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  • The Ward (2010)

    Un film de John Carpenter

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    Le dernier film du réalisateur de New-York 1997, Halloween ou L'antre de la folie est sorti directement en DVD en France. Après plus de dix ans sans nouvelles cinématographiques (sans compter, donc, les deux épisodes réalisés pour la série Masters of Horror en 2005-2006), est-un mauvais présage pour l'un des papes du genre fantastique / horreur ?

    Carpenter aime à reprendre à son compte les archétype et les références du cinéma d'horreur. On a pu le constater avec son remake du Village des damnés, sa relecture du personnage de l'homme invisible (Les aventures d'un homme invisible, 1992), son hommage aux cinéma de Hong-Kong (Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, 1986) ou encore son film de Vampires. Avec The Ward, une fois encore, il se réapproprie les codes d'un sous-genre particulier.

    1966. Kristen, après avoir brûlé une maison, se trouve internée dans un hôpital psychiatrique, peuplé de spécimens uniquement féminins. Le "film d'asile" doit désormais être compris comme un sous-genre du film d'horreur à part entière : déambulation de la caméra dans des couloirs cliniques et inquiétants, regards sombres du personnel, questionnements sur la santé mentale des protagonistes et donc de toutes leurs actions et paroles, doute sur la fiabilité des traitements administrés... Tout est là ; rajoutons une pincée de fantastique (les griffes d'une créature mystérieuse qui agrippe la jeune héroïne dès l'affiche cinéma, par ailleurs outrageusement pompée sur celle de Jusqu'en enfer). Peu de surprises attendent les aficionados du genre, et ne parlons même pas du final, piqué de plusieurs films plutôt récents (dont on taira les noms, capables à eux seuls d'éventer cette fin) avec une telle franchise que cela devient gênant.

    Mais alors, le spectateur s'y retrouve-t-il, dans cette histoire ? Tout d'abord, on peut faire confiance au sens de la mise en scène de Carpenter, toujours présent. Les travellings dans les couloirs, les panoramiques et plans larges, dans la salle de repos notamment, sont toujours efficaces lorsqu'il s'agit de faire naître une ambiance ; ici, un malaise, comme un petit rien qui cloche, constamment, nous interroge. Le passage du temps est totalement brouillé. Picturalement, par des jeux de fondus au noir récurrents et de surimpressions picturales flottantes ; dans la situation et les dialogues également. Le film constitue déjà un retour vers le passé, une époque révolue, les années 60. Dans l'hôpital, la question des traitements pratiqués est paradoxale : alors qu'une des jeunes patientes les qualifie de "futuristes", des internes s'étonnent, après l'observation d'une bonne vieille séances d'électrochocs, que ces mêmes traitements soient encore pratiqués, témoins d'un période, là aussi, lointaine. Carpenter s'amuse donc à brouiller les cartes par toutes les entrées possibles, au risque de s'attirer les foudres du spectateur. Celui-là pourra tout de même resté subjugué devant les beaux yeux d'Amber Heard, qui rappellent un peu ceux de Virginia Madsen, le belle de Dune, de Hot Spot, ou un peu plus tard, du terrifiant Candyman (Bernard Rose, 1993). Pour notre part, on se contentera de cela, le grand frisson promis ne nous ayant jamais, ici, véritablement étreint.

  • Rendez-vous pour un abordage cinématographique

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    Il ya quelques semaines, Mariaque, collègue blogueur prosant régulièrement sur ses Abordages, me proposait de rejoindre son équipe de chroniqueurs ; c'est avec plaisir que je répondis par l'affirmative, au même titre qu'Edouard de Nightswimming, le Dr. Orlof, Il Gatto, entre autres.

    Mon premier assaut vient d'être mis en ligne ; il s'agit d'une critique des Trois mousquetaires de George Sidney. Je vous engage vigoureusement à le lire, séance tenante, à cette adresse !

    Source image : Errol Flynn dans L'Aigle des mers © Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr

  • La double énigme (1946)

    Un film de Robert Siodmak

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    Du réalisateur, les films noirs sont fameux ; Phantom Lady (alias Deux mains la nuit lors de sa sortie sur les écrans français) et sa mystérieuse jeune femme qui disparaît, Pour toi j'ai tué et ses amants tourmentés, jusqu'à son sommet, Les tueurs et sa structure en flash-back (tournée la même anné que La double énigme), relativement nouvelle pour l'époque. 

    La double énigme commence de but en blanc comme un polar, par sa scène de meurtre dans un noir d'ébène. Les indices convergent extrêmement rapidement vers une jeune femme, aperçue par de nombreux témoins, sans doute possible. Il s'agit d'une femme affable voire très gaie, qui tient un bureau de presse ; mais, aussi vite qu'elle avait progressé, l'enquête marque le pas, lorsque la police rend visite à la jeune femme : les enquêteurs y découvrent sa sœur jumelle. Devant le silence du duo, il apparaît impossible de départager qui de l'une ou de l'autre a commis l'odieux crime. Entretenant une illusoire similarité physique, elles s'habillent dans leurs premières scènes communes de tenues identiques en tout point : étoffes, couleurs, coiffure. L'époque, antérieure aux relevés d'empreintes et aux relevés d'ADN, poussent les enquêteurs dans des retranchements ambigües : car s'ils ne peuvent identifier la coupable avec certitude, une certitude aussi importante s'impose du même coup, l'une des deux étant forcément la meurtrière. On voit bien là les deux limites du film : trop de possibilités induites par deux personnes physiquement interchangeables, et un suspense inexistant car l'on connaît par avance la meurtrière. Deux pièges que Siodmak va réussir à transcender.

    Du film policier, même du film noir pur jus, l'on passe  à une déclinaison très en vogue dans le Hollywood des années 40 : le film de psychanalyse. La même décennie voie Le secret derrière la porte de Fritz Lang et La maison du docteur Edwardes de Hitchcock, qui aimera à utiliser les ressorts psychanalytiques dans plusieurs de ces films (Vertigo, 1958,  Psychose, 1960, Pas de printemps pour Marnie, 1964). Jamais pourtant, autant que dans La double énigme de Siodmak, l'on ne nous aura expliqué de façon plus directe les principes de base utilisés par Freud. Associations d'idées, test de Rorschach ou encore l'importance des traumas vécus dans l'enfance. Un des buts du film semble clairement l'appropriation par les public des concepts de la psychanalyse, ou en tous cas la compréhension des pratiques phares. Le test de Rorschach est notamment décrit et expliqué avec moult détails par le médecin qui va se charger d'analyser les deux sœurs, en collaboration discrète avec la police. Pour achever le tableau, le médecin est amoureux d'une des deux sœurs, l'innocente bien entendu ; son travail n'est donc pas aussi désintéressé qu'on peut le croire, tant il veut avant tout découvrir laquelle est l'élue de son cœur pour pouvoir se déclarer. Au fil du récit, les deux femmes vont se différencier de plus en plus ; on pensera à d'autres film explorant cette dualité, Faux-semblants de David Cronenberg (1988) ou encore Sisters (1973) de Brian De Palma.

    Chaque pièce est en place, et chacun joue son rôle à la perfection ; mais les effets de surprise restent malgré tout très présents, notamment grâce à Olivia de Havilland qui réussit à habiter deux personnages complètement opposés ; l'on se demande même souvent laquelle est devant nos yeux, tant elles peuvent tromper  la fois les personnages du film, et nous-même. Siodmak et son directeur photo Milton R. Grasner (ce dernier avait éclairé l'année précédente La rue rouge, grand film noir de Fritz Lang) utilisent astucieusement les deux profils de l'actrice afin de dessiner des différences d'ombres, de regards, d'expression, comme un double inversé pas tout à fait raccord. Les nombreuses scènes de multi-expositions (où deux Olivia de Havilland sont présentes dans le même plan) sont bluffants. Dans un ensemble somme toute assez balisé, mais extraordinaire de maîtrise formelle, l'acte final est superbe, ménageant tout  la fois le suspense et bannissant un véritable happy end. La double énigme est finalement un ravissement au propos trop didactique. Mais quels grands moments !

  • Le mystère Andromède (1971)

    Un film de Robert Wise

    6905177656_1b7ce2befb_m.jpgAdaptation d'un roman de Michael Crichton, Le mystère Andromède (The Andromeda Strain, le titre original, utilise le vocable plus scientifique de "variété") a plutôt bonne réputation. Wise a plus de bons films à son actif que de mauvais, et même plusieurs grands classiques (Nous avons gagné ce soir en 1949, Le jour où la Terre s'arrêta en 1951, West Side Story en 1961, La maison du diable en 1963, ...). Certes, Crichton est lui aussi, loin d'être un manchot dans sa partie, le thriller technologique -sa courte filmographie n'est pas déshonorante non plus-. Rien n'empêche cependant Le mystère Andromède de consituter une vraie déception, malgré quelques rares qualités.

    L'argument : la population d'un village est intégralement décimée après la chute d'un astronef dans ses environs ; intégralement ? Pas tout à fait, un nouveau-né et un vieillard ont survécu. Dans le plus grand secret, une unité scientifique de pointe est mise sur pied pour étudier le phénomène.

    Le générique d'introduction plonge le spectateur dans un dédale de formules mathématiques multicolores, une nébuleuse scientifique, insistant avant même la première scène sur le nerf de l'histoire : la culture scientifique de pointe et, au-delà, l'expression d'une pure intelligence. Les images créées par Douglas Trumbull, roi des effets spéciaux d'avant la révolution numérique, devance de plus d'une décennie le générique étonnamment semblable de son Brainstorm (1983). L'aspect cartésien du générique s'oppose fortement aux impressions dégagées par la première séquence, celle d'un mystère qui semble puiser sa source dans la dimension fantastique. Le spectateur, comme les personnages, est baladé sur une scène quasi-muette dans laquelle le réalisateur omet volontairement d'expliciter quoi que ce soit. La menace qui plane n'est réelle que par l'étendue des moyens déployés pour la contrer : une armada militaire et scientifique. Seules, les conséquences de l'événement semblent avoir les faveurs de la caméra. Pour épaissir encore, s'il en était besoin, l'aura d'étrangeté du début du film, un filtre aux teintes terreuses colore les paysages, les visages, les objets. 

    Alors, lentement, très lentement, se mettent en place des éléments relevant d'un suspense paranoïaque comme en raffolent les réalisateurs américains en ces années 70 bien tourmentées. Omerta totale envers les médias, action limitée à des salles blanches souterraine sans aucun accès à la lumière naturelle, puis découragement progressif des scientifiques devant un mystérieux organisme. Des bandeaux noirs nous indiquent mécaniquement l'écoulement du temps.

    La gestion du temps est volontairement ralentie par le réalisateur, alors que parallèlement, les scientifiques semblent mener un contre-la-montre épuisant. La descente progressive dans la réserve où est précautionneusement conservée la fameuse substance n'en finit pas, les protagonistes passant de sas en sas, de douches de décontamination en changement de costumes, perdant peu à peu leur individualité pour être "conformes". Dans le même mouvement, les scientifiques devront regarder au plus profond de la substance, grossissant et grossissant des milliers de fois l'image au microscope, et balayant minutieusement chaque détail, pour arriver à leur conclusion. Si l'idée est séduisante, on peut perdre patience dans le paradoxe entre une menace terrible qui demande une résolution rapide, et le ralentissement volontaire de l'intrigue, à telle point qu'on imagine un instant que la substance toxique puisse n'être qu'un macGuffin, un leurre.

    Tant de suspense, aussi mal géré qu'il soit, génère une attente forte du spectateur, qui se retrouve finalement devant une solution tout à fait prévisible, surtout dans le contexte des années 70 (même si on appréciera une déviation du scénario au moment où une spécialiste restera comme hypnotisée devant le spectacle de la substance vivante). Si l'idée sous-tendue par le film pourrait être prenant, elle échoue à se rendre intéressante faute d'un traitement pas assez dynamique. C'est bien dommage pour ce film de SF parano d'un Robert Wise qu'on a connu plus inspiré.