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  • Les Révoltés de l'an 2000 (1976)

    Un film de Narciso Ibanez Serrador

    4598525179_fc15f75989_m.jpgUn traumatisme. Un malaise dérangeant et durable. Le cinéma mondial n’avait alors que peu de représentants du genre des enfants tueurs, si bien qu’on a du mal trouver un précédent valable. Le très bon Le village des damnés (1960), de Wolf Rilla, dont John Carpenter signa un honorable remake, semble le seul film à pouvoir rivaliser et devancer temporellement le sujet pourtant encore avant-gardiste de l’espagnol Serrador. Ce dernier, ayant tourné son film dans les années 60, ne le verra sortir en salles qu’à l’orée de 1976, qui plus est interdit aux moins de 18 ans dans de nombreux pays. Devant le nihilisme crépusculaire du résultat final, on ne peut que se rendre à l’évidence : Les révoltés de l’an 2000 avait une véritable longueur d’avance sur son temps. Le film a ainsi plus clairement à voir, formellement, et thématiquement, avec le cinéma des années 70, comme avec des perles de l’horreur comme le très perturbant Le monstre est vivant (Larry Cohen, 1974), L’Exorciste (William Friekin, 1973) La malédiction (Richard Donner, 1976), ou plus indirectement Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968) ou encore Chromosome 3 (1979) de David Cronenberg. Ces enfants, réceptacles d’un esprit démoniaque, seront une forme privilégiée du Mal dans le cinéma dépressif des années 70.

    De cette vague terrifiante, Les Révoltés de l’an 2000 constitue l’atomisant point de départ ; ou comment proposer une vision impensable, issue d’un des pires cauchemars de l’homme, mis à mort par son propre futur.

    Le titre original (¿Quien puede matar a un niño ?) pose l’interrogation légitime qui sous-tend le film, sans rapport aucun avec son très bis équivalent français. Le malaise ne vient d’ailleurs pas du simple fait que des enfants perpétuent des meurtres. Non, ici, c’est bien plus l’expression de nature enfantine dans l’espace du massacre, faite de rires, des visages éclairés par une espièglerie joyeuse, qui est particulièrement dérangeante. La cohabitation contradictoire de ces deux états installe durablement le malaise, la naïveté naturelle de la jeunesse ne s’accordant jamais, dans nos structures de pensées, avec la détermination meurtrière froide et sadique dont ils font preuve.

    Dès le début du film, et ce malgré les indices évidents qui sont soumis au spectateur (défiance de la population espagnole, cadavres rejetés par la mer, générique fait d’images d’archives atroces montrant des enfants défigurés ou morts au nom de la guerre), on continue d’ailleurs à douter de ce que l’on va découvrir sur l’île, avec le couple de touristes anglais qui veut y séjourner, fuyant le monde agglutiné sur la côte. D’abord face à un univers dénué de toute vie (aucun commerçant, vendeur, ou même un quelconque adulte sur l’île), ils se retrouvent confrontés à une population entièrement composée d’enfants, dont ils ne voient que peu de représentants. La situation, bien qu’étrange, en reste là durant un moment, d’autant que le temps est au beau fixe, et que la musique d’ambiance traduit en passages très La Croisière s’amuse. Le malaise a cependant débuté dès l’arrivée sur la côte, avec l’incompréhension de la jeune femme (enceinte) face à des locaux ne parlant que l’espagnol.

    Peu à peu, la présence de quelques enfants se fait menaçante (via une séquence angoissante au possible où une petite fille caresse le ventre de la femme enceinte), puis explose lors d’une scène choc, qui sera suivie par bien d’autres, jouant malicieusement avec un hors-champ totalement anxiogène. La science du montage qui arrive à faire monter progressivement l’angoisse ne décevrait en rien un Hitchcock. D’un film un peu étrange, Les Révoltés de l’an 2000 devient un pur film d’horreur. Les effets sonores, également, traduisent le changement d’optique, notamment via une scène de contamination d’enfants sains par d’autres déjà atteints. Les notes synthétiques poussent parfois le film vers un fantastique kitsch un peu indigne de la teneur générale de l’œuvre. Les dernières séquences sont d'un niveau tel qu'elles finissent de nous achever, nous laissant comme vidés.

    Véritable uppercut amer et désespéré, Les Révoltés de l’an 2000 continue d’être aujourd’hui à la limite du soutenable dans le fond comme dans la forme, illustrant la tendance d’auto-anéantissement à laquelle se livre continuellement l’humanité. Une image qui reste en mémoire longtemps, (bien ?) trop longtemps après la fin de visionnage. Beaucoup de réalisateurs hispaniques contemporain prennet ce film en exemple ; c'est une évidence à la vision des premiers films de Jaume Balaguero, par exemple. De son côté, le belge Fabrice DuWeltz aura voulu rendre hommage au film dans une boursouflure sans nom, sans signification, sans rien d’intéressant : stay original, regardez Quien puede matar a un niño, un de choc cinématographique aujourd’hui bien rare, avouons-le. En guise de dessert, vous pouvez avoir un avant-goût du film avec sa bande-annonce :

  • Mort sur le gril (1985)

    Un film de Sam Raimi

    crimewave.jpgAu sortir du succès d’Evil Dead, Raimi choisit la voie de la diversification avec la comédie loufoque qu’est Crimewave ; du cinéma cartoon co-écrit avec les frères Coen, dans le style du furieusement barré Arizona Junior. C’est bien simple : vous vous rappelez la séquence Tex Avery du restaurant dans The Mask (Chuck Russell, 1994) ? Etirez-la sur 1h30, rajoutez deux méchants grimaçant comme les compères cambrioleurs dans Maman, j’ai raté l’avion, secouez le tout avec un mélange de Jim Carrey et de Matthew Broderick dans le rôle principal (il s'agit en fait du comédien Reed Birney), et vous obtenez ce ticket pour montagnes russes qu’est Mort sur le gril.

    Les Coen au scénario, Raimi à la réalisation : le film hérite des deux paternités. Résumer le scénario n’est pas très important, tant il est accessoire ; Sam Raimi signe un film uniquement visuel, où les gags ne dépendent pas directement des acteurs mais plutôt de la façon dont ils sont filmés.

    Rami signe un chassé-croisé cartoonesque, à base de travellings avant à toute allure, de champ/contre-champ en ping-pong, tout en éclairages psychédéliques. Sur le rythme d'une rumba endiablée, on y fait des ronds de fumée en forme de danseuse affriolante (passage en image par image qui rappelle la séquence de la danse macabre en stop motion dans le premier Evil Dead), un méchant évite de peu les assiettes qui lui sont lancées à la figure, on joue à se faire coincer la main dans la boîte à gants -et on trouve ça drôle, en plus! -, bref, Crimewave, c'est un festival d'idées à la minute filmé avec une énergie - hystérie? - créatrice rare.

    La musique joue donc un rôle important, même si ni Joseph LoDuca, compositeur de la musique d'Evil Dead, ou Danny Elfman (Darkman ou encore les Spider-Man) ne sont de la partie. Rythmée, frénétique, enjouée, elle fait montre de l'artifice cinématographique, tout comme les décors en carton-pâte, souvent vides. Les quelques personnages de l'intrigue sont seuls à l'écran, se croisant sans cesse, à l'exception notable de la scène de bar. C'est dans cette configuration que se déroule la meilleure scène du film, où l'héroïne, pour échapper à son massif assaillant, ouvre les portes d'une exposition sur la sécurité et les caméras-mouchards -dont le héros est l'installateur. Devant elle se dressent alors une multitude de murs et de portes, donnant l'impression de se prolonger à l'infini, déconnecté de la réalité du dehors. Elle va donc passer les portes une à une, valsant à chaque fois entre les parois, dessinant un solo dansé mémorable. Elle est suivie par une caméra semblant être libérée de toute contrainte, dans un travelling latéral continu. En plan de coupe, l'affreux bestial offre un contrepoint parfait, tout en force brute, défonçant les murs les uns après les autres... Jusqu'à une porte blindée heureusement solide. L'espace de cette séquence nous aura transporté ailleurs, jusque dans un couloir indéfini hors du temps et de la réalité, déjà bien altérée, du film.

    Préfigurant certains aspects du très beau Darkman (l'hystérie des plans cartoon, appliquée ici au traitement plus tragique de la figure du super-héros), Mort sur le gril est, ne serait-ce que sur la foi de cette séquence, à découvrir de toute urgence. De plus, quand on commence son film par des nonnes lancées à toutes blindes dans une vieille voiture, de nuit, le film qui en découle ne peut pas être tout à fait mauvais... Encore que.

  • Sherlock Holmes : Echec à la mort (1943)

    Un film de Roy William Neill

    4584281589_9c3f032933_m.jpgLe réalisateur attitré de la saga bifurque de bien belle manière avec le sixième opus que constitue ce Sherlock Holmes Faces Death ; d’une orientation espionnage, nous voilà revenu à un whodunnit de la plus belle eau, où les cadavres s’amoncellent inexpliquablement. D’un récit situé à l’époque contemporaine du tournage (1943), Echec à la mort esquive le fait en beauté pour nous offrir un huis clos dans une demeure ténébreuse faite de recoins en tous genre, de passages secrets, de fantômes, de rafale de vent dans les rideaux et de personnages dérangés. Roy William Neill laisse également de côté certains de ses tics de mises en scènes pour quelque chose de plus classique, plus juste par rapport au matériau, le rendant irrésistiblement envoûtant.

    Le film est adapté d’une nouvelle de 1893 de Conan Doyle, Le rituel des Musgrave ; adaptation qui surprend par sa (relative) fidélité, compte tenu des épisodes précédents. Mieux que cela, les ajouts et modifications apparaissent cinématographiquement stimulants. Conformément au récit original, on retrouve Brunton, le majordome des Musgrave, dont le penchant pour l’alcool va précipiter le licenciement (c’est pour excès de curiosité sur des documents familiaux que la même sentence lui est édictée dans la nouvelle). Qu’est-ce donc que ce fameux rituel ? Un mystérieux poème que doivent déclamer les héritiers de la famille Musgrave, sans toutefois en saisir aucune signification pertinente.

    Le manoir Musgrave sert de centre de repos pour les soldats, ce qui en fait une sorte d’asile où chacun a son petit grain de folie douce : l’un d’eux démêle continuellement une pelote de laine, un groupe se prend de passion pour les écoutes clandestines... Il y règne donc un subtil parfum de démence générale. Comme contaminée par l’ambiance, l’horloge du manoir sonne parfois treize coups, annonciateurs d’un meurtre dans les heures qui suivent. Le procédé rappelle Sherlock Holmes et la voix de la terreur et son triste air à la flûte, qui semblait présider à la destinée funeste des personnages. J'aime bien le titre français, considérant la mort comme un personnage à part entière, celui qui fait sonner ces treize coups et dont le plan ne semble pas pouvoir dévier...

    Si, dans la nouvelle, le morceau de bravoure est une remarquable course d’indices sur la propriété des Musgrave, provoquée par le texte du rituel, le film se concentre sur la valse des suspects, dont certains perdent la vie en cours de route. L’explication des strophes du poème (par ailleurs totalement différent du livre) n’est pas pour autant laissée de côté ; une partie d’échec à taille humaine apporte un cachet visuel réjouissant à la séquence. La chasse à l’indice est cependant pour Holmes une route toute tracée, qui ne laisse pas de place au doute. Une autre belle séquence est celle du corbeau de l’auberge qui est sensible à l’odeur du sang, désignant dans son vol une proche victime : belle et sordide idée.

    Autre grande différence d’avec le film, la nouvelle prend pour une fois Sherlock Holmes pour narrateur, en lieu et place de son compère Watson. Le récit prend racine dans les dernières années de Sherlock Holmes et, Watson croyant tout savoir des enquêtes de son ami, découvre que des affaires antérieures lui sont restées inédite. Ce changement de dynamique bouleverse judicieusement le canevas type d’un Sherlock Holmes, pour devenir une des meilleures nouvelles du canon Holmésien. Et, une fois n’est pas coutume, le film lui emboîte le pas comme l’une des plus belles réussites cinématographiques dédiées au détective.

    Précédents films chroniqués :
    Le Chien des Baskerville partie 1 et 2
    Les aventures de Sherlock Holmes
    Sherlock Holmes et la voix de la terreur
    Sherlock Holmes et l'arme secrète
    Sherlock Holmes à Washington

  • Zoolander (2001)

    Un film de Ben Stiller

    4574088770_2de3ddeb64_m.jpgParmi la vague de comédies ouvertement débiles dont les Etats-Unis nous abreuvent depuis des années, Zoolander a une place à part. On avait parlé il y a quelques temps ici même du plus récent Ron Burgundy, présentateur vedette ; et, à l’instar de ce dernier, Zoolander est toujours aussi délirant visions après visions.

    Initialement créé pour la chaîne VH1 (qui produit le film, et offre le décor réel de sa cérémonie de remise des prix pour de la poilante première séquence), le personnage de Derek Zoolander, top model au QI d’un abricot sec, se retrouve mêlé à un complot visant à assassiner le Premier Ministre malaisien, qui veut revaloriser les salaires des travailleurs des ateliers textiles.

    Les scénettes s’enchaînent dans une succession hystérique, dures à suivrent pour les zygomatiques : la désormais culte bataille d’essence, le défi-défilé (arbitré par David Bowie sur Beat It de Michael Jackson), le complot sur le mannequinat nous ramenant aux heures des assassinats plus marquants (JFK et consorts), en passant par un combat break-dance et même une citation provenant de 2001, l'odyssée de l'espace, le film réussit son objectif 90% du temps ; pour le reste, on note un passage en cure de jour et un retour au source très minier un peu longuet.

    Si les scènes en elles-mêmes sont importantes, telles des mini-sketchs qui tentent d’en faire plus au fur et à mesure que le temps passe, le film ne serait pas grand-chose sans les acteurs, et en premier lieu un immense Owen Wilson dans le rôle du top model Hansel. Le spot de présentation qui lui est consacré aux VH1 Awards donne le "la" pour la suite, dans un narcissisme qui s’ignore, vraiment très drôle. Sa confrontation dans la boîte de nuit (à coup de Who are you tryin' to get crazy with, ese? Don't you know I'm loco?, citation tout droit sorti d’un morceau de Cypress Hill -merci à Nico, au passage, qui me l’a fait découvrir), suivi du défi-défilé, puis de la visite de son antre (des nains, un sherpa, un samoan et un gros tatoué participant à une orgie d’anthologie), c’est à son personnage que l’on doit les meilleures scènes. Mugatu (Will Ferrell) est aussi un énorme personnage, qui parodie à peine l’image que l’on peut avoir des créateur de mode, avec sa Déglingue, inspirée du mode vestimentaire des SDF et des "putes fumeuses de crack", tout cela bien avant Brüno de Sacha Baron Cohen.

    L’impressionnant défilé de guest stars -Winona Ryder, Billy Zane, Paris Hilton, Victoria Beckam, Natalie Portman, Donald Trump, Claudia Schiffer et sûrement beaucoup d’autres restés inconnus sous nos latitudes- participe à cette euphorie renouvelée, autant que le tsunami de marques connues qui fait du film un étonnant décalque psychédélique de la réalité.

    Tout se tient dans un ensemble de séquences très logiquement mises bout à bout, à l’aide d’un découpage parfois très cut dont MTV s’est érigé en modèle -Stiller ayant par le passé animé une émission sur la chaîne ; rappelons que, quelques années auparavant, Ben Stiller réalisateur nous avait aussi donné un Disjoncté bien meilleur que ce que ses critiques laissent à penser. Même si l’on a tendance à voir une sauce un brin trop rallongée, Stiller a la bonne idée de ne pas faire traîner les choses. Sans une ou deux scènes inutiles, on était proche d’un petit chef d’œuvre de comédie.

    A voir aussi :
    La légende de Ron Burgundy, présentateur vedette
    H2G2, le guide du voyageur galactique