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  • Katie Tippel (1975)

    Un film de Paul Verhoeven

    783079katie.jpgLes débuts du réalisateur Paul Verhoeven en Hollande restent aujourd’hui mal connus, camouflés par les films de sa période américaine, plus célèbres -RoboCop, Total Recall, Starship Troopers- qui l’établissent comme un homme de films hollywoodiens à gros budgets, ayant une préférence pour les récits de science-fiction. Ses premiers films donnent à voir un visage très différent, plus modeste et proche de la vie quotidienne, notamment via Katie Tippel, que l’on peut redécouvrir grâce à l’inestimable coffret DVD édité en 2004 par Metropolitan.

    Katie Tippel est une jeune femme issue d'une famille pauvre qui se débat pour survivre. Ses conditions de vie sont déplorables, sa famille est d'une bêtise crasse mais Katie, étrangement, semble échapper à ce déterminisme. Sa soif de vivre, son refus de se soumettre et sa foi -peut-être inconsciente-  en son destin évitent au film tout misérabilisme. Inlassablement, elle enchaîne des épreuves terribles (viol, coups, tromperies) et les boulots avec le sourire. La bande originale, enjouée, et la photographie, lumineuse et colorée -travaillée par le futur réalisateur Jan de Bont- soulignent cet état d'esprit. Le sujet du film est le destin, mais aussi l’innocence ou plutôt le refus de la perte de l’innocence, joué avec un naturel confondant par la solaire Monique Van de Ven, qui retrouvait Verhoeven après son rôle mémorable dans son précédent film, Turkish Delight. La scène du viol de Katie illustre ce propos : alors que Katie joue à créer des ombres chinoises avec les mains, le sexe de son patron apparaît lui aussi en ombre chinoise à ses côtés. Katie ne peut s'empêcher de rire devant le comique de la situation -avec le spectateur-, mais va subir un viol ; une fois cela passé, elle s'enfuit et jette une pierre dans la vitrine du magasin, puis part en riant. Geste de révolte d’enfant, jetant toujours un regard innocent, étonné, amusé devant les situations les plus extrêmes. A ses côtés on retrouve un tout jeune Rutger Hauer (La chair et le sang, Hitcher) débordant de charisme.

    Adapté d’une histoire vraie ayant fait le tour de la Hollande à la fin du XVIIIème siècle, Katie Tippel est un cri d’espoir, qui démontre déjà tout le talent de Verhoeven, qui ne recule pas devant la cruauté et qui traque l'animalité des comportements humains ; la face cachée mais toujours présente (voir l’excellent Black Book pour s’en convaincre) d’un grand réalisateur.

  • The Shooting (1967)

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  • Planète interdite en DVD

    91927planete_interdite.jpgPlanète interdite, chef d'œuvre SF jusque là inédit en DVD zone 2, était sorti dans une relative indifférence promotionnelle en août dernier, perdu au sein d'une nouvelle collection proposée par la FNAC. Malgré tout, les cinéphiles, attendant la parution du film de Fred McLeod Wilcox depuis des lustres, avaient provoqué la rupture de stock du produit dans la semaine suivante. Réassorti ces derniers jours, la perle rare est à nouveau disponible, uniquement à la FNAC.

    Comment ce film des années 50 est devenu un classique révéré du 7ème art ? Ce qui le différencie du tout venant de la production science-fictionnelle de l'époque se trouve d’abord dans l’originalité de sa trame narrative, inspirée de La Tempête, une des dernières pièces de Shakespeare ; ou comment associer un idéal d'art littéraire avec un genre considéré comme une sous-culture, de plus à l'intérieur d’un médium (le cinéma) qui commençait à peine à avoir la reconnaissance d’une forme d’art. D'autres aspects contribuent à élever le film, décidément pas banal : un beau Scope couleur, qui contraste avec le noir et blanc plein cadre généralement utilisé pour ce type de série B ou encore les décors de studio dont l’artificialité assumée apporte une forme de poésie visuelle à l’ensemble, notamment avec ses ciels turquoises et ses paysages désertiques dans le lointain. Les effets spéciaux sont convaincants, notamment lors d'une saisissante apparition monstrueuse filmée en animation image par image ; enfin des artefacts qui permettent d'ancrer l’imaginaire du spectateur dans une autre dimension : l'intérieur d’une soucoupe volante, des objets produisant des sonorités étranges et Robby le robot, devenu une mascotte, une icône pour les enfants des foyers américains, réapparaissant périodiquement dans divers programmes familiaux.

    La philosophie du film est fortement influencée par la psychanalyse, notamment via le personnage de Morbius, scientifique  solitaire sur une planète désertée ayant pour seule compagnie sa fille, qu’une mission de sauvetage vient ramener sur Terre. Ses expériences sur le cerveau humain, les manifestations de l’inconscient, et des dialogues au sens ambigu finissent de faire de Planète interdite un film rare, étonnant et très étrange.

    De l'autre côté de l’Atlantique, les américains bénéficient d’un coffret DVD métal somptueux, qui illustre bien la place du film au sein de la culture populaire américaine, au même rang que La vie est belle (de Capra) ou qu'un Magicien d'Oz, dont les références parsèment tout un pan de leur patrimoine culturel.

  • Mission (1986)

    Un film de Roland Joffé

    Mission a fait couler beaucoup d'encre à sa sortie en 1986. Palme d’or controversée à Cannes et Oscar de la meilleur photo, le film de Roland Joffé était attendu après le très bon La déchirure, qu'il avait réalisé deux ans plus tôt. Cette histoire véridique d'une mission d’évangélisation sur le territoire des indiens Guarani reste toujours aujourd’hui un film d’une puissance rare, par la beauté des images, la grâce divine de la musique d'Ennio Morricone et un très bon duo d’acteurs aux personnalités antagonistes, Jeremy Irons - frère Gabriel, prêtre jésuite, et Robert De Niro - Rodrigo Mendoza,  ancien marchand d’esclaves cherchant sa rédemption dans la religion. Il est intéressant de considérer La Mission du titre comme polysémique, pouvant illustrer mission évangéliste envers les indiens, mission du jésuite pour sauver l'âme de Mendoza, et enfin mission de Mendoza pour mener à bien son dernier combat : tout est mission.

    La lutte entre deux conceptions du monde est le centre vital du film, opposant nature et civilisation, nature et religion. Pendant un temps, la fusion opère d'ailleurs plutôt bien, dans un endroit qu’on croirait sorti d'un livre d’images, et qui s'impose comme un paradis terrestre. Mais l'évangélisation n’est pas le seul but des pays dits civilisés, il s'agit aussi de partager les terres entre espagnols et portugais. Dès lors, les autochtones seront chassés de leur terre, une terre certainement trop belle pour eux de l'avis des ecclésiastes et des politiques. Cependant on pressentait depuis le début que de cette invasion, de cette lutte entre des éléments antagonistes, toutes les forces en présence y perdraient beaucoup. On pourrait ici rapprocher cette impossibilité de nature avec le propos du Narcisse Noir, grand film anglais du duo Powell-Pressburger, les deux œuvres se clôturant par le même constat d’échec. L'extrême cruauté (quoi de pire que l’indifférence au sort d’autrui ?) côtoie donc la plus grande beauté, chaque plan alignant certaines des images les plus splendides jamais vues sur un écran. Le coup de génie du film est sûrement dans le choix du lieu de tournage, les chutes d'Iguaçu, encastrées entre le Brésil et l’Argentine ; somptueuses, quasiment surréelles, elles sont magnifiées par l’art du chef-opérateur Chris Menges. La forêt, envahissante, et les chutes d’eaux, au vacarme tonitruant semblant venir des temps les plus reculés, semblent avoir raison de l’ambition des hommes à les conquérir.  Et la musique de Morricone, entre envolées aux accents religieux et mélodies indiennes, de souligner toute la douloureuse beauté d’un film qui constitue, à n'en point douter, une grande réussite.

  • XIII, la mini-série

    Il est fascinant de remarquer à quel point certains événements traumatiques de l’histoire des États-unis restent vivaces, et ce même pour une génération qui n'est plus contemporaine dudit fait. L'exemple le plus flagrant est certainement l'assassinat de JFK, relayé par le célèbre film amateur d'Abraham Zapruder, qui nous fait revivre indéfiniment cet instant meurtrier comme si l'on y était. Le début de XIII, l’adaptation de la série de bandes dessinées de Van Hamme et Vance, débute par un meurtre similaire (l'assassinat de la présidente des États-unis) et donne à voir le même type de film que celui de Zapruder, avec ses effets tremblés, et une texture d’image qui rappelle le grain d’origine des terribles 26 secondes pendant lesquelles Kennedy a été tué, tourné en 16 millimètres.

    Le thème du film entre dans un courant contemporain du film de complots, illustré constamment dans l’histoire du cinéma depuis les années 70. On pense à la grande Trilogie de la paranoïa par Alan J. Pakula, Klute (1971) - A cause d’un assassinat (1974) - Les Hommes du président (1976), qui illustre une notion chère au pays en ces temps de guerre froide : la menace vient de l’intérieur. Ainsi, XIII applique ce concept à la lettre pour un résultat énergique, rappelant encore et toujours le personnage de Jason Bourne, Van Hamme et Vance ne s'étant par ailleurs jamais caché de leur inspiration.

    Revenons sur le film Zapruder et pointons du doigt une différence notable, qui indique un changement d’ère plus profond : au point de vue unique imposé (Zapruder) se substitue dans XIII une vision fragmentée, éclatée (lors de la scène inaugurale, on voit la présidente, mais aussi le building d'où est tiré le coup de feu et les réactions des passants face à l'horreur). Ce dépassement du champ (on montre le hors-champ qu'on ne peut deviner chez Zapruder, sans lequel toute résolution de l’affaire est illusoire) est à rapprocher du grand changement dans le monde de l’espionnage : le circuit de l'information et les technologies numériques. Alors que le modèle classique de l’espionnage consiste en un enchaînement de filatures, de couvertures et de recueil d'information laborieux (Les Hommes du Président, voire Bons baisers de Russie, pur film d’espionnage à l’ancienne), on a aujourd’hui pratiquement le phénomène inverse, où l'individu est piégé par avance devant la multitude d’indices qui l'identifie : suivi des mouvements bancaires, identification instantanée grâce aux fichiers de la CIA/FBI/,... Ce sont souvent les coupables, aux commandes de ces outils dignes du Big Brother de 1984, qui accumulent des fausses preuves pour coincer un homme là au mauvais moment, au mauvais endroit. Depuis l'avènement de l’informatique, un nouveau genre de film voit le jour, qui ressuscite cette bonne vieille paranoïa, puissance 1000. On retrouve tous ces éléments dans l’adaptation de XIII sur le petit écran, même si les fans de la bande dessinée seront déçus par un casting pas très en accord avec le physique des protagonistes originaux. Tout à fait dans l'air du temps et programmé avec une actualité implacable - les élections américaines -, XIII constitue un divertissement plus qu'honnête, sachant intelligemment mettre au goût du jour le propos de la BD.