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espionnage - Page 2

  • Osterman Week-End (1983)

    Un film de Sam Peckinpah

    4710654971_5bb9b3bedb_m.jpg1982. Sam Peckinpah, le réalisateur des furieux et célébrés La horde sauvage (1969), Les chiens de paille (1971) et Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (1974), est épuisé. Une vie d’abus en tous genres, ainsi qu’un combat incessant mené contre les producteurs de ses films, l’ont détruit. C’est bien simple, la plupart de ceux-ci ont une version commerciale (celle diffusée en salle), et une version director’s cut, notamment sortie en DVD. Pour ce qui devait être son dernier film, il n’en serait même pas le cas.

    A ce moment-là, deux jeunes producteurs viennent trouver le cinéaste avec un projet d’adaptation de roman de Robert Ludlum, déjà bien en vogue à l’époque (une première version de La mémoire dans la peau, avec Richard Chamberlain venait de voir le jour). Sans réelle possibilité créatrice, Peckinpah accepte tout de même de réaliser le film qu’on lui demande, avec l’équipe qu’on lui adjoint. Il s’agit d’une trame d’espionnage où, pour se débarrasser d’un personnage gênant, la CIA met sur pied une histoire de complot soviétique. Laquelle lui sera servie toute chaude par un John Hurt tout en sournoiserie de regard (et quelle voix !), manipulant des images et des dialogues où l’on jurerait que les meilleurs amis du gêneur (Rutger Hauer dans son premier leading role américain) complotent contre les Etats-Unis. Une trame typiquement 70’s qui dégage un triste air de nostalgie. C’est dans le cercle amical que s’insèrent la suspicion et un malaise palpable.

    La première scène est remarquable. John Hurt et sa compagne font l’amour dans une chambre. La texture de l’image évoque un rendu vidéo miteux, grainé, aux couleurs brûlées et presque floues. Le spectateur, devant des images dépourvues d’écran-titre (il s’agit des toutes premières images du film), est troublé, et peut se demander si c’est la copie du film qui est en faute : la perspective de regarder le film sur toute la longueur, abîmé de cette façon, impose une répulsion quasi-physique. L’autre hypothèse qui peut traverser l’esprit est celle de la séquence vidéo prise sur le vif : hypothèse  a priori recalée par le montage de la séquence, alternant plans larges et gros plans. Le malaise ne se dissipera qu’à la faveur d’un zoom arrière, sur lequel se placeront enfin les crédits d’ouverture du film. Mouvement qui nous éloignera de la scène jusqu’à sortir littéralement de l’écran, en fait un écran de surveillance repassant une séquence prise par des caméras espions, et que regardent, tout comme nous, deux membres de la CIA. Ainsi explicitée, la séquence conserve tout de même un mystère étrange, celui du montage, et inaugure le film dans sa thématique des vidéo-montages (parfois) mensongers. Le film passant d’abord pour nous en couleur, alors qu’on s’aperçoit lors du zoom et d’une désaturation générale des teintes que les observateurs sont devant des images noir et blanc. Le montage, pareillement, brouille les pistes sur la nature des images, ordonnées cinématographiquement dans l’alternance gros plans / plans larges, alors qu’il ne s’agit que d’images volées. Peckinpah commence donc le film en nous jouant un tour, parant d’artifices (la texture de l’image étant, elle aussi, obtenue en post-production) une séquence prise sur le vif.

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    La femme de John Hurt morte (la vidéo ayant tout, dans le monde du film, d’un snuff), on a toujours du mal à se persuader de la teneur réelle de la séquence. Au montage, à la couleur, s’ajoute une mise à mort muette et invisible (une aiguille plantée dans le nez n’occasionnant ni trace de sang, ni cris, sinon ceux de surprise). De violente et rapide, comme doit être en vrai l’intervention des deux tueurs venus exécuter leur contrat, la mort de la jeune femme nous apparaît, par le prisme de la vidéo, ouatée et ralentie ; et comme John Hurt, on est totalement pris au dépourvu en se demandant ce qu’il vient de se passer.

    Même si John Tanner (Rutger Hauer) est un homme de télévision qui connaît les possibilité de trucage du médium, il croit Lawrence Fasset (John Hurt) quasiment dans l’instant : comme si le doute s’était installé bien longtemps avant sa convocation dans les bureaux de la CIA, terré mais bien présent, la confiance en autrui envolée.

    La plus grande partie du métrage se déroulera dans une belle villa où tout le groupe se retrouve périodiquement pour ces fameux Week-End Osterman, d’après la personne qui a initié ces rendez-vous. Suspicion, piques continues alimentées artificiellement par la CIA et leur caméra espions dont ils ont truffés la maison, font monter la tension entre les invités, faisant gamberger le spectateur sur la nature des agissement du groupe d'amis : ont-ils réellement quelque chose à se reprocher ?  La réflexion sur le pouvoir des images est bien là, magnifiée quelques années plus tard dans l’excellent Videodrome de Cronenberg. Pour autant, Osterman Week-end n’est pas une réussite ; la faute au montage, déjà, qui a échappé à Peckinpah, et aussi à sa marque qui ne survit pas dans les années 80. Le film semble dépassé, à cheval entre le pessimisme et la crise de confiance des années 70 d’une part, et d’autre part la dimension matérialiste des années 80, l’affichage de la réussite sociale, une sorte de pré-époque bling-bling ; pas un si mauvais film, mais vraiment bancal. La séquence de la femme guerrière à l’arc est momentanément excellente, par ailleurs reprise pour l’illustration d’une affiche dédiée au film, dans le style d’un Rambo. Une façon comme une autre de vendre le film comme ancré dans les années 80 ?

  • Les trois jours du Condor (1975)

    Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique du film de Sydney Pollack :



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  • Conversation secrète (1974)

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  • Sherlock Holmes à Washington (1943)

    Un film de Roy William Neill

    4558400446_611cbd7159_m.jpgPour le cinquième opus de la série Sherlock Holmes au cinéma, les scénaristes envoient le bon détective au Etats-Unis. Et, si l’on n’évitera le côté voyage touristique, à l’instar d’un Tarzan à New-York (Richard Thorpe, 1942), l’ensemble fait montre d’une très bonne tenue.

    Un document d’importance est confié à un agent des services secrets qui donne l’impression d’être un homme ordinaire, voire un peu maladroit. Craignant d’être attaqué lors de son trajet en train, il se débarrasse du document.

    Le film débute donc par une séquence de voyage, en avion puis en train. La séquence du train et très belle, montrant une belle maîtrise de l’espace ; la caméra détaillant chaque passager, s’arrête sur les discussions toujours spéciales d’amis d’un jour, le temps du trajet. Le subterfuge qui y survient aurait pu trouver bonne place dans un Hitchcock, où il aurait d’ailleurs été autrement mis en valeur ; mais la confusion ici, qui interroge le spectateur en lui faisant murmurer "Ais-je bien vu quelque chose d’important que les (autres) passagers ne semblent pas avoir remarqué ?", est assez fine.

    On retrouve le thème de la dispersion des éléments comme dans Sherlock Holmes et l’arme secrète ; et, comme précédemment, Sherlock Holmes se retrouve mêlé à une affaire qui relève entièrement de l’espionnage, plutôt que les crimes mystérieux auxquels il est confronté dans les récits de Conan Doyle. Ce film-ci, pour entériner la rupture d’avec ces histoires, est le premier du cycle à n’être directement adapté d’aucun texte de Doyle. On ne s’en plaindra pas tellement les dernières adaptations n’avaient d’adaptation que le nom. Et, dans le même temps, Roy William Neill semble plus à l’aise qu’auparavant, dans la dynamique des scènes elles-mêmes (fabuleuse scène du bal de la boîte d’allumettes) comme dans la liaison des différentes séquences. En effet, le tout ne manque pas de suspense, élément clé brillant par son absence jusque là, et la partition comique de Watson semble peu à peu prendre tout son sens. Les Sherlock Holmes dévient peu à peu de l’enquête criminelle vers un cinéma de la comédie policière, Watson offrant un contrepoint naïf et burlesque à un Holmes plus sec.

    Roy William Neill illustre l’aventure avec un beau sens du cadre, joue de la nature serialesque du film (le montage des visites aux antiquaires, typique dans leur cadrage en biais, très graphique). La circulation de la boîte d’allumettes, virevoltant dans un magnifique ballet des hasards, pour retourner dans la poche de son prime propriétaire, préfigure la séquence de la chaussure de Peter Sellers dans l’immense The Party (Blake Edwards, 1962). Le bad guy du jour, qui s’en sert cinq ou six fois pour allumer sa pipe, dans une séquence au timing impeccable, ne saura qu’au final la vraie nature de cet accessoire apparemment banal.

    Une aventure tout à fait recommandable, avec un Basil Rathbone toujours aussi bizarrement coiffé : c’est ça aussi, l’effet Sherlock...

    Précédents films chroniqués :
    Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
    Les aventures de Sherlock Holmes
    Sherlock Holmes et la voix de la terreur
    Sherlock Holmes et l'arme secrète

  • Sherlock Holmes et l'arme secrète (1942)

    Un film de Roy William Neill

    4542770024_fb352cbfeb_m.jpgSherlock Holmes, épisode 4 : Cette Arme secrète marque l’arrivée dans la série du réalisateur américain Roy William Neill, qui tournera l’intégrale de la série à partir de ce film-ci (11 films !). La direction ne change pas franchement, si ce n’est certains plans originaux en oblique dans les fondus enchaînés, sur la forme. Notons que ce réalisateur se sera spécialisé dans le serial, tout en signant notamment l’improbable cross-over Frankenstein rencontre le Loup-Garou (1943).

    Cette direction qui ne change pas, c’est déjà la fausse adaptation d’une nouvelle de Conan Doyle ; pour aujourd’hui, il s’agit de Les hommes dansants (The Dancing Men), récit assez fascinant dont on se doute tout de suite ce qui sera retenu dans le film : de mystérieux petits bonhommes dessinés apparaissent dans une maison, qui commencent à vriller l’esprit d’une jeune femme... On ne retrouvera donc que ces mystérieux symboles... qui se transforment en messages codés autour d’une arme convoitée par les nazis ! Rien à voir donc. Il aurait donc été plus honnête d’écrire "Inspiré par" plutôt que "Adapté de", tellement la situation de l’époque transpire et s’impose sur le matériau d’origine.

    Sherlock Holmes démarre directement dans le déguisement, d’un vieux marchand de livres proposant sa camelote à deux individus assez louches... ah ! Les fameux nazis ! Mais c’est une couverture évidemment, qui force le trait de cette belle mise en abîme en introduction. L’objet de toutes les attentions est le viseur Tobel, du nom de son inventeur, chez lequel se rend d’ailleurs Holmes, sitôt le rendez-vous terminé. Réussissant à contrecarrer les plans des fielleux nazis, ils s’envolent pour une Londres dévasté par la guerre, jusqu’au seuil du 221 B Baker Street. Gravas et briques démantelées plantent un décor de désolation. Une fois le viseur éprouvé par des essais concluants (on y observe toujours les stocks shots de l’armée, qui rapprochent les spectateurs de leur expérience quotidienne, ou en tous les cas rappellent un danger bien réel, donc plus prenant), le scientifique disparaît, laissant Holmes dans l’embarras avec la fameuse note énigmatique griffonnée des petits hommes dansants. Des symboles qu’on a bien trop tôt fait d’identifier comme un code, s’alignant bêtement comme sur le canevas d’une lettre, alors que la nouvelle ne livre pas plus de quelques symboles à la fois, toujours sur une seule ligne, laissant planer le doute beaucoup plus efficacement que dans le film.

    On voit aussi, dans le déroulement de l’intrigue, l’apparition troublante de Moriarty, laissé pour mort à la fin des Aventures de Sherlock Holmes, qui plus est sous l’apparence de l’acteur Lionel Atwill ; c’était George Zucco qui incarnait le nemesis du détective auparavant, alors qu’on avait déjà croisé Atwill dans le premier épisode de la série, Le Chien des Baskerville, dans le rôle du docteur Mortimer. Un chassé croisé qui ne touche pas à sa fin ici, puisque Zucco apparaîtra l’année suivante dans Sherlock Holmes à Washington, dans les habits d’un certain Richard Stanley... Une histoire en série à l’intérieur d’un serial à rebondissement !

    Comme si le premier déguisement de Sherlock Holmes ne suffisait pas, Ce dernier revient à la charge dans le dernier tiers du film, affublé d’une casquette de marin et de cirage pour simuler une peau hâlée par les croisières autour du monde... Au-delà de la performance d’acteur (réelle) de Basil Rathbone, le travestissement devient le running gag de la saga, aux dépens du naïf Watson qui ne reconnaît jamais son bon ami. Pas si éloigné que cela des récits de Doyle, cette transcription fait sens à l’écran et offre les très bons moments d’une saga pour l’instant inégale.

    La (fausse) fin de Holmes, soufflée par lui-même, à un Moriarty finalement loin d’être aussi ingénieux que Holmes (il perd totalement de sa superbe par rapport à sa première apparition, au début des Aventures de Sherlock Holmes), sonne le dernier round d'un épisode plutôt enlevé. Allez, au suivant !

    Précédents films chroniqués :
    Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
    Les aventures de Sherlock Holmes
    Sherlock Holmes et la voix de la terreur