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  • Les aventures du prince Ahmed en DVD

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    Dans la jungle des sorties de DVD pour Noël, est paru le 19 novembre dernier un véritable bijou, un incunable du cinéma d'animation, j'ai nommé Les aventures du prince Ahmed, réalisé par Lotte Reiniger en 1926. Ce film rare, contant le périple d'un prince qui, à l'aide de son cheval volant, débarque au pays de Wak-Wak et y trouve l’amour, a le privilège de deux éditions, l’une simple l'autre dispo en coffret, chez l'excellent Carlotta. Les images magnifiques que l'on peut trouver sur la toile témoigne d’un raffinement incroyable, empreint de poésie et d’une vraie magie. Bien qu'exagérant un peu sa place dans l'histoire du cinéma d'animation (il n'est pas "le premier long-métrage d'animation de l'histoire", devancé par les films argentins de Quirino Cristiani), Carlotta tient bien sa place d’éditeur DVD cinéphile, choisissant comme à l'accoutumée de faire un véritable travail d'accompagnement sur ce pilier de l’histoire. Ainsi, Les aventures du prince Ahmed était sorti en salles en décembre 2007, et promet une belle carrière vidéo avec un produit aussi soigné. Le film, ayant inspiré certains cinéastes contemporains majeurs dans l’art des silhouettes animées (le plus redevable étant Michel Ocelot), devrait en effet attirer le public friand d'animation, toujours plus nombreux ; C’est en tous cas tout ce qu’on lui souhaite.

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  • Un film, une séquence : Batman (1989)

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    Un film de Tim Burton

    Du séminal Batman cinématographique, je retiendrais une séquence jouissive au centre du film et de son sens, à savoir la tentative de séduction toute particulière du Joker envers Vicky Vale (Kim Basinger). On peut diviser cette séquence (à partir du moment où le Joker entre en scène) en deux parties : d'abord la danse du Joker, et ensuite son tête-à-tête avec Vicky.
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    Se faisant passer pour Bruce Wayne, l’homme au sourire démoniaque invite la jeune femme à dîner au Musée. Avant même son arrivée, le Joker se pose en artiste - metteur en scène - chef d’orchestre - scénographe de la situation. Il endort toutes les personnes présentes au sein de l’espace -sauf Vicky à qui il a pris le soin de transmettre un masque à oxygène. Entrant dans cette mer de personnages inanimés, il donne le ton : à la musique classique qui baignait le Musée quelques minutes auparavant se substitue le Partyman rn’b/pop de Prince. Affublé d'un béret, couvre-chef cliché des artistes-peintres, le Joker va se livrer à une danse endiablée, accompagné de ses acolytes. On assiste là à une entreprise de destruction/reconstruction de l’espace, en tous les cas à la défiguration des œuvres d’art. Certaines sculptures sont juste détruites, mais d'autres œuvres sont ré-interprétées à la façon du Pop-Art (les acolytes du Joker constituent ainsi sa propre Factory) : bustes peints aux couleurs caractéristiques du Joker, empreintes de mains sur un tableau, symbole dollar taggé sur un autre (re-création à partir d’une association d'idées sympathique, Joker voyant un portrait de George Washington, ordonnant "figure de billet de banque !"; quelques instants plus tôt, il avait décidé qu'Abraham Lincoln soit rasé de près), et des sauts de peintures entiers jetés sur certains autres, dans une suite de points de synchronisation image/musique comme les aime Burton (on y a notamment droit dans le générique de Edward aux mains d’argent et dans L’étrange noël de Monsieur Jack même si ce dernier film n'est pas à proprement parler une de ses réalisations), rythmant et dynamisant cette défiguration.

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    Rencontre entre la peinture, le tag (Joker was here!) et la destruction d'œuvres, cette véritable performance montre que le Joker n’aime pas les œuvres exposées, et qu'il a la liberté de tout faire à son goût. On a tout de même droit à l'exception qui confirme la règle, le dernier tableau, le plus sombre et le plus étrange, ayant les faveurs du Joker, étant épargné. Ce dernier choix, parlant à son esprit dérangé en reflétant son chaos mental et physique, est finalement assez logique.

    Deuxième partie, la rencontre puis le tête-à-tête avec Vicky. Changement d'ambiance, changement de fond sonore : les rythmes rapides de Prince laissent brutalement la place à une symphonie douce mais complètement cheap qui rappelle les bonnes vieilles musiques d'ascenseur ; de même, les sbires installent des bougies, dans un style qui se voudrait romantique mais qui n'est que ridicule. Ainsi le Joker réorganise, modelant l'espace et le son. Depuis le début de la séquence, on nous donne à voir un discours sans équivoque sur l'art, conchiant les beautés  classiques révérées par l'école critique. En examinant les photos de Vicky, Joker s'arrête sur les images noir et blanc d’un cadavre et dit ainsi : "je ne sais pas si c’est de l’art, mais  j’adore". Quelques secondes plus tard, il remet ça en déclarant à Vicky "Vous savez comment les gens sont, cela est attrayant, cela ne l'est pas : et bien j'ai balayé tout ça". Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on comprend finalement la motivation du Joker, la généralisation de la défiguration, afin que tout soit à son image, d'une disproportion caricaturale, fer de lance d’une "nouvelle esthétique" dont il veut faire de Vicky sa collaboratrice attitrée.

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    En grand malade qu'il est lui-même, Jack Nicholson donne dans l’exagération et crée un personnage bigger than life qui existe bien plus qu'un Bruce Wayne ; cette séquence nous fait donc également comprendre le déséquilibre conscient dans les films de Burton sur la chauve-souris, favorisant les bad guys au gentil (mais torturé) milliardaire Bruce Wayne.

  • Le facteur sonne toujours deux fois (1946)

    Un film de Tay Garnett

    3060986982_d3c6a7a251_m.jpgDans ce film noir typique adapté du roman de James M. Cain, deux amants criminels prévoient le meurtre du vieux mari de la jeune femme, dans un enchaînement d'actions qui fait penser au chef d'œuvre de Billy Wilder, Double Indemnity (Assurance sur la mort). La rencontre des futurs meurtriers est construite de façon assez similaire : alors que dans Double Indemnity, la caméra filait les jambes de Barbara Stanwick accompagnée des paroles de Fred MacMurray en off, ici c’est un bruit, un rouge à lèvres qui tombe sur le sol, qui scelle la rencontre. La caméra s'immobilise d’abord sur l’objet, puis remonte vers son origine et s'arrête à nouveau sur deux jambes parfaites. En contre-champ, le jeune homme n'en croit pas ces yeux. Le plan suivant nous dévoile Cora (Lana Turner), au teint hâlé dans une tenue d’une blancheur immaculée, comme sortie de l’Olympe céleste. Frank (John Garfield), en contre-champ, en a eu le souffle coupé (son jeu est juste incroyable). Dans cette introduction réside la plus belle scène du film. John Garfield, acteur maudit, d’abord sous-employé par les Studios et harcelés par la chasse des sorcières, finira sa vie épuisé, à l'âge de 39 ans. Il excelle dans ce film à jouer cet homme perdu dans la société contemporaine, souffrant de la maladie des "pieds qui démangent", prenant toujours la fuite. Allez, pour les nostalgiques (et tous les autres), la perle du film.

    La thématique de l’ensemble me semble bien être l'imprévisibilité, tout ce qui sort du cadre ; car, bien que minutieusement préparé, le plan va dès le début se vriller complètement. Comme à l'habitude, me direz-vous : un chat qui ne devait pas être là, ainsi qu’un policier, font tout capoter la première fois, alors qu'on pouvait penser que le plan allait fonctionner mais que les amants allaient être inquiétés. Première surprise, le mari ne meurt pas et le couple échappe à l’inculpation. Ils décident alors d'abandonner leurs sombres idées et de s'éloigner l'un de l'autre. Cela ne dure qu’un temps, et lorsque John Garfield reparaît, il réanime l'envie de meurtre. La suite est aussi surprenante dans sa capacité à jouer de l’imprévu. Une assurance-vie de 10 000 $ a été souscrite au nom du mari (comme dans Double Indemnity) mais ni la jeune femme ni son amant n’étaient au courant ! Autre surprise. Le film joue sans cesse avec le spectateur, ne partant généralement pas dans la direction où on  l'attendait. C'est déjà une grande réussite. Ce qui fascine encore plus, c’est l'alchimie entre les deux amants et la puissance érotique que dégage Lana Turner, alors que la censure du code Hays battait son plein. Tout comme Phyllis, Cora entraîne un jeune homme hors du droit chemin, presque malgré elle, mais le fatum est à l’œuvre : la noirceur chère au film noir rattrapera tout ce petit monde pour un message final cette fois plus raccord avec le code de production cinématographique, sacrant la justice universelle, contre l'impunité. Mais l'on est pas dupe : le désespoir nimbant l'oeuvre détourne la censure et les contraintes, ces dernières constituant bien à l'époque un challenge constant et ici, très réussi.

  • Le retour de l'inspecteur Harry (1983)

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    Un film de Clint Eastwood

    Ce quatrième épisode de la saga inspecteur Harry est celui des changements nécessaires, après un The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais) mou du genou et tirant vers la comédie, Eastwood ayant une partenaire féminine rigolote et un peu gauche (Tyne Daly).

    Le retour de l'inspecteur Harry, c’est d’abord l'arrivée derrière la caméra d'Eastwood lui-même qui, 12 ans après ces premiers pas de réalisateur dans le premier Harry, décide de prendre les choses en mains. On retrouve ces plans d'hélicoptère filmés près de la côte qui faisait la beauté ténébreuse de son premier long-métrage, Play Misty for me (Un frisson dans la nuit). Eastwood est véritablement attaché au personnage de Harry, qui vraisemblablement a évolué en même temps que lui. Ainsi, tout en retrouvant certains acteurs avec qui il a déjà tourné par le passé (Sondra Locke et Pat Hingle dans L’épreuve de force, Harry Guardino déjà dans la série des Harry), son inspecteur Harry change. Confronté à une meurtrière en série (dont le visage nous est dévoilé dès la première séquence), il questionne ses propres valeurs. Le film est d’ailleurs moins sur l’inspecteur que sur le personnage complexe de Jennifer Spencer (Sondra Locke), qui dans la grande tradition du rape n' revenge (viol puis vengeance), va exécuter un par un ceux qui ont violenté sa sœur et elle. Les mâles vont perdre ainsi leurs attributs virils, dans la soif de vengeance exprimée avec toujours autant de hargne par l’actrice. Cette dernière incarne une artiste aux peintures torturées, expressions de ses blessures intérieures. Le film questionne donc la problématique de la violence et du meurtre, dans une acception plus complexe qu’auparavant. Jennifer et Harry, dès leur première rencontre, sont représentés comme des êtres assez semblables, les paroles d’Harry correspondant à la vision de la vie de Jennifer ; Harry comprend petit à petit l’optique de la jeune femme. C’est néanmoins une criminelle, et la limite entre les deux ici est floue, thématique qu’utilisera  Tightrope (La corde raide), réalisé par Richard Tuggle l’année suivante, toujours avec Eastwood. L’affiche de ce film, évocatrice, titrait fièrement Flic ou violeur ?, respectant bien la lignée initiée par la série des Harry où la seule différence entre les criminel et l'inspecteur, c’était qu’Harry avait un badge de police.

    On retrouve dans Le retour... l'inspecteur tête brûlée des débuts (une des premières scènes du film, où Harry se rend nonchalamment dans un café, théâtre d’un hold-up, fait écho à une scène analogue dans le premier épisode de la série lorsque Harry mange un sandwich juste en face d'une banque elle aussi en train d'être dévalisée), le côté fétichiste des armes à feu (attention à sa nouvelle arme, un véritable monstre), et donc son rôle de  pistolero moderne qui appartiendrait à l'époque passée où l'on appliquait la justice en faisant parler la poudre. Harry n'est d'ailleurs à 100% lui-même que lorsqu’il sort son arme (et il la sort souvent), lui qui, alors qu'il est mis à pied par ses supérieurs, passe son après midi au soleil à s'entraîner... au tir.

    Une fois encore, la série des Harry s’inspire des meurtriers en série (le premier épisode décalquant consciemment son modèle sur le véritable Zodiaque, qui avait terrorisé San Francisco dans les années 70) et constitue une évolution du film noir, avec ces atmosphères nocturnes et urbaines, cette odeur de crime omniprésente qui jaillit à chaque coin de rue, et un personnage central solitaire, à cheval entre la justice et l'illégalité. A ce titre, la saga inspecteur Harry reste inégalée par la présence solaire de Clint Eastwood, dont le visage crispé est telle une cartographie mouvante des canyons du Far West : dans un monde mis sans dessus-dessous par le crime, sa conception individuelle de la justice ne s’embarrasse pas de détails.

  • L'épreuve de force (1977)

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    Un film de Clint Eastwood

    Clint Eastwood réalise L'épreuve de force (The Gauntlet) en 1977 ; L’inspecteur Harry en est alors à un troisième épisode qui n’a plus grand chose à voir avec le concept de base (le personnage devient limite comique), et Ben Shockley - Eastwood, personnage principal de L'épreuve de force, symbolise un peu le nouveau Harry. Dans cette histoire de transfert de prisonnière qui tourne à la mission-suicide, nombreuses sont les similitudes entre l'inspecteur Harry et Shockley, policier alcoolo et négligé ; au début du film, son collègue lui demande de faire attention à sa tenue et au moins, de se raser. On se souvent d'une réplique similaire dans le premier Inspecteur Harry, où c'était sa coupe de cheveux qui était pointée du doigt. Ici, toujours aidé d’une petite fiole de whisky, il est utilisé par ses supérieurs pour faire capoter un procès, ces derniers pensant qu'il n’arrivera jamais à mener à bien sa mission. C’est vrai qu'il n’est pas aidé par la prisonnière, une jeune femme irascible qui le met en garde contre les dangers du transfert ; les policiers, pourris, ne l'aident guère, allant même jusqu'à lui tendre une embuscade dans la maison isolée de la prisonnière. Première scène over the top : une armada de policiers fait un véritable carton en prenant pour cible l'habitation, qui finira, criblée de balles, par s’effondrer. On est dans la surenchère la plus totale en ce qui concerne les fusillades, qui s’offriront un bouquet final lors d'une ultime séquence surréaliste.

    Enchaînement non-stop de course-poursuites (en voiture, à moto, en bus !), de rencontres louches et d’une violence sèche digne du film noir lors de la narration que Gus, la prisonnière, fait de son viol, le film s'inscrit également dans la veine d'un western moderne, avec ces étendues désertiques à perte de vue. La façon dont le couple doit affronter les épreuves, se préparant un véritable char d'assaut pour la séquence finale (2ème séquence énorme) rappelle les duels au six-coups chers à la mythologie de l’Ouest, avec en prime un éloge à la détermination et au dépassement de soi. Shockley, tête brûlée, est un personnage que la vie a perdu en route, et qu'il va retrouver grâce à la prisonnière. Sondra Locke, qui avait déjà tourné pour Eastwood dans Josey Wales et qu'il retrouvera aussi pour Le retour de l'inspecteur Harry, est intéressante dans l’expression de sa nervosité et de son regard halluciné ; elle exprime bien toute l’urgence et la démesure, voire l'absurdité de la situation.  L'association des deux tempéraments, assez antinomiques, donne certaines scènes de disputes assez réalistes. A l'époque, ensemble dans la vie, le couple se doit ici de finir par bien s'entendre... Doté d'une réalisation classique qui met vraiment en valeur les lieux désolés comme les atmosphères plus urbaines, L'épreuve de force fait figure de road-movie déjanté en même temps qu'actioner bourrin, témoin d’une époque où les films d’actions assumaient au premier degré leur côté too much.