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Looker (1981)

Un film de Michael Crichton

4843137106_2d44a57b51_m.jpgIl y a quelques temps, au tout début de mon aventure blogophile, j’avais vraiment apprécié Morts suspectes, le deuxième long-métrage de l’auteur de Jurassic park. Depuis, ayant subi un Runaway - l’évadé du futur tout de même bien bis (un aspirateur qui tient un flingue et tire sur tout ce qui bouge, je m’en souviendrais encore longtemps), l’enthousiasme était quelque peu retombé. La jaquette DVD de Looker m’avait cependant toujours intrigué (au même titre que l’affiche de Westword et son Yul Brynner robotisé, du même réalisateur), avec ses couleurs bleutée et les mystérieuses lunettes argentées que porte Albert Finney.

Dr. Larry Roberts (Albert Finney) est chirurgien esthétique. Il est approché par quelques mannequins qui, successivement, lui demande de procéder à quelques menus changements sur leur personne : rectifier un bosse sur leur menton de 0.1 millimètre, rehausser la pommette droite de 0.2 millimètres… Étonné mais désireux de ne pas perdre ces riches clientes, il obtempère ; quelques semaines plus tard, elles sont retrouvées mortes.

Alliant le monde médical et des morts inexpliquées, le film rappelle le principe de Morts suspectes (Coma). Mais dès le début, un aspect change la donne : la charge sans concession contre la publicité, et plus généralement la manipulation potentielle de la société des écrans, qu’on avait pu observer dans Osterman Week-End (Sam Peckinpah, 1983), et qui donnera un des meilleurs film de David Cronenberg quelques années plus tard, Videodrome (1985).

Le film s’ouvre ainsi sur une publicité de parfum mettant en scène un des modèles au destin funeste. On épouse alors la vision du docteur Roberts qui va mener sa propre enquête pour se disculper, sa proximité récente avec les victimes faisant de lui un suspect potentiel. D’un polar teinté de critique des médias, le film bascule alors doucement vers l'anticipation, dans laquelle les mannequins doivent approcher la plus grande perfection plastique pour correspondre à des canons définis artificiellement pour "inoculer" un message précis dans la tête du spectateur. Ce basculement s’opère tout d’abord par des flashs de lumière blanche que voient les mannequins juste avant de mourir, accompagné par un design sonore décapant, qui met le spectateur du film dans la position de la victime. Leur caractère inexpliqué et l’influence manifeste qu’ils ont sur le comportement de la victime (ce n’est qu’en conséquence de ces flashs qu’elles se défenestrent, comme en transe) en font le cœur du mystère, qu’Albert Finney va essayer de pénétrer.

Un argument technologique est, on le voit bien, toujours au centre des préoccupations de Crichton, et on ne peut qu’être, comme lui, fasciné par les possibilités qu’il dévoile en ce début d’années 80. Car il parle, ni plus ni moins, d’acteurs synthétiques ! Refaçonnés physiquement par la science, ils répètent et répètent encore les mêmes gestes, devenant eux-mêmes des robots, pour coller au plus près de la programmation qui a permis de créer virtuellement le spot publicitaire au préalable : le film préfigure en cela, ni plus ni moins que les systèmes de prévisualisations qu’utilisent aujourd’hui les grands studios pour les scènes à effets spéciaux numériques. Crichton en tire des fulgurances visuelles évidentes, à l’image du scannage d’une mannequin dans l’obscurité, qui se fond dans une projection lumineuse : une véritable imagerie du futur en marche.

Plus peut-être que cet aspect novateur, c’est la critique de l’image, artificiellement formatée, manipulatrice, qui est chère à Crichton. Une société des apparences où de richissimes industriels manipulent l’audience pour leur bénéfice personnels. Un thème primordial, mais aussi un parmi d’autres tant le film joue sur plusieurs niveaux, certainement trop d’ailleurs. Le film arrivera ainsi à sa fin sans qu’on comprenne trop pourquoi les mannequins sont poussés au suicide, clôturant abruptement la réflexion engagée. Une expérience foisonnante et parfois fascinante, mais frustrante, entre pur film de genre et polar (et qui a pour lui un thème  musical imparable). Pour l’explication des lunettes argentées, regardez le film, dont voici la bande annonce :

Commentaires

  • Difficile de saisir pourquoi les distributeurs français tardèrent tant (3 ans presque !) à proposer la nouvelle et anxiogène techno-réflexion de Michael Crichton, authentique chaînon manquant entre les grands spectacles paranoïaques 70's (type Soleil Vert ou Rollerball), le fétichisme 80's de quelques esprits bienheureusement tordus (façon dePalma ou Cronenberg, qu'il préfigure presque (au moins Dead Zone et Videodrome)) et la prise de pouls techno-contemporaine (genre Tron). Ainsi après son parc d'attraction cybernétique décadent (in Mondwest), l'auteur se penche sur le cas de la publicité et de la propagande qu'il nourrit ici de subliminal et d'hypnose, qu'il soutient par l'imagerie de synthèse naissante et manipulatrice, et qu'il dénonce avec un certain sens visuel (l'ouverture du film et le tunnel explicatif central sont assez grisant plastiquement).
    Pourtant, choisissant la forme d'un thriller haletant (dans lequel Albert Finney n'est physiquement pas crédible une seule seconde !) et volontiers confus sinon franchement bordélique (difficile d'en consciencieusement suivre la trame) héritée des grands classiques du genre (toute la veine post-North by Norwest, de Bullitt à Marathon Man), Crichton éparpille son propos et sa charge, multipliant les pistes de réflexions et de thématiques (on oublie en route les fumeux enjeux originels à propos de l'apparence physique, la philosophie de l'entreprise est volontiers élastique et s'avère volontiers sacrifiée au rythme et au timing), finit par perdre un fil qu'il égare plus encore lors d'une dernière demie-heure péniblement répétitive (quatre fois le même procédé dans quatre lieux différents !), articulée avec le plus parfait grotesque (on n'hésite pas à conclure les séquences par des dialogues calamiteux et démissionnaires tels j'ai réussi à l'avoir... ouais j'l'ai mis hors de combat, maint'nant allons-nous en ! ou tirons nous d'là, on a la fille !), et multipliant inutilement les registres (le comique volontaire « des protagonistes se flinguant dans les pubs pour céréales »).
    On se plaît à imaginer le vrai bon film qui aurait pu être tiré d'un script de ce tonneau, l'univers étant pour le moins efficace et fascinant... mais trop de défauts minent finalement la production (vraiment correcte sur ses trois premiers quarts d'heure tout de même): gadgeteries vaines (le bide complet du pistolet Looker, surexpliqué, surexploité mais de manière absolument gratuite), procédés retrospectivement faiblards (user d'une star à cheveux blanchies pour camper le villain (Coburn ici, Widmark ailleurs), tueur stalkerisant (la pugnace main armée moustachue au service de l'odieuse multinationale semble n'être qu'un brouillon du personnage de Gene Simmons dans Runaway) et autres tics...
    Reste cependant qu'à défaut de vrais bons films, le potentiel quadriptyque conçu par Michael Crichton entre 73 et 84 (Morts Suspectes – Mondwest – Looker – Runaway) constitue un regard intéressant sur les applications cyber les plus dévoyées qui soient, quand bien même est-il régulièrement rattrapé par les lois de genre dont l'auteur ne parviendra jamais à s'affranchir pour livrer un vrai grand film de SF.

  • Ce film est tout à fait génial ! Cela fait des années que je recherche le
    « DVD en français ». Malheureusement, il me semblerait qu'il soit sorti uniquement en anglais :-(
    J'aimerais tellement l'avoir dans ma nombreuse collection « science fiction » tout comme le film " LIFEFORCE " des années 1985. Un super film qui appartient davantage à la science fiction qu'au film d'horreur.
    Amicalement, Florence de Montréal « Canada ».

  • Bonjour Florence, j'ai vraiment apprécié ce film moi aussi. En France, Looker est disponible en version française et vo sous-titrée, dans une bonne édition (incluant un commentaire audio de Crichton si je me souviens bien), que vous pouvez trouver ici : http://www.priceminister.com/s/looker. A bientôt !

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