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  • Ciné d'Asie : Intimate confessions of a Chinese courtesan (1972)

    Un film de Chu Yuan

    3909096010_5087024dd1_m.jpgChu Yuan choque les sensibilités quand il sort son Ai Nu (titre original de l’oeuvre, prénom de l’héroïne signifiant esclave de l’amour), histoire qui prend pour cadre une maison close à la patronne lesbienne ; cette dernière tombe amoureuse de sa dernière recrue (enrôlée de force), la bien nommée Ai Nu.

    S’en suit un récit de mensonges, de vengeance, de sabres mais aussi d’amour, dont s’est inspiré Tarantino pour son Kill Bill (2004). Les combats, bien que peu nombreux, peuvent faire pencher la balance vers le wu-xia pian, mais le film est définitivement plus tourné vers le récit de vengeance, tant le viol initial hante Ai Nu. Dès lors, croit-on une seconde à l'histoire d'amour sensuelle qui se noue entre les deux femmes ? Aussi étrange que cela puisse paraître, à certains moments, elle fait illusion, notamment grâce au jeu très naturel des deux actrices, lors d’un apprentissage au maniement du sabre. L’amour, aveugle, fait que Chun Yi, la (très) belle matronne, prend sous son aile la révoltée Ai Nu, couvrant cette dernière dans sa quête de vengeance envers ceux qui l’ont violé, lui apprenant, en même temps que l’art de l’amour, la façon de se battre. Elle ne peut pas voir qu’Ai Nu veut également sa mort, obnubilée par son attachement. Cette dimension, on ne peut plus classique, est rendue avec toute la tendresse et la folie qu’on peut imaginer. Ainsi, le film alterne dans un mouvement de balancier moments de douceur et de brutalité, voire de cruauté, épousant par là la personnalité de Chun Yi. Il faut voir cette dernière, transie d’amour, lécher les plaies de Ai Nu, laissées par les coups de fouets... Nous sommes en 1972 et Chu Yuan bouleverse les codes établis.

    L’extrême raffinement des cadres et de l’image (costumes de soie colorés, maquillage, coiffure, bâtiments, ruelles, ponts) nous fait entrer de plain pied dans un monde où l’artifice est constamment désigné comme tel (le sang fait faux, le tournage en studio est très visible), et crée cet inimitable cachet Shaw Brothers : c’est le cœur du système de représentation du monde cher à la firme. On aime ou pas, personnellement je marche à 200%. Ponctué de nombreux plans qui marquent la rétine, Intimate Confessions... est une succession de belles images, auxquelles Chu Yuan Confère une élégance toute particulière : lents travellings latéraux, jeu entre l’avant-plan et l’arrière-plan, ralentis gracieux, filtre de couleur verte pour la première séquence, neige qui tombe en pluie, ... De la belle ouvrage made in Hong-Kong. La symbolique des couleurs, notamment sur les robes de l’héroïne, sont très maîtrisées : tour à tour vêtue de vert, de jaune, de blanc, elles sont à chaque apparition signifiante d’un état, comme le souligne bien François et Max Armanet dans leur ouvrage fondateur, Ciné Kung Fu.

    Au rayon film de sabre, les combats sont bien réalisés, les mouvements chorégraphiés étant bien captés par l’œil de Chu Yuan, même si l'on n'est pas chez Liu Chia-Liang en ce qui concerne la maîtrise totale des techniques martiales. On peut dire que devant l’harmonie de toutes les dimensions du film (narration, cadres, jeu d’acteurs), il s’agit peut-être aujourd’hui d’un des Shaw Brothers les plus appréciables par un public non-initié au monde tout de même bien spécial et parfois bis de la Shaw Brothers. Une date dans le cinéma de Hong-Kong !

    Source image : affiche originale © Shaw Brothers

  • Dossier : la cinéphilie et le DVD, dernière partie

    Voici la dernière partie de notre dossier consacré aux rapports étroits entre cinéphilie et DVD, fruit d'un travail de recherche en Master durant l'année 2005, refondu, augmenté et corrigé en 2009.

    Retrouvez ici chaque partie, puis le document final en texte intégral (72 p.)

    Partie 1
    Partie 2
    Partie 3
    Partie 4
    Partie 5

    Version intégrale

  • Ciné d'Asie : Je suis un cyborg (2007)

    Un film de Park Chan-Wook

    3892699923_8090e8c54d_m.jpgAprès l’uppercut Old Boy (2004), le cinéaste coréen avait déjà quelque peu déçu les spectateurs de son Sympathy for lady vengeance (dont nous ne gardons qu’un souvenir lointain et... vide). Découvrant Je suis un cyborg (dont le titre anglais, I’m a cyborg but that’s OK, donne déjà plus d’indices sur le décalage assumé du propos), on ne peut qu’être qu’objectivement gêné.

    L’invention visuelle est toujours de mise, débutant par un générique facétieux, qui rappelle ceux de Tim Burton, secondé par un morceau à la mélodie très colorée. L’extrême saturation des couleurs et la prédominance du blanc en font un objet pop clairement influencé par la mode anime ; de même, les expressions des personnages, excessives, et leurs agissements, incompréhensibles -le film prend place dans un asile, où chaque patient est un cas d’école- nous confortent dans la direction prise. Oui, cela, c’est très clair, ce qui l’est beaucoup moins, c’est de saisir l’intérêt de la démarche, dans un film où on se débat pour trouver un début de scénario.

    Des scénettes s’enchaînent, poussant l’absurde aussi loin qu’un sourire peut poindre à l’occasion, mais aucun liant ne vient sceller l’ensemble. Les personnages ne semblent tout au plus que des jouets pour le réalisateur, et l’on a la sensation bizarre d’être au zoo en train de regarder des bestioles en cage, sans comprendre leurs actions. On est bien loin de la sophistication scénaristique d’un Old Boy, et sûrement c’était le but escompté, pour en finir avec cette trilogie de la vengeance aussi noire que ce film-ci est... rose ? Non, le cyborg est bien un grand malade mental chez Park-Chan Wook, et la folie est ici toujours de mise ; une folie douce mais destabilisante, qui s’empare du récit pour en cannibaliser sa substance. Le film n’est plus, ne reste qu’une accumulation de situations ubuesques, sans queue ni tête. Tout juste comprendra-t-on qu’il s’agit d’une romance entre cette fille qui croît être un cyborg, dont la mère croyait être une souris, et dont le prétendant se ballade affublé d’un masque de lapin, rendant toujours ce qu’il a volé comme Goku qui fait une fusion dans Dragon Ball (comprenne qui pourra).  C'est sensé être une comédie, et l'on se prend à penser que cet assemblage bancal se réclame d'une certaine poésie, mais en vain. Le résultat en laissera plus d’un sur le carreau... En attendant quand même le prochain essai du cinéaste, le film de vampires "autre" Thirst, présenté à Cannes 2009.

    Source image : affiche cinéma © Wild Side