plus grandes performances de sa jeune carrière. Un thriller qui tient ses promesses, ça ne court pas les rues : allez-y, vous en reviendrez chamboulé mais vous ne serez pas déçus !

  • Classics Confidential : The Outfit - échec à l'organisation (1973)

    Cliquez sur l'image pour consulter la chronique du film de John Flynn :

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  • The Secret (2012)

    Un film de Pascal Laugier

    8411490113_8ece0b9e15_m.jpgPremière tentative du français Pascal Laugier aux Etats-Unis, The Secret est aussi un bon film, chose assez rare dans ce cas de figure. The Secret (titre original : The Tall Man, décidément les as du marketing sont de sacrés farceurs) est effectivement un film malin, qui joue avec les conventions du thriller pour mieux capturer son spectateur dans une intrigue imprévisible. Film à twist, il est délicat de révéler son scénario ; tout juste peut-on dire que, dans une petite bourgade minière perdue au cœur des Etats-Unis, des enfants disparaissent.

    La patte visuelle et l'ambiance sont prégnantes, dès un générique aux crédits gigantesques plantés dans le décor, les forêts vues d'hélicoptères en mode Shining... sans compter la séquence initiale dans le commissariat de police, déterminante pour tout le déroulement de l'histoire : Laugier joue ici sur les attentes du spectateur, forcément balisées dans un film de genre ; tout ça pour mieux le surprendre. Cette acrobatie sur les conventions cinématographiques est vraiment bien menée, jusque la position du twist (qui intervient en milieu de film plutôt qu'à la fin, ce qu'avait tenté Jim Sheridant pour Dream House, et qui là fonctionnait beaucoup moins bien à mon sens). Il est aujourd'hui extrêmement complexe de véritablement surprendre le spectateur : la recrudescence de film à twist à partir de Sixième sens (M. Night Shyamalan, 1999) le pousse à se méfier de toute situation présentée comme établie, douter des apparences. Et, en effet, il s'agit d'un des ressorts les plus classiques -et efficaces- de toute œuvre de fiction. Ici, le casting, le choix du personnage principal, puis le dévoilement de certaines informations, amènent franchement à une seule conclusion possible... qui n'est cependant pas la bonne. C'est tout le tour de force cinématographique de Pascal Laugier, qui nous mène bien en bateau.

    La perception du passage du temps est tout aussi capitale dans The Secret, qui débute sur un montage d'images concernant les enfants disparus ; on nous donne l'impression que, depuis un temps immémorial, des disparitions de ce type arrivent fréquemment, disparitions à mettre au crédit du "Tall man", une personne énigmatique vêtue de noir. Certains l'auraient vu, d'autres y croient, certains non. Il est ainsi défini par ces contours flous qui font les légendes urbaines, asseyant petit à petit son aura mythologique, héritée de la nuit des temps...

    En cassure de cette présentation des choses, l'on va suivre en temps réel pendant une bonne demi-heure les démêlés de Jessica Biel avec le Tall Man, d'une façon assez inédite : alors qu'on penserait qu'il enlève un enfant et disparaît sans que personne n'en sache rien, Biel s'accroche et et part à la poursuite de ce mystérieux individu, en faisant preuve d'une audace finalement assez étonnante. A ce jeu du "tu va voir, je vais quand même te surprendre", The Secret  fonctionne à plein régime. La question du point de vue est également au centre de l'exercice : point de vue du personnage, du spectateur, sur les actions qui se déroulent devant leurs yeux.

    Une fois le fameux twist passé, la question est alors : la suite du film va-t-elle y survivre, car à ce moment-là l'objectif du film change. Que reste-t-il à découvrir ? Et c'est là, encore une fois, que Laugier est assez fort : il entretient tout de même le doute sur le devenir des enfants disparus et sur le Tall Man, son identité et ses motivations. Pour le coup, le timing des révélations du film est très bien géré, mais prend également une forme inédite.

    Devant tout ce mystère, que peut-on dire de plus ? Laugier nous trousse un film vraiment étonnant, qui fait s'interroger le spectateur sur le pouvoir des images et de la grammaire cinématographique. Mais The Secret n'est pas qu'un exercice de style ; le réalisateur réussit également à nous faire poser des questions sur notre façon de voir les choses, notre point de vue face à une situation bien plus complexe qu'elle n'en a l'air.

  • Shutter Island (2010)

    Un film de Martin Scorsese

    4953615798_8a76e632ea_m.jpgATTENTION ! L'ARTICLE REVELE DES CLES DE L'INTRIGUE

    Cette phrase, nous la croisons désormais régulièrement au fil des sites internet, et de la presse spécialisée. Elle est l'apanage de films qui tirent leur sens d'une révélation finale qui transforme toute la vision du film en son entier. Ainsi, pour décrypter le film, l'on se doit de parler de ces éléments qui ne sont pourtant connus qu'une fois le film découvert dans son entier, impliquant que les lecteurs de cette analyse auront déjà vu le film, les autres ne voulant pas gâcher le plaisir de visionnage ; plaisir qui passe avant tout par un effet de surprise, éventé ici.

    Shutter Island fait donc partie des films à twist, à l'instar du séminal Wicker Man (Robin Hardy, 1974, auquel le film fait irrémédiablement penser), de Usual Suspects (Bryan Singer, 1995), de Fight Club (David Fincher, 1999), et tant d'autres. Mais celui-ci (adapté du roman de Dennis Lehane, l'auteur de Mystic River) pousse le procédé, à notre avis, encore plus loin.

    En effet, la définition même de tous les personnages du film (et non pas uniquement du personnage principal, comme c'est souvent le cas) se trouve bouleversé par cette fameuse fin, qui nous joue de plus le coup de l'ambiguïté. L'édifice entier repose sur le retournement de situation, si bien qu'une deuxième vision (celle qui motive cette chronique) laisse découvrir un deuxième film caché (au grand jour) sous le premier, pour peu de ne pas avoir découvert le pot aux roses trop tôt. C'est, à notre avis, la réussite de Scorsese d'avoir réalisé deux films en un : les réactions des personnages, ainsi que les rapports de force qui les régissent, contiennent deux explications potentiellement crédibles ; pour autant, le film n'est pas vraisemblable, comme l'auront remarqué nombre de blogueurs et critiques, ce qui à leurs yeux sonne comme un lourd défaut ; mais ce monde d'Ashcliffe, cet asile d'aliénés que tente de rééduquer le docteur Cawley (Ben Kingley, magnétique) œuvre en tant que symbole, et monde intégralement mental. Ce n'est pas pour rien si le décorateur Dante Ferretti (collaborateur de Fellini, ayant aussi travaillé sur Le nom de la rose, 1986, ou Aviator, 2004) a pensé l'architecture de la forteresse comme un cerveau humain. Les méandres et dédales, et peut-être encore plus les espaces de plein air, sont menaçants, massifs, surplombant, englobant, avalant les protagonistes ; le phare symbolisant la possibilité d'échappatoire en même temps que la résolution des intrigues. Le décor est donc investi d'une puissance capitale , Scorsese essayant de marcher sur les platebandes de Shining (dont il emprunte, dès l'introduction, un passage de la douloureuse musique de Ligeti). Espace mental, dont toutes les apparitions ne sont pas à prendre au pied de la lettre.

    Au centre de cette confusion, Teddy Daniels (DiCaprio), Marshall chargé d'enquêter sur une disparition au sein de cet asile, situé sur une île. Le début du film est très étrange, débutant au milieu d'une scène, durant laquelle Daniels s'asperge le visage d'eau pour éviter de rendre son repas sur le ferry qui les mène à l'île. DiCaprio a la carrure d'un très grand, et ce n'est pas un hasard si Scorsese travaille avec lui depuis quatre films. Sa composition continuellement hantée, dont Inceptionnous donnera une suite, est terrible d'implication émotionnelle, et d'une grande justesse.

    Premier film de Scorsese empruntant à un genre périphérique (l'épouvante), il est peut-être le moins ambitieux, mais le plus réussi de ces dernières années pour le cinéaste. Ne se perdant pas dans une reconstitution fastueuse, le récit reste à hauteur d'homme et avance sûrement jusqu'à sa résolution inattendue. Libéré de thèmes qui lui sont trop proche, Scorsese fait de l'efficace, et sa descnete dans les ténèbres d'Ashcliffe est mémorable. D'épouvante, le film devient alors davantage étude psychologique, la fusion des deux opérant à merveille lors d'une nouvelle vision. C'est peut-être dans les scènes ouvertement cauchemardesques -les visions de Daniels- que la réussite est moins flagrante, trop posée, trop glacée et théâtrale. Shutter Island abat sa force brute sur le spectateur de la même façon, sûrement, que le roman de Lehane, dont la qualité de page-turner avait tant galvanisé Scorsese. Pour nous, tout simplement, une des tous meilleurs films de 2010.