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états-unis - Page 33

  • Delirious (2007)

    Un film de Tom DiCillo

    5084242541_2b4fec9dec_m.jpgDelirious fleure bon le film indépendant dans toute sa splendeur, regard doux/amer sur le monde et personnages paumés inclus. Un SDF (Michael Pitt) s'acoquine avec un paparazzi (Steve Buscemi) et s'approche par le plus fou des concours de circonstance d'une star de la pop, Kharma (Alison Lohman). Des mondes si étrangers (survie, misère sociale confronté au luxe et à la célébrité) qu'en se rencontrant, ils font sauter aux yeux leurs similitudes plutôt que leurs différences. Baignant dans un naturel qui semble pratiquement non feint (il y a fort à parier que de nombreuses séquences furent directement improvisées sur le plateau), le personnage de Michael Pitt reste constant malgré son ascension. Le film veut gentiment égratigner au passage l'absurdité des situations, le monde du show-business, la bêtise des programmes télé formatés... Tout cela a l'air bien sympathique dit comme cela (ou pas).

    Mais Tom DiCillo, qui nous avait bien fait marrer avec Box of Moonlight (et la prestation habitée d'un Sam Rockwell faisant corps avec son personnage) paraît peu assuré dans ce  exercice d'équilibriste entre odyssée surréaliste, comédie douce-amère, et regard sur les coulisses du star-system. Au point que le résultat manque d'homogénéité, basculant selon les séquences entre clip de mode, récit tragi-comique quasi documentaire, et love-story contrariée. Soutenue par une bande son très hype (Dandy Warhols, Elvis Costello qui s'offre une prestation clin d'oeil, The Cloud Room...), Delirious applique sûrement trop littéralement son titre pour être pris au sérieux en tant que conte surréaliste, et aborde finalement son sujet avec une fausse décontraction trop poseuse pour convaincre. On ressent en effet devant cette accumulation de clichés un manque de sincérité, et de naturel, aussi paradoxal que cela puisse sembler. Trop prévisible, la trame narrative est loin de passionner, en dehors des numéros d'acteurs toujours excellents de Steve Buscemi et Gina Gershon. Un faux film à la cool, destiné à faire sourire les bobos new-yorkais et autres, qui manque cruellement de point de vue :  comment passe-t-on du SDF à la star des médias ? On ne sent aucun mouvement, aucun regard critique, quand tout se termine en happy end. Essai raté pour le réalisateur du récent documentaire sur The Doors, When You're Strange.

  • Stargate (1994) vs. Transformers (2007)

    Deux films de Roland Emmerich et Michael Bay

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    Le combat cinématographique du jour oppose deux poids lourds, deux blockbusters qui ont plus de points communs qu’on pourrait le croire. Oeuvrant chacun dans le registre d’une science-ficion spectaculaire, épaulés par des moyens financiers importants (net avantage à la pesée à Transformers, 150 Millions $ contre 55 pour Stargate), les deux films dépeignent un monde, le nôtre, dont l’avancée technologique provient d’une civilisation extra-terrestre.

    Alors que, dans Stargate, la civilisation égyptienne trouve son origine par la venue d’extra-terrestres qui arborent les symboles plus tard connus sous le noms de hiéroglyphes et autres divinités animales, Transformers fait la part belle à un espèce robotique d’où provient en secret toutes les avancées technologiques significatives du XXème siècle. Le déclencheur de l’histoire, pour les deux films, réside dans un objet de la vie courante qui rapproche les spectateurs des personnages ; une simple paire de lunettes cassée pour Transformers, une carte des constellations trouvée dans un journal pour Stargate. Et finalement, un même rapprochement avec les constellations qui gravitent autour de la Terre : force universelle des mythes. Centrés sur objets parents, des volumes géométriques sans connotation (le Cube pour les Transformers, et la pyramide, pour Stargate, tous deux sources du pouvoir des espèces), les narrations se prêtent aux mêmes déploiements de force militaire. Ce thème paraît au premier abord secondaire mais éclaire au contraire une conception de l’histoire très américaine : d’une part, il remet tout à plat et redémarre l’Histoire de zéro (tous les pays, quelque soit leur participation dans les avancées technologiques ou l’histoire religieuse, est concernée), d’où l’aspect "universel" de ces films, et de l’autre, s’arrange tout de même pour que les découvreurs ou les exploitants soit de bons américains. Ainsi, c’est l’armée américaine qui conserve le Cube dans une base qui rappelle fortement la Base 51 dans le Nevada, et le Colonel O’Neil qui encadre la mission de reconnaissance dans le monde qui s’ouvre au passage du Stargate. L'histoire n’est donc plus le fruit du labeur des hommes et de leur ingéniosité, mais leur a été apporté, transmis par d’autres espèces, dont nous sommes réduit à exploiter et comprendre les techniques.

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    Comme souvent, tout ce qui touche aux extra-terrestres étant l’affaire de l’armée, seule force à pouvoir endiguer une potentielle menace : voir Le jour où la Terre s’arrêta (1951 et 2008), Mars Attacks ! (1996), Avatar (2009), Independence Day (1996), ... L’affrontement qui se joue, entre l’armée butée qui a toujours tendance à utiliser un bazooka pour tuer une mouche, et la communauté scientifique et intellectuelle, visant d’abord à comprendre son ennemi, est à l’œuvre. Les démonstrations de force se révèleront inefficaces devant la puissance de feu déployée par les extra-terrestres, technologiquement bien plus avancée que la nôtre ; dans Stargate, Râ ne dit-il pas avoir choisi la Terre pour sa facilité à être dominée, les humains étant à la fois si fragiles, et dans le même temps "si faciles à réparer" ?

    Le sérieux des autorités trouve un contrepoids dans le vrai héros de l’histoire, qui, dans l’un, est un scientifique gaffeur toujours dans la lune, et dans l’autre un gamin comme tous les autres ; alors que celui-ci ne s’attend pas à être soudain poursuivi par une horde de robots dans un combat dont il est totalement étranger, pour Daniel Jackson, c’est la concrétisation de ses rêves : démontrer que la civilisation égyptienne est plus vieille qu’on ne le dit, et que ce ne sont pas les égyptiens eux-mêmes qui sont responsables de la construction des pyramides. Ainsi, il est beaucoup plus dans son élément dans l’autre monde, celui de la science-fiction, que dans celui de tous les jours où il n’est qu’un ahuri que tous discréditent. La fin du parcours du scientifique fera tout à fait sens par rapport à cette transformation. Dans Transformers, par contre, le jeune Sam Witwicky vit sa rencontre avec les Autobots de façon traumatique : il passe son temps à courir, essayant d’échapper à l’appel science-fictionnel, tandis que Daniel ne demande qu’à s’y fondre, apprenant le dialecte des autochtones. Le décalage provoque la drôlerie et imprime un rythme effréné à Transformers, montage cut et shaky cam inclus, tandis que le rythme de Stargate va plutôt vers plutôt l’exploration d’un monde totalement nouveau, laissant le temps à certains plans d’introduction au monde où le spectateur s’émerveille. Le plan de la pyramide et des trois lunes, ou celui de l’arrivée de Râ avec son masque, tel une momie incarnée, sont toujours saisissants.

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    Bay et Emmerich sont tous deux des techniciens hors pair ; leur goût pour la démesure les attire toujours vers le films à gros budget qui défouraille à tout va ; et, à partir d’un moment, c’est ce qui se passe pour les deux films. Transformers lâchant au passage un début de film qui ressemble à un final pour tout bon film d’action qui se respecte. On l’a compris, Transformers lâche beaucoup plus de lest que Stargate concernant l’action, mais ce dernier n’est pas en reste : les représailles de Râ ne font pas dans la dentelle et casse d’ailleurs le rythme du film ; il laisse ainsi apparaître un squelette consacré aux cahier des charges classique d’un blockbuster, qui vise à maintenir l’attention de l’auditoire par de grandes scènes d’action qui ponctuent régulièrement le film. C’est peut-être la seule vraie sortie de route de Stargate, qui autrement donne vie à une mythologie dont les ramifications sur notre monde sont intéressantes. Tout comme Transformers, on ne s’étonne pas que la mythologie mise en place soit exploitée à d’autres occasions : films pour Transformers, de nombreuses séries pour Stargate, faisant écho au "On se reverra" final du Colonel O’Neil.

    Le terrain de jeu de Transformers, c’est la mythologie américaine, peuplée de voitures aux carrosseries brillantes et couleurs clinquantes et de jolies filles en débardeur ; il se situe aussi dans une dynamique de jeunisme typique des années 2000, avec son histoire centré sur un groupe d’adolescents : ce sont eux les piliers de l’histoire, certains rivalisant avec les scientifiques et les informaticiens les plus chevronnés. De plus, Transformers restant une série de jouets puis une série d’animation résonnant dans l’enfance des trentenaires d’aujourd’hui, le ton était donné. L’ambiance est donc très branchée et second degré, ce qui n’est pas le cas de Stargate.

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    Introduisant rapidement le traumatisme du Colonel O’Neil (son fils a perdu la vie en empruntant une de ses armes) et y revenant assez régulièrement, les bases psychologiques des personnages sont plus graves, même si l’humour ne manque pas. Sans aller jusqu’à abonder dans le sens d’Emmerich qui voyait dans Stargate son "Lawrence d’Arabie dans l’espace" ( ?!), on reconnaîtra sans peine une teneur plus adulte au film (notamment sur les questions de la mort et de la recherche des origines). Attention, cela ne veut pas dire que l’approche de Transformers est moins pertinente : le film est très sympa lorsqu’il s’attarde justement à la vie de Witwicky, plutôt qu’aux combats entre robots : une belle réussite dans le genre, cependant trucidé par un deuxième épisode affligeant.

    Entraînant son long métrage sur les terres du blockbuster épique, il lui adjoint la musique un brin pompière de Steve Jablonsky qui fait du Hans Zimmer. Pas inefficace, mais pour le coup pas vraiment second degré. On aura cependant du mal à ne pas en apprécier l’empreinte épique laissée par des morceaux comme Arrival to Earth ou Autobots. Malgré tout, voici deux films qui remplissent tout à fait leur rôle, adjoignant au plaisir de visionnage immédiat un vrai souffle. Et l’on se surprendra, de temps à autre, à repenser à ces robots trop humains pour être vrais, et à cette grande pyramide qui semble plus haute que le ciel lui-même. De bons exemples de blockbusters réussis, ce qui, on ne le sait que trop bien, deviennent de plus en plus rares.

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  • L'Arrangement (1969)

    Un film de Elia Kazan

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    D'Elia Kazan, nous n'avons vu que Baby Doll (1956) et Un tramway nommé Désir (1951). Ces deux films ont pourtant suffi à imposer l'image forte d'un réalisateur sensible, dépeignant sans concessions des univers où l'homme semble comme prisonnier de ses propres aspirations. Devant L'arrangement, l'on est instantanément saisi par la même puissance, les frustrations et l'indécision minant la psychologie d'un homme à qui tout, pourtant, semble réussir... sauf pour l'essentiel, peut-être. Mais quel peut-il être ? 

    Un publicitaire de renom crashe sa voiture dans un tunnel, en s'engouffrant sous un camion. Cette scène inaugurale pose les bases du sentiment d'enfermement dont le personnage (Kirk Douglas) veut se défaire, au péril de sa propre vie. Sa voiture étant cernée  par des camions de part et d'autres lui bouchant toute perspective, il comprend que son rêve de vie, sa véritable aspiration, lui ont échappées, lui qui voulait devenir écrivain et finit par composer des slogans publicitaires pour faire croire qu'une cigarette Zéphyr ne donne pas le cancer.

    Le film, débutant quasiment par cette scène, semble ainsi se dérouler à l'envers. Cette tentative de suicide sonne comme la fin d'un film déjà entamé, dont l'élément perturbateur a eu lieu bien avant. Et cet élément, central dans la dramaturgie ne prend par la forme d'une action, d'un accident, mais prend corps dans une personne : celle que va rencontrer Douglas (Gwen, jouée par Faye Dunaway), qui l'éloigne de sa vie bien ordonnée, aux côtés de sa femme (Deborah Kerr) et d'un boulot bien vu. Le rythme du film, tout en allez-retours temporels parfois dans la même image, illustre le labyrinthe psychologique de Eddie. Comme pour la scène où, alors au lit avec Deborah Kerr, il a des flashs de Faye Dunaway, cette dernière, le rêve, le fantasme de réalité, l'excitant beaucoup plus que celle qu'il est en train de vivre. 

    Kazan est assez proche de la sensibilité du romancier Tennessee Williams, les quatre collaborations artistiques entre les deux hommes en étant la preuve. On retrouve dans ce film la torture psychologique subie par le personnage central, à l'image du prêtre défroqué dans La nuit de l'Iguane (John Huston, 1964), ou le jeune Brick (Paul Newman) dans La chatte sur un toit brûlant (film de Richard Brooks sorti en 1958, d'après la pièce d'abord mise en scène par Kazan). Gratter le vernis de la réussite sociale, qui n'a de réussite que l'image globalement acceptée et valorisée par la société, là est le cheval de bataille de Kazan pour ce film-ci. Eddie n'en peut plus et erre à le recherche de son identité. Car l'arrangement du titre, Deborah Kerr fermant les yeux sur la liaison de son mari, n'était pas la solution.

    Kazan adapte son propre roman, très reconnu ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a mis beaucoup de lui. Le film est à l'identique : un passage de son film autobiographique, America, America (1963) est discrètement inséré pour illustrer le parcours du héros. Voulant Brando pour le rôle qu'il refuse, Kazan ne sera jamais satisfait de la performance de Kirk Douglas. Il jouait là peut-être beaucoup plus qu'il ne le voulait ; rempli d'une maîtrise formelle évidente et signé de la patte d'un vrai cinéaste. Malgré cela, on n'a pas l'impression de regarder un film complet ; fragmenté, ne donnant certes pas toutes les clés et constamment surplombé par une amertume inconfortable, la forme du film épouse la personnalité torturée du personnage, et que dans le même temps le projet cinématographique ne fonctionne pas. Les critiques n'ont pas été tendres avec le film, avec raison pensons-nous. Tout est là sans que l'alchimie fonctionne : acteurs, budget, scénario... Mais Kazan n'est pas là pour donner de solution, et c'est peut-être cela qui est frustrant.

  • Kick-Ass (2010)

    Un film de Matthew Vaughn

    5011734509_d2dee316f1_m.jpgLa note d'intention de Kick-Ass, le film (adapté du comic book de Mark Millar et John Romita Jr.) le rend instantanément sympathique ; un mélange d'action, de super-héros et de comédie, qu'on peut prendre dans l'ordre que l'on veut selon sa sensibilité. Les geeks verront plus le côté déconstruction du super-héros, d'autres beaucoup plus les passages ouvertement comiques, et les fans d'action seront comblés. Le film est, à ce titre, assez complet, tant  l'alchimie de ces dimensions dépasse leur simple somme mathématique. De ce type de film, Il y en a finalement assez peu, qui savent s'attirer cette forme de sympathie naturelle à un large panel de public ; cela tient, à mon avis, au très bon timing de la bande originale et au choix des morceaux qui la compose, qui collent aux baskets des images et leur impulsent un rythme syncopé, frénétique, tantôt plus calme pour appuyer l'iconisation du personnage principal. Le pool de compositeur (rien moins que quatre) signent chacun une partition exemplaire, entre électro, rock, pop et musique symphonique, John Murphy n'étant présent que pour -légèrement- remanier ses thèmes de 28 semaines plus tard et Sunshine.

    Le côté équilibriste du film est de se vouloir une déconstruction du mythe des super-héros, c'est-à-dire montrer que des personnages en collants incarnant des idéaux vivants, ne peuvent exister au premier degré. Car, dans le même temps, le film est totalement un film de super-héros au premier degré, au sens le plus noble du terme. Ainsi, lorsque l'on voit le premier plan du film, cet iconique homme-oiseau déployant ses ailes de métal au-dessus de New-York, accompagné du thème musical ouvertement John-Williamsien, on est dans le super-héros. La continuité de la scène, dans laquelle on découvre ce faux super-héros écrasé sur une voiture cinquante étages plus bas, on a la déconstruction : tout cela n'est que poudre aux yeux. Et surtout, ce n'est pas un américain comme le voudrait la tradition, mais un arménien un peu fou... Il me faisait surtout penser à Condorman, vous vous rappelez, cette production Disney du début des années 80 ? Ah oui, c'était sans parler de Hit Girl, gamine qui jure comme un charretier et bastonne mieux que dans Matrix. Elle bouffe l'écran à chacune de ses apparitions ; les studios, démarchés pour financer le film, se sont tous défilés à cause de ce personnage, définitivement trop politiquement incorrect. Ceux-là même qui, plus tard, voyant le fil terminé, ont dit : il faudrait plus de Hit Girl ! Et c'est vrai qu'on en redemande. Voir déambuler cette contradiction par essence, un soldat surentraîné dans un corps d'enfant qui demande des couteaux papillons pour son anniversaire, on appelle ça un coup de génie ou je ne m'y connais pas. 

    Mais, dans la scène qui clôture le film, on a bien deux super-héros contemplant le ciel sans nuages de New-York, musique compris, et l'on en restera là : ou comment commencer et finir par deux tableaux graphiquement similaires mais totalement opposés dans leur sens. C'est toute l'intelligence de Matthew Vaughn, réalisateur impliqué, que de faire passer ce grand écart... comme une lettre.

    Relecture colorée d'un point de vue graphique comme langagier, Kick-Ass (littéralement Botter des culs, faut-il le rappeler) dépeint le quotidien de Dave, un ado normal qui passe ses journées à se masturber, à aller au comic-shop et à être invisible à toute créature féminine. Son profil (comme son apparence) rappelle immanquablement Peter Parker, alias Spider-Man, alias Tobey Maguire. Le même Maguire qui, dans le très bon Pleasantville, était lui aussi invisible aux filles, passant la scène d'introduction à parler à une fille qui, elle, ne lui parle pas du tout... Point commun parmi d'autre entre Kick-Ass et Spider-Man, qui décale des scènes clés de l'emblématique film de super-héros, d'ailleurs une des seules réussite absolue sur le média : quitte à prendre un modèle, autant viser le haut du panier. Ainsi, on croisera une relecture du Un grand pouvoir nécessite de grandes responsabilités, le test du vol sur le toit ou encore les essais beaucoup plus comiques du costume. Tout le sel de Kick-Ass est qu'il passe plus de temps à voir son cul botté plutôt que l'inverse. D'autres super-héros passent à la moulinette des autres personnages comme Hit Girl, fillette de 10 ans qui manie les couteaux comme un marine, et qui nous gratifie d'une référence à Batman pas piquée des vers. Nicholas Cage est d'ailleurs très impressionnant dans son exercice de caricature de Batman, le film réunissant les icônes des deux firmes concurrentes, Marvel (pour Spider-Man) et DC pour Batman.  

    Selon la scène, le film oscille donc, dans une balance agile, entre les tons, les couleurs, les péripéties, dont l'énormité croissante offre un mix entre Tarantino et Sin City. Un vrai film comic book, sur les comics et pour les fans de comics. Le premier comic-book movie, serait-on tenté de dire, dans le top 3 des films de 2010. 

    Le blu-ray qui vient de sortir est très réussi, nous faisant entrer dans l'antichambre de la création, que ce soit du comics (très bon doc d'à peine 25 minutes qui arrive à être très pointu) que dans le film (un making-of monstrueux de 2h et une lecture du film commenté par Matthew Vaughn avec d'autres documentaires à la clé). On y découvre un réalisateur attentif aux moindres détails (le mixage son et la musique en premier lieu), perfectionniste au possible, et de fascinantes séquences notamment sur l'étalonnage numérique (cette scène est trop bleue, modifie les couleurs!) et sur les capacités de combat de la jeune Chloé Moretz, bluffants. En deux mots comme en cent, foncez!

  • Mondwest (1973)

    Un film de Michael Crichton

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    Pour nous dernier film à voir  du regretté Michael Crichton, Mondwest (Westworld en version originale) est aussi le premier essai cinématographique de l'auteur de Jurassic Park. Le déroulement du scénario de ce film rare (MAJ d'avril 2012 : enfin édité par Aventi en DVD et blu-ray) préfigure largement celui des dinosaures, dépeignant une sorte de parc d'attraction dans lequel les attractions vont se retourner contre les touristes.

    Le film débute par un journal télévisé où un reporter présente avec fièvre le dispositif de loisirs de Delos, interrogeant des touristes sortant juste de leur escapade. Crichton aime à cibler la télévision comme miroir déformant de la société, comme ce sera le cas pour Looker, dont le premier plan nous gratifie d'un film publicitaire.

    Dès cette introduction, la ligne de démarcation entre réel et/ fiction est ambiguë. On se vante d'avoir tué des cow-boys, d'avoir vécu comme au temps de l'ouest (ou à l'époque médiévale, ou romaine). L'hésitation d'un homme à qualifier son expérience, entre expérience réellement vécue mais dans le fond entièrement fabriquée, est très parlante. 

    Deux hommes, dont l'un a déjà tenté l'expérience par le passé, vont vivre à l'heure de l'ouest dans un environnement entièrement peuplé de machines, reproduisant dans un mimétisme confondant l'être humain. Il n'est donc pas possible de les différencier d'avec des humains véritables. C'est cette idée que j'ai trouvé remarquable dans le film, cette hésitation constante à qualifier ce qu'il se passe à l'écran en fonction de qui est dans le champ de la caméra. Robot ou humain ? Même le serpent, qui mordra vigoureusement un des deux hommes (James Brolin), est synthétique. Montrant les dangers d'un environnement peuplé de machines qu'on ne peut départager des hommes, Mondwest un vrai film cyberpunk avant l'heure, n'exploitant malheureusement que peu les potentialités de son sujet en or. Pour moi, Crichton, c'est un peu ça : un homme qui trouve des concepts géniaux mais qui ne sait pas les sublimer par le processus cinématographique. La progression narrative, notamment, est extrêmement lente, nous montrant plusieurs fois la même procédure sans valeur ajoutée (l'hôpital pour robots, une autre des passions de Crichton, alors futur producteur d'Urgences). Dans un monde fabriqué, peu d'enjeux apparaissent lorsque les robots sont à la botte des humains (ils se battent à chaque fois qu'un touriste a envie de sortir son pistolet), même si le film, finalement un des meilleurs de Crichton, réussit un truc énorme : les hommes couchent avec des robots ! Et, à ce qu'ils en disent, ils ne trouvent ça pas si mal...

    Un fois les décors plantés (les deux autres mondes ne font que de la figuration, le sujet du film étant bien uniquement le Westworld), les robots accusent de plus en plus de pannes : comme une rébellion contre une domestication forcée, ou bien encore la reproduction du processus de dérèglement de la société humaine. Car si l'exercice est factice en apparence, les balles sont bien réelles et peuvent tuer. L'univers du film semble d'abord extrêmement contrôlé, montrant une salle remplie d'informaticiens créant les codes nécessaires à l'application des tâches (ainsi, ils ne disent pas "tel personnage marche dans la rue et interrompt une conversation", mais plutôt "tangente delta à oméga, nouvel indice filaire", bref une interface numérique assez inédite à l'époque dans le panorama cinématographique américain, qui a toujours intéressé Crichton. Le Truman Show de Peter Weir ira même copier une séquence entière, celle où l'on découvre la mise en marche du monde le matin ; les personnages, d'abord immobiles, commencent à marcher et à vaquer à leurs occupations après un compte à rebours : mise en abîme du processus de tournage d'un film, lui-même mise en abîme de la création du monde. Mondwest est donc un film qui ne manque pas d’intérêt, mais cinématographiquement pas très réussi, faute de rythme et d'idées non abouties. Mais rien que pour Yul Brynner en cow-boy indestructible tout droit sorti des Sept mercenaires, ça vaut le coup d'œil...