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michael crichton

  • Le mystère Andromède (1971)

    Un film de Robert Wise

    6905177656_1b7ce2befb_m.jpgAdaptation d'un roman de Michael Crichton, Le mystère Andromède (The Andromeda Strain, le titre original, utilise le vocable plus scientifique de "variété") a plutôt bonne réputation. Wise a plus de bons films à son actif que de mauvais, et même plusieurs grands classiques (Nous avons gagné ce soir en 1949, Le jour où la Terre s'arrêta en 1951, West Side Story en 1961, La maison du diable en 1963, ...). Certes, Crichton est lui aussi, loin d'être un manchot dans sa partie, le thriller technologique -sa courte filmographie n'est pas déshonorante non plus-. Rien n'empêche cependant Le mystère Andromède de consituter une vraie déception, malgré quelques rares qualités.

    L'argument : la population d'un village est intégralement décimée après la chute d'un astronef dans ses environs ; intégralement ? Pas tout à fait, un nouveau-né et un vieillard ont survécu. Dans le plus grand secret, une unité scientifique de pointe est mise sur pied pour étudier le phénomène.

    Le générique d'introduction plonge le spectateur dans un dédale de formules mathématiques multicolores, une nébuleuse scientifique, insistant avant même la première scène sur le nerf de l'histoire : la culture scientifique de pointe et, au-delà, l'expression d'une pure intelligence. Les images créées par Douglas Trumbull, roi des effets spéciaux d'avant la révolution numérique, devance de plus d'une décennie le générique étonnamment semblable de son Brainstorm (1983). L'aspect cartésien du générique s'oppose fortement aux impressions dégagées par la première séquence, celle d'un mystère qui semble puiser sa source dans la dimension fantastique. Le spectateur, comme les personnages, est baladé sur une scène quasi-muette dans laquelle le réalisateur omet volontairement d'expliciter quoi que ce soit. La menace qui plane n'est réelle que par l'étendue des moyens déployés pour la contrer : une armada militaire et scientifique. Seules, les conséquences de l'événement semblent avoir les faveurs de la caméra. Pour épaissir encore, s'il en était besoin, l'aura d'étrangeté du début du film, un filtre aux teintes terreuses colore les paysages, les visages, les objets. 

    Alors, lentement, très lentement, se mettent en place des éléments relevant d'un suspense paranoïaque comme en raffolent les réalisateurs américains en ces années 70 bien tourmentées. Omerta totale envers les médias, action limitée à des salles blanches souterraine sans aucun accès à la lumière naturelle, puis découragement progressif des scientifiques devant un mystérieux organisme. Des bandeaux noirs nous indiquent mécaniquement l'écoulement du temps.

    La gestion du temps est volontairement ralentie par le réalisateur, alors que parallèlement, les scientifiques semblent mener un contre-la-montre épuisant. La descente progressive dans la réserve où est précautionneusement conservée la fameuse substance n'en finit pas, les protagonistes passant de sas en sas, de douches de décontamination en changement de costumes, perdant peu à peu leur individualité pour être "conformes". Dans le même mouvement, les scientifiques devront regarder au plus profond de la substance, grossissant et grossissant des milliers de fois l'image au microscope, et balayant minutieusement chaque détail, pour arriver à leur conclusion. Si l'idée est séduisante, on peut perdre patience dans le paradoxe entre une menace terrible qui demande une résolution rapide, et le ralentissement volontaire de l'intrigue, à telle point qu'on imagine un instant que la substance toxique puisse n'être qu'un macGuffin, un leurre.

    Tant de suspense, aussi mal géré qu'il soit, génère une attente forte du spectateur, qui se retrouve finalement devant une solution tout à fait prévisible, surtout dans le contexte des années 70 (même si on appréciera une déviation du scénario au moment où une spécialiste restera comme hypnotisée devant le spectacle de la substance vivante). Si l'idée sous-tendue par le film pourrait être prenant, elle échoue à se rendre intéressante faute d'un traitement pas assez dynamique. C'est bien dommage pour ce film de SF parano d'un Robert Wise qu'on a connu plus inspiré.

  • Mondwest (1973)

    Un film de Michael Crichton

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    Pour nous dernier film à voir  du regretté Michael Crichton, Mondwest (Westworld en version originale) est aussi le premier essai cinématographique de l'auteur de Jurassic Park. Le déroulement du scénario de ce film rare (MAJ d'avril 2012 : enfin édité par Aventi en DVD et blu-ray) préfigure largement celui des dinosaures, dépeignant une sorte de parc d'attraction dans lequel les attractions vont se retourner contre les touristes.

    Le film débute par un journal télévisé où un reporter présente avec fièvre le dispositif de loisirs de Delos, interrogeant des touristes sortant juste de leur escapade. Crichton aime à cibler la télévision comme miroir déformant de la société, comme ce sera le cas pour Looker, dont le premier plan nous gratifie d'un film publicitaire.

    Dès cette introduction, la ligne de démarcation entre réel et/ fiction est ambiguë. On se vante d'avoir tué des cow-boys, d'avoir vécu comme au temps de l'ouest (ou à l'époque médiévale, ou romaine). L'hésitation d'un homme à qualifier son expérience, entre expérience réellement vécue mais dans le fond entièrement fabriquée, est très parlante. 

    Deux hommes, dont l'un a déjà tenté l'expérience par le passé, vont vivre à l'heure de l'ouest dans un environnement entièrement peuplé de machines, reproduisant dans un mimétisme confondant l'être humain. Il n'est donc pas possible de les différencier d'avec des humains véritables. C'est cette idée que j'ai trouvé remarquable dans le film, cette hésitation constante à qualifier ce qu'il se passe à l'écran en fonction de qui est dans le champ de la caméra. Robot ou humain ? Même le serpent, qui mordra vigoureusement un des deux hommes (James Brolin), est synthétique. Montrant les dangers d'un environnement peuplé de machines qu'on ne peut départager des hommes, Mondwest un vrai film cyberpunk avant l'heure, n'exploitant malheureusement que peu les potentialités de son sujet en or. Pour moi, Crichton, c'est un peu ça : un homme qui trouve des concepts géniaux mais qui ne sait pas les sublimer par le processus cinématographique. La progression narrative, notamment, est extrêmement lente, nous montrant plusieurs fois la même procédure sans valeur ajoutée (l'hôpital pour robots, une autre des passions de Crichton, alors futur producteur d'Urgences). Dans un monde fabriqué, peu d'enjeux apparaissent lorsque les robots sont à la botte des humains (ils se battent à chaque fois qu'un touriste a envie de sortir son pistolet), même si le film, finalement un des meilleurs de Crichton, réussit un truc énorme : les hommes couchent avec des robots ! Et, à ce qu'ils en disent, ils ne trouvent ça pas si mal...

    Un fois les décors plantés (les deux autres mondes ne font que de la figuration, le sujet du film étant bien uniquement le Westworld), les robots accusent de plus en plus de pannes : comme une rébellion contre une domestication forcée, ou bien encore la reproduction du processus de dérèglement de la société humaine. Car si l'exercice est factice en apparence, les balles sont bien réelles et peuvent tuer. L'univers du film semble d'abord extrêmement contrôlé, montrant une salle remplie d'informaticiens créant les codes nécessaires à l'application des tâches (ainsi, ils ne disent pas "tel personnage marche dans la rue et interrompt une conversation", mais plutôt "tangente delta à oméga, nouvel indice filaire", bref une interface numérique assez inédite à l'époque dans le panorama cinématographique américain, qui a toujours intéressé Crichton. Le Truman Show de Peter Weir ira même copier une séquence entière, celle où l'on découvre la mise en marche du monde le matin ; les personnages, d'abord immobiles, commencent à marcher et à vaquer à leurs occupations après un compte à rebours : mise en abîme du processus de tournage d'un film, lui-même mise en abîme de la création du monde. Mondwest est donc un film qui ne manque pas d’intérêt, mais cinématographiquement pas très réussi, faute de rythme et d'idées non abouties. Mais rien que pour Yul Brynner en cow-boy indestructible tout droit sorti des Sept mercenaires, ça vaut le coup d'œil...

  • Looker (1981)

    Un film de Michael Crichton

    4843137106_2d44a57b51_m.jpgIl y a quelques temps, au tout début de mon aventure blogophile, j’avais vraiment apprécié Morts suspectes, le deuxième long-métrage de l’auteur de Jurassic park. Depuis, ayant subi un Runaway - l’évadé du futur tout de même bien bis (un aspirateur qui tient un flingue et tire sur tout ce qui bouge, je m’en souviendrais encore longtemps), l’enthousiasme était quelque peu retombé. La jaquette DVD de Looker m’avait cependant toujours intrigué (au même titre que l’affiche de Westword et son Yul Brynner robotisé, du même réalisateur), avec ses couleurs bleutée et les mystérieuses lunettes argentées que porte Albert Finney.

    Dr. Larry Roberts (Albert Finney) est chirurgien esthétique. Il est approché par quelques mannequins qui, successivement, lui demande de procéder à quelques menus changements sur leur personne : rectifier un bosse sur leur menton de 0.1 millimètre, rehausser la pommette droite de 0.2 millimètres… Étonné mais désireux de ne pas perdre ces riches clientes, il obtempère ; quelques semaines plus tard, elles sont retrouvées mortes.

    Alliant le monde médical et des morts inexpliquées, le film rappelle le principe de Morts suspectes (Coma). Mais dès le début, un aspect change la donne : la charge sans concession contre la publicité, et plus généralement la manipulation potentielle de la société des écrans, qu’on avait pu observer dans Osterman Week-End (Sam Peckinpah, 1983), et qui donnera un des meilleurs film de David Cronenberg quelques années plus tard, Videodrome (1985).

    Le film s’ouvre ainsi sur une publicité de parfum mettant en scène un des modèles au destin funeste. On épouse alors la vision du docteur Roberts qui va mener sa propre enquête pour se disculper, sa proximité récente avec les victimes faisant de lui un suspect potentiel. D’un polar teinté de critique des médias, le film bascule alors doucement vers l'anticipation, dans laquelle les mannequins doivent approcher la plus grande perfection plastique pour correspondre à des canons définis artificiellement pour "inoculer" un message précis dans la tête du spectateur. Ce basculement s’opère tout d’abord par des flashs de lumière blanche que voient les mannequins juste avant de mourir, accompagné par un design sonore décapant, qui met le spectateur du film dans la position de la victime. Leur caractère inexpliqué et l’influence manifeste qu’ils ont sur le comportement de la victime (ce n’est qu’en conséquence de ces flashs qu’elles se défenestrent, comme en transe) en font le cœur du mystère, qu’Albert Finney va essayer de pénétrer.

    Un argument technologique est, on le voit bien, toujours au centre des préoccupations de Crichton, et on ne peut qu’être, comme lui, fasciné par les possibilités qu’il dévoile en ce début d’années 80. Car il parle, ni plus ni moins, d’acteurs synthétiques ! Refaçonnés physiquement par la science, ils répètent et répètent encore les mêmes gestes, devenant eux-mêmes des robots, pour coller au plus près de la programmation qui a permis de créer virtuellement le spot publicitaire au préalable : le film préfigure en cela, ni plus ni moins que les systèmes de prévisualisations qu’utilisent aujourd’hui les grands studios pour les scènes à effets spéciaux numériques. Crichton en tire des fulgurances visuelles évidentes, à l’image du scannage d’une mannequin dans l’obscurité, qui se fond dans une projection lumineuse : une véritable imagerie du futur en marche.

    Plus peut-être que cet aspect novateur, c’est la critique de l’image, artificiellement formatée, manipulatrice, qui est chère à Crichton. Une société des apparences où de richissimes industriels manipulent l’audience pour leur bénéfice personnels. Un thème primordial, mais aussi un parmi d’autres tant le film joue sur plusieurs niveaux, certainement trop d’ailleurs. Le film arrivera ainsi à sa fin sans qu’on comprenne trop pourquoi les mannequins sont poussés au suicide, clôturant abruptement la réflexion engagée. Une expérience foisonnante et parfois fascinante, mais frustrante, entre pur film de genre et polar (et qui a pour lui un thème  musical imparable). Pour l’explication des lunettes argentées, regardez le film, dont voici la bande annonce :

  • Morts suspectes (1978)

    Un film de Michael Crichton

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    A la suite d'opérations bénignes sous anésthésie générale, de jeunes patients sombrent dans un état de mort cérébrale. Une chirurgienne va alors essayer d’en savoir plus…

    Michael Crichton, auteur de romans de science-fiction qui nous a quitté récemment, s'est démarqué par quelques tentatives dans la réalisation. Diplômé de la Harvard Medical School et producteur historique de la série Urgences, la médecine est clairement son domaine de prédilection. Pour preuve, le très honnête thriller médical Morts suspectes (Coma), sorti en 1978 avec l’appui d'un casting sympathique ; Michael Douglas, Geneviève Bujold, Richard Widmark et des apparitions d’Ed Harris -encore avec des cheveux- et de Tom Selleck -déjà avec sa moustache.

    Adapté d’un roman de Robin Cook, lui aussi spécialiste du domaine médical, le film nous entraîne, avec le personnage de Susan (Geneviève Bujold), dans les méandres du monde médical. Crichton emploie toutes les ressources nécessaires pour faire de l'hôpital hautement anxiogène un enfer, dans lequel la confiance nécessaire du patient vers le médecin est mise à mal par les plans démoniaques de l’autorité en place. Devant la pauvreté du décor hospitalier, peu photogénique, Crichton arrive à créer un réseau labyrinthique de couloirs et de salles toutes semblables (à l'image des chirurgiens et de leur uniforme réglementaire), participant à la claustrophobie et la paranoïa qui s’installe dans l’esprit du spectateur. Les individus y sont tels des souris de laboratoire, essayant de trouver la sortie, ou la résolution des comas inexpliqués. Une sorte de fil d’Ariane inversé (Thésée s’en sert pour sortir du labyrinthe et ainsi échapper au Minotaure, ici son utilisation vise à pénétrer le système, mais dans la même optique salvatrice) va alors guider Susan, de salles d'amphis jusque dans les tuyauteries et autres réseaux électriques, au cœur d’un secret inavouable. De même, la salle 8 symbolise le centre névralgique de l'hôpital, concentrant toutes peurs, tous dangers. On retrouvera une configuration analogue avec la chambre 237, centre maléfique d’un Overlook Hotel tout aussi tortueux dans Shining (Stanley Kubrick, 1980).

    Certaines séquences parviennent à s'ancrer durablement sur la rétine : on pense à une poursuite dans une salle frigorifique où des corps congelés sont pendus comme des morceaux de viande dans une boucherie, ou la visite d’un centre de soins high-tech, dans lequel les patients sont maintenus horizontalement à un mètre du sol, dans un ambiance assez futuriste. On aime donc que Morts suspectes atteigne son objectif, ne laissant pas de répit au spectateur, délivrant un spectacle haletant secondé par des acteurs bien présents et un score efficace du grand Jerry Goldsmith : mission accomplie.