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espionnage - Page 3

  • Cypher (2003)

    Un film de Vincenzo Natali

    3561573981_20f3d75dde_m.jpgMême si je ne pense pas que ce film soit "indéfendable", il reste tout du moins mésestimé par le plus grand nombre. Il s’agit s’un trip très construit, à cheval entre espionnage, SF et thriller paranoïaque, dans lequel Morgan Sullivan (Jeremy Northam) incarne l’homme ordinaire qui veut changer de vie : il devient alors espion industriel pour la firme Digicorp, mais ses missions sont, comment dire, loin de celles d’un James Bond, jugez plutôt : il se rend à des conférences pour enregistrer des discours sans intérêt... On se doute rapidement qu’il est utilisé.

    Opérant une variation chromatique tout au long du film, passant d’un ensemble désaturé qui s’agrémente peu à peu de couleurs, pour finir dans une apothéose bariolée, Vincenzo Natali construit son film par petites touches impressionnistes. Le moment du premier véritable envahissement de couleurs à l’écran accompagne ainsi la révélation conjointe, pour le personnage principal comme pour le spectateur, d’une première vérité, dans ce monde où l’information semble toujours cachée. De plus, le glissement progressif d’un genre à l’autre suit cette variation chromatique, et la découverte progressive de la vérité par Sullivan. Même si le début du métrage fait invariablement penser à un Matrix du pauvre, il ne faut pas s’y fier. Derrière un budget qu’on n’imagine certes pas à la hauteur des ambitions du cinéaste -les effets spéciaux sont très visibles-, le film déroule sa trame avec une droiture et une absence d’ironie qui le sert bien. Le jeu des doubles, illustré ici jusqu’aux antagonismes des multinationales qui s’affrontent, donne un léger vertige par la richesse des virages scénaristiques, qui s’estompera cependant bien vite, n’ayez crainte. La dernière partie, qui démêle le vrai du faux, est jouissive pour qui y est réceptif (j’en suis, évidemment).

    Lucy Liu est bien castée dans un rôle ambigu, personnage coloré et atypique dans un univers formaté où l’on ne parle que de données échangées, volées, à prendre... Jeremy Northam, quant à lui, a la bonne tête et les manières maladroites de l'homme dépassé par les événements, mais qui jouit en même temps de ce revirement dans sa vie. Northam reste, malheureusement, trop discret dans le paysage cinématographique.

    Ne se prétendant pas autre chose qu’un divertissement, le film surprend par sa foule d’idées, dont certaines sont franchement casse-gueule -la citation de La mort aux trousses, transposée de nuit, et l’apparition qui s’en suit-, mais qui organise tranquillement sa petite réussite, en sachant bien qu’il ne révolutionne pas le genre. Je rapprocherais volontiers Cypher d’un Passé Virtuel (Josef Rusnak, 1999), voire d’un Planète hurlante (Christian Duguay, 1996), deux films qui n’ont pas la réputation qu’ils méritent. Sans être des chefs d’œuvres évidents, ils sont des réussites, tant formelles que scénaristiques, et font du bien pour leur fraîcheur.

  • Capricorn One (1978)

    Un film de Peter Hyams

    3545201380_df83aa4bfa_m.jpgLa première originalité du film de Peter Hyams, réalisateur semblant fait avant tout pour filmer l’action (Timecop, Mort subite), est son incroyable idée de départ, un vaste complot politique qui aboutit à la falsification d’un voyage sur Mars. Alors que les médias de toute la planète sont focalisés sur le voyage et l’atterrissage des spationautes américains sur la planète rouge, ces derniers sont retenus dans un grand hangar, devenu pour l’occasion véritable plateau de cinéma, afin de simuler le bon déroulement de leur voyage.

    Cette idée s’inscrit dans la grande thématique du complot gouvernemental, comme on a pu le voir dans la vague de thrillers paranoïaques des années 70. D’ailleurs, on décèlera dans les dialogues du film une énième référence à l’affaire du Watergate, illustrée par une des plus grandes réussites du genre, Les hommes du président. Ce concept sera repris avec jubilation dans un fameux documenteur, Opération Lune, de William Karel, qui part du principe que le gouvernement américain aurait demandé l’appui de Stanley Kubrick pour réaliser le faux alunissage de la mission Apollo 11 (un faux documentaire extraordinaire).

    Si la première partie est bien de cette trempe, la seconde voit le journaliste Robert Caulfield (Elliott Gould, acteur rare) se focaliser sur les éléments inhabituels de cette mission, on retrouve alors la dimension journalisme d’investigation menacée par des instances et des intérêts qui dépassent tous les protagonistes. La troisième, plus spectaculaire dans l’action, voit une course-poursuite s’engager entre les spationautes et les agents du gouvernements. Le lien entre ces trois parties, relevant chacune d’un type de cinéma particulier, donne au film une richesse et une force indéniable. La poursuite est notamment très réussie, avec en point d’orgue un grand huit en avion qui décoiffe sévère, plus de 30 ans après sa réalisation.

    Lorsque nos trois spationautes se retrouvent dans le désert, il se dégage comme un parfum de fantastique, nous ramenant au premier Planète des singes, dans lequel l’arrivée des hommes sur ladite planète recèle de moments, de décors et de costumes identiques.

    Épaulé par un casting astucieux (mis à part O.J. Simpson, spécialiste du regard vide), il montre notamment un James Brolin charismatique dont la ressemblance avec Christian Bale peut parfois être troublante. La participation de Telly Savalas, monsieur Kojak (mais aussi temporaire Blofeld chez James Bond) est assez savoureuse.

    Haletant, soutenu par une caméra mobile, dont une grande valeur se dégage de son scénario incroyable, on découvre ici un film assez méconnu qui constitue en l’état un moment de cinéma à l’ancienne tout à fait honnête.

  • Tuer n'est pas jouer (1987)

    Un film de John Glen

    3254488321_6a543c7f3e_m.jpgChaque opus de la saga James Bond a ses particularités. On peut ajouter qu’encore plus, les changements d’acteurs dans le rôle-titre occasionnent à chaque fois des mini-révolutions du ton, de l’ambiance, tout en restant fidèle à certains passages obligés. Il est vrai que Vivre et laisser mourir (Guy Hamilton, 1973) ne ressemble pas à un Sean Conney, que GoldenEye (Martin Campbell, 1995) n’a rien à voir avec Permis de tuer, que Casino Royale est très différent de tout le reste et, que Tuer n’est pas jouer, premier film dans lequel James Bond est incarné par l’acteur britannique Timothy Dalton, n’a rien à voir avec Roger Moore. Ou presque.

    Timothy Dalton incarne ici un James Bond plus humain, plus faillible, moins super-héroïque. Plus sombre également, il instaurera pendant son court règne le noir intégral comme tenue de prédilection, élément inédit qui en dit long sur l’état d’esprit qu’il donne (lui, et les producteurs qui voulaient modifier l’approche du personnage) à Bond. Malgré tout, le film n’échappe pas à une certaine continuité Mooresque ; aussi étrange que cela puisse paraître, certains dialogues semblent tout droit sortis d’un Bond période Moore, avec effet comique à répétition inclus, comme cette poursuite automobile où Dalton, entre deux coups d’arme à feu, plaisante sur les subtilités techniques de sa voiture avec Kara, James Bond girl en titre interprétée par Maryam d’Abo (qui entretient une sacrée ressemblance avec Natassja Kinski, soit dit en passant). On pense aussi à la fin de la séquence pré-générique, où Bond, en mauvaise posture avec son parachute abîmé, tombe comme par magie sur un bateau de plaisance où l’attend une femme en mal d’aventures : étonnant pour Timothy Dalton, qui s’interdira pratiquement tout humour dans Permis de tuer.

    Lors de ce renouveau voulu de la franchise, l’accent est mis sur le retour aux sources ; entendons par là un récit d’espionnage dans la grande tradition de Bons baisers de Russie ; le trait tout à fait remarquable de ce Tuer n’est pas jouer réside dans l’accumulation de faux-semblants, caractéristique du genre, qui dominent toute l’histoire. La mission du pré-générique est une mission d’entraînement où les tirs sont à blanc ; mais, au cours de cette fausse mission, un élément va réellement tuer. Répond à cela la fausse reconversion du méchant Russe de service, Koskov (Jeroen Krabbé, vu dans les films de Verhoeven période hollandaise). Au sein de ses faux-semblants s’en insèrent d’autres, plus subtils : Kara nous est d’abord présentée comme une violoniste lors d’un concert au début du film, puis l’instant d’après comme un membre des tireurs d’élite chargé d’éliminer Koskov ; d’une part, c’est encore une couverture -Kara est en fait la maîtresse de Koskov, qui l’utilise pour brouiller les pistes-, d’autre part, elle n’est même pas un vrai sniper, mais part contre une vrai violoniste accomplie. Le faux-semblant est un peu plus complexe, comme celui qui consiste pour Bond à sortir avec Kara pour démêler le vrai du faux. S’il s’agit bien d’une mission, et donc d’un semblant d’affection, Bond va développer de vrais sentiments à son égard : dans la ronde interminable des faux que nous offre le film, les seuls qui jouent franc jeu sont Bond et Kara. Après la débandade de la fin d’exercice de Roger Moore, cette reprise réussie semblait inespérée. Même s’il est moins spectaculaire que le Bond suivant, Permis de tuer, cet opus apporte donc bien satisfaction ; la séquence pré-générique fait d’ailleurs preuve de beaucoup d’énergie, et les plans en vol sont assez exceptionnels. Seul l’éternelle rivalité est-ouest n’est pas si réussie avec son Russe caricatural (quel accent, quel jeu outré !). Du bon Bond, dans une saga jamais avare en surprises.

  • Permis de tuer (1989)

    Un film de John Glen

    3208608791_b15dcd0962_m.jpgPermis de tuer, réalisé par John Glen, alias le réalisateur attitré de la franchise dans les années 80 et grand spécialiste des scènes d’action, nous ferait-il, une fois encore, voyager dans ce monde étrange, peuplé de "je-veux-devenir-le-maître-du-monde" en puissance, d’armes chimiques, d’explosions multiples, de cascades irréalistes et surtout, de belles demoiselles ? Pas tout à fait, ou pas seulement. Cet opus de l’éternelle saga d’espionnage, tout en dérogeant à quelques-unes de ces règles, tient bien la route encore aujourd’hui, alors que d’autres épisodes plus récents ont terriblement mal vieilli (je pense aux Pierce Brosnan, sans exception).

     

    Pour situer mon approche par rapport à notre cher agent secret, il faut savoir que de tous, je ne peux plus regarder ce qui constitue la pantalonnade Mooresque, qui fait de Bond un dandy maniéré sortant des vannes très moyennes toutes les deux secondes. Dans cette optique, la personnalité que Timothy Dalton insuffle au personnage, toute en rudesse mais également emplie de fragilités, hisse sa performance au sommet de mon Bondomètre personnel. Dalton, félin, pousse l’humain sur le devant de la scène. Ses relations personnelles fondent son code de conduite. De plus, il apporte de belles nuances grâce à un jeu toujours impeccable, alternant retenue et éclats de violence. En totale rupture avec Moore, il dit adieu à l’humour, et bonjour à l’aventure la plus violente de l’histoire de la franchise avec Permis de tuer. Le film a d'ailleurs souffert de nombre d’interdictions que n’avaient jamais eu à déplorer les films précédents. De nombreux moments gore sont au rendez-vous, mais ce n’est pas tout : la scène durant laquelle Bond essaye de savoir si Pam Bouvier est de mèche avec l’ennemi, témoigne d’une violence verbale et psychologique impressionnante. Le personnage y gagne grandement en crédibilité, en proximité De même, l’objectif de la mission de Permis de tuer n’est pas, contrairement à la tradition, commanditée par le MI6, mais constitue bel et bien une vendetta personnelle durant laquelle Bond n’est plus Bond ; son statut d’agent secret et son fameux permis de tuer lui sont retirés. Cette dimension nouvelle offre un modèle plus subversif de Bond, plus tête brûlée, qui sera évidemment mis à profit dans le dyptique Casino Royale/Quantum of Solace et par le tenant du titre actuel, Daniel Craig.

    Le positionnement des James Bond girls, Pam Bouvier (Carey Lowell) et Lupe Lamora (Talisa Soto), est aussi bienvenu, s’engageant dans une dynamique de jalousie, formant avec Bond un ménage à  trois lors de certaines scènes détonantes autant qu’inhabituelles. De plus, le film laisse vraiment réellement à Bond le soin de choisir sa préférence, plutôt qu’une solution de facilité très souvent exploitée au cinéma (soit l’une des deux meure, a un autre amant, ou est la vraie méchante de l’histoire, bref).

    Le film étonne également par la place beaucoup plus grande qu’à l’accoutumée accordée à Q, assistant 007 sur le terrain. Il en ressort une certaine comédie, ce qui a toujours été le rôle privilégié de Q par delà les épisodes. La scène tordante dans laquelle il est déguisé en jardinier avec une grosse moustache et un balai rappellerait presque la folie de Clouseau pour les déguisements dans la Panthère rose ; las, la scène ne dure pas.

    La saga sait se renouveler, et ses choix sont payants sur ce film qui, 20 ans après, fonctionne toujours. Le rythme est enlevé, malgré une durée conséquente (2h07) ; les péripéties, nombreuses, auront néanmoins tendance à perdre le spectateur ; comment Bond, par exemple, arrive jusqu’à l’usine-couverture de Sanchez et pourquoi ce dernier, sachant que l’agent secret n’est pas où il devrait être, ne s’en méfie pas plus ? On dira que si Permis de tuer gagne à tout focaliser sur le Bond nouvelle formule -éprouvé avec succès sur Tuer n’est pas jouer (John Glen, 1987)-, on n’échappe quand même à la machinerie gigantesque qui rentre dans le cahier des charges plus traditionnel des anciens Bond, en vigueur depuis Opération Tonnerre (Terence Young, 1965). Machines incroyables, lieux paradisiaques un brin mégalo (mais alors, juste un brin), armées de seconds couteaux auxquels est réservé un sort peu enviable (mention spéciale à une irruption de ninjas), séquences d’action aussi démesurées que surréalistes (ici, au choix, poursuite de camions-citernes avec passage sur deux roues à la clé, risque de collision en vol camion/avion, et encore, Tuer n’est pas jouer est loin d’être le plus démonstratif dans l’exercice).

    Avouons-le, James Bond est le représentant quasi-unique d’un divertissement à échelle planétaire auquel on pardonne beaucoup de choses depuis le début (rappelez-vous quand même de Abondance Delaqueue, jeune fille qui accoste Bond, et à qui celui-ci répond : "ça vous vient de votre père, je pense ?", digne d’un American Pie). Un plaisir un peu honteux, une sorte de réalisation de fantasmes masculins variés qui fondent son succès public. Permis de tuer ne réussit cependant pas à être un grand succès à sa sortie, sûrement victime de ses écarts aux règles sus-citées. Malgré tout, le film tire sacrément bien son épingle du jeu et reste un épisode à part, marquant d’ailleurs la dernière participation de nombreuses personnes-clés de l’équipe, notamment Maurice Binder, qui réalisait ici son dernier générique et qui, grâce à son invention du fameux "gun barrel logo", avait défini l’image de la série dans son entier.

  • XIII, la mini-série

    Il est fascinant de remarquer à quel point certains événements traumatiques de l’histoire des États-unis restent vivaces, et ce même pour une génération qui n'est plus contemporaine dudit fait. L'exemple le plus flagrant est certainement l'assassinat de JFK, relayé par le célèbre film amateur d'Abraham Zapruder, qui nous fait revivre indéfiniment cet instant meurtrier comme si l'on y était. Le début de XIII, l’adaptation de la série de bandes dessinées de Van Hamme et Vance, débute par un meurtre similaire (l'assassinat de la présidente des États-unis) et donne à voir le même type de film que celui de Zapruder, avec ses effets tremblés, et une texture d’image qui rappelle le grain d’origine des terribles 26 secondes pendant lesquelles Kennedy a été tué, tourné en 16 millimètres.

    Le thème du film entre dans un courant contemporain du film de complots, illustré constamment dans l’histoire du cinéma depuis les années 70. On pense à la grande Trilogie de la paranoïa par Alan J. Pakula, Klute (1971) - A cause d’un assassinat (1974) - Les Hommes du président (1976), qui illustre une notion chère au pays en ces temps de guerre froide : la menace vient de l’intérieur. Ainsi, XIII applique ce concept à la lettre pour un résultat énergique, rappelant encore et toujours le personnage de Jason Bourne, Van Hamme et Vance ne s'étant par ailleurs jamais caché de leur inspiration.

    Revenons sur le film Zapruder et pointons du doigt une différence notable, qui indique un changement d’ère plus profond : au point de vue unique imposé (Zapruder) se substitue dans XIII une vision fragmentée, éclatée (lors de la scène inaugurale, on voit la présidente, mais aussi le building d'où est tiré le coup de feu et les réactions des passants face à l'horreur). Ce dépassement du champ (on montre le hors-champ qu'on ne peut deviner chez Zapruder, sans lequel toute résolution de l’affaire est illusoire) est à rapprocher du grand changement dans le monde de l’espionnage : le circuit de l'information et les technologies numériques. Alors que le modèle classique de l’espionnage consiste en un enchaînement de filatures, de couvertures et de recueil d'information laborieux (Les Hommes du Président, voire Bons baisers de Russie, pur film d’espionnage à l’ancienne), on a aujourd’hui pratiquement le phénomène inverse, où l'individu est piégé par avance devant la multitude d’indices qui l'identifie : suivi des mouvements bancaires, identification instantanée grâce aux fichiers de la CIA/FBI/,... Ce sont souvent les coupables, aux commandes de ces outils dignes du Big Brother de 1984, qui accumulent des fausses preuves pour coincer un homme là au mauvais moment, au mauvais endroit. Depuis l'avènement de l’informatique, un nouveau genre de film voit le jour, qui ressuscite cette bonne vieille paranoïa, puissance 1000. On retrouve tous ces éléments dans l’adaptation de XIII sur le petit écran, même si les fans de la bande dessinée seront déçus par un casting pas très en accord avec le physique des protagonistes originaux. Tout à fait dans l'air du temps et programmé avec une actualité implacable - les élections américaines -, XIII constitue un divertissement plus qu'honnête, sachant intelligemment mettre au goût du jour le propos de la BD.